La dimension corporelle à l’école
Jean Paul Moiraud, ingénieur de formation à l’ESENESR1 (école supérieure de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche), écrit que les élèves s’inscrivent très généralement dans un cadre classique, c’est-à-dire assis avec une table devant eux, les tables alignées, le regard orienté devant pour écouter l’enseignant. L’ingénieur fait le parallèle avec la posture que décrivait Jean Baptiste de la Salle dans son ouvrage intitulé « De la conduite des écoles chrétiennes » dans lequel il écrivait que « pour apprendre il faut se tenir droit ». Ce principe serait donc toujours d’actualité dans nos écoles. Il se pose alors la question :« faut-il se tenir droit pour apprendre ? ». C’est également une question que je me pose : est-ce que l’élève doit obligatoirement être assis toute la journée à la même place pour être efficace ? Car le besoin de mouvement d’un enfant est réel et se traduit en classe par une agitation, une excitation, une déconcentration…D’ailleurs, dès 1912, Maria Montessori observait que les enfants assis à leur bureau pour de longues heures devenaient agités, indisciplinés, perdaient leur concentration ou encore devenaient amorphes. De leur côté, Anne Sébire et Corinne Pierotti2 affirment que face à ces comportements, la réponse corporelle est trop souvent oubliée et au contraire, les enseignants peuvent avoir tendance à faire de la « surenchère disciplinaire ». Or, pour favoriser le bien-être et le bien vivre ensemble à l’école, il est important de tenir compte des besoins physiques et physiologiques de l’enfant, de prendre en compte l’individu dans sa globalité. Il s’agit d’offrir à l’élève une école qui accueille, qui donne confiance, où il est question d’éprouver du plaisir pour réussir et donc de lui donner les moyens de gérer l’anxiété, le stress, la fatigue pour rechercher un confort intérieur proche de la quiétude et du plaisir. En effectuant des recherches, nous nous sommes intéressées au principe de « classe flexible ». Ce concept, venu du Canada et des Etats Unis, est basé sur l’environnement de travail et le fonctionnement de la classe. L’aménagement d’une classe flexible repose principalement sur le mobilier dit « flexible » tant au niveau des sièges que des tables de travail. Le but est que chacun puisse choisir l’espace de travail qui convient le mieux à ses besoins selon la tâche demandée. La classe flexible repose sur cinq fondements : le choix, le mouvement, le confort, la vie en communauté et la collaboration.
Les programmes
Au niveau de l’Institution, ces préoccupations sont bien présentes. En effet, l’éducation à la santé, au même titre que l’éducation à la citoyenneté, est intégrée dans les programmes. L’Ecole joue ainsi un rôle essentiel de prévention et d’information. La prévention du mal-être, ou recherche du bien-être est essentielle à prendre en compte. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. ». Une telle définition conduit à une approche globale de la personne, au carrefour du somatique, du psychique et du relationnel, où l’équilibre personnel, l’épanouissement, l’autonomie, ainsi qu’un climat scolaire apaisé,contribuent pleinement aux apprentissages et à la réussite scolaire. De même, les programmes de l’école maternelle stipulent que « l’équipe pédagogique aménage l’école afin d’offrir aux enfants un univers qui stimule leur curiosité, répond à leurs besoins de jeu, de mouvement, de repos et de découvertes. »Qu’en est-il pour l’école élémentaire ? Nous pouvons noter que depuis 2015, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture a fait apparaitre un nouveau domaine : « les méthodes et outils pour apprendre ». Ce domaine a pour objectif de permettre à tous les élèves d’apprendre à apprendre, seuls ou collectivement, en classe ou en dehors, afin de réussir dans leurs études et, par la suite, se former tout le long de la vie. Il est écrit que la maitrise des méthodes et outils pour apprendre développe l’autonomie et les capacités d’initiative ; elle favorise l’implication dans le travail commun, l’entraide et la coopération. Dans les programmes les valeurs que je souhaite développer chez les élèves sont donc bien présentes.
La gestion du matériel
L’autonomie est également en jeu concernant la gestion du matériel. En effet, de mettre en place un système où les places des élèves ne sont plus fixes suppose de revoir complètement la gestion du matériel car les élèves ne peuvent plus laisser leurs affaires dans les casiers des bureaux. Nous avons donc repensé intégralement cette gestion autant au niveau de l’aménagement qu’au niveau de la place de l’élève dans cette nouvelle organisation. Au niveau de l’aménagement, les cahiers sont rangés dans la classe sur des étagères. Au départ, chaque élève allait chercher son cahier, son ardoise, son classeur cela générait beaucoup de déplacements dans la classe, du bruit et de la perte de temps. Nous avons donc cadré cette gestion du matériel en responsabilisant les élèves: les distributeurs se chargent de distribuer et de ramasser les cahiers tout au long de la journée. De même, l’entrée en classe générait beaucoup de « flottement » car les élèves doivent choisir leur place et gérer leur matériel. Nous avons également cadré l’entrée en classe qui a fait l’objet d’un apprentissage en lui-même. Nous avons défini ensemble les étapes de l’entrée en classe ; à savoir : « je sors mes affaires de mon cartable, je rentre dans la classe en silence et je vais chercher ma trousse et mon ardoise, ensuite je choisis ma place et je m’installe en silence. »Pour rendre cet apprentissage motivant, j’ai pris l’habitude de chronométrer les élèves, l’objectif étant de s’installer en silence le plus rapidement possible. Tout ce travail autour de la gestion du matériel a permis de responsabiliser les élèves et de les rendre autonomes.
Des règles discutées avec les élèves
Dans un premier temps, nous avons défini nous-mêmes les règles de la classe flexible et nous les avons présentées aux élèves au retour des vacances de la Toussaint, au moment où ils ont découvert le nouvel aménagement (annexe). L’objectif de la classe flexible que nous avons évoqué avec eux était de mieux travailler. Ces règles ont évolué au fur et à mesure de l’expérience. Tout d’abord suite aux différentes visites des tuteurs que j’ai eus dans la classe. Par exemple, la première visite du tuteur ESPE a eu lieu peu de temps après la mise en place de la classe flexible. Grâce à ce premier regard extérieur j’ai réalisé que je devais donner plus de cadre à cet aménagement et notamment mieux organiser les déplacements dans la classe et la gestion du matériel. Egalement, à partir de cette visite nous avons repensé les modalités de travail. Par exemple, ils devaient obligatoirement être assis, le dos droit face à une table pour pouvoir écrire correctement. Ainsi qu’une visite de ma PEMF qui m’a conseillé de travailler l’entrée en classe et de l’envisager comme un réel apprentissage. Chaque modification ou ajustement du règlement a fait l’objet d’une discussion avec les élèves lors de laquelle je demandais aux élèves s’ils souhaitaient poursuivre le projet, je rappelais l’objectif de ce projet et enfin je me servais des visites pour leur demander ce que la personne qui était venue dans la classe pouvait penser de la classe en général. Grâce à ces discussions, je me suis rendue compte que les élèves souhaitaient poursuivre le projet et étaient force de proposition pour le faire évoluer. Ainsi, nous avons convenu ensemble d’une position adéquate pour bien écrire, nous avons organisé les déplacements et la gestion du matériel, nous nous sommes entrainé à une entrée en classe sereine.
Les apports au niveau professionnel
Ce projet de classe flexible m’a permis de développer mes compétences professionnelles et plus particulièrement la compétence P4 : « organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves. » (annexe) En effet, j’ai pris conscience que dans un milieu d’exercice difficile, la dimension corporelle en classe et à l’école est très importante. D’une part car pour ces élèves particulièrement agités il est très compliqué de leur imposer l’immobilité durant toute une journée de classe. Leur besoin de mouvement nous oblige à réfléchir à d’autres dispositifs pédagogiques qui favorisent le mouvement, la manipulation. Et d’autre part car nous devons canaliser cette agitation à travers un aménagement spatial judicieux. Par exemple, j’ai appris à mettre en place des ateliers de manipulation en mathématiques et en français qui favorisent l’autonomie des élèves. Et je suis certaine de réutiliser ce dispositif à l’avenir. Ensuite, ce projet m’a permis de réfléchir à l’autonomie des élèves. En effet, lorsque nous avons mis en place la classe flexible je me suis posée de nombreuses questions : jusqu’où peut-on aller dans l’autonomie ? Quelles sont les limites ? Comment puis-je agir pour leur permettre d’être plus autonomes ? J’ai réalisé que l’autonomie fait l’objet d’un apprentissage, même si les élèves sont en demande, ils ont besoin que cette autonomie soit cadrée, expliquée et progressive .Enfin, j’ai compris l’importance de donner la parole aux élèves pour qu’ils adhèrent à un projet. Concernant la classe flexible, les élèves ont complètement investi le projet qui a évolué. Chaque évolution a fait l’objet d’une discussion au cours de laquelle ils ont pu faire des propositions. Ainsi les changements ont été acceptés et intégrés facilement et la motivation pour venir en classe a augmenté.
CONCLUSION
Rappelons que ce projet de classe flexible avait pour objectif de favoriser l’autonomie, la motivation et le vivre ensemble des élèves de ma classe. Ce projet a débuté en période deux et s’est poursuivi tout au long de l’année dans la classe dans laquelle j’effectuais mon stage. Ce dont je suis désormais certaine c’est que chaque compétence est intimement imbriquée avec les autres. Grâce à ce projet, j’ai réalisé l’importance de placer les élèves au cœur de la pédagogie. En leur donnant la parole et en construisant ce projet nous avons réfléchit avec eux à leur place dans la classe et dans l’école, à leur capacité à être autonome et à vivre ensemble. La classe flexible a également favorisé les échanges entre élèves dans la classe, élément essentiel à l’amélioration du climat de classe et par là même à la motivation des élèves. Afin d’enrichir d’avantage ce projet et de le faire évoluer je pense que nous pourrions imposer aux élèves une place qu’ils garderaient toute la semaine et nous ferions ensemble un bilan de cette semaine. Ce bilan permettrait à l’élève d’analyser sa posture : est ce que j’ai bien travaillé à cette place et pourquoi ?
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Table des matières
INTRODUCTION
I Eléments déclencheurs de ma réflexion
II Apports théoriques
2.1 La dimension corporelle à l’école
2.2 L’autonomie
2.3 La motivation des élèves
2.4 Les programmes
III La mise en œuvre
3.1 L’aménagement de la classe en classe flexible
3.1.1 Plus de place attitrée : l’élève choisit sa place le matin en arrivant
3.1.2 La possibilité de choisir entre plusieurs positions de travail
3.1.3 La possibilité de choisir si l’on veut être seul, à deux ou à plusieurs
3.1.4 La possibilité de changer si l’on s’aperçoit que l’on a fait un mauvais choix
3.2 Une classe flexible favorise l’autonomie des élèves
3.2.1 L’entrée en classe et le choix de la place
3.2.2 La gestion du matériel
3.2.3 Le choix de la position de travail
3.2.4 Le travail en autonomie
3.3 Une classe flexible favorise la motivation des élèves
3.3.1 Une réappropriation de l’espace classe
3.3.2 Un climat de classe plus serein
3.3.3 Des dispositions pédagogiques variées
3.3.3 Le numérique
3.3.4 L’implication des parents dans le projet
3.4 Une classe flexible favorise le vivre ensemble
3.4.1 Des règles discutées avec les élèves
3.4.2 Des échanges entre les élèves
3.4.3 Possibilité de changer de place dans la journée
IV Les apports au niveau professionnel
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE / SITOGRAPHIE
ANNEXES
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