Le travail en รฉquipe enseignante est un thรจme rรฉcurrent des discours sur la transformation de lโรฉcole, les textes officiels vont peu ร peu dans ce sens depuis la mise en place des cycles et donnent une place certaine ร cette modalitรฉ de travail. La rรฉalitรฉ du quotidien dans les รฉcoles montre que le travail dโรฉquipe est dรฉsormais intรฉgrรฉ (plus ou moins superficiellement) et sโexprime au travers des instances officielles (conseils dโรฉcole, de maitres, de cycle..), dans certaines structures (รฉcoles ร aires ouvertes, รฉcoles dรฉcloisonnรฉes) mais aussi de plus faรงon informelle lors dโun projet commun entre deux classes par exemple. De plus la notion dโรฉquipe est de plus en plus prรฉgnante dans lโenvironnement รฉducatif puisque de plus en plus dโacteurs sont impliquรฉs dans sphรจre รฉducative, dans la communautรฉ. Il est donc impรฉratif de sโapproprier ce fonctionnement dโรฉquipe afin de mener ร bien la premiรจre mission de lโรฉcole : la rรฉussite de tous les รฉlรจves.
Pour cet รฉcrit rรฉflexif, il nous a semblรฉ intรฉressant de se pencher sur une pratique professionnelle du mรฉtier dโenseignant. En effet il apparait que depuis quelques annรฉes les lignes bougent et la profession se reconstruit, รฉvolue. Nous le constatons tous les jours ou presque lors de nos heures de formation ou lors de discussions avec des collรจgues plus expรฉrimentรฉs : le mรฉtier dโenseignant nโa plus rien ร voir avec ce quโil รฉtait il y a encore quelques annรฉes. Etre acteur de ce changement, de cette รฉvolution nรฉcessite dโavoir conscience des enjeux quโil/elle implique, cโest la raison pour laquelle nous avons tenu ร travailler sur le sujet des cycles et du travail dโรฉquipe : un axe majeur de la transition qui sโopรจre aujourdโhui dans la sphรจre รฉducative.
LA REFORME DES CYCLES, UN BILAN MITIGE
Quels objectifs ?ย
Le concept des cycles
Le terme de cycle peut se dรฉfinir comme une sรฉrie dโopรฉrations, dโactions ou de faits qui constitue une succession ordonnรฉe de phases ร lโintรฉrieur dโune รฉvolution. Cette dรฉfinition suppose que les cycles sโinscrivent dans une dรฉmarche fondรฉe sur la cohรฉrence et lโรฉvolution dโun sujet au sein dโun ensemble ou dโune structure globale, en sโopposant ร la notion de ruptures, cloisonnement et fragmentation. Si lโon applique cette dรฉfinition de cycle au domaine de lโenseignement on entrevoit lโopposition qui existe entre le cycle et la classe : cette derniรจre en regroupant des individus selon le critรจre artificiel de lโรขge occasionne des changements brutaux voire des ruptures dans le parcours scolaire dโun individu. Cโest pour rรฉpondre ร ce morcellement des parcours scolaires que les cycles semblent avoir รฉtรฉ mis en place: on cherche ร fluidifier et ร adapter les parcours pour amener ร une prise en compte des besoins, des rythmes et des intelligences de chacun. Plus gรฉnรฉralement, Gรฉrard Castellani identifie trois cloisonnements majeurs de lโรฉcole primaire que la rรฉforme des cycles devrait idรฉalement neutraliser :
โขย Un cloisonnement administratif
โขย Un cloisonnement entre รฉcole maternelle et รฉlรฉmentaire
โข Un cloisonnement espace-temps : en annรฉes et en classes physiquement distinctes les unes des autres .
Notre propos sโintรฉresse davantage ici aux deux derniers cloisonnements qui constituent les principaux freins ร la mise en place et lโaction rรฉelles des cycles dans le premier degrรฉ. La nouvelle dรฉfinition des cycles dรฉcidรฉe en 2013 tend ร restaurer le dialogue entre les รฉcoles maternelles et รฉlรฉmentaires (mรชme si le cycle 1 sโarrรชte toujours ร la grande section) et entre lโรฉcole รฉlรฉmentaire et le collรจge. Il apparait ainsi que les cycles, par leur dรฉfinition mรชme, poussent ร travailler en รฉquipe enseignante puisque le dรฉcoupage des notions abordรฉes sโรฉtablit en รฉquipe de cycle. Cette รฉquipe doit proposer un dรฉcoupage adaptรฉ au public deย lโรฉcole concernรฉe et permettre ร tous les รฉlรจves de maรฎtriser les compรฉtences attendues en fin de cycle. Dans les faits, nous avons pu observer deux รฉlรฉments notables :
โฆ Les รฉquipes de cycles se reposent beaucoup sur leurs expรฉriences des annรฉes antรฉrieures sans rรฉellement mener une rรฉflexion de fond sur les problรจmes qui ont pu รชtre rencontrรฉs ou sur les expรฉriences de lโannรฉe qui ont conduit ร constater des dysfonctionnements dans le dรฉcoupage des apprentissages. En dรฉfinitive ces rรฉunions sont plus centrรฉes sur les cas particuliers dโรฉlรจves ยซ difficiles ยป plutรดt que sur la dรฉfinition dโune dรฉmarche cohรฉrente et efficace pour arriver aux objectifs de fin de cycle.
โฆ Les rencontres รฉcole maternelle โ รฉcole รฉlรฉmentaire sโeffectuent entre les directeurs, un reprรฉsentant des classes de grande section et un reprรฉsentant des classes de CP, alors mรชme quโil sโagit de la rencontre et de la coopรฉration entre deux cycles et non entre deux niveaux. Cette derniรจre remarque nous pousse ร nous interroger sur lโintรฉgration des enjeux de la rรฉforme des cycles et sur les modalitรฉs pratiques de rencontre de ces instances.
Il est รฉgalement intรฉressant de noter ici le paradoxe instaurรฉ par les textes de 2008 qui, malgrรฉ la forte prรฉsence de la notion de cycles, propose nรฉanmoins des progressions (en mathรฉmatiques et en franรงais) dรฉcoupรฉes par annรฉes (niveaux) rendant caduques la notion de compรฉtences ร atteindre en fin de cycle. Ces exigences contradictoires peuvent donc รชtre (en partie) ร lโorigine de lโรฉchec relatif que connait, depuis maintenant quelques annรฉes, la rรฉforme des cycles.
Origines
A lโorigine de lโรฉcole primaire se trouve un impรฉratif sociรฉtal : au XIXรจme siรจcle, le dรฉveloppement de la scolarisation (lโรฉcole de Jules Ferry) est fondรฉ sur le patriotisme avec une place prรฉpondรฉrante accordรฉe ร lโinstruction civique et ร lโalphabรฉtisation. Le contexte historique explique en partie ces choix pรฉdagogiques : lโobjectif du maรฎtre ร cette รฉpoque est bien de fournir ร tous les รฉlรจves (souvent trรจs nombreux par classe) des repรจres intellectuels essentiels tels que lire, รฉcrire, compter. Lโรฉgalitรฉ est le principe rรฉpublicain qui prรฉside ร lโenseignement et le certificat dโรฉtudes primaire vient sanctionner un niveau gรฉnรฉral minimum. Nous sommes alors bien loin de la prise en compte du rythme et des profils des apprenants. Cette philosophie de lโรฉcole primaire diverge totalement des apprentissages dispensรฉs dans le secondaire et les deux mondes sont bien sรฉparรฉs. Lโenseignement reflรจte lโorganisation sociale de lโรฉpoque : il est divisรฉ, sans communication et mettent en jeu des intรฉrรชts divergents. Cette sรฉparation sโillustre par les publics qui frรฉquentent les deux types dโenseignement, le contenu des enseignements (quand le primaire vise des savoirs immรฉdiatement utilisables et concrรจtement applicables, le secondaire sโefforce dโapporter une culture, une mรฉthode et des savoirs qui permettraient la libre pensรฉe) enfin la formation des enseignements primaire et secondaire achรจve de creuser la sรฉparation existante entre ces deux mondes.
Nรฉanmoins ร partir des annรฉes 1920, les objectifs changent lรฉgรจrement et lโรฉcole sโachemine vers une philosophie des cycles. En effet lโรฉcole doit dรฉsormais conduire tous les รฉlรจves au collรจge et cโest en 1944 que sโรฉbauche une rรฉpartition en cycles avec la plan de rรฉforme Langevin-Wallon. En filigrane apparait la notion de compรฉtences ร acquรฉrir en fin de cycle (ยซ prendre chaque enfant tel quโil est avec ses goรปt et ses aptitudes ยป). On retrouve ces idรฉes qui vont dans le sens de la mise en place de cycles, de la diffรฉrenciation et des compรฉtences ร travers les diffรฉrentes grandes rรฉformes qui ont abouti ร la loi dโorientation de 1989.
Cycles pรฉdagogiques et diffรฉrenciation
La philosophie des cycles pรฉdagogiques a donc pour enjeu majeur la diffรฉrenciation : la prise en charge de chaque รฉlรจve compte tenu de son bagage social, intellectuel et comportemental. Pour que les cycles puissent dรฉployer leurs potentialitรฉs, ils doivent sโappuyer sur des outils solides et utilisables par les professeurs dans le but de connaรฎtre au mieux leurs รฉlรจves : quels besoins ? Quel rapport au savoir ? Quelle faรงon dโapprendre ? Dโun point de vue institutionnel le texte de la rรฉforme met en valeur trois outils principaux, repris depuis par les diffรฉrents textes. Il sโagit des programmes, des compรฉtences et de lโรฉvaluation. Ces trois grands thรจmes ont connu des dรฉclinaisons diverses au fur et ร mesure du temps mais ils restent nรฉanmoins les trois piliers de la fondation de la diffรฉrenciation pรฉdagogique.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PARTIE 1 : LA REFORME DES CYCLES, UN BILAN MITIGE
I. Quels objectifs ?
1. Le concept des cycles
2. Origines
3. Cycles pรฉdagogiques et diffรฉrenciation
II. Quelle mise en ลuvre ?
1. Mise en ลuvre des cycles (pratique)
2. La rรฉforme des cycles impose une rรฉnovation totale (mรฉthodes et contenus)
3. Limites
III. Bilan
PARTIE 2 : LE TRAVAIL EN EQUIPE, UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE ENSEIGNANTE NECESSAIRE ET DIFFICILE A METTRE EN OEUVRE
I. Le travail en รฉquipe : pourquoi ? pour quoi ? pour qui ?
1. Pour qui ? Les enseignants !
2. Le travail en รฉquipe : pour quoi ?
II. Objectifs et difficultรฉs
1. Finalitรฉs du travail en รฉquipe et bรฉnรฉfices attendus
2. Les freins et les obstacles
III. Travail en รฉquipe et cycles pรฉdagogiques : un nouveau mรฉtier ร bรขtir
1. Des compรฉtences ร acquรฉrir
2. Une culture ร reconstruire
PARTIE 3 : LES ACTIVITES DECLOISONNEES, SUPPORT PRIVILEGIE DU TRAVAIL DโEQUIPE EFFECTIF ET EFFICACE ?
I. Dรฉfinition et objectifs
1. Dรฉfinition
2. Objectifs
II. Expรฉrimentations et bilan
1. Expรฉrimentations en situation
a. Description
b. Analyse
2. Activitรฉs dรฉcloisonnรฉes et objectifs dโapprentissage
III. Une alternative aux activitรฉs dรฉcloisonnรฉes
1. La dรฉmarche de projet
2. Dรฉmarche projet et travail en รฉquipe
CONCLUSION
Bibliographie
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