Mise en place de supports de détection d’OGM inconnus

Les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont un sujet de société inépuisable et polémique. Les OGM sont par définition des organismes dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui n’est pas naturelle. La sélection d’organismes parmi un grand nombre de variants n’est pas considérée comme un processus de génération d’OGM, même si le résultat pourrait présenter de très fortes similitudes avec une insertion non naturelle. Un OGM est constitué de trois parties principales : le génome hôte, une ou plusieurs séquences insérées, nommées inserts, et les séquences de jonction issues des plasmides et autres éléments utilisés pour la transgénèse (incorporation d’un ou plusieurs gènes dans le génome d’un organisme vivant) . Ces séquences de jonctions ont la particularité de présenter une partie de séquence appartenant au génome hôte et une partie de séquence appartenant à l’insert. L’insert est constitué dans la majorité des cas d’au moins une séquence codante (CDS) d’un gène, pour exprimer une spécificité non présente dans le génome hôte. L’insert représente une infime partie du génome OGM.

De nombreuses sociétés en biotechnologie ont développé des semences OGM dans le but de rendre les cultures résistantes à certaines maladies ou d’accélérer leur croissance pour augmenter leur rendement. La lignée de maïs OGM MON810 créée et vendue par la société américaine Monsanto donne des semences OGM qui contiennent un gène nommé Cry1Ab appartenant à la bactérie Bacillus thuringensis. Ce gène permet au maïs de produire une protéine insecticide lui conférant une résistance à certains insectes ravageurs comme la Noctuelle (Sesamia nonagrioides) et la Pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis). De nombreuses études ont été menées sur cette lignée de maïs OGM, la teneur de la protéine codée par le gène inséré Cry3Bb1 dans le maïs MON81017 au cours de sa vie a ainsi pu être déterminée [1] mais aussi les effets potentiels de ces cultures dans les sols exposés sur les organismes non ciblés tels que le nématode Caenorhabditis elegans [2, 3].

Plus récemment, en 2016, l’entreprise AquaBounty Technologies a obtenu une autorisation de commercialisation au Canada pour son saumon atlantique génétiquement modifié, devenant ainsi le premier poisson OGM commercialisé à des fins alimentaires. D’après l’entreprise, ce saumon intègre deux gènes provenant d’un autre poisson, le saumon Chinook lui conférant une capacité de croissance deux fois plus importante qu’un saumon sauvage. En Amérique, la FDA (Food and Drug Administration) a qualifié le saumon AquAdvantage comme aussi sûr à manger que tout autre saumon de l’Atlantique non génétiquement modifié et aussi nutritif (voir chatpfe.com).

Alors que les États-Unis autorisent la culture des OGM, les politiques d’autorisation et de restriction des OGM diffèrent en fonction des pays bien que de nombreuses études aient été réalisées sur le sujet pour déterminer les avantages et les inconvénients à leurs cultures. En Europe, leur utilisation est encadrée et contrôlée. Les OGM sont ainsi autorisés à l’importation en Europe. La majorité des OGM importés est utilisée pour l’alimentation animale. En France, leur culture est totalement interdite. De nouvelles méthodes d’édition du génome, utilisant les mécanismes de réparation de l’ADN tel que la technique CRISPR-CAS9 ont été créées. Pour ces méthodes, la modification génétique n’est pas directement introduite par une entité extérieure mais les mécanismes de réparation de l’ADN sont détournés pour induire des modifications dans le génome. Ces organismes sont considérés comme OGM d’après la législation Européenne. Il est possible d’inactiver un gène, d’introduire une mutation ciblée ou de corriger une mutation particulière dans un génome à l’aide de ces nouvelles techniques.

Des méthodes de détection sont facilement développées sur des OGM connus, lorsque la séquence d’insert est connue. Il s’agit souvent d’un pré-requis à leur autorisation, donc leur utilisation légale. Des méthodes de détection par biologie moléculaire sont donc répertoriées dans des bases de données spécifiques comme GMO-Methods développée par le Joint Research Centre (JRC) qui est le  laboratoire de référence Européen sur les OGM. Des méthodes bioinformatiques fortement basées sur des alignements directs ont été développées pour détecter des OGM partiellement connus. Une partie de leur séquence insérée étant connue, il est possible de détecter les séquences de jonctions de l’insert dans le génome OGM [5]. Cependant, un OGM correspondant à l’intégration d’ADN exogène inconnu, donc non répertoriée dans les bases de données, n’aura pas de méthode de détection rapide dédiée. Aucune indication sur la localisation ou la nature du gène inséré à l’origine de l’OGM n’est précisée. Les méthodes de biologie moléculaire sont donc impuissantes face à des OGM présentant des séquences non définies. Actuellement, aucune méthode ou outil n’est disponible pour identifier de tels OGM. Comment détecter et identifier de tels OGM ?

Depuis 2001, la Commission Européenne définit un organisme génétiquement modifié comme un être vivant dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui n’est pas naturelle, donc en dehors des processus d’accouplement et/ou de recombinaison naturelle [14]. Cette modification est réalisée artificiellement par la main de l’homme pour atteindre un but défini. Le génome hôte correspond au génome sauvage, original, auquel une modification génétique est apportée pour construire un OGM. En 1972, Jackson et ses collaborateurs [15] ont développé un virus simien 40 (SV40), où un segment de l’acide désoxyribonucléique (ADN) contenant des gènes de phage lambda et l’opéron galactose de Escherichia coli ont été insérés : le premier OGM est ainsi créé. De nombreuses bactéries sont par la suite modifiées génétiquement, comme dans le cas de la bactérie E. coli dans laquelle un gène humain a été inséré dans le but de produire l’insuline humaine en 1979 [16].

Pour créer un OGM, différentes techniques de transfert de gènes ont été mises au point. Deux types de transferts peuvent être distingués : les transferts directs et indirects. Les transferts directs utilisent des moyens physiques ou chimiques pour forcer la pénétration de l’ADN dans les tissus ou cellules végétales tandis que les transferts indirects sont réalisés via un organisme transporteur comme avec la bactérie A. tumefaciens ou l’utilisation de plasmides lors d’une conjugaison bactérienne. En se focalisant sur les OGM de plantes, trois procédés différents permettant de créer un OGM vont être présentés : le transfert de gènes via la bactérie A. tumefaciens, la biolistique et l’édition de génome.

Grâce à la découverte des propriétés de bactéries telluriques phytopathogènes comme Agrobacterium tumefaciens, une méthode de transfert de gènes a été développée. La bactérie A. tumefaciens est capable de transférer une partie de son ADN dans le génome d’un végétal, pouvant ainsi servir de transporteur pour un gène d’intérêt [18, 19, 20]. Cette technique a permis de créer le premier OGM de plante en 1983, un tabac transgénique. Ce tabac peut se régénérer en plant sain après l’introduction de souches bactériennes produisant des tumeurs atténuées de la galle du collet [21]. La cellule de la bactérie A. tumefaciens est composée d’un chromosome et d’un plasmide inducteur de tumeur, le plasmide Ti. Cette méthode consiste à isoler ce plasmide Ti de la cellule de A. tumefaciens. Ensuite, la partie qui peut être transférée, nommée ADN-T, est coupée à l’aide d’une enzyme de restriction. Cette même enzyme de restriction est utilisée pour couper l’ADN étranger présentant le gène d’intérêt. Cet ADN étranger est ensuite inséré dans l’ADN-T de la bactérie A. tumefaciens. Le plasmide Ti modifié est replacé dans la cellule de la bactérie A. tumefaciens. La bactérie transportant le gène d’intérêt insère l’ADN-T modifié dans le génome de la cellule végétale. Enfin, cette dernière est cultivée dans le but de donner naissance à de nouvelles plantes possédant l’ADN étranger . La transformation par A. tumefaciens a aussi été réalisée sur des plantes cultivées comme le maïs [22]. Récemment, une quatrième version d’un super Agrobacterium a été développée dans le but de palier à des taux de transferts de gène et de transformation stable nettement inférieurs chez certaines plantes [23].

Une autre technique permettant de créer un OGM se nomme la biolistique. Elle fait partie des méthodes de transfert direct. Cette technique consiste à propulser des projectiles microscopiques (billes d’or ou de tungstène) enrobés d’ADN à l’aide d’un canon à particules sur des cellules végétales. L’appareil est constitué d’une chambre reliée à une sortie pour créer un vide (Figure 3). Au sommet, un tube est temporairement isolé du reste de la chambre par un disque de rupture. Ce tube est utilisé pour contenir un gaz accélérateur. Un microsupport contenant des particules de tungstène recouvertes d’ADN, nommé microprojectiles, est placé à proximité du disque de rupture. Ensuite, un écran d’arrêt est placé entre les cellules cibles et le microsupport. Lorsque l’appareil fonctionne, de l’hélium gazeux est introduit dans le tube à grande vitesse. La pression à l’intérieur du tube étant importante, le disque de rupture se rompt propulsant ainsi les microprojectiles recouverts d’ADN contenus sur le microsupport grâce aux ondes de chocs de l’hélium. Les microprojectiles passent à travers l’écran d’arrêt pour délivrer l’ADN dans les cellules cibles. Les cellules transformées sont régénérées sur un milieu nutritif.

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Table des matières

Introduction
1 Contexte de la détection des OGM
1.1 Définition
1.2 Fabrication
1.3 Réglementation
1.4 Méthodes de détection
1.4.1 OGM connus
1.4.2 OGM partiellement connus
1.4.3 Base de données OGM connus
1.5 Conclusion
2 Mise en place de supports de détection d’OGM inconnus
2.1 Objectifs
2.2 Méthodes
2.2.1 Création de pangénomes
2.2.2 Création d’une banque de données d’inserts OGM connus
2.2.3 Construction d’OGM synthétique
2.3 Application
2.3.1 Cas du maïs
2.3.1.1 Présentation du maïs OGM
2.3.1.2 Résultats relatifs aux OGM synthétique
2.3.2 Cas de la bactérie B. subtilis
2.3.2.1 Présentation de B. subtilis
2.3.2.2 Pangénome de B. subtilis
2.3.3 Cas de la bactérie E. coli
2.3.3.1 Présentation de E. coli
2.3.3.2 Pangénome de E. coli
2.3.4 Cas de six autres bactéries
2.3.4.1 Présentation des bactéries utilisées
2.3.4.2 Pangénome de six bactéries additionnelles
2.3.4.3 Résultats OGM synthétiques
2.4 Conclusion
Conclusion

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