On peut estimer que la géodésie représente la plus vieille branche des sciences géophysiques. Elle est pour le géodésien allemand Friedrich Robert Helmert : « La science qui mesure et représente la surface terrestre ». Le but premier de la géodésie est de permettre la liaison entre différents levés topographiques sur de longues distances. Les géodésiens offrent aux topographes la localisation de leurs levés à une échelle plus globale, ce qui inclut leur élévation au-dessus du niveau de la mer. Pour mesurer les lignes de bases suffisamment longues nécessaires à la détermination des positions globales, il faut :
– des observations et donc des instruments très précis ;
– des méthodes mathématiques et des techniques prenant en compte la courbure de la Terre et, plus spécifiquement, le champ de pesanteur ;
– des mesures du champ de pesanteur.
L’importance de la prise en compte du champ de pesanteur se situe dans le fait que les instruments géodésiques utilisent la pesanteur comme référence, plus précisément une surface équipotentielle de pesanteur. Aujourd’hui, la gravimétrie, c’est-à-dire la mesure du champ de pesanteur, est au cœur du travail du géodésien. Un des défis majeurs de cette discipline consiste en la réalisation de cartes des variations de la pesanteur terrestre dont la résolution est homogène quelle que soit l’échelle spatiale considérée en domaine terrestre, littoral, marin et sousmarin. Pour le moment, seuls les instruments satellitaires, tels ceux opérés depuis le satellite GOCE, garantissent cette homogénéité jusqu’à la résolution spatiale de 100 km.
Si ces mesures permettent la mise au point de modèles du géoïde mondial ou l’étude de structures géologiques jusqu’à l’échelle régionale, elles sont trop limitées pour restituer les ondulations locales du géoïde. Le principal obstacle à l’amélioration de la résolution de nos modèles vient de ce que les systèmes mobiles d’acquisitions gravimétrique et gradiométrique qui permettent des observations précises et homogènes, sont encombrants et gros consommateurs d’énergie. Leur installation sur des véhicules porteurs à conduite manuelle (voiture, bateau) ou automatique (drone terrestre, aérien ou marin) s’avère donc particulièrement difficile.
Le traitement actuel des données GraviMob
Quantification des performances du système
Pour comprendre l’intérêt d’un traitement des données GraviMob une fois les relevés effectués, il paraît judicieux de revenir sur les principes du système et sur les imprécisions des différentes mesures rentrant en compte dans l’équation d’observation.
L’équation de la gravimétrie mobile
Comme écrit dans l’introduction, le système GraviMob se base sur l’équation générale de la gravimétrie mobile bien que sa configuration en deux triades d’accéléromètres permette une simplification de cette dernière.
Impact des incertitudes sur la restitution du vecteur de pesanteur
Pour obtenir le vecteur d’accélération de pesanteur, l’équation du système GraviMob nécessite donc aussi bien les mesures des accéléromètres que les valeurs de position relevées par la centrale inertielle du véhicule et par le bateau accompagnateur. Le but est de savoir comment l’incertitude sur ces mesures influe sur le résultat final. Étant donné la non-linéarité de l’équation d’observation, un calcul classique par propagation de la variance n’est pas approprié, et c’est donc une méthode d’estimation stochastique de type Monte-Carlo qui a été utilisée.
Qualité des observations
La navigation de l’AUV, à savoir la connaissance à chaque époque de la position et de l’attitude, résulte d’un processus de fusion et de filtrage d’observations issues de divers instruments de mesure. L’évaluation de la qualité est issue du traitement des logiciels utilisés par l’IFREMER lors des levés.
Les résultats ont donc :
– une précision planimétrique en est et nord comprise entre 1 et 2.5 m. Cela se traduit angulairement par une incertitude en longitude et en latitude de :
??? = 3.07 × 10⁻⁵ ???
??? = 3.07 × 10⁻⁵ ???
– une précision altimétrique de :
?ℎ = 30 ??
– une précision sur l’angle de cap telle que :
0.02 < ?? < 0.05 ???
– des précisions sur les angles de tangage et roulis telles que :
0.002 < ?? < 0.005 ???
0.02 < ?? < 0.05 ???
On obtient une très bonne précision sur les angles d’attitude grâce à la centrale inertielle du submersible alors que la mesure en position est de piètre qualité. Cela est dû à la contrainte naturelle posée par le milieu sous-marin. Pour les mesures accélérométriques, la qualité des observations brutes est plus facilement quantifiable puisque ces dernières sont directement accessibles et ne nécessitent pas de traitement complémentaire. Pour identifier le processus stochastique mis en œuvre, la variance d’Allan [Woodman, 2007] est utilisée. Après mise en place d’un protocole de test [Roussel, 2017], la variance d’erreur est considérée comme un bruit blanc gaussien d’écart-type égal à 1 mGal.
Génération des données de référence
Pour estimer numériquement l’erreur, il faut générer des valeurs de référence. Cela nécessite :
1) un champ gravitationnel de référence ;
2) un profil sous-marin navigué par l’AUV ;
3) à partir des deux éléments précédents il est possible de calculer les accélérations spécifiques de référence.
Dans les travaux de C. Roussel, le champ de gravité est généré par l’addition d’un champ de gravité global correspondant à la pesanteur normale [Moritz, 2000] et d’un champ de gravité local, produit par un modèle géologique. Le profil sous-marin est issu d’une mission d’expérimentation de l’AUV AsterX menée en 2012 par l’IFREMER en mer Méditerranée .
Évaluation numérique de l’erreur
La méthode de Monte-Carlo [Metropolis & Ulam, 1949] avec un nombre de tirages fixé à 100 000 a été utilisée dans 4 scénarios avec applications de bruits synthétiques sur des composantes différentes de l’équation d’observation. Il en résulte que les incertitudes affectant le positionnement du véhicule porteur ont un impact largement supérieur à celui produit par les incertitudes sur les angles d’attitude. Cette imprécision reste forte malgré un filtrage par moyenne glissante de largeur L ≈ 10⁴ m. Ces résultats montrent que la navigation sous-marine n’est pas encore suffisamment précise pour espérer atteindre par simple filtrage passif une incertitude satisfaisante (de l’ordre du milligal) sur les composantes du champ de pesanteur. Par conséquent, il faut mettre en œuvre des techniques d’estimation plus efficaces tenant compte du caractère gaussien des observations et de l’évolution naturelle des composantes du champ de pesanteur durant l’acquisition. C’est dans cette optique qu’a été mis en place un nouveau filtre de Kalman pour le traitement des observations du système GraviMob.
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Table des matières
Introduction
I. LE TRAITEMENT ACTUEL DES DONNEES GRAVIMOB
QUANTIFICATION DES PERFORMANCES DU SYSTEME
L’équation de la gravimétrie mobile
Impact des incertitudes sur la restitution du vecteur de pesanteur
I.1.2.1 Qualité des observations
I.1.2.2 Génération des données de référence
I.1.2.3 Évaluation numérique de l’erreur
LE FILTRE DE KALMAN
Principe du filtre de Kalman UKF
Algorithme du filtre de Kalman UKF
Application au système GraviMob
RESULTATS DU FILTRAGE
Résultats en simulation
Résultats des levés
Conclusion sur le filtrage de Kalman unscented
II. QUELLE METHODE POUR L’ASSIMILATION DE DONNEES ?
PRINCIPE ET DEFINITIONS DE L’ASSIMILATION DE DONNEES
Introduction
Définitions importantes
II.1.2.1 Vecteur d’état
II.1.2.2 Modèle dynamique et prévision
II.1.2.3 Observations
II.1.2.4 Les estimations du vecteur d’état
LA METHODE RETENUE : LA 3D-VAR
Le choix de la 3D-Var
Fonctionnement de la méthode 3D-Var
APPLICATION AU SYSTEME GRAVIMOB
Définitions
Le cas de la matrice B de covariance d’erreur d’ébauche
Schématisation de l’algorithme de l’assimilation
III. METTRE EN PLACE ET VERIFIER LA METHODE D’ASSIMILATION
Un simulateur du mouvement comme modèle
III.1.1.1 Introduction à la simulation
III.1.1.2 Les caractéristiques physiques de l’AUV REMUS
III.1.1.3 Représentation du mouvement du véhicule
Détermination des forces qui s’appliquent au véhicule
III.1.2.1 Bilan des forces
III.1.2.2 Détermination des coefficients
La simulation de l’AUV
III.1.3.1 Les entrées et sorties
III.1.3.2 Calcul du vecteur accélération
III.1.3.3 L’intégration numérique des équations de mouvements
III.1.3.4 Schématisation de l’algorithme de simulation
Des paramètres adaptés aux campagnes de mesure GraviMob
Résultats finaux et pistes d’amélioration
RETOUR SUR LES METHODES DE MINIMISATION DE LA FONCTION COUT
LA VERIFICATION DU PROCESSUS D’ASSIMILATION
Le protocole de vérification
Les résultats de la vérification
Application du protocole avec les observations de la centrale inertielle
Analyse des écarts
Résultats avec la matrice des incertitudes sur les observations R
Résultats avec les accélérations GraviMob
Conclusion
Bibliographie