MISE EN RELIEF DES INTERACTIONS ENTRE MONDE RURAL ET MONDE URBAIN
Le courant interactionniste
ยซ Les interactionnistes ont portรฉ un grand intรฉrรชt aux processus sociaux, impressionnรฉs qu’ils avaient รฉtรฉ tant par l’immensitรฉ du changement social que par ses potentialitรฉs. Simultanรฉment, ils ont postulรฉ que les รชtres humains sont des crรฉatures actives qui modรจlent leurs environnements et leurs futurs, et font face ร des contraintes qui pรจsent sur l’action. Ils ont adoptรฉ une position intermรฉdiaire entre une vision du monde sans aucune sorte de contraintes โ un monde qui dรฉpendrait entiรจrement de la volontรฉ humaine โ et la vision d’un monde structurellement dรฉterministe. ยป (Strauss, 1959). Lโinteractionnisme sโoppose dรจs lors ร un dรฉterminisme de lโordre social souvent considรฉrรฉ comme figรฉ dans le temps et rรฉpondant ร des rรจgles formelles. Il conรงoit les interactions sociales comme dynamiques et complexes selon un construit en lien avec lโenvironnement des acteurs. Ce courant sโoppose au structurofonctionnalisme qui conรงoit la sociรฉtรฉ comme un systรจme structurรฉ par l’adรฉquation logique d’un ensemble de statuts ร un ensemble de rรดles. Au contraire, il insiste sur la complexitรฉ de ces rรดles, en รฉtudiant la distance que l’acteur peut jouer par rapport ร ceux-ci et le caractรจre dynamique et souple de l’organisation formelle (Goffman, 1974).
ย La sociologie des innovations
La sociologie des innovations est ร mettre en relation avec la sociologie des sciences et de la traduction. Lors dโun entretien, B. Latour explique schรฉmatiquement que la sociologie des sciences ยซ sโintรฉressent aux objets de la science comme ร des acteurs. Elle regarde ce quโils font faire aux hommes et, rรฉciproquement, ce que les hommes leur font faire ยป (Latour, 1994). Les objets ne sont plus comme vus comme des choses, mais affectรฉs aussi de relations sociales. En effet, Latour se rรฉclame de la sociologie de lโ ยซ acteur-rรฉseau ยป qui, outre son attention ร des regroupements collectifs toujours mouvants, se caractรฉrise par le fait qu’elle intรจgre ร la thรฉorie sociale les ยซ non-humains ยป, considรฉrรฉs comme des acteurs ร part entiรจre. La principale opposition que ce dernier fait ร la sociologie jusque lร รฉtablie, est de croire que le social existe en lui-mรชme.
Lโapproche de cette รฉtude est dโobserver de quelle maniรจre lโinstallation de lโinstrumentation de lโaction publique influe la construction ou la dรฉconstruction des relations sociales. Pour rรฉpondre ร cette approche, et au vu des mutations et des dynamismes qui ont lieu dans le systรจme Fogareiro, jโai choisi de mobiliser une approche interactionniste et le courant de la sociologie des innovations qui me permettent de regarder lโinfluence des objets sur les interactions sociales. Ces deux courants apparaissent pertinents pour traiter, par exemple, des impacts sociaux dโun nouvel accรจs ร lโeau dans une zone oรน les dominants รฉtaient les seuls ร le maรฎtriser.
Mon approche de terrain se retrouve dans lโhypothรจse prรฉsentรฉe en introduction, ร savoir que tout projet de dรฉveloppement a un impact sur les liens sociaux. Mes hypothรจses et ma problรฉmatique ont largement รฉtait influencรฉes par cette idรฉe, qui relรจve sans doute de lโa priori. Nรฉanmoins, la mรฉthodologie de mon terrain sโest construite en fonction de celui-ci. Cโest bien la somme de cette approche du travail de terrain et les apports bibliographiques qui mโont vรฉritablement permis de dรฉfinir de maniรจre constructive mes hypothรจses et ma problรฉmatique initiale. Cโest dans cette dynamique, que jโai choisi dโaborder en premier lieu ma mรฉthodologie de terrain puis mon raisonnement de recherche.
Mรฉthodes dโenquรชtes utilisรฉes et dรฉroulement du travail de terrain
Lโorganisation du travail de terrain sโest dรฉroulรฉe selon 4 รฉtapes. La premiรจre a รฉtรฉ la phase de dรฉcouverte par le biais dโentretiens informels et la lecture de la bibliographie locale. La seconde fut dรฉdiรฉe ร lโรฉlaboration de la mรฉthodologie avec la construction du questionnaire, de cartes et le choix des acteurs et des localitรฉs. La troisiรจme constituait la pรฉriode des entretiens semi directifs dont le dรฉroulement et lโorganisation sโest adaptรฉe aux rรฉalitรฉs du terrain. La quatriรจme รฉtait la conclusion de ce travail auprรจs des acteurs par le biais dโune restitution/validation. Lโenjeu dans cette dรฉmarche รฉtait dโaborder par une approche inductive et qualitative mon terrain afin de construire une vision globale du systรจme. Ces quatre รฉtapes relatent les obstacles et les apports dโune dรฉmarche interdisciplinaire lors du travail de terrain.
ย Dรฉcouverte du terrain : apprentissage et premiers entretiens
Tout au long de mon travail de terrain, jโai mis en ลuvre une dรฉmarche inductive, afin de faire รฉvoluer mes interprรฉtations en fonction des donnรฉes de terrain (Guillemette, 2007) et qualitative, par le biais dโentretien semi directifs. Tout ceci en adoptant une observation participante, technique par laquelle le chercheur sโimmerge dans une culture afin dโen comprendre le vรฉcu et les rรจgles internes. Lโobjectivitรฉ sociologique รฉtant de rigueur, il me semble nรฉanmoins quโelle soit difficilement accessible. Cโest pourquoi jโai fait le choix dโutiliser le pronom ยซ je ยป au cours de lโรฉcriture de ce rapport, car malgrรฉ les efforts dโobjectivation mobilisรฉs, je reste ร ce titre acteur de mon terrain.
ย Lโapprentissage : langue et paysage
Les trois premiรจres semaines de mon stage ont รฉtรฉ consacrรฉes ร lโapprentissage du portugais et ร me familiariser avec la vie quotidienne du Brรฉsil. Loger dans une famille locale mโa appris rapidement quelques rรจgles domestiques qui mโont permis plus tard de ne pas faire dโimpondรฉrables lors de mes entretiens. Parallรจlement ร cet apprentissage, mon encadrant sur le terrain, mโa emmenรฉe dans la vallรฉe de Forquilha, voisine de celle oรน je travaillais et zone oรน il a effectuรฉ son doctorat, pour mโexpliquer les bases de lโagronomie et de lโhydrologie nรฉcessaires pour la comprรฉhension de mon terrain.
Les premiers entretiens : premier contact avec les acteurs
La porte dโentrรฉe de mon stage sโest effectuรฉe par la COGERH de Quixeramobim. Les employรฉs de ce bureau de gestion ont รฉtรฉ les premiers acteurs avec lesquels je suis entrรฉe en interaction pour deux raisons. La langue est la premiรจre. En effet, ayant appris le portugais avec des gens de Quixeramobim, il รฉtait plus aisรฉ pour moi de parler en premier lieu avec des acteurs qui avaient le mรชme accent. La seconde est quโelle constituait ma porte dโentrรฉe pour apprรฉhender le terrain. Mon systรจme รฉtant dรฉfini spatialement par les infrastructures hydrauliques, les agents de la COGERH mโont explicitรฉ lโutilitรฉ de ces derniรจres et les problรจmes de gestion quโils rencontraient.Rapidement, je suis allรฉe dans lโintรฉrieur, aidรฉe par un technicien du secrรฉtariat agricole qui me servait de conducteur. Il รฉtait donc extรฉrieur ร la zone ยซ rurale ยป de mon systรจme. Durant cette phase, jโai pris connaissance des localitรฉs, des routes, des รฉquipements et des paysages qui composaient la zone. Jโai effectuรฉ une trentaine dโentretiens informels au cours desquels jโexpliquais ma prรฉsence et je posais des questions ouvertes sur les activitรฉs agricoles, sur lโapprovisionnement en eauโฆ Le technicien mโa aidรฉ ร comprendre ces discussions informelles en simplifiant les expressions utilisรฉes. Cette simplification รฉtait inรฉvitable avec tous les inconvรฉnients que cela entraรฎne. Avec le recul, je me rends compte que sa prรฉsence nโa pas tant influencรฉ mes enquรชtes et mโa permis un bon premier contact avec la population. Les entretiens se sont dรฉroulรฉs au hasard des rencontres, me permettant dโapprรฉhender un vaste รฉchantillon de la population sur lโensemble de mon systรจme. Parallรจlement, jโai continuรฉ ร interagir avec les acteurs de la COGERH, ร prendre connaissance avec la bibliographie locale et ร travailler sur des outils cartographiques afin de construire une reprรฉsentation spatiale des รฉlรฉments recueillis. Cette spatialisation mโa demandรฉe un travail de synthรจse auquel je nโรฉtais pas accoutumรฉe. Ce nโest que plus tard que le rรดle des cartes รฉtablies mโest apparu. Ces cartes constituaient un objet de traduction du langage de chacun et de chaque discipline.
Cette premiรจre phase a durรฉ environ 1 mois et mโa permis dโรฉtablir mes premiรจres hypothรจses ร partir desquelles, jโai choisi les localitรฉs et les acteurs sur lesquels je me suis concentrรฉe et construis les questionnaires semi directifs.
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Table des matiรจres
LEXIQUE
LISTE DES SIGLES
INTRODUCTION
I AU COMMENCEMENT : UN CAS DโETUDE ANCRE DANS LโHERITAGE HISTORIQUE REGIONAL ET DANS LE DYNAMISME NATIONAL
I.1 LE SERTรO, UNE RรGION SEMI-ARIDE ร PROBLรMATISER
I.2 CADRES THรORIQUES GรNรRAUX UTILISรS POUR ABORDER LE TERRAIN
I.3 MรTHODES DโENQUรTES UTILISรES ET DรROULEMENT DU TRAVAIL DE TERRAIN
I.4 LโANALYSE DES INTERACTIONS ENTRE MONDE URBAIN ET MONDE RURAL : APPLICATION ร MON CAS DโรTUDE
II LA COGERH : UNE PARTICIPATION INSUFFISANTE DES USAGERS MAIS PORTEUR DโUNE IDENTITE TERRITORIALE
II.1 LA COGERH : UNE INSTITUTION DรDIรE ร LA GESTION DE LโEAU ET UN ACTEUR DES LOGIQUES POLITIQUES LOCALES
II.2 LES OUTILS INSTITUTIONNELS DE LA GESTION : DES OBJETS DโINTERACTION ET DโAPPROPRIATION
II.3 LES USAGERS NE FONT PAS CONFIANCE ร LA COGERH
III LโINSTRUMENTATION DE LโACTION PUBLIQUE DEVELOPPE INDIRECTEMENT LES LIENS FAMILIAUX ET TRADITIONNELS ET APPUIE LA LEGITIMATION DES RAPPORTS PATERNALISTES
III.1 LES FAZENDAS ET LES COMMUNAUTรS : UNE GESTION DE LโEAU QUI SโAPPUIE SUR DES ยซ LIENS DOMESTIQUES ยป
III.2 LES LEADERS ร LโINTERFACE DE LA VILLE ET DU RURAL : LโEXEMPLE DES ASSOCIATIONS COMMUNAUTAIRES ET DES INTERACTIONS AVEC LA COGERH
IV LES AUTRES LIENS SOCIAUX ENTRE LES PERSONNES CONCERNEES PAR LA GESTION DE LโEAU : INNOVANTS OU ANCIENS MAIS INFLUENCES PAR UNE INTERVENTION EXTERIEURE
IV.2 LโINTERVENTION EXTรRIEURE DE LโETAT CRรร DES INTERACTIONS ENTRE LE MONDE RURAL ET LE MONDE URBAIN
CONCLUSION
MISE EN RELIEF DES INTERACTIONS ENTRE MONDE RURAL ET MONDE URBAIN ABORDรES LORS DE CETTE รTUDE
DโUN PROBLรME URBAIN/RURAL AU BRรSIL
RETOUR SUR LA SOLIDARITร
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE 1 : DECOUPAGE EN 11 BASSINS DE LโETAT DU CEARA
ANNEXE 2 : REPRESENTATION GRAPHIQUE DE LโECHANTILLON DโENQUETE
ANNEXE 3 : REPARTITION DE LA POPULATION DANS LES 29 LOCALITES DU SYSTEME FOGAREIRO
ANNEXE 4 : REPARTITION DES DEMANDES EN EAU DANS LE SYSTEME FOGAREIRO
ANNEXE 5: SCHEMA DE LA COGERH DES VALVES DE LโADUCTEUR
ANNEXE 6 : LIENS DE PARENTE DU GROUPE A
ANNEXE 7 : REPRESENTATION DES RESEAUX LAITIERS DANS LE SYSTEME FOGAREIRO
ANNEXE 8 : PRESENTATION DES ASSOCIATIONS COMMUNAUTAIRES EN FONCTION DES LOCALITES ET DU NOMBRE DโASSOCIES
ANNEXE 9 : QUESTIONNAIRE SEMI DIRECTIF
ANNEXE 10 : GRILLE DโENTRETIEN
ANNEXE 11 : ESSAI DE MODELISATION DES INTERACTIONS URBAIN/RURAL
ANNEXE 12 : PHOTOS
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