Lorsque j’ai obtenu mon concours de professeur des écoles, je me suis interrogée sur le choix d’une pédagogie qui favoriserait l’apprentissage des mathématiques de mes 22 élèves de CE1. Philippe Perrenoud, figure de proue de la recherche en sciences de l’éducation définit la pédagogie comme étant une « réflexion sur l’action éducative en vue de l’améliorer. » D’autre part, il ajoute que la pédagogie englobe les actes d’enseigner et d’apprentissage du savoir. Nous nous appuierons sur la définition de Perrenoud pour la suite du mémoire. En premier lieu, avant d’être professeur des écoles stagiaire, j’ai eu l’occasion d’observer la pédagogie qui se base sur les théories du constructivisme, appelée pédagogie constructiviste. C’est pourquoi, à la rentrée scolaire 2016-2017, j’ai tenté de concevoir et de mettre en œuvre mes séquences d’apprentissage autour de la pédagogie constructiviste. Le constructivisme en pédagogie avance que l’apprenant n’intègre un savoir que s’il en construit « sa compréhension en le confrontant à ses représentations » . Le choix de la méthode constructiviste Cap Maths a été un modèle pour construire mes séquences d’apprentissage. Par ailleurs, ce choix a été fixé pour l’année 2016-2017 avec mon binôme. Ensuite, les séquences d’apprentissage de Cap Maths se composent d’une séance de découverte d’une situation problème, suivie d’une séance de recherche, puis d’une séance de mise en commun et enfin d’un séance d’entrainement. Toutes ces séances nécessitent un fort étayage de la part de l’enseignant. Cependant, en novembre, j’ai constaté un premier problème lors des situations d’apprentissages en mathématiques : la majorité de mes élèves comprenaient la notion en jeu mais contrôlaient peu ou sans efficacité leur résultats lors des séances d’entrainements, si bien qu’ils obtenaient des résultats incorrects. En parallèle, le second problème rencontré a été la difficulté à apprendre aux élèves à contrôler efficacement leurs résultats. Ensuite, C. une de mes élèves présente un trouble autistique. Elle est scolarisée et accompagnée le matin par son Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS). L’après-midi, l’AVS et C. utilisent la Méthode de Singapour. Cette méthode m’a été présenté comme étant très efficace pour les élèves en difficulté d’apprentissage. Par ailleurs, elle constitue le modèle de l’enseignement explicite en mathématiques dans le monde.
Recherches théoriques
Mobiliser efficacement des stratégies cognitives pour apprendre les mathématiques
La psychologie cognitive permet de mieux comprendre le processus d’apprentissage des mathématiques puisqu’elle explique le fonctionnement mental de l’élève lorsqu’il résout des problèmes en mathématiques. En ce sens, le psychologue australien, John Sweller a mené plusieurs travaux sur l’apprentissage lors de la résolution de problèmes, afin d’identifier les facteurs favorables à l’apprentissage. Ainsi, il a développé la « théorie de la charge cognitive » qui est encore suivie par de nombreux chercheurs en cognitivisme. Selon John Sweller, l’individu a besoin pour apprendre d’intégrer des connaissances dans sa mémoire à long terme. Celle-ci a le rôle de stocker les connaissances permanentes de l’individu. Ensuite, la « théorie de la charge cognitive » explique que pendant la résolution de problèmes, l’individu se construit une représentation cohérente de ce qu’il doit faire. C’est pourquoi, Swelle parle de la construction d’un « schéma » , qui permet à l’apprenant de traiter, d’organiser et de mobiliser ses connaissances d’un domaine spécifique de compétences. Environ vingt ans plus tard, les chercheurs en psychologie cognitive, Kirschner, Kester et Corbalan ont présentés des travaux prolongeant ceux de John Sweller. Aussi, pour ces trois chercheurs, la « construction des schémas » dans la mémoire à long terme représente l’un des deux processus de la « théorie de la charge cognitive ». Pour poursuivre, John Sweller avance qu’un individu novice (sans expérience dans un domaine spécifique) peut très bien donner un résultat correct du problème sans pour autant construire de schéma. En fait, la mémoire de travail de l’individu qui stocke les informations à court terme, est déjà monopolisée pour la réalisation de la tâche proposée. L’individu novice ne retient donc pas les stratégies utiles à la construction d’un schéma et qui l’ont amené à la solution du problème. Selon John Sweller, on distingue ainsi l’individu expert de l’individu novice par l’acquisition de schémas dans de nombreux domaines pour le premier. C’est pourquoi, l’individu expert automatise en permanence la mobilisation de ses connaissances dans sa mémoire à long terme. Kirschner, Kester et Corbalan, parle alors d’« automatisation des schémas » , qui constitue l’un des deux autres processus de « la théorie de la charge cognitive ». Il faut remarquer, qu’un apprentissage dans un nouveau domaine monopolise aussi bien la mémoire de travail de l’individu novice que de l’individu expert. Par conséquent, sans libération de la mémoire de travail, l’apprentissage est impossible. Dans cette logique, afin d’éviter une surcharge de la mémoire de travail et rendre l’apprentissage possible, l’élève peut mobiliser des stratégies pour construire et automatiser ses schémas dans sa mémoire à long terme. Une fois que l’apprenant aura intégré les stratégies, il pourra résoudre avec plus d’efficacité et de rapidité des problèmes complexes. Par ailleurs, les chercheurs québécois Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard définissent la notion de stratégies mises en jeu dans les processus d’apprentissage, dans l’ouvrage Enseignement explicite et réussite des élèves. Plus précisément, ils parlent de « stratégies cognitives » qui sont « un ensemble d’étapes à suivre dans l’exécution d’une tache (…) » D’autre part, les trois chercheurs avancent que les stratégies cognitives : « indiquent clairement aux élèves les actions à entreprendre pour comprendre et appliquer avec succès les différents contenus d’apprentissage ».
Enfin, pour les auteurs du livre Enseignement explicite et réussite des élèves, les stratégies cognitives seraient déterminantes dans la « construction de la représentation » de la tâche à effectuer. En effet, si l’espace de la mémoire de travail est insuffisant, l’élève stocke dans sa mémoire à long terme des connaissances erronées et se construit une représentation incohérente de la tâche à accomplir. Par conséquent, il aura des difficultés pour comprendre ce qu’il doit faire et construire le sens de la notion en jeu. C’est ce que nous verrons dans la souspartie suivante.
Nécessité de la construction du sens pour apprendre les mathématiques
Au préalable, l’acquisition d’une connaissance prend sens pour l’élève, quand il relie des données exogènes à ses propres connaissances.
En premier lieu, la construction du sens a été questionnée dans les années 1970. Les travaux portaient alors sur la place du sens dans la réussite scolaire face à la démocratisation de l’enseignement. D’autre part, le chercheur suisse, Philippe Perrenoud, s’est intéressé dans les années 90, à la construction du sens. Dans son article « Sens du travail et travail du sens à l’école » , Perrenoud esquisse trois thèses sur le sens. Nous nous attacherons à la première et à la troisième, à savoir : « Le sens se construit ; il n’est pas donné d’avance » et le sens se construit à partir « d’un ensemble de valeurs et de représentations. » Ainsi, avec ses deux thèses sur le sens, Perrenoud montre que le sens est un ensemble de représentations dans le processus d’apprentissage et qu’il est donc nécessaire de le construire. En regard des résultats de la recherche, l’enseignement constructiviste, pour qui la connaissance est construite par l’apprenant, a beaucoup pensé à la construction du sens par les élèves. Par la suite, les travaux en psychologie cognitive ont insisté sur le fait que seul l’élève peut apprendre et que chacun doit construire ses propres savoirs. Ces travaux ont nourri la construction du sens dans l’enseignement explicite. Ainsi, trente ans après les travaux de Perrenoud, les auteurs du livre Enseignement explicite et réussite des élèves ont à leur tour interrogé le rôle du sens dans le processus d’apprentissage vis-à-vis de la psychologie cognitive. Ces derniers ont postulé que tout individu dispose d’« acquis antérieurs » stockés dans sa mémoire à long terme. De ce fait, l’individu interprète les données exogènes arrivant dans sa mémoire de travail en les mettant en lien avec ses « acquis antérieurs. » Ainsi, les données exogènes sont traitées dans la mémoire à long terme de l’apprenant, lui permettant de s’en construire une représentation et de comprendre ce qu’il doit faire. Cependant, toujours pour ces trois auteurs, le traitement de la donnée exogène vers la mémoire à long terme n’est possible que si l’individu lui donne un sens. Pour résumer, pour ces trois chercheurs québécois, le sens se construit pendant le processus d’apprentissage et à partir d’un ensemble de représentations d’un individu, ce qui rejoint et explique scientifiquement la troisième thèse de Perrenoud. Seulement, les trois chercheurs insistent sur le fait que le sens permet « à l’élève de se construire une représentation de la tâche à effectuer ».
Finalement, Steve Bissonnette et Mario Richard, chercheurs en enseignement efficace, ajoutent dans leur livre La pédagogie – Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours , qu’« apprendre c’est modifier ses représentations jusqu’à ce que l’on comprenne et retienne l’objet d’apprentissage ». En conséquence, aider l’apprenant à modifier ses représentations, grâce à la mobilisation de stratégies cognitives, apparaît comme essentiel pour que l’élève réussisse ses apprentissages. C’est pourquoi, on s’intéressera dans la sous-partie suivante à ce qu’est l’enseignement explicite et à sa potentielle influence sur la mobilisation des stratégies cognitives.
Ce qu’est l’enseignement explicite
En premier lieu l’enseignement explicite n’étant pas encore trop démocratisé en France, il est essentiel d’expliciter ses spécificités dans cette sous-partie. En outre, John Hattie, un chercheur néo-zélandais, a travaillé sur l’enseignement explicite. Dans son livre Visible learning. A Synthesis of over 800 Meta-analyses Relating to Achievement , écrit en 2009, il définit l’enseignement explicite comme étant une «stratégie d’enseignement structurée en micro-étapes et fortement intégrées » . De plus, le scientifique néo-zélandais explique qu’avec l’enseignement explicite, l’enseignant s’efforce de rendre explicite les apprentissages à ses élèves. John Hattie précise que l’enseignant aurait alors un rôle de « meneur. » Alors que dans l’enseignement constructiviste, l’enseignant adopterait plutôt un rôle de « facilitateur.» Nous reviendrons plus en détail sur les rôles de l’enseignant suivant la la sous partie 1.4.2. « enseigner la mobilisation des stratégies cognitives de l’élève. » Par ailleurs, les auteurs québécois du livre Enseignement explicite et réussite des élèves vont de le sens de la description des spécificités de John Hattie et expliquent que dans l’enseignement explicite, les actions de l’enseignant relèvent fortement des verbes : « dire, montrer et guider. » Puis, nous allons voir la démarche de la pédagogique explicite. Selon les trois auteurs québécois, l’enseignant commence sa séance par une démonstration appelée « modélisation. » Il poursuit ensuite par une « pratique guidée » où il réalise la tâche en jeu en explicitant à ses élèves à voix haute les stratégies qu’il utilise. Enfin, l’enseignant termine sa séance par une « pratique autonome. » Lors de cette dernière phase, les élèves réalisent seuls la tâche en jeu. Ainsi, selon ces trois auteurs, le but de la démarche de l’enseignement explicite est d’opérer un transfert des stratégies cognitives de l’enseignant vers celles de ses élèves. Ces derniers, au fil des séances, pourront mobiliser des stratégies cognitives leur permettant de réaliser la tâche en jeu et ainsi les automatiser à la fin de la séquence.
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Table des matières
Introduction
1. Recherches théoriques
1.1. Mobiliser efficacement des stratégies cognitives pour apprendre les mathématiques
1.2. Nécessité de la construction du sens pour apprendre les mathématiques
1.3. Ce qu’est l’enseignement explicite
1.4. Les apports de l’enseignement explicite à l’enseignement constructiviste
1.4.1. Apprendre à mobiliser ses stratégies cognitives
1.4.2. Enseigner la mobilisation des stratégies cognitives de l’élève
1.5. Les Instructions Officielles
2. Pratiques d’enseignements
2.1. Contexte pédagogique
2.1.1. Cadre temporel
2.1.2. Variables observées
2.1.3. Cadre de l’enseignement
2.1.4. Méthodes utilisées
2.2. Mise en oeuvre de l’enseignement explicite comme complément à l’enseignement constructiviste
2.2.1. Préparation de la gestion des apprentissages
2.2.1.1. Additions posées et sans retenue des nombres jusqu’à 1000
2.2.1.2. Additions posées et avec retenues des nombres jusqu’à 1000
2.3. Analyse des résultats
2.3.1. Additions posées et sans retenue des nombres jusqu’à 1000
2.3.1.1. Première séance (Cap Maths)
2.3.2. Additions posées et avec retenues des nombres jusqu’à 1000
Conclusion
BiblIographie
Webographie
Annexes
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