Mise en place et pertinence du bilan médicamenteux proactif au sein d’une unité de chirurgie digestive

La iatrogénie, définitions et enjeux

La iatrogénie médicamenteuse

La iatrogénie peut se définir comme toutes conséquences indésirables sur l’état de  santé de tout acte pratiqué ou prescrit par un professionnel de la santé et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé (3). La iatrogénie médicamenteuse concerne spécifiquement les événements indésirables liés aux médicaments. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) précise que la iatrogénie médicamenteuse correspond à toute réponse néfaste et non recherchée à un médicament survenant à des doses utilisées chez l’homme à des fins de prophylaxie, de diagnostic et de traitement. La polymédication chronique augmente le risque iatrogénique pour les patients. Celle-ci majore le risque d’overuse ou polymédication par excès de traitement. Les prescriptions dont les indications ne sont pas ou plus identifiables font partie de cette catégorie. A titre d’exemple, la prescription d’un inhibiteur de la pompe à proton utilisé dans une indication ponctuelle jamais réévaluée majore le risque d’overuse. Cette catégorie regroupe également les prescriptions pour lesquelles le service médicale rendu (SMR) peut être jugé insuffisant, rendant le traitement caduc. Cette polymédication majore également le risque iatrogénique par misuse ou prescription inappropriée. Cette catégorie regroupe quant à elle les prescriptions dont le bénéficerisque peut être jugé comme peu contributif.

Si l’on s’intéresse plus particulièrement aux établissements de santé, dès le début des années 2000, des études ont démontré que le risque iatrogénique était responsable de 5 à 25% des admissions hospitalières et 10% des admissions aux urgences (4). Elle représenterait à elle seule 400 000 séjours en France par an soit 1 admission sur 20 pour un événement indésirable grave (EIG) lié aux soins. Elle serait également responsable de 300 000 prolongations de séjour pour des EIG (5). Une étude plus récente de 2014, menée par la Haute Autorité de Santé (HAS), s’est intéressée plus spécifiquement à la iatrogénie médicamenteuse. Selon ses résultats, les événements indésirables médicamenteux (EIM) représenteraient 20% des hospitalisations en urgence des plus de 75 ans et 25% des admissions des plus de 85 ans (6).

Plusieurs méta-analyses internationales ont également essayé d’évaluer le taux d’hospitalisation induit par des EIM. Les résultats de ces études sont variables selon les populations ciblées. Elles vont de 6,2% (7) dans la population générale, à 8,7% (8) pour les patients de plus de 60 ans. Une étude de 2018, sur une unité gériatrique à Barcelone, retrouvait quant à elle 6% (9) d’hospitalisations dûes à des EIM. Résultats qui, selon elle, étaient proches des résultats retrouvés dans d’autres pays, variant de 3,4% à 16,6% dans une méta analyse de 2020 (10). Une donnée reste constante dans les études évoquées. En effet, l’amélioration dans le temps des chiffres démontre que la prise de conscience du risque iatrogénique conduit à sa diminution. Ce risque peut cependant encore être diminué car au moins 50% des EIM répertoriés dans ces méta analyses sont évitables  .

La polymédication et ses problématiques

Le développement et la diversification des thérapeutiques médicamenteuses sont au cœur de la médecine d’aujourd’hui et de demain. Le vieillissement naturel de la population ainsi que l’amélioration et la précocité des différents dépistages et examens sont des facteurs qui entrainent l’émergence de patients polypathologiques chroniques. Celle-ci se définit par la co-occurrence de plusieurs maladies (au moins deux) chez le même individu sur la même période (11). Une augmentation naturelle des prescriptions médicamenteuses au sein de la population, qu’elles soient à visée curative ou préventive, est donc inéluctable. En France en 2018, déjà plus de la moitié des patients de plus de 65 ans étaient traités par plus de cinq médicaments (12). Même s’il n’existe pas de définition consensuelle de la polymédication, l’OMS a proposé en 2004 de la définir comme l’administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou l’administration d’un nombre excessif de médicaments (3). En France, les patients traités par cinq médicaments ou plus, de manière chronique, sont considérés comme polymédiqués. Cette définition n’est pas consensuelle. C’est cependant le nombre de traitements souvent utilisés pour inclure des patients dans les études sur la polymédication. Ce chiffre est parfois réévalué à dix, pour les patients de plus de 75 ans. Selon l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE), la population des plus de 65 ans représentait 20.5% de la population au 1er janvier 2020 (13). Et celle-ci, ainsi que les populations plus âgées encore sont amenées à croitre de manière exponentielle, notamment les plus de 75 ans. Cette polymédication représente donc plusieurs enjeux majeurs de santé publique. D’une part dans la recherche de l’amélioration de l’état de santé de ces patients à risques et d’autre part au niveau de la diminution du risque de iatrogénie médicamenteuse qui en résulte. Depuis plusieurs  années, la notion de juste prescription est de plus en plus employée et des outils d’aide au bon usage des produits de santé se développent. La polypathologie entraîne des conséquences sur le parcours patient. Qu’ils soient à l’hôpital ou en ville, plusieurs intervenants seront amenés à prescrire pour un seul patient, ce qui nécessite une coordination et une communication entre les différents professionnels de santé. Les pouvoirs publics tentent de fluidifier cette communication. Ils ont par exemple favorisé la création de services numériques dédiés à améliorer ces échanges. C’est notamment le cas du dossier médical partagé (DMP), qui a fusionné en 2022 avec le carnet de santé pour devenir Mon Espace santé. Cette plateforme, disponible sur le site internet de l’Assurance Maladie (Ameli.fr), a pour but de permettre aux professionnels de santé ainsi qu’aux patients de remplir un dossier patient informatisé commun. Celui-ci est accessible par les professionnels de santé référents du patient. Hormis le médecin traitant, qui est renseigné dès la création d’un profil, c’est le patient qui peut ajouter les professionnels de santé qui pourront compléter son dossier ou le consulter. En cas d’urgence, le patient pourra également accorder l’accès à son dossier à d’autres professionnels de santé.

Les pouvoirs publics tentent également d’améliorer le lien ville-hôpital en favorisant l’augmentation des structures d’encadrement des hospitalisations. On retrouve parmi ces structures les soins de suite et de réadaptation (SSR). Ils permettent d’envisager un retour à domicile plus encadré, mais favorisent également la multiplicité des points de transitions entre la ville et l’hôpital. Le lien ville-hôpital est au cœur de ces problématiques. Dans cette optique, la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) a proposé en 2016 la création des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) (14). A l’initiative des professionnels de santé de ville, ils permettent de coordonner de manière plus efficace l’offre de proximité. Ils seront également un point d’appui majeur dans le développement de la prise en charge ambulatoire à l’hôpital. Ils permettent de développer, au sein d’un territoire géographique, un projet de santé plus global pour s’assurer d’un accès minimal aux soins, même dans les zones touchées par la désertification médicale. Les établissements hospitaliers peuvent également faire partie de ces CPTS, tout comme les services médicaux-sociaux et les services d’hospitalisation à domicile (HAD). Il est indéniable qu’aujourd’hui la prise en charge d’un patient ne peut plus s’effectuer de manière indépendante entre les différents professionnels de santé. Le développement des réseaux ville-hôpital reste donc la meilleure solution pour améliorer les échanges d’informations. La iatrogénie représente donc une problématique majeure du système de santé français. Elle touche majoritairement les patients polymédiqués qui sont souvent les plus fragiles ou les plus âgés.

Manifestations de la iatrogénie médicamenteuse 

Effets indésirables médicamenteux

Les dommages inattendus, pouvant aller jusqu’à une réponse nocive du médicament sont définis comme effets indésirables. Ils peuvent survenir aux posologies habituelles, résultant d’un acte justifié pour lequel la procédure appliquée était correcte dans le contexte où le médicament a été utilisé. Ils pourront être inattendus, par exemple lors d’une réaction allergique suite à une primo exposition à une molécule. En l’absence de lien causal entre la prise du médicament et la survenue de l’événement, on parlera alors d’événement indésirable médicamenteux.

Effets secondaires

Les effets connus, autres que celui principalement recherché lors de l’utilisation d’une molécule, sont définis comme effets secondaires. Ils sont liés aux propriétés pharmacologiques du médicament. Le reflux gastro œsophagien est un exemple d’effet secondaire fréquent provoqué par la prise d’anti-inflammatoire non stéroïdien, lié à leur mécanisme inhibiteur de la synthèse des prostaglandines au niveau gastrique. Le mécanisme est connu et décrit dans la littérature, mais il ne touche pas pour autant tous les patients amenés à prendre ce genre de traitement. Les effets indésirables et les effets secondaires sont deux manifestations iatrogéniques médicamenteuse liées. Si la survenue d’un effet indésirable augmente de manière significative, notamment grâce au suivi effectué par les Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV), le mécanisme de cet effet pourrait être amené à être étudié et décrit dans la littérature. Une mise à jour constante des résumés des caractéristiques des produits (RCP) étant réalisée, l’effet décrit pourrait passer dans la catégorie des effets secondaires du traitement.

Erreur médicamenteuse (EM)

Selon le Code de la Santé Publique article R5121-152 (16), une EM est une erreur non intentionnelle d’un professionnel de santé, d’un patient ou d’un tiers, selon le cas, survenue au cours du processus de soin impliquant un médicament ou un produit de santé mentionné à l’article R. 5121-150, notamment lors de la prescription, de la dispensation ou de l’administration. Une méta-analyse réalisée en 2012 a démontré que 70% des patients présentaient des divergences médicamenteuses non intentionnelles à l’hôpital lors de la rédaction d’une nouvelle ordonnance, à l’entrée ou à la sortie (17). Elles peuvent se manifester par une erreur d’identitovigilance, des divergences involontaires par rapport au traitement habituel du patient, comme par exemple des omissions de traitement, des modifications de posologie non volontaires (sous dosage, surdosage), des modifications des modalités de prises, un ajout de traitement ou encore une erreur de durée d’administration. Par définition, une erreur médicamenteuse est évitable car elle manifeste l’écart avec ce qui aurait dû être fait.

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Table des matières

I. Introduction
II. Première Partie : Contexte et généralités
A. La iatrogénie, définitions et enjeux
1. La iatrogénie médicamenteuse
2. La polymédication et ses problématiques
3. Manifestations de la iatrogénie médicamenteuse
a. Effets indésirables médicamenteux
b. Effets secondaires
c. Erreur médicamenteuse (EM)
d. Déclaration des événements indésirables médicamenteux (EIM) dans l’amélioration du processus de soins
B. Les activités de Conciliation des traitements médicamenteux (CTM) en secteur hospitalier
1. Mise en place à l’hôpital
2. La conciliation des traitements médicamenteux (CTM)
a. La conciliation d’entrée
b. La conciliation des traitements médicamenteux (CTM) de sortie
3. Projets innovants autour de la conciliation des traitements médicamenteux (CTM)
a. Le projet OCTAVE et développement du bilan médicamenteux à l’officine
i. Projet OCTAVE
ii. Bilan partagé de médication
b. Le Projet EFFIpharm
4. Outils innovants pour l’aide à la réalisation de la conciliation des traitements médicamenteux (CTM)
a. Bimedoc®
b. Synapse®
5. Téléconsultation pharmaceutique
a. Therapeweb®
C. Parcours patient en chirurgie et place de la conciliation des traitements médicamenteux (CTM)
1. Hospitalisation programmée
2. Hospitalisation en urgence
3. Réalisation de la conciliation des traitements médicamenteux (CTM) en chirurgie
a. Hospitalisations programmées
b. Hospitalisations en urgence
D. Fin de la première partie
III. Deuxième Partie : Mise en place du bilan médicamenteux optimisé proactif (BMOp) en chirurgie digestive
A. Matériel et méthode
1. Plan Expérimental
2. Population étudiée, critères d’inclusion et d’exclusion
a. Critères d’inclusion
b. Critères d’exclusion
3. Réalisation du BMOp
4. Transmission du BMOp
5. Réalisation d’une conciliation des traitements médicamenteux (CTM) à l’admission en service de Chirurgie digestive
6. Recueil des données
7. Questionnaire à destination des anesthésistes
8. Critères analysés
9. Analyse des données statistiques
B. Résultats de l’étude
1. Description de l’effectif étudié
2. Description de la population ayant bénéficié d’un BMOp
a. Caractéristiques démographiques de la population étudiée
b. Type d’opération des séjours programmés relevés
c. Délai entre la réalisation de la consultation pré anesthésique (CPA), le BMOp et l’intervention
d. Temps requis pour la réalisation des BMOp
3. Divergences non intentionnelles (DNI) entre le BMOp et le bilan médicamenteux (BM) de la consultation pré anesthésie (CPA)
4. Interventions pharmaceutiques (IP) transmises aux anesthésistes avant rédaction de l’OMA
5. Divergences entre BMOp et OMA
a. Sur la totalité de la période de l’étude
b. Comparaison des deux périodes avec une transmission du BMOp différente
6. Interventions pharmaceutiques (IP) suite à la CTM d’entrée
7. Questionnaire de satisfaction pour les médecins anesthésistes réanimateurs (MAR)
C. Discussion
1. Méthodologie de l’étude
2. Population étudiée
3. Impact du BMOp sur le risque iatrogène
a. DNI identifiées entre le BMOp et le BM de la CPA
b. Transmission des DNI relevées entre le BMOp et le BM de la CPA
c. DNI présentes lors de la rédaction de l’OMA
d. IP à l’admission dans le service de Chirurgie digestive
4. Faisabilité du BMOp
a. Patients éligibles
b. Temps requis pour la réalisation du BMOp
c. Sources consultées
5. Évaluation du projet par les anesthésistes
6. Limites de l’étude
a. Critères d’inclusion et d’exclusion
b. Evaluation de l’impact des IP formulées
c. Taille de l’échantillon
7. Perspectives
D. Conclusion
IV. Conclusion
V. Bibliographie
VI. Annexes

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