Extraction de l’énergie électrique
Introduction
Le circuit électronique de récupération modifie les grandeurs électriques (courant/tension) de sortie du récupérateur et par conséquent l’énergie extraite de ce dernier. Comme discuté dans le chapitre précédent, le schéma équivalent « sans rétroaction » sera utilisé pour modéliser le piézoélectrique. Il s’agit donc d’extraire efficacement l’énergie électrique d’une source d’impédance fortement capacitive d’une part et de la convertir en énergie utilisable d’autre part, ces deux fonctions étant parfois réalisées par le même circuit électronique.
Toutes les puissances électriques récupérables sont théoriques et calculées pour un courant isrc (t) sinusoïdal, d’amplitude I src et de pulsation ωmeca = 2π · f meca. Nous avons exprimé ces puissances récupérables en fonction d’une grandeur « mesurable » : la tension crête à crête V po du piézoélectrique en circuit ouvert.
Par adaptation d’impédance conjuguée
Pour maximiser la puissance transférée, il faut adapter l’impédance du récupérateur et celle du circuit d’extraction. La véritable adaptation d’impédance est réalisée en connectant au récupérateur, le complexe conjugué de son impédance du récupérateur, donc un élément inductif. Cette solution n’est pas réaliste puisque les fréquences d’excitations mécaniques sont généralement très faibles [1 – 200 Hz], menant à des valeurs d’inductances trop élevées. A titre d’exemple, l’adaptation en impédance d’un piézoélectrique de 100 nF, excité à 10 Hz, requiert une inductance résonante de 2535 H.
Par adaptation d’impédance résistive
L’extraction peut être réalisée avec une résistance variable dont la valeur est ajustée de façon à atteindre le maximum de puissance électrique à la fréquence mécanique considérée.
Les techniques non linéaires : point de vue mécanique
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme 6 » : si l’énergie électrique récupérable est augmentée, c’est bien qu’une quantité d’énergie plus importante est prélevée à la partie mécanique.
Les techniques SSH mettent en œuvre une décharge du récupérateur à son maximum de tension.
Lors de cette décharge, la force piézoélectrique est modifiée, ce qui modifie la raideur du matériau et provoque une déformation supplémentaire du récupérateur dans le sens opposé du déplacementfutur.
De manière générale, ces techniques optimisent la récupération d’énergie pour le cas :
• de récupérateurs dont le produit du coefficient de couplage effectif k ef f et du facteur de qualité mécanique de la structure hôte Qm est faible.
• de récupérateurs excités hors résonance.
Cependant, lorsque le matériau piézoélectrique est excité à sa résonance, les techniques non linéaires ont pour effet d’amortir les vibrations mécaniques car une partie conséquente de l’énergie électrique est prélevé au domaine mécanique (le coefficient de couplage étant optimisé dans le cas de structures résonantes). Cet effet est d’ailleurs utilisé pour le contrôle ou l’amortissement vibratoire de structures dans le but de réduire les nuisances sonores d’une part et de préserver leur état de santé d’autre part [Lallart, 2008]. Ce phénomène d’amortissement est détaillé dans la thèse d’A. Badel [Badel, 2005]. Un circuit intégré implémentant ces techniques dans un but d’amortissement vibratoire a d’ailleurs étéréalisé [Viant et al., 2013].
Les techniques SSH sont donc très bien adaptées aux conditions mécaniques de notre application : le régime est quasi-statique (donc non résonant), la quantité d’énergie mécanique appliquée au récupérateur est conséquente comparée à l’énergie électrique récupérable et le couplage électromécanique de ce dernier est faible. Dans le cadre de notre application, on a donc tout intérêt à utiliser les techniquesnon-linaires pour optimiser le coefficient de couplage effectif du récupérateur.
Les techniques non linéaires : point de vue électrique
Les techniques non linéaires permettent une extraction énergique du récupérateur beaucoup plus efficace qu’une simple technique standard. Cependant, elles possèdent certains inconvénients, ils se situent principalement au niveau du CRE
• Les techniques SSH augmentent la complexité (circuits de commande et de détection spécifiques), l’encombrement et le coût (mise œuvre d’un élément inductif, augmentation du nombre de composants). De plus, elle nécessitent souvent une consommation énergétique supplémentaire des fonctions.
• En augmentant la tension de sortie des récupérateurs piézoélectriques, ces techniques demandent à l’électronique (discrète ou intégrée) une tolérance plus importante à la haute tension , autant du point de vue de la mesure (pour la détection d’un maximum de tension par exemple) que de la commande (des transistors).
Récapitulatif et conclusion
Le tableau 4.2, page 31, regroupe les caractéristiques et les puissances électriques récupérables des techniques d’extraction sélectionnées. Mis à part la technique SECE, toutes les techniques du tableau4.2 nécessitent un convertisseur d’énergie supplémentaire qui adapte la tension v rect à V rectopt pour optimiser la récupération d’énergie. Ce dernier a aussi pour fonction de convertir (abaisser) la tension v rect en une tension utilisable Es . Pour les techniques non linéaires de type SSHI ou Extraction de Charge Active, cela implique un convertisseur DC-DC en plus du circuit d’extraction non linaire, ce qui augmente l’encombrement et la complexité du circuit.
Gestion de l’énergie électrique
La caractéristique commune aux circuits intégrés présentés est qu’ils possèdent tous une inductance pour réaliser l’extraction. Ce point confirme la pertinence d’une conversion inductive pour les récupérateurs piézoélectriques et électrostatiques. Cette inductance est généralement située hors du circuit intégré (« off-chip « ) car sa valeur est importante (> 1 µH).
Cependant, ces circuits ne sont pas tolérants aux tensions élevées (> 100 V), ce qui est un inconvénient majeur, puisque l’énergie récupérable issue d’un récupérateur piézoélectrique est proportionnelle au carré de sa tension. Par ailleurs, utiliser une technologie intégrée tolérante aux tensions élevées ne satisfait pas le critère de coût imposé par l’industriel. Pour notre application, la gamme de puissance électrique récupérable est limitée puisque la fréquence d’excitation mécanique est très faible. Il est donc nécessaire d’utiliser des récupérateur dont la tension de sortie est importante.
Facteurs de qualité des composants inductifs disponibles
Le rendement des circuits précédents dépend donc, entre autres, du facteur de qualité, lui même intimement lié à l’encombrement du composant inductif utilisé. Le graphique 5.14 donne au lecteur quelques ordres de grandeurs de facteurs de qualité accessibles dans le commerce, pour des composantsmagnétiques dont le volume V est situé dans la plage [10 mm 3- 1000 mm3]. Le choix d’un volume inférieur à 500 mm 3 et d’une plage d’inductance raisonnable pour la génération des commandes permet d’es timer le facteur de qualité Q entre 10 et 50 pour notre application. En exploitant la figure 5.13(b), le rendement d’un Flyback faiblement couplé (0,90) et de facteur dequalité égal à 25, sera donc borné à 83%. Dans ce cas, l’inductance-couplée n’est intéressante qu’à partir derapports de tensions supérieurs à17 , soit une tension piézoélectrique maximale V p i d’environ 50 V pour Es = 3 V.
Interprétation
On constate que les deux variantes subissent une remontée de la tension v p juste après la décharge du récupérateur. Ce phénomène « de bosse » nuit à l’efficacité de la technique SECE puisque le gain affiché (un facteur 4 comparé à la technique standard) ne peut pas être atteint. Cela s’explique par les conditions d’excitations mécaniques des récupérateurs : le dispositif de contrainte mécanique utilisé dans ce travail (voir section 7.3 page 74) impose l’amplitude de la force et non l’amplitude du déplacement de la structure. La décharge au maximum de déplacement a donc pour effet de déformer le récupérateur (sa raideur change) dans le même sens de déplacement que celui précédant la décharge, faisant ainsi augmenter la tension. La figure 6.4 montre le déplacement du récupérateur lorsqu’une décharge au maximum de déplacement est appliquée.
Ce phénomène « de bosse » est particulièrement observé lorsque le récupérateur est excité à de très basses fréquences mécaniques (1 Hz-10 Hz) car l’amplitude de la force appliquée est encore à son maximum juste après la décharge et non sur une pente décroissante.
Pertes par commutation
• L’énergie perdue par commutation dans les transistors Kp et Ks est de deux types :
⋆ Une énergie est dissipée par les capacités parasites Drain-Source CDS des transistors lors de chaque fermeture. A l’ouverture, on considère que ces capacités sont chargées via un transfert inductif que l’on considérera adiabatique (par exemple, CDSKp est chargée via Lp au primaire).
⋆ Les pertes dites de « transition » correspondant au croisement du courant parcourant le transistor avec sa tension v ds . Ces pertes ont lieu pendant la fermeture comme pendant le blocage des transistors. Ces transitions sont représentées par les figures 6.7 et 6.8 et commentées ci-dessous.
La technique MS-SECE dite « multi-coups »
Résumé : Face à la problématique du stockage magnétique synchrone en très basse fréquence, ce chapitre propose une nouvelle technique optimisée dérivée de la technique SECE. La technique « MS-SECE » (Multi-Shot Synchronous Electric Charge Extraction) permet de transférer l’énergie en plusieurs fois afin de diminuer les pertes résistives. De plus, cette technique permet l’utilisation de composants magnétiques de faible volume en évitant leur saturation. Ce chapitre valide l’intérêt de cette technique par simulation puis par des mesures avec l’inductance-couplée COTS et les deux variantes de Flyback détaillées précédemment.
Simulations Matlab/Simulink
Afin de déterminer le nombre de coups optimal, c’est à dire lorsque le rendement du Flyback est maximal, une simulation Matlab/Simulink réalise un bilan complet des pertes du circuit Flyback à décharge synchrone par technique MS-SECE. Les mêmes modèles Matlab/Simulink (voir annexe B), les mêmes expressions des pertes (voir tableau 6.2) et le même scénario (voir section 6.4.1) ont été utilisés pour cette simulation.
La différence avec les simulations des parties précédentes, est que la décharge du récupérateur est stoppée au bout de T pn,N pour chaque coup, permettant d’accéder aux tensions initiales et finales du récupérateur durant sa décharge et ainsi estimer les pertes par commutation. Le dernier coup est égal au quart de la pseudo période du circuit LpCp et permet de décharger le récupérateur jusqu’à son zéro de tension.
Conclusion
En théorie, la technique MS-SECE permet de diviser les pertes résistives par N , au primaire comme au secondaire. La simulation réalisée prend en compte les pertes par commutation et l’énergie de commande supplémentaire nécessaire pour son implémentation. Les résultats de mesures montrent que le rendement augmente de 24% à 35% selon la variante de Flyback utilisée. Cette technique permet non seulement d’augmenter le rendement du transfert, mais également d’utiliser des composants magnétiques de petites dimensions.
Introduction de la partie
La partie précédente a permis de définir l’architecture générale du CRE en choisissant un circuit de puissance et une stratégie d’extraction appropriés aux faibles fréquences et aux hautes tensions du récupérateur. Nous proposons donc d’utiliser la technique MS-SECE pour alimenter un Capteur Communicant afin que ce dernier devienne autonome en énergie.
Cependant, des verrous techniques et technologiques conséquents restent à lever : ils concernent la miniaturisation de trois fonctions primordiales du CRE : la détection du maximum de tension, la commande du Flyback par technique MS-SECE ainsi que la gestion de l’énergie électrique.
La partie précédente a aussi montré qu’il était difficile d’implémenter ces fonctions en composants discrets du commerce (ou « COTS 2 « ), tout en respectant la spécification d’encombrement imposée. L’utilisation d’un micro-contrôleur est une alternative intéressante au circuit électronique discret mais ce type de composant consomme trop d’énergie. Par ailleurs, les fonctions de surveillance de tension d’alimentation proposées par ce type de circuit sont peu adaptées au fonctionnement sur capacité.
L’intégration de ces trois fonctions dans un ASIC est en mesure de pallier la plupart de ces inconvénients : la conception de fonctions dédiées par l’intermédiaire de transistors dimensionnés « sur mesure » permet d’optimiser les performances. L’encombrement promet d’être réduit comparé à une solution en composants discrets, tout en proposant de meilleures performances en termes de consommation.
La partie III décrit chacun des blocs nécessaires au fonctionnement basse consommation, autonome et efficace d’un ASIC de récupération d’énergie. Le chapitre 8 détaille les spécifications de l’ASIC et celles de chaque bloc le constituant puis le chapitre 9 aborde la détection du maximum de tension piézoélectrique. Un premier ASIC nommé « DMAX » est implémenté sur silicium afin de valider cette fonction. Le chapitre 10 détaille la fonction de commande du circuit Flyback externe à l’ASIC, par technique MS-SECE. Le chapitre 11 aborde les fonctions de démarrage et de gestion de l’énergie, primordiales pour l’autonomie du circuit et l’alimentation du Capteur Communicant.
Enfin, l’implémentation physique sur silicium et les performances mesurées d’un ASIC nommé « EPHIC » (Electrostatic & Piezoelectric Harvesting Integrated Circuit ) intégrant toutes ces fonctions, sont détaillées dans le chapitre 12 et un comparatif avec les techniques standard et SECE est présenté en conclusion.
Du Circuit à l’ASIC de Récupération d’Energie
Résumé : ce chapitre définit l’architecture du CRE basée sur un ASIC. Les spécifications techniques « bas niveau » de chacun des blocs de l’ASIC sont listées et servent de données d’entrée pour les chapitres suivants. L’ASIC doit extraire efficacement l’énergie du récupérateur piézoélectrique grâce à la technique MS-SECE et une très faible consommation. Il doit également démarrer sans énergie initiale, s’auto-alimenter sur capacité et permettre l’autonomie en énergie d’un Capteur Communicant
|
Table des matières
Introduction Générale
I État de l’art
Introduction
1 Les sources d’énergie disponibles
2 Principes exploitables
3 La piézoélectricité
4 Conditionnement de l’énergie électrique et objectifs de la thèse
4.1 Objectif de la thèse
4.2 Extraction de l’énergie électrique
4.3 Conversion de l’énergie électrique
4.4 Gestion de l’énergie électrique
4.5 Axes de recherche et positionnement de la thèse
Conclusion
II Conception générale du Circuit de Récupération d’Énergie : architecture d’extraction et de conversion électrique
Introduction
5 Circuits inductifs à décharge synchrone
5.1 Introduction
5.2 Famille des « hacheurs série » : le Buck à décharge synchrone
5.3 Hacheurs à stockage inductif : étude du Buck-Boost et du Flyback
5.4 Comparaison théorique des circuits Buck-Boost et Flyback classiques
5.5 Simulations Matlab/Simulink
5.6 Discussion
5.7 Conclusion
6 Le circuit Flyback à décharge synchrone
6.1 Le Flyback à décharge synchrone et ses deux variantes
6.2 Étude des pertes pendant la décharge
6.3 Conception du circuit Flyback
6.4 Simulations numériques
6.5 Discussion et choix
6.6 Le problème de saturation
7 La technique MS-SECE dite « multi-coups »
7.1 La technique MS-SECE
7.2 Simulations Matlab/Simulink
7.3 Mise en œuvre de la technique SECE et MS-SECE
7.4 Conclusion
Conclusion
III Mise en œuvre et caractérisation du Circuit de Récupération d’Énergie
Introduction
8 Du Circuit à l’ASIC de Récupération d’Energie
8.1 Spécifications d’entrée
8.2 Architecture du Circuit de Récupération d’Energie mécanique
8.3 Architecture détaillée
8.4 Conclusion
9 Fonction de détection du maximum de tension
9.1 Détection du maximum de tension : propositions et solutions
9.2 Mise en œuvre du Circuit à base d’Amplificateur à Transconductance
9.3 Résultats et performances du circuit « DMAX »
9.4 Conclusion
10 Fonction de commande des transistors du Flyback 103
10.1 Génération de durées précises
10.2 Mise en œuvre de l’oscillateur en anneau
10.3 Mise en œuvre de la technique MS-SECE
10.4 Conclusion
11 Fonction de gestion de l’énergie
11.1 Blocs principaux pour la gestion de l’énergie
11.2 Implémentation des fonctions
11.3 Conclusion
12 Implémentation de l’ASIC
12.1 Implémentation physique du circuit complet
12.2 Simulations de l’ASIC complet
12.3 Tests de la puce et résultats expérimentaux
12.4 Comparaison avec l’état de l’art
12.5 Conclusion
Conclusion
Conclusion générale et perspectives
Publications
Annexes
A Élaboration du schéma équivalent
A.1 Schéma équivalent « sans rétroaction »
A.2 Schéma équivalent « avec rétroaction »
B Modèles du Buck, du Buck-Boost et du Flyback
B.1 Circuit Buck à décharge synchrone
B.2 Circuit Buck-Boost à décharge synchrone
B.3 Circuit Flyback à décharge synchrone
C Éléments parasites du circuit Flyback
D Dimensionnement de l’inductance-couplée
D.1 Dimensionnement « macroscopique »
D.2 Dimensionnement « fin » de l’inductance couplée
D.3 Caractéristiques de l’inductance Home-Made
E Note technique concernant la technologie AMS 0,35 µm
E.1 Paramètres de la technologie AMS 0,35 µm
E.2 Cas technologiques et Monte Carlo
E.3 Le transistor MOS en régime de faible inversion
F Schémas simplifiés des blocs numériques de l’ASIC
G Dimensionnement de l’oscillateur à relaxation
G.1 Principe
G.2 Formes d’ondes
H La référence de courant
H.1 Références de courant à base de résistance
H.2 Références de courant à base de transistor