Mise en place d’un projet de production d’écrit sur l’année

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Spécificités de la langue écrite

La production d’écrit s’articule donc autour de la connaissance du code écrit (orthographe, grammaire, vocabulaire), du mode d’organisation du texte lui-même (qui peut différer selon le type : lettre, affiche, conte, roman, etc.) et plus largement d’une culture de l’écrit.
Ces trois volets sont donc autant de domaines de compétences à travailler pour permettre aux élèves de s’engager dans la production d’écrit. Au delà du code écrit, la représentation du texte à produire est un élément capital à prendre en compte dans le processus d’écriture. Comment écrire sans savoir ce que je veux produire ? Il s’agit donc d’outiller les élèves en développant chez eux une culture du type d’écrit travaillé (et d’une culture de l’écrit en général) pour leur permettre de s’en créer une représentation complète et cohérente.

Les programmes officiels

Les programmes indiquent une durée annuelle d’enseignement du français de 360 heures (soit une durée hebdomadaire de 10 heures). En cycle 2 et CP-CE1 plus précisément, ces heures sont consacrées à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture de la langue française en s’appuyant sur la pratique orale du langage et l’acquisition du vocabulaire et en initiant les premières notions d’orthographe et de grammaire.
La production d’écrit est un apprentissage primordial à partir du cycle 2 : « Les élèves apprennent à rédiger de manière autonome un texte court : rechercher et organiser des idées, choisir du vocabulaire, construire et enchaîner des phrases, prêter attention à l’orthographe. » (Bulletin Officiel n°3 de juin 2008). Comme précisé précédemment, la distinction entre écriture comme geste graphomoteur et comme activité d’élaboration de phrases et de textes à laquelle nous nous intéressons dans le cadre de ce mémoire est soulignée par des compétences spécifiques distinctes dans les instructions officielles. Ainsi, dans le Bulletin Officiel (Hors-série du 19 juin 2008), on peut lire qu’à la fin du cycle 2, l’élève est capable de :
• Copier un texte court sans erreur dans une écriture cursive lisible et avec une présentation soignée ;
• Ecrire sans erreur sous la dictée un texte de cinq lignes en utilisant ses connaissances lexicales, orthographiques et grammaticales ;
• Utiliser ses connaissances pour mieux écrire un texte court ;
• Concevoir et écrire de manière autonome une phrase simple cohérente, puis plusieurs, puis un texte narratif ou explicatif de 5 à 10 lignes.
• Relire sa production et la corriger ; corriger en fonction des indications données un texte copié ou rédigé de manière autonome.
On retrouve cette distinction dans les programmes qui entreront en vigueur en septembre 2016. En effet, dans les attendus de fin de cycle 2 (CP-CE1-CE2), il est spécifié les compétences suivantes :
• Copier ou transcrire, dans une écriture lisible, un texte d’une dizaine de lignes en respectant la ponctuation, l’orthographe et en soignant la présentation.
• Rédiger un texte d’environ une demi-page, cohérent, organisé, ponctué, pertinent par rapport à la visée et au destinataire.
• Améliorer une production, notamment l’orthographe, en tenant compte d’indications.
La production d’écrit est un apprentissage fondamental au cycle 2. Les compétences associées précisées dans les programmes proviennent des attendus du Socle Commun.
Dans le domaine 1 du Socle Commun (des langages pour penser et communiquer), on trouve les objectifs de connaissance et de compétence de maitrise du socle suivants:
• Comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit
• L’élève s’exprime à l’écrit pour raconter, décrire, expliquer ou argumenter de façon claire et organisée. Lorsque c’est nécessaire, il reprend ses écrits pour rechercher la formulation qui convient le mieux et préciser ses intentions et sa pensée.
• Il utilise à bon escient les principales règles grammaticales et orthographiques. Il emploie à l’écrit comme à l’oral un vocabulaire juste et précis.
• Dans des situations variées, il recourt, de manière spontanée et avec efficacité, à la lecture comme à l’écriture.

Place de l’écriture dans l’emploi du temps de la classe

Dans le cadre de cette année en tant que professeur-stagiaire à mi-temps, nous avons décidé avec la binôme titulaire de la classe de se répartir certains enseignements. Pour la production écrite, nous avons fait le choix de l’enseigner tous les deux mais chacun sur des projets différents sans interactions directes. En effet, ma collègue a surtout travaillé sur la production écrite liée à la compréhension de texte et je me suis attaché à travailler principalement autour de notre projet de correspondance scolaire mais également sur d’autres projets plus ponctuels en lien avec d’autres types d’écrits : compte-rendu, légende de photos, etc.
Cette organisation nous a permis de pouvoir avancer chacun de manière plus efficace : en effet, en termes d’organisation et de synchronisation, reprendre un travail initié par l’autre enseignant nous a paru trop compliqué à mettre en œuvre pour la production d’écrit cette année. Cela ne nous a pas empêchés, bien au contraire, d’échanger sur nos pratiques et sur les réalisations et progrès des élèves.
Concernant l’organisation des séquences, certaines séances ont pu être menées en demi-groupes sur des créneaux horaires de 45 minutes grâce à la prise en charge de l’autre demi-groupe par le professeur de la ville de Paris (PVP) sur un cours d’EPS tandis que d’autres étaient menées en classe entière. Pour la mise en œuvre de ces projets d’écriture, j’ai rapidement été confronté aux limites de l’organisation du mi-temps qui ne permet pas un enchaînement régulier des séances avec notamment l’alternance du mercredi travaillé une semaine sur deux. Nous avons donc adapté l’emploi du temps pour nous permettre de travailler certaines séquences sur des jours rapprochés pour concentrer la durée de réalisation de projets et éviter la perte d’intérêt et de mobilisation des élèves.

Mise en place d’un projet de production d’écrit sur l’année

Projet de correspondance scolaire une autre classe de CE1

Durant les vacances de fin de première période, face aux difficultés rencontrées dans ma classe, le choix de mettre en place ce projet de correspondance a été pour moi un moyen de proposer aux élèves une activité scolaire qui puisse avoir du sens pour eux : la finalité concrète consistant à produire un écrit destiné à être lu et le fait de parler de soi et du travail réalisé ensemble en classe me paraissaient être des leviers pertinents pour impliquer les élèves de manière intellectuelle et affective dans des apprentissages hors du cadre strict d’un apprentissage disciplinaire sans enjeu toujours identifié.
En effet, plusieurs élèves de la classe avaient beaucoup de mal à s’investir dans les activités proposées et refusaient d’entrer dans des apprentissages dont ils ne percevaient pas l’intérêt. En se focalisant sur un résultat concret et une production personnelle, j’ai fait l’hypothèse que la perception et l’appropriation du but à atteindre construiraient des enjeux clairs pour les élèves.
J’ai donc cherché à proposer une situation d’apprentissage avec la réalisation d’une tâche finale concrète et motivante pour engager les élèves à entrer en activité. La correspondance présentait les avantages de pouvoir mettre en application les apprentissages en français (grammaire, conjugaison, orthographe, vocabulaire, etc.) mais également, à travers le partage de nos expériences de vie de classe, donner du sens à des apprentissages réalisés dans d’autres disciplines (découverte du monde par exemple).
De plus, en s’appuyant sur le principe d’une correspondance collective, l’objectif était également d’amener les élèves à travailler en groupe et de faire émerger une communauté classe à laquelle chacun puisse se sentir appartenir.

La lettre, un type d’écrit particulier

La lettre est une forme d’écrit social dont les élèves n’ont pas tous une représentation très claire. Parmi les élèves de la classe, certains ne sont que peu confrontés au monde de l’écrit dans leur famille. Choisir de travailler ce type d’écrit particulier a relevé tout d’abord d’une opportunité mais en mettant en œuvre ce projet, j’ai pu mesurer au fur et à mesure des premières séances l’écart entre les productions attendues et celles réalisées par les élèves. J’ai alors décidé de mener ce projet sur l’année pour que les élèves puissent s’approprier les différentes normes de cette forme d’écrit et en percevoir les différents usages.
Après avoir découvert la forme d’écrit lettre (à travers l’observation de deux lettres authentiques), dégagé ses caractéristiques formelles, nous avons ensemble élaboré un squelette de la lettre et travaillé sur le lexique associé à la correspondance. Les élèves ont ensuite rédigé un premier jet individuel. Ce premier jet avait été précédé d’un échange collectif oral sur le contenu que les élèves souhaitaient voir figurer dans la lettre afin de permettre à chacun de se mettre en situation de production y compris les moins inspirés.
Après une mise en commun, une version collective de la lettre a été produite puis manuscrite par un groupe d’élèves volontaires avant envoi aux destinataires (Annexe E).
Le fait délibéré de travailler sur un échange de lettres manuscrites dans un premier temps a permis de construire une première représentation en situation réelle de la lettre : son écriture, sa mise sous enveloppe, la rédaction de l’adresse postale du destinataire et l’usage du timbre. Elle a permis également de mesurer les efforts à réaliser pour produire une « belle » lettre, sans ratures et bien lisible. La fierté du travail réalisé a été proportionnel à l’effort consenti et la séance de signatures par chacun des élèves de la lettre, un moment important de vie de classe.
La réponse ensuite a permis de concrétiser le sens de l’acte de communication initial : les élèves ont produit une lettre avec des questions à d’autres élèves. Ces derniers répondent à leurs questions et les interrogent à leur tour.
Cette communication à distance et différée implique une réflexion parfois difficile pour certains élèves habitués à une certaine immédiateté dans les échanges avec autrui. L’attente de la réponse a été longue mais justifiée par la réception d’une longue lettre accompagnée de documents (photos, plans).
Parallèlement à la correspondance avec cette autre école, nous avons mis en place une boîte aux lettres dans la classe pour un échange de courriers entre élèves de la classe. Des lettres ont également été écrites pour prendre des nouvelles de la professeure d’EPS absente un mois pour raisons médicales et d’un élève ayant déménagé en cours d’année. Enfin, une lettre officielle de demande de visite a été rédigée à la bibliothèque municipale.
La variété autour d’une même forme d’écrit permet de consolider les apprentissages réalisés mais également, de participer à la création d’une culture de ce type d’écrit. Des écrits adressés à des destinataires différents permettent de se confronter à des textes variés d’un point de vue langagier : l’élève doit adapter son discours selon qu’il s’adresse à un camarade, à un adulte, à une institution. Les élèves sont donc en situation de pouvoir prendre conscience du niveau de langue adapté à la situation de communication rencontrée.

Stratégie de production de texte

Dans la mise en œuvre de ces différentes productions, je me suis largement inspiré de la démarche proposée par le groupe ECOUEN exposée par Josette Jolibert et Christine Sraiki dans l’ouvrage Des enfants lecteurs et producteurs de textes, Cycles 2 et 3 publié chez Hachette Education en 2006, même si je n’ai pas à proprement parlé mis en place de réels chantiers de manière aussi aboutie que celle préconisée par le groupe. Cependant, en m’appuyant sur les étapes proposées, j’ai essayé de construire chez les élèves une véritable stratégie de production. Un travail préliminaire de construction de la référence a été d’abord initié. Ensuite, une phase de discussion collective a permis pour chacune des productions, sa planification. Il s’agissait de s’assurer que chacun puisse se représenter de manière juste et précise la situation de communication. De plus, même si le premier jet reste individuel, la mise en commun ultérieure sur un même cahier des charges a pour objectif d’aboutir à une production cohérente. Il est donc impératif dans ce cadre de s’assurer que tout le monde travaille dans la même direction.
Cette phase de mise en commun est rapidement apparue comme une étape indispensable pour engager les élèves à porter un regard de lecteurs sur leurs productions. En fait, seuls face à leur premier jet, les élèves avaient beaucoup de mal à s’engager dans une révision (voire une simple relecture) de leur production. En ayant à porter un regard critique sur les productions de l’ensemble de la classe, la mise en activité était plus facile même si elle restait pénible pour certains.
Les élèves étaient ensuite amenés à réviser leurs productions en tenant compte des apports de l’ensemble du groupe. Cependant, certains d’entre eux ont éprouvé beaucoup de difficultés à intégrer les propositions de la classe et à revenir sur leur propre production.
Le fait de travailler sur un écrit authentique destiné à être lu par d’autres impose à ce titre de respecter les normes de cette forme d’écrit particulier qu’est la lettre. Comme le soulignent Dominique Bucheton et Jean-Charles Chabanne, « Le respect des normes manifeste autant une intériorisation de celles-ci qu’un rapport à l’écrit positif, qui en est la condition. 3». L’implication de l’élève dans l’écriture à travers la révision et la correction de sa production l’amène à accepter en profondeur un système de valeurs. En étudiant et en s’appropriant les normes de l’écrit épistolaire, l’élève peut donc construire un rapport positif à ces contraintes car pour pouvoir être lue, il découvre que sa production se doit de les respecter. Les exigences de respect des normes sont bien entendu à moduler selon les capacités de l’élève mais son principe d’acceptation participe d’un rapport positif à l’écrit.
En travaillant toute l’année sur ce projet, les élèves sont régulièrement confrontés à ce type d’écrit et en construisent progressivement les normes. En devenant « expert », en ayant une représentation de plus en plus précise, il paraît légitime de penser que les élèves soient amenés à en maîtriser de mieux en mieux l’usage. En développant ainsi une stratégie d’écrivain expert sur une forme d’écrit, les élèves devraient donc prendre du plaisir à écrire en en ayant la maitrise et en développant leur confiance lors de sa production.
Il s’agit maintenant d’évaluer comment ce projet a pu impliquer les élèves et de voir en quoi et comment des compétences en terme de production d’écrit ont pu être construites à travers ce projet.

QUELLES COMPETENCES CONSTRUITES DANS LE CADRE DE CE PROJET D’ECRITURE ?

Attitude face aux activités et aux apprentissages

Adhésion au projet

Lors de la discussion en groupe classe sur la mise en œuvre du projet de correspondance avec la classe de CE1 de St Silvain, j’ai tout de suite mesuré l’intérêt suscité chez la grande majorité des élèves. Les élèves ont adhéré rapidement au projet malgré une première déception : certains élèves s’étaient imaginés que nous allions nous rencontrer ou partir en voyage à la campagne. En effet, l’année précédente, une classe de CP avait envoyé une lettre d’invitation à une autre classe de CP d’une école voisine pour un pique-nique commun.
Même sans la finalité d’une rencontre avec les élèves de la campagne, la classe a décidé de s’engager dans cette correspondance à l’unanimité.
Cette adhésion au projet était indéniablement liée à l’annonce d’une activité un peu différente de celles traditionnellement proposées en classe. Suite à cette séance de découverte du projet, les séances suivantes ont été consacrées à la construction de la représentation d’une lettre tant sur le fond que sur la forme. Si je n’ai pas ressenti l’enthousiasme manifesté lors de la première séance, les élèves ont cependant tous participé avec intérêt aux séances.

Evaluation diagnostique des premiers jets

Ensuite, sont intervenues les séances de productions qui m’ont permis de récolter des traces écrites et donc des éléments tangibles et objectifs sur lesquels m’appuyer. C’est d’ailleurs à cette période là de l’année que je me suis rendu compte de l’intérêt des évaluations notamment formatives et sommatives que j’avais sous estimées jusqu’alors. En effet, grâce à une trace écrite individuelle réalisée de façon autonome, je me suis rendu compte que j’avais une source incomparable pour apprécier de façon objective les compétences des élèves. Ainsi, j’ai pu me rendre compte que certains élèves plutôt performants se trouvaient en situation d’échec ou en tout cas de blocage devant leur feuille blanche même si une discussion préalable avait eu lieu pour évoquer ce qui pourrait écrit. En revanche, d’autres élèves généralement plus en difficulté se sont révélés être à l’aise dans ce type d’activité : certains se sont uniquement inspirés des idées émises en collectif et d’autres y ont ajouté les leurs. Ces dernières ont d’ailleurs été souvent dérivées de celles émises en collectif : « Allez-vous à la piscine ? » a débouché sur « Allez-vous au cinéma ? » par association d’idée car c’était à ce moment-là de l’année les seules sorties réalisées par la classe. « Avez vous une cour de récréation ? » a été déclinée par certains élèves par « Avez vous une bibliothèque ? » ou « Avez-vous un préau ? ».
Quelques productions ont fait émerger de nouveaux thèmes : pratique d’un sport pour un élève, le fait de savoir s’il y avait des porteurs de lunettes (proposé par un élève qui en portait depuis le matin même !) mais ils ont été relativement peu nombreux. Beaucoup d’élèves sont restés dans un cadre très scolaire et centré sur des questions techniques liées à leur quotidien d’élève (cours de récréation, maître ou maîtresse, nombre d’élèves, cantine, piscine, sorties, etc.).

Richesse du contenu

Une des composantes du projet était d’amener les élèves à se représenter le quotidien d’un élève habitant à la campagne et de percevoir les différences liées à des milieux socio-culturels différents. Cette partie a été assez peu exploitée par les élèves dans leurs productions. Elle a donné lieu en classe à des échanges intéressants lors de la réception des photos de nos correspondants (vue de l’école, de la cour de récréation et d’un paysage environnant). La comparaison entre nos photos, entre nos effectifs, entre nos origines socio-culturelles a amené les élèves à percevoir des différences mais n’ont pas abouti pour l’instant à un questionnement particulier de la part des élèves.
Pour susciter cet intérêt, j’ai proposé aux élèves de produire un jeu de « Qui-est-ce ? » à envoyer aux élèves de St Silvain en leur demandant de faire de même. L’idée sous-jacente est de personnifier un peu plus les destinataires, afin que les élèves aient envie d’en savoir plus sur leurs correspondants.

Compétences en terme de stratégie de production d’écrit

Spécifique au type et à la forme d’écrit

La forme d’un écrit de type lettre de correspondance a des caractéristiques propres qu’il convient d’étudier pour permettre aux élèves d’en avoir une représentation précise. Dans une des premières séances du projet, les élèves ont été amené à dégager les éléments communs aux deux lettres qui leur avait été distribuées (annexes A1 et A2). Collectivement, les élèves ont repéré les constantes (date, lieu, adresse, formule de politesse, etc.) et leur organisation spatiale dans l’espace de la feuille. Cette dernière a d’ailleurs donné lieu à un étayage soutenu de ma part : la disposition des différents éléments à travers leur mise en page n’a pas émergé et j’ai dû largement guider les élèves pour aboutir à la trace écrite collective sur affiche de synthèse (annexe B1).
Rétrospectivement, je pense que j’ai mené cette séance de découverte de la lettre de façon trop rapide. En voulant soulager les élèves d’une lecture trop longue de documents, j’ai restreint à deux lettres les documents étudiés. Il aurait été plus pertinent de s’appuyer sur un corpus plus large. J’aurais pu m’appuyer sur la lecture de l’album « Le gentil facteur ou lettres à des gens célèbres4» qui aurait permis de constituer progressivement un corpus plus large de lettres. Une autre activité qui pourrait être intéressante dans ce cadre serait de demander aux élèves d’effectuer un tri de textes en mêlant aux lettres d’autres formes d’écrit (une recette et un article de journal par exemple) pour permettre de mettre en évidence la silhouette, la mise en page particulière de ce type d’écrit qu’est la lettre.
Les premiers jets réalisés dans le cadre de ce projet ont d’ailleurs clairement fait apparaître l’absence de prise en compte de la silhouette de la lettre. Seul un élève (annexe D1) semble avoir organisé la disposition de la formule de politesse de clôture en sautant une ligne et en la détachant du corps du texte. Le seul élément pris en compte par une majorité d’élèves est la signature (10 productions sur 19). Il s’agit d’un élément caractéristique fort de la lettre dont l’aspect social est important par son caractère officiel et adulte.
Cette absence de réinvestissement de la silhouette, qui avait pourtant donné lieu à une trace écrite collective puis individuelle distribuée et collée dans le cahier de leçon (annexe B2), est liée à l’absence d’une phase de rappel de ma part avant la mise en activité de la rédaction du premier jet. De plus, l’affiche collective n’était pas visible lors de cette séance.
Lors des séances suivantes, un rappel des éléments de la lettre et de leur disposition dans la page était prévu. Malgré cela, beaucoup d’élèves avaient encore du mal à se repérer (certains ont toujours beaucoup de difficultés dans leur cahier du jour à écrire sur les lignes, à respecter les deux carreaux entre la marge et l’écriture de la date ou encore les sauts de lignes).
Pour entraîner et systématiser cette organisation spatiale des informations, j’ai proposé aux élèves des gabarits mettant en évidence la structure de la lettre avec ses différents champs (expéditeur, date et lieu, formule de politesse d’introduction). Pour les élèves les plus en difficulté, l’intitulé des champs était inscrit sur les lignes du modèle (annexes A3 et A4).
A travers la pratique de la correspondance entre élèves dans la classe, la structure a été progressivement intégrée et, dans le premier jet individuel réalisé début avril (voir exemples annexes L), la quasi-totalité des élèves avait une bonne maîtrise de la silhouette de la lettre.

Planification / mise en phrases / révision

Le processus d’écriture est complexe et fait intervenir de nombreuses opérations. Pour des élèves de CE1, ces différentes étapes sont chacune, à des degrés divers, encore en construction : du phonème au discours en passant par le mot, la phrase et le texte, toutes ces étapes ne peuvent être menées de front par les élèves apprentis scripteurs.
Suivant les recommandations de nombreux didacticiens, notamment les chercheurs Hayes et Flower, l’activité de production d’écrit a été décomposée en différentes phases lors de sa mise en œuvre.
• Phase de planification
Tout d’abord, les élèves doivent pouvoir se représenter le contenu de ce qu’ils vont être amenés à produire. Cette étape avait été réalisée en collectif lors de la première lettre et je pensais la mener de façon individuelle dans la seconde. En effet, je croyais que les élèves auraient pu construire de façon autonome leurs écrits en s’appuyant sur la lettre réponse reçue. J’avais pris soin de la dactylographier pour en soulager la lecture mais il s’est avéré que beaucoup d’élèves ont eu du mal à s’organiser. La lettre reçue étant relativement longue (16 phrases dont 8 questions), ils se sont pour la plupart focalisés sur 2 ou 3 points et quelques autres n’ont pas, dans un premier temps, tenu compte du courrier reçu.
J’ai alors décidé d’organiser une mise en commun pour que tout le monde prenne conscience que nos correspondants nous posaient des questions auxquelles ils attendaient une réponse. Nous avons également rappelé que, dans notre première lettre, nous avions donné certaines informations qu’il était inutile de rappeler (nombre d’élève dans la classe par exemple).
Le long intervalle entre nos courriers, la longueur et la teneur des échanges associés aux difficultés de lecture de certains élèves ont rendu indispensable cette étape collective de planification : pour pouvoir travailler dans une même direction, l’ensemble des élèves doivent pouvoir partager des objectifs communs.
Si quelques élèves ont été capables de planifier seuls de façon satisfaisante leurs réponses, aucun d’entre eux n’a répondu de façon exhaustive à toutes les questions posées et proposé en retour des questions. Les stratégies de planification ont été différentes selon les élèves : certains se sont focalisés sur quelques questions et y ont répondu, d’autres ont répondu à quelques questions et en ont aussi produit en retour et enfin un élève a repris l’ensemble des questions pour y répondre une à une.
Il a donc été intéressant de confronter les idées de chacun car si la production des premiers écrits est individuelle, la tâche finale a toujours été définie comme un écrit collectif où chacun devait pouvoir se retrouver. Il est donc indispensable de s’assurer que l’ensemble de la classe partage les mêmes objectifs de communication.
De plus, il est intéressant que chaque élève se confronte individuellement à cette tâche de planification pour mieux en saisir l’intérêt : sans réfléchir en amont à ce que je veux écrire et comment je vais l’écrire, il est difficile de produire.
Cette étape de planification est restée difficile pour un des élèves qui n’a rien réussi à produire seul (« Je ne sais pas quoi dire. ») mais le reste de la classe a eu au moins une idée de contenu à partager. Pour cet élève, par ailleurs plutôt performant, il s’agit probablement d’un blocage lié à sa confiance en lui et de sa difficulté à devoir produire un contenu personnel plus que d’une réelle difficulté à se représenter l’écrit à produire. En effet, cet élève a, dans l’exercice de production d’une lettre du vieux monsieur à son amie Odette (annexe H1), parfaitement réussi à produire un écrit cohérent ou encore quand il s’est agit d’écrire à Ernest l’élève de la classe ayant déménagé en cours d’année (annexe I3).
Peut-être que le fait de s’adresser à un ensemble d’élèves inconnus a pu être source de difficulté de représentation pour lui. Un échange duel avec un correspondant même inconnu aurait peut-être pu lui permettre de trouver l’inspiration plus facilement.
Je pense d’ailleurs qu’en raccourcissant les délais entre les courriers et au fur et à mesure des échanges, les élèves pourraient plus facilement enrichir le contenu de leurs productions et trouver l’inspiration pour partager plus d’informations. L’état d’avancement actuel du projet ne me permet pour l’instant pas de l’affirmer mais cela pourrait être intéressant à analyser.
• Phase de mise en texte
Les progrès réalisés dans les apprentissages entre les deux lettres (novembre et avril) ont permis aux élèves d’acquérir une plus grande autonomie dans la phase de mise en texte. En effet, si le recours à la dictée à l’adulte a été sollicitée en novembre par plusieurs élèves, lors de la production d’avril, seule une élève y a eu recours. En revanche, des reformulations à l’oral lors des mises en commun ont été nécessaires à chaque fois pour rappeler certaines règles propres à l’écrit (suppression du double sujet « Nous, on a une grande cour.», la formulation des questions sans « oui ou non » à la fin, etc.).
Par ailleurs, le recours à des outils mis en place durant l’année de façon spécifique au projet (éléments de syntaxe : début de phrase ou éléments de conjugaison non étudiés par exemple, copie de lettres, etc.) ou des outils généraux à la classe (affichages collectifs ou cahier de leçons par exemple) a permis aux élèves de ne pas systématiquement faire appel à l’enseignant. L’usage de ces outils ne se fait pas encore de façon tout à fait autonome mais il est proposé et rappelé à chaque sollicitation. La plupart des élèves utilisent alors de façon satisfaisante les outils même si cette compétence reste à consolider pour certains.
Les séances de production d’écrit ont été réalisées en classe entière en avril (nous n’avons pas pu bénéficier de créneaux en demi-classe en raison de l’absence de la professeure d’EPS) sans que cela soit plus difficile à gérer en terme de disponibilité qu’en début d’année où nous travaillions en demi-groupe. Si une certaine autonomie s’est donc bien développée chez la plupart des élèves, quelques uns restent malgré tout très dépendant d’une aide extérieure pour se lancer dans l’écriture.
Pour tous les élèves cependant, cette phase d’écriture reste un moment de plaisir et aucun élève n’a manifesté de refus complet d’entrer dans l’activité. Les élèves en difficulté ont tous produit un texte, certains avec aide, d’autres sans, et si certaines productions sont très faibles qualitativement et quantitativement, elles ont le mérite d’exister. Même en difficulté, chaque élève est producteur d’un texte et de ce fait, participe, à son échelle, au projet collectif.
• Phase de révision
La révision d’un texte est une des étapes les plus complexes à mettre en œuvre chez les élèves. Devoir relire sa propre production avec un certain recul permettant de procéder à des modifications locales ou globales ne va pas de soi pour des élèves de CE1.
Lors de la production de la première lettre, la plupart des élèves n’ont pas réussi à porter d’eux-mêmes un regard critique sur leur production. J’ai largement pris en charge cette étape de révision sous forme collective pour aboutir à une synthèse des différentes propositions.
Conscient des limites de cette démarche où chacun ne perçoit pas forcément les limites et manques de sa propre production, j’ai fait l’hypothèse que la relecture par un pair permettrait à l’élève producteur d’avoir un retour critique sur son texte. En mettant en place la correspondance entre pairs au sein de la classe (exemples en annexes G), il y a eu effectivement des échanges intéressants entre expéditeurs et destinataires : « Qu’est-ce que tu as écrit là ? » ou encore : « Je ne comprends pas ce que tu veux dire ! ». Si ce retour n’a pas donné lieu à une révision de leurs productions, elle a permis aux élèves de se représenter les limites sémantiques et graphiques de leurs textes.
Lors de la production de la seconde lettre, j’ai donc décidé de mettre en place un dispositif différent : pour la révision générale du texte, plutôt que prendre en charge la lecture de quelques productions, j’ai laissé les élèves qui le souhaitaient, lire leurs lettres à l’ensemble de la classe. Les élèves ont principalement relevé les imprécisions liées au sens. Le fait de travailler oralement n’a pas facilité un travail sur la forme mais le fait d’amener les élèves à échanger entre eux sans que j’intervienne en tant que filtre a été positif dans la dynamique des interactions. En me positionnant en modérateur, j’ai simplement essayé de recentrer les débats et j’ai constaté que les élèves se sont appropriés plus facilement leurs écrits que lors de la première lettre.
Il aurait été intéressant de confronter les productions sous leurs formes manuscrites pour amener les élèves à critiquer la mise en page et à pointer les erreurs syntaxiques des lettres de leurs pairs mais cette confrontation n’a pu avoir lieu qu’entre binômes. Cette confrontation en groupe classe, à l’aide des productions affichées à l’aide d’un vidéoprojecteur par exemple, pourrait être une piste intéressante à développer dans une prochaine mise en œuvre.
Dans un second temps, les élèves ont été amenés à remplir une grille de relecture que nous avions construite précédemment ensemble (annexe C). L’objectif était de les amener à relire leurs productions, y porter un regard critique pour cocher (ou non) les items de la grille et ensuite réviser leur texte.
Si la plupart des élèves ont effectivement coché de façon pertinente les items, aucun élève n’a utilisé cette évaluation pour réviser de lui-même son texte. L’utilisation de la grille avait été mise en place que peu de temps auparavant dans le cadre d’une autre production et son usage n’était donc pas à ce stade considérée comme une aide à la révision mais plutôt comme une simple évaluation. Lors de la présentation de l’outil, une énonciation plus explicite sur son intérêt final, à savoir la révision d’un texte en vue de son amélioration, est à rappeler lors des premières mises en œuvre. J’ai donc au cours de la séance refait un point sur l’usage et la finalité de cette grille de relecture. Dans la perspective d’une autre mise en place de ce type d’outil, je serai vigilant sur le temps à y consacrer. En effet, il m’apparaît maintenant comme évident qu’une telle démarche de révision, déjà difficile à mettre en place par l’élève, doit s’appuyer non seulement sur un outil (ici la grille de relecture) mais également sur une méthode. Si la création et mise en œuvre de l’outil ont été travaillées, je n’ai pas, de façon explicite, présenté la méthode pour l’utiliser et surtout précisé l’objectif final de son usage : réviser de façon autonome son texte pour valider les critères relevés comme non validés à la suite d’une première relecture.
Une fois, ces précisions intégrées et à travers une utilisation répétée de cet outil, les élèves devraient au fur et à mesure pouvoir l’intégrer dans une démarche de révision de leurs productions de façon autonome. Pour certains élèves, une piste de différenciation pourrait être un allègement des items à contrôler et réviser. En effet, les élèves ne sont pas tous au même moment en capacité de prendre en charge autant d’éléments à analyser et corriger.
Ces grilles de relecture pourraient se construire progressivement dès le début de l’année (et/ou du projet) en ajoutant des items au fur et à mesure des apprentissages et des progrès réalisés par chaque élève. L’utilisation de ce type d’outil me paraît pertinent pour construire une certaine autonomie chez les élèves dans cette phase complexe de relecture mais exige l’acquisition d’une réelle compétence à construire sur la durée et à travers un réinvestissement dans différentes situations. J’ai mis en place cet outil tardivement dans l’année mais les quelques résultats perçus m’encouragent à continuer son utilisation. Celle que les élèves en font désormais lors de nos dictées hebdomadaires me conforte en tous cas dans cette idée. En ciblant les critères de relecture, les élèves détectent plus facilement leurs erreurs. Il faut cependant nuancer ce propos en rappelant que si le critère de relecture porte sur un élément non maîtrisé par l’élève ou pour lequel il n’a pas les connaissances et compétences d’analyse, l’intérêt de la relecture est nul (avec ou sans grille).
Sans le recul nécessaire, je ne mesure pas si les élèves pourront être capable d’intégrer une relecture par critère sans cette aide rapidement mais je pense que cette automatisation pourra se construire sur plusieurs années avec ce type d’outil (amené à se complexifier au fil des apprentissages) sans que cela soit préjudiciable.
Après cette phase de révision par les élèves, intervient celle, réalisée par mes soins, pour s’assurer que les normes d’écriture soient respectées avant copie de la lettre finale à expédier. En effet, lors de la mise en place du projet, nous avions convenu que le texte que nous adressions à nos correspondants devait être respectueux des normes d’écriture du français.
Là encore, j’ai procédé différemment entre la première et la seconde lettre à nos correspondants. En effet, si en novembre, j’avais pris en charge la totalité des corrections à apporter, pour les productions réalisées en avril, il en a été autrement : les apprentissages réalisés depuis le début de l’année par les élèves leur ont permis de prendre en charge certaines corrections. Mon rôle consistait alors à simplement détecter à leur place l’erreur en leur laissant le soin de la corriger. Une partie de l’analyse de l’erreur est prise en charge par le code de correction mis en place en classe (annexe B3) mais la correction normée reste à la charge de l’élève.
Pour les erreurs relatives à des connaissances non encore étudiées ou maîtrisées, les corrections étaient réalisées par mes soins. Certaines m’ont d’ailleurs pu permis d’expliquer aux élèves que cette notion allait être prochainement étudiée en classe ou le serait dans une classe ultérieure. Cependant, selon les élèves, une partie des erreurs ont quand même été prises en charge par mes soins même si elles étaient relatives à des apprentissages réalisés en classe. En effet, certaines productions présentaient tant d’erreurs que leurs corrections auraient été trop lourdes à prendre en charge par l’élève. Si le respect de la norme est indispensable, il ne faut pas qu’il empêche certains élèves de produire. En les soulageant d’une partie de la correction, j’ai fait en sorte qu’ils ne se limitent pas dans l’étape de production du premier jet en anticipant les révisions futures. Cependant, j’ai laissé à chacun une partie de la correction à réaliser par lui-même (parfois pour certains simplement la ponctuation ou les majuscules) car la compétence de relecture et de correction se doit d’être construite chez tous les élèves même les plus en difficulté.

Compétences en maitrise de la langue

A travers les différentes étapes de ce projet de correspondance, les élèves ont été amenés à produire leur propre lettre. Cette compétence du producteur du type d’écrit particulier qu’est la lettre met en jeu d’autres compétences plus générales. En effet, la production et la révision de leurs écrits amènent les élèves à construire des compétences en maitrise de la langue française que l’on  présente ici à différents niveaux : textuel, syntaxique et lexical.

Niveau textuel : cohésion, cohérence, grammaire de texte

• Cohérence
La cohérence des textes produits se manifeste à un niveau global : est-ce que les lettres produites pourront être lues et correctement interprétées par leurs destinataires ? Est-ce que les informations fournies ou demandées sont pertinentes ?
Dans la plupart des productions de lettres mises en place en classe, les élèves ont été amenés à échanger entre eux lors de la phase de planification et un tri s’est effectué sur les différentes propositions ayant émergées pour aboutir à des lettres cohérentes.
Si on étudie les productions des élèves, on remarque qu’elles se révèlent être cohérentes dans leur ensemble : les notions d’expéditeur et de destinataire sont prises en compte (cf p.15), les formules d’introduction et de clôture sont adaptées, les textes produits ne sont pas en contradiction avec le but visé, les élèves posent des questions pertinentes et répondent de façon satisfaisante à celles posées par leurs correspondants, etc.
Cependant, en analysant plus finement ces premiers jets, il est intéressant de relever certains passages où l’implicite utilisé par les élèves ne permet pas une compréhension satisfaisante ou en tout cas complète de l’idée sous-entendue par l’élève. Nous avions déjà souligné lors de la rédaction de la première lettre, la référence faite par certains élèves à un pique-nique qui en sous-entendait l’organisation avec nos correspondants (cf p.13).
Dans les premiers jets de la lettre à Ernest Junior, un élève ayant déménagé en cours d’année scolaire, j’ai ainsi relevé chez un élève les phrases suivantes : « Est-ce que tu fais du karting ? Est-ce que tu manges des pizzas ? » au milieu d’autres questions plus « classiques » sur la nouvelle école de son camarade (production en annexe I2).
En discutant avec l’élève en question, j’ai réalisé que ces phrases étaient liées à sa représentation de la banlieue. En effet, lors de la discussion collective ayant précédé la rédaction, nous avions évoqué le fait qu’Ernest avait déménagé en banlieue parisienne, qu’il habitait désormais dans une maison et qu’il allait dans une nouvelle école. Pour cet élève, le mot banlieue lui a inspiré les lieux qu’il avait lui-même fréquentés en banlieue : le terrain de karting et la pizzeria d’un centre commercial.
Un autre exemple relevé dans une production : « Quelle lettre fais-tu ? » (voir annexe I1). Tout d’abord décontenancé par cette question, j’ai compris, après réflexion, que l’élève faisait ainsi référence au phonème (et non à la lettre !) étudié en phonologie chaque semaine en classe.
Ces exemples auraient été probablement plus nombreux dans le cadre de productions plus longues et plus personnelles et il serait intéressant alors de mener un travail spécifique sur ces références implicites. En développant une correspondance duelle entre élèves des deux classes, je pense que les élèves pourraient plus facilement produire des écrits plus personnels et donc plus sujets à des sous-entendus. Un travail d’élucidation de ces références implicites pourrait alors amener les élèves à prendre conscience de la nécessaire cohérence de leurs écrits et d’une explicitation parfois indispensable de leurs propos.
• Cohésion et grammaire de texte
Ces aspects de la langue n’ont pas été spécifiquement travaillés dans le cadre de ce projet. En effet, la longueur des textes produits n’a pas ou peu sollicité l’usage de connecteurs ou de substituts. Les phrases qu’elles soient déclaratives ou interrogatives ont été produites sans réelles articulations entre elles sans que cela soit problématique sur la forme. Sans développer plus le propos, la nécessité de travailler ces compétences n’émerge pas dans ce type de production. On peut cependant relever un usage adéquat des temps passé et présent chez tous les élèves.
Comme précisé précédemment, c’est l’aspect formel propre à la lettre qui a été principalement sollicité ici mais d’autres travaux réalisés cette année, comme par exemple la rédaction d’un compte rendu d’une visite au musée, ont cependant permis de travailler ces compétences.

Niveau syntaxique : orthographe, grammaire

Les connaissances au niveau syntaxique sont construites à travers différentes situations d’apprentissage menées en classe hors du cadre de ce projet d’écriture. En revanche, il est important d’évaluer leur réinvestissement dans les productions des élèves. Il s’agit d’une compétence importante que d’utiliser ses connaissances en grammaire et en orthographe en situation de production d’écrit hors du cadre spécifique de ces enseignements.
L’élève étant amené dans un premier temps à procéder à une mise en phrases personnelle coûteuse en terme cognitif, sa vigilance sur le code écrit est souvent minimale. La phase de révision plus ou moins guidée par l’enseignant est une étape importante dans la constitution de cette compétence de relecteur-correcteur. Cette dernière est encore largement en construction pour des élèves de cet âge mais il est intéressant de relever les progrès réalisés dans ce domaine à travers les différents attendus mentionnés dans les instructions officielles.
• Ponctuation et majuscule
Dans les premiers jets produits en novembre et en avril, en étudiant la ponctuation réalisée par les élèves, des progrès sont réalisés chez chacun d’entre eux à l’exception d’une élève en grande difficulté que j’avais accompagnée de façon plus soutenue en novembre.
Les relevés ont été effectués en dénombrant les signes de ponctuation attendus (point, point d’interrogation et point d’exclamation) et leur présence en adéquation avec le type de phrase produite.
Lors du premier jet en novembre, 5 élèves sur 18 avaient un taux de réussite égal ou supérieur à 50% contre 15 élèves sur 20 en avril. Les élèves maîtrisant la ponctuation en novembre (100% de réussite) ont obtenu des résultats identiques en avril preuve d’une compétence acquise de façon durable pour eux. Pour les autres élèves, les progrès sont bien présents mais demanderaient à être confirmés dans une prochaine production pour confirmer l’acquisition solide de cette compétence. Il est à noter qu’une évaluation réalisée une semaine auparavant sur le choix de ponctuation à effectuer pour terminer des phrases déclaratives, interrogatives et exclamatives avait été réussie par l’ensemble des élèves. C’est bien la capacité des élèves à mobiliser ce savoir dans une production personnelle qu’il s’agit ici d’évaluer. Pour certains élèves fragiles, la mobilisation de ces connaissances reste difficile y compris après une correction par l’enseignant où l’absence de ponctuation est signalée : certains élèves ont par exemple ajouté un point signalé comme manquant sans s’interroger sur le type de phrase dont il s’agissait. On retrouve ainsi sur plusieurs productions révisées, des points en lieu et place de points d’interrogation. Pour quelques élèves en très grande difficulté, l’utilisation des signes de ponctuation reste non maîtrisée en dehors d’exercices spécifiques dont on mesure ici les limites évaluatives.
Concernant la présence de majuscules en début de phrases, les résultats sont du même ordre : en novembre, 9 élèves avaient un taux de réussite supérieur à 50% (dont 3 élèves à 100%) et en avril, ils étaient 14 élèves (dont 11 avec 100% de réussite). Ici encore, les résultats sont à interpréter avec précaution : si certains élèves ont acquis un certain automatisme dans l’utilisation de leur savoir, pour la plupart, l’étape de rappel de la norme d’écriture d’une phrase réalisée en début d’activité reste indispensable. Mais la preuve d’une compétence en train de construire est bien là !
Un autre élément à souligner à travers l’étude de ces premiers jets est la difficulté pour la plupart des élèves à utiliser systématiquement une majuscule pour les noms propres. En effet, pour beaucoup d’entre eux, les majuscules de Belliard (nom de la rue de l’école), de Saint Silvain (nom du village de nos correspondants), de Charlie Chaplin, du prénom d’un camarade ou encore du titre du film Ernest et Célestine ont été en partie occultées.
La gestion de la majuscule selon la nature du nom est donc moins bien maîtrisée par les élèves que celle relative à la majuscule du début de phrase. Cependant, à part les oublis sur les prénoms d’un camarade, il serait surtout judicieux de préciser en amont avec les élèves les noms propres des textes produits.
En effet, lors du second jet, après un rappel sur les noms propres présents dans les productions, les majuscules au début des noms propres sont plus souvent présentes même si quelques oublis subsistent.
• Orthographe grammaticale
Comparativement aux écrits réalisés en début d’année, les erreurs liées à l’accord dans le groupe nominal ont été moins nombreuses lors de la seconde production de lettre à nos correspondants. Elles ont surtout pu être rectifiées par les élèves eux-mêmes grâce à leurs connaissances acquises sur le sujet entre temps, le recours éventuel aux outils d’aide mis en place et surtout au code de correction, permettant la détection de l’erreur, encore indispensable pour beaucoup.
Dans la plupart des phrases produites, les élèves ont employé les pronoms personnels sujets « nous », « vous » et « on » de façon cohérente. L’utilisation du pronom « on » n’a pas donné lieu d’erreur liée à une marque erronée de genre mais a cependant posé des problèmes à certains élèves : confusion avec l’homophone « ont » et problème de liaison (ex : « on na »).
Les terminaisons des verbes ont donné lieu à de nombreuses erreurs. Elles ont été plus nombreuses sur les premiers jets de novembre mais restent cependant présentes en avril y compris sur les productions d’élèves performants. On remarque à nouveau cette distinction entre une connaissance et sa mise en œuvre en production.
L’écriture de la seconde lettre est intervenue juste après l’étude de la conjugaison des verbes être et avoir au présent. Il était attendu que les élèves puissent donc mettre en pratique, hors du cadre des exercices de systématisation, leurs connaissances nouvellement acquises. Comme précédemment évoqué, le premier jet mobilisant beaucoup de ressources chez les élèves, la mobilisation de ces connaissances spécifiques n’a pas été totalement satisfaisante. En revanche, une fois l’étape de révision réalisée, les corrections sont toutes correctement prises en charge par la quasi totalité des élèves. La plupart d’entre eux ont d’ailleurs effectué les corrections nécessaires sans recours aux outils pourtant disponibles.
Pour la conjugaison de certains verbes ou certains temps n’ayant pas été encore étudiée, la plupart des corrections a été prise en charge par mes soins. Ce type de correction lorsqu’il a été réalisé en présence des élèves était intéressant car il m’a permis de leur préciser que ce serait l’objet d’un apprentissage à venir ou faire des liens avec des apprentissages déjà réalisés.
Certaines formes récurrentes ont été consignées dans une fiche outil d’aide permettant aux élèves une plus grande autonomie dans leurs corrections et dans leurs productions futures. C’est le cas notamment de la forme « vous faites » qui a été source d’erreurs pour beaucoup d’élèves.
• Orthographe lexicale
La plupart des élèves m’ont beaucoup sollicité pour avoir l’orthographe correcte des mots qu’ils souhaitaient utiliser dans leurs écrits. Cette intention louable et qui correspondait au cahier des charges que nous avions fixé a cependant été difficile à gérer en terme d’organisation. J’avais effectivement demandé à ce que tous les écrits (y compris le premier jet) soient le plus correctement possible rédigés pour engager les élèves à mobiliser leurs connaissances et s’investir dans une réflexion sur leurs écrits de façon systématique.
Cependant, beaucoup d’élèves se sont tout de suite arrêtés dans leur production face à un mot leur posant problème. Le premier réflexe étant d’appeler l’enseignant, cela a généré une rupture dans leur dynamique d’écriture, une attente liée à ma disponibilité et par conséquent une perte de concentration et d’attention.
Au fur et à mesure des séances, j’ai essayé de les amener à utiliser les outils à leur disposition (les lettres précédemment écrites, le recueil de textes utilisé en lecture, dictionnaire, etc.). Cependant, l’usage de tels outils s’il est pertinent durant les phases de révision, se révèle trop lourd à gérer pour les élèves durant la phase de mise en phrases. La perte de temps occasionnée par ces recherches a souvent démobilisé les élèves.
Suivant les recommandations de Danièle Cogis5, j’ai continué à exiger des élèves une vigilance orthographique mais sans que cela soit bloquant pour eux dans leur processus d’écriture. J’ai donc pris le parti de les encourager à écrire « comme ils le pensaient » et « du mieux qu’ils pouvaient » les mots pour lesquels ils avaient des doutes orthographiques. Je leur ai également proposé de les souligner en ondulé pour pouvoir revenir sur leur orthographe ultérieurement. J’ai également pris la décision de noter au tableau certains des mots qui m’étaient demandé par plusieurs élèves. Ils étaient également repris sur les fiches outils d’aide distribués lors des séances de révision.
A travers ces expériences, j’ai pu essayer divers dispositifs sans qu’un seul puisse émerger comme étant parfait. En effet, selon les élèves, les propositions doivent différer. En mêlant l’orthographe offerte (écriture au tableau, fiche-outil) et l’orthographe à réviser ultérieurement (soulignement en ondulé), l’objectif est que chaque élève trouve sa manière de procéder pour ne pas être bloqué dans sa production. Mais il est surtout important qu’il prenne conscience qu’une orthographe correcte est indispensable à l’écrit final mais que cet écrit final se construit à travers une (ou plusieurs) étape(s) de révision.

Niveau lexical : vocabulaire

Une des difficultés rencontrées durant ce projet a été le contenu à produire par les élèves. Les idées ont souvent été émises en collectif et reprises par la plupart des élèves. Seuls quelques élèves ont réussi à s’investir dans une production plus personnelle à travers un contenu légèrement différent de celui évoqué en groupe classe.
De plus, les productions individuelles se sont révélées être assez courtes (quelques phrases) et guidées dans la seconde lettre par les questions posées par nos correspondants.
Ces limites se retrouvent dans les écrits des élèves à travers un vocabulaire assez restreint et systématiquement utilisé par la plupart des élèves. Avec le recul, je pense que le fait d’avoir écrit certains mots au tableau et sur la fiche outil a conditionné le vocabulaire employé par les élèves. Dans la perspective d’une autre séquence de ce chantier, je prévois de mettre en place, en amont de la mise en phrases, un temps spécifique de travail autour du vocabulaire en lien avec les idées développées durant la phase collective.
Un travail par exemple sur les synonymes ou les familles de mots pourrait permettre de diversifier les écrits des élèves et d’enrichir par la suite les phases de mise en commun et de confrontation des productions. Un corpus élargi de mots pourrait également être produit avant l’étape de révision pour leur permettre d’enrichir ou de préciser leurs productions.

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Table des matières

1 QUELS CHOIX DIDACTIQUES ET PEDAGOGIQUES POUR DONNER DU SENS A LA PRODUCTION D’ECRIT ?
1.1 La production d’écrit
1.1.1 Articulation lecture / écriture
1.1.2 Articulation oral / écrit
1.1.3 Spécificités langue écrite
1.2 Les programmes officiels
1.3 Place de l’écriture dans l’emploi du temps de la classe
1.4 Mise en place d’un projet de production d’écrit sur l’année
1.4.1 Projet correspondance avec une autre classe de CE1
1.4.2 La lettre, un type d’écrit particulier
1.4.3 Stratégie de production de texte
2 QUELLES COMPETENCES CONSTRUITES DANS LE CADRE DE CE PROJET D’ECRITURE ?
2.1 Attitude face aux activités et aux apprentissages
2.1.1 Adhésion au projet
2.1.2 Evaluation diagnostique des premiers jets
2.1.3 Richesse du contenu
2.2 Compétences en terme de stratégie de production d’écrit
2.2.1 Spécifique au type et à la forme d’écrit
2.2.2 Planification / mise en phrases / révision
2.3 Compétences en maitrise de la langue
2.3.1 Niveau textuel : cohésion, cohérence, grammaire de texte
2.3.2 Niveau syntaxique : orthographe, grammaire
2.3.3 Niveau lexical : vocabulaire
CONCLUSION
ANNEXES

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