Historique : Évolution du langage autour du concept de « psychose »
Au Moyen-Âge, le fou est celui qui est dépourvu d’esprit. Le terme « folie » comporte une forte connotation négative d’un point de vue moral, il signifie la démesure, l’excès, l’absence de raisonnement. Au début du XIXe siècle, Philipe Pinel (1745-1826), médecin aliéniste, à qui l’on doit la première classification des maladies mentales bouleversera le regard sur les « fous » en affirmant qu’ils peuvent être compris et soignés. Il proposera donc de ne plus parler de « folie » pour éviter le jugement trop négatif qui lui est intrinsèquement attribué, mais remplacera ce terme par « aliénation mentale » – personne étrangère à elle-même. Néanmoins, cela ne suffira pas à bouleverser le regard négatif et hostile qui restera posé sur ce type de pathologie. Jean-Pierre Falret (1794-1870), médecin psychiatre disciple de Pinel, proposera un autre terme, peut-être moins dramatique, moins fort avec l’appellation « maladie mentale ». En suggérant ce terme, le docteur Falret souhaite introduire le malade mental dans la même catégorie que tous les autres malades. Malgré cette démarche pour une terminologie, et donc une opinion, moins stigmatisante, ce vocable n’aura pas de succès car il est vite considérécomme trop général, trop global et ne distingue pas les différents seuils de gravité. Le terme « psychose », lui, fut introduit au XXe siècle et employé pour la première fois par un médecin autrichien, le baron Ernst Von Feuchtersleben, en 1845, comme alternative aux termes vus précédemment. Il dérive du grec « psyche », esprit, et « osis » qui signifie condition maladive ou anormale. C’est un terme qui désigne les affections mentales les plus graves, caractérisées par une atteinte globale de la personnalité. Le terme est souvent utilisé avec un adjectif qui indique la nature, l’étiologie ou un caractère dominant de la pathologie. Selon les courants psychiatriques et le système psychopathologique auquel il se réfère le mot peut prendre plusieurs sens : on parlera de structures psychotiques, de pôle d’organisation de la personnalité psychotique, etc. C’est le psychiatre allemand, Emil Kraeplin qui posera les fondements d’une séparation nette entre troubles psychotiques et troubles névropathiques. Plus tard, Sigmund Freud a repris la séparation entre psychose et névrose dans son système psychopathologique. Par exemple, Eugène Minkovski a abordé les psychoses sous un angle phénoménologique, Henri Ey sous celui de l’organodynamisme, etc.
Les Troubles Envahissants du Développement d’après le DSM IV
« Les troubles envahissants se caractérisent par des déficits sévères et une altération envahissante de plusieurs secteurs du développement – capacités d’interactions sociales réciproques, capacités de communication – ou par la présence de comportements, d’intérêts et d’activités stéréotypés. Les déficiences qualitatives qui définissent ces affections sont en nette déviation par rapport au stade de développement ou à l’âge mental du sujet. Ce chapitre comprend le Trouble autistique, le Syndrome de Rett, le Trouble désintégratif de l’enfance, le Syndrome d’Asperger et le Trouble Envahissant du Développement non spécifié. Ces troubles apparaissent habituellement au cours des premières années de la vie et sont souvent associés à un certain degré de Retard mental qui, s’il est présent doit être codé […]. Les Troubles envahissants du développement s’observent parfois en association avec un groupe varié d’affections médicales générales (p. ex., anomalies chromosomiques, maladies infectieuses congénitales, lésions structurelles du système nerveux central). Lorsqu’existent de telles affections, il faut les coder […]. Bien que les termes de « Psychose » et de « Schizophrénie infantile » aient été un temps utilisés pour désigner ces affections, on dispose maintenant d’un nombre considérable d’arguments suggérant que les Troubles envahissants du développement sont distincts de la Schizophrénie.
Éléments de linguistique et formation de l’inconscient
Il s’agit d’introduire certaines notions qui permettront d’éclairer les parties à venir, ainsi que d’aborder la formule désormais célèbre de Lacan : « L’inconscient est structuré comme un langage ». Celle-ci, comme l’explique Bernard Golse, exprime le fait qu’inconscient et réalité entretiennent entre eux un même rapport que signifiant et signifié, ou encore que « les fantasmes, le discours et le comportement du sujet sont les signifiés d’un signifiant inconscient ». Avec F. de Saussure émerge la dimension synchronique dans l’étude de la langue, dimension qui se voit alors être privilégiée aux dépens d’une perspective purement diachronique (qui envisage les phénomènes linguistiques du point de vue de leur évolution historique). Apparaît ainsi l’idée que c’est du système de la langue que dépend la signification, système régi par un certain nombre de lois d’équilibre et de propriétés radicalement nouvelles. Ce point de vue, dit ‘’structuraliste’’, va permettre d’apprécier le rapport fondamental qu’il existe entre sens et signe. Lacan va adopter certaines de ces propriétés de la linguistique structurale et les appliquer sur le terrain de la psychanalyse. A la structure de la langue va alors se voir rapportée la structure de l’inconscient. En effet, « c’est l’acte de langage lui-même qui fait advenir l’inconscient et le lieu où il s’exprime ».Nous nous intéresserons en premier lieu aux principales notions abordées en linguistique structurale. Ensuite, nous verrons en quoi la structuration de l’inconscient peut être rapportée à celle du langage.
La Spaltung, ou division originaire du sujet par l’ordre signifiant
La Spaltung, terme qui provient de Spalt qui signifie ‘‘fente’’ en allemand, se définit comme la division originaire de l’être entre le Soi intime et le sujet du discours conscient. Autrement dit, elle correspond à la disjonction qui s’établit entre le « je », sujet de l’énoncé, et le (Je), sujet de l’énonciation.Pour Lacan, elle est ce par quoi le sujet advient. En effet, elle est ce qui définit la subjectivité, et la raison par laquelle le sujet accède au langage à partir, en quelque sorte, du passage du manque au désir. La Spaltung introduit le sujet au symbolique par la formulation du désir. Or celle-ci ne peut que marquer la transcription du besoin. La division du sujet mène donc au langage et au symbolique, mais ce « au prix d’une perte irréparable puisque dans le symbole le besoin du sujet ne peut être que représenté et donc réduit, parcellisé, déformé ou falsifié ».C’est au moyen d’un substitut symbolique que nous signifions le réel : c’est le propre du langage. Comme nous l’avons déjà évoqué, il s’accomplit alors une scission entre le réel vécu et ce qui va venir le signifier, d’où l’idée d’une perte par division du discours. C’est en ce sens que Lacan a écrit qu’il fallait « que la chose se perde pour être représentée ». « Dans de telles conditions, le rapport du sujet à son propre discours se soutiendra du même effet de scission. Ce qui veut dire que le sujet ne figure dans son propre discours qu’au prix de cette même scission : il disparaît comme sujet pour s’y trouver seulement représenté en l’espèce d’un symbole ». La notion de Spaltung, ou division par l’ordre signifiant donc, trouve ainsise raison d’être dans le fait que le sujet, dans le discours conscient qu’il tient sur lui-même, s’éloigne progressivement de la vérité de son essence. C’est ainsi que le sujet S est noté par Lacan $ (sujet barré). Car c’est dans la division originaire que le sujet se barre : en sujet de l’énoncé à l’endroit du discours conscient (l’exprimé), et en sujet de l’énonciation au lieu du discours inconscient (l’éprouvé).
La Refente, ou l’aliénation du sujet dans le langage
Nous devons comprendre ici qu’à peine advenu dans le langage, le petit être s’y perd déjà. En tant que nouvel exprimant, il fait l’expérience de la perte fondamentale. Fait de la division originaire, plus il va exprimer de lui, plus il va s’éloigner de lui-même et s’aliéner. C’est cette aliénation du sujet dans son propre discours que l’on nomme la Refente du sujet. Elle correspondrait au passage du désir à la demande. En effet, le désir inconscient – inarticulable dans la parole – s’aliène dans la demande du fait des déplacements multiples d’un signifiant à l’autre et des sublimations. Le sujet « circule d’un signifiant à l’autre, se faisant représenter par l’un pour un autre, soumis à l’impossibilité de se ranger sous la bannière d’un signifiant ultime qui lui donnerait la clé de son être ». La Refente est donc ce qui définit par excellence le rapport d’aliénation du parlêtre à la chaîne des signifiants. Le sujet, sous la domination du signifiant, n’est alors qu’un effet du langage, « un effet du langage qui le fait exister pour aussitôt l’éclipser dans l’authenticité de son être ». Il n’est donc en aucun cas cause du signifiant. De cette conséquence, la notion lacanienne de sujet barré $ tire tout son fondement. Plus encore qu’il n’existe au langage, le sujet « ex-siste au langage ». En effet au prix de la perte originaire il se tient hors langage : il n’y est que représenté, et ce de par la médiation du signifiant. Le sujet est donc divisé et soumis à l’aliénation, aliénation sous-tendue par le défilé des signifiants à travers lequel le sujet cherchera vainement l’unité de son être. Bernard Golse explique que la Spaltung renvoie à une relation immédiate du sujet à lui-même. En revanche, la Refente, elle, entraîne un détour par autrui ; elle implique donc une relation médiate, médiatisée. Elle sous-tend les identifications du sujet. En effet, « la vérité sur soi que le langage ne peut […] lui fournir, le sujet la cherchera dans les images d’autrui auxquelles il va s’identifier » au cours noramment du stade du miroir et de l’Œdipe.
Psychose et stase du miroir
Pour Lacan, la constitution du sujet est inséparable de la relation à sa propre image,notion amenée par la phase du miroir. Les psychoses infantiles seraient alors, pour Lacan toujours, un échec de l’expérience de ce stade. L’image du miroir n’est pas reconnue par l’enfant comme sa propre image, car il n’y pas médiatisation par le langage. Le sujet psychotique reste alors dans une certaine lutte que provoque cette collusion non médiatisée : le seul choix possible, c’est ‘‘lui ou moi’’.Le sentiment d’identité et l’image du corps propre sont alors très altérés, et peuvent réapparaître des manifestations que Lacan rattache au fantasme du corps morcelé, comme les fantasmes archaïques d’écartèlement, d’éventration, ou encore de démembrement
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Table des matières
Introduction
Fondements théoriques
I. Quelques repères préalables
1. Historique : Évolution du langage autour du concept de « psychose »
2. Classification
2.1. Les Troubles Envahissants du Développement d’après le DSM IV
2.2. Les Troubles Envahissants du Développement non spécifiés y compris autisme atypique d’après le DSM IV
II. L’avènement du sujet dans le langage
1. Éléments de linguistique et formation de l’inconscient
1.1. Le signe linguistique
1.2. La valeur du signe linguistique chez Saussure
1.3. Le point de capiton chez Lacan
1.4. Métaphore et métonymie
1.5. « L’inconscient structuré comme un langage »
2. La constitution du sujet par l’accès au Symbolique
2.1. L’Autre
2.2. Les concepts
2.3. L’accès au langage et au Symbolique
3. La phase du miroir
3.1.Étapes
3.2. Identifications
3.3. Psychose et stase du miroir
4. L’Œdipe
4.1.Étapes
4.2. Métaphore paternelle et accès au symbolique
5. L’impossible avènement dans le langage : la structuration psychotique
5.1. La forclusion du Nom-du-Père, une première approche des processus psychotiques
5.2. Seconde approche des processus psychotiques
III. Pensée et langage dans la psychose
1. Particularités de la pensée psychotique
1.1. Le rapport a la temporalité
1.2. L’indifférenciation entre vivant et non-vivant
1.3. Une expérience relative de la réalité
2. La question du savoir
2.1.L’organisation du savoir psychotique
2.2.L’errance du sujet psychotique
2.3.Psychose et signification
3. Singularités dans le langage du sujet psychotique
3.1. Une constitution altérée du signe
3.2. La destruction du sens
3.3. Psychose et communication
Approche expérimentale
I. But et démarche de notre travail
1. Motivation et questionnement de départ
2. Hypothèses de travail
3. Méthodes
II. Choix de la population
1. La population
1.1. Les enfants présentant des traits psychotiques
1.2. Les enfants tout-venant
2. Les critères d’inclusion et d’exclusion
2.1. Les critères d’inclusion
2.2. Les critères d’exclusion
2.3. Les éléments que nous avons notés
III. Le matériel
1. Le déroulement du protocole
1.1. La passation du protocole avec les enfants de l’I.T.E.P.
1.2. La passation du protocole avec les enfants tout-venant
1.3. Le protocole
2. Le choix et les objectifs des épreuves
2.1. Généalogie : état civil et situation familiale
2.2. Temps
2.3. Histoires en images
2.4. Images absurdes
2.5. Définition de mots
2.6 Intégration morphosyntaxique
2.7. Métaphores
2.8. Publicité
2.9. Intonation
2.10. Expression écrite libre
3. Récapitulatif des épreuves
4. Récapitulatif des objectifs d’observation
Analyse des résultats
I. L’épreuve « Généalogie : état-civil et situation familiale »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
II. L’épreuve « Temps »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
III. L’épreuve « Histoires en images »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
IV. L’épreuve « Images absurdes »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
V. L’épreuve « Définitions de mots »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
VI. L’épreuve « Intégration morphosyntaxique »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
VII. L’épreuve « Métaphores »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
VIII. L’épreuve « Publicité »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
IX. L’épreuve « Intonation »
1. Présentation de la cotation
2. Analyse quantitative
3. Analyse qualitative
X. L’épreuve « Expression écrite libre »
XI. Scores généraux
XII. Profils
1. Profil de K
2. Profil de Do
3. Profil de Jo
Discussion
I. L’épreuve « Généalogie : état-civil et situation familiale »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
II. L’épreuve « Temps »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
III. L’épreuve « Histoires en images »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
IV. L’épreuve « Images absurdes »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
V. L’épreuve « Définitions »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
VI. L’épreuve « Intégration morphosyntaxique »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
VII. L’épreuve « Métaphores »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
VIII. L’épreuve « Publicité »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
IX. L’épreuve « Intonation »
1. Mise en relief des résultats des deux populations
2. Critiques
3. Propositions
X. L’épreuve « Expression écrite libre »
XI. Scores généraux
XII. Ouvertures possibles
Conclusion
Bibliographie
Annexes
I. Généalogie : état civil et situation familiale
1. Les enfants de l’I.T.E.P.
2. Les enfants tout-venant
II. Temps
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
III. Histoires en images
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
IV. Images absurdes
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
V. Définitions de mots
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
VI. Intégration Morphosyntaxique
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
VII. Métaphores
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
VIII. Publicité
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
IX. Intonation
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
X. Expression écrite libre
1. Les enfants de l’I.T.E.P
2. Les enfants tout-venant
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