Contexte : besoins de sources compactes pour les microsystèmes d’analyse optique
L’instrumentation optique pour la biologie a connu ces dernières années un très fort développement. En effet, on constate que les méthodes d’interrogation optique sont de plus en plus exploitées dans le domaine des biocapteurs, que ce soit pour la détection de réaction enzymatique ou de greffage d’analytes [1]. En effet, elles présentent l’avantage d’être sans contact et rapides. Au-delà des techniques majoritairement répandues de fluorescence, qui imposent l’utilisation de marqueurs et qui présentent des limites (sensibilité au pH, autofluorescence), émergent de nouveaux types de détection optique sans marquage, basée sur des mesures d’absorption, de réflexion, de diffusion, de variations d’indice de réfraction [2] ou encore exploitant des ondes évanescentes (avec notamment les Résonances Plasmons de Surface ou SPR) [3]. Les gammes spectrales mises en jeu vont de l’ultraviolet au visible jusqu’au proche infra-rouge, sans oublier les recherches très actives dans l’infra-rouge (diffusion Raman).
La mise au point de systèmes portables et réutilisables reste toutefois un défi pour des analyses in vitro au plus près du site du patient (Point of Care diagnostic ou POC) et plus encore pour les analyses in vivo, avec des besoins spécifiques en dispositifs implantables ou des systèmes de détection ou d’imagerie microscopique fonctionnant à des longueurs d’onde compatibles avec les tissus à explorer, la fenêtre « thérapeutique » de moindre absorption optique se situant dans le proche infra-rouge (ou NIR), soit entre 650nm et 1.3µm avec une absorption minimale de 0.1 à 1 cm-1 et une profondeur de pénétration pouvant aller de 1 à 10 cm .
Dans ce contexte très dynamique, on relève un besoin croissant en sources optiques cohérentes faciles à intégrer dans ces micro-nano-dispositifs d’analyse. On recherche en particulier une grande compacité, des qualités de faisceau optimisées (degré de cohérence, pureté spectrale, accordabilité, faible divergence) ainsi que de faibles consommations électriques. Les diodes laser sont donc des candidates de premier choix. En particulier, les VCSELs (ou Vertical Cavity Surface-Emitting Lasers) [5] dans la filière GaAs présentent de nombreux atouts pour ces applications. Nous allons rappeler rapidement les principales propriétés de ces composants.
Sources VCSELs monomodes pour les biocapteurs optiques
Principe des VCSELs
Un VCSEL est une diode laser à cavité verticale émettant par la surface à base de semiconducteurs III-V [6]. C’est un empilement multicouche composé de deux miroirs de Bragg (ou DBR pour Distributed Bragg Reflector) entourant une zone active contenant en son centre des puits quantiques, hétérostructures de taille nanométrique et sièges de l’émission optique . Sous pompage optique ou électrique, les recombinaisons radiatives dans les puits quantiques génèrent une émission spontanée, puis, après plusieurs allers-retours de la lumière dans la cavité verticale, le gain compense les pertes et l’émission laser apparait au dessus du seuil. La réflectivité des miroirs, composés d’alternances de couches de haut et bas indices de réfraction (dans le cas des VCSELs sur GaAs, à base d’alliages GaAlAs et AlAs), est très élevée (>99%) pour compenser la faible épaisseur de la zone active (<1µm).
Dans le cas d’un VCSEL à pompage électrique, les miroirs sont dopés de manière à former une diode p-i-n et permettre l’injection des porteurs dans la cavité. Dans le cas des VCSELs émettant à 850nm, le substrat en GaAs est absorbant, l’émission verticale n’a lieu que par la surface et la réflectivité du miroir inférieur est donc choisie pour être maximale (>99.9%). Ce type de composant laser est monomode longitudinal par construction en raison de sa cavité très courte (<1µm). Quant au confinement transverse du mode émis, il est obtenu par la gravure d’un mesa dans le miroir supérieur, suivie en général de la fabrication d’un diaphragme d’oxyde enterré par oxydation latérale d’une couche riche en aluminium située près de la zone active. Ce diaphragme d’oxyde, appelé aussi AlOx, permet de délimiter des tailles de zone active de quelques microns de diamètre découplées de la zone d’injection électrique annulaire en surface. On peut alors obtenir un fonctionnement monomode transverse très efficace.
Avantages
Les avantages des VCSELs par rapport aux diodes Laser Emettant par la tranche (EEL) sont très nombreux et liés à leur géométrie verticale. On peut citer une émission monomode longitudinale par construction, et donc un fonctionnement sans sauts de mode. De plus, comme le faisceau est émis par la surface, la fabrication collective sous forme de barrettes ou de matrices est possible, de même que le test sous pointes avant découpe. Le faisceau émis est de plus symétrique, circulaire et donc plus facile à coupler avec une fibre optique. En particulier, les VCSELs monomodes présentent des faisceaux Gaussiens faciles à mettre en forme. En outre, la faible taille de la cavité conduit à un faible courant de seuil et à des capacités de modulation rapide adaptées aux systèmes de communications de données à haut débit (fréquences de modulation supérieures à 10GHz, conduisant à des taux de transmission de données supérieurs à 20Gbit/s). Enfin, la fiabilité des composants est élevée et le rendement est supérieur à 50% pour les composants à diaphragme d’oxyde enterré [7].
Historique
Kenichi Iga a été le premier à proposer le concept d’émission surfacique avec une géométrie de cavité verticale, plutôt que latérale en 1977 (Figure 1.3) [8]. Deux ans plus tard, son équipe met au point le premier laser émettant par la surface à 1.3µm fonctionnant à basse température (77K) en régime pulsé. Le matériau utilisé pour la zone active est le GaInAsP-InP [9]. Par la suite, les améliorations des techniques de dépôt en phase vapeur aux organométalliques (MOCVD) ou par épitaxie par jets moléculaires (MBE) ont permis d’accroitre la qualité de la zone active et des miroirs de Bragg dopés (DBRs). Ceci a permis d’obtenir des composants sur GaAs fonctionnant à l’ambiante [10] [11] [12], et plus tard avec des seuils de fonctionnement très faibles (<mA) et des rendements élevés (>50%), notamment grâce à la technique de diaphragme d’oxyde enterré [13]. Le développement industriel des VCSELs sur GaAs a pu débuter dès la fin des années 90. Les recherches se sont ensuite poursuivies et sont toujours en cours sur l’amélioration des performances et sur l’extension du domaine spectral d’émission, notamment vers l’infra-rouge pour couvrir le domaine des télécom (1.31µm et 1.55µm) à l’aide d’autres filières III-V tels que l’InP ou le GaSb [14] [15] [16] [17]. Par ailleurs, l’obtention d’émission dans le visible sur GaAs ou GaN fait encore l’objet de nombreux travaux [18] [19] [20].
Sources VCSELs monomodes pour l’instrumentation et le biomédical
La plupart des VCSELs commercialisés actuellement sont des composants émettant à 760nm, 850 ou 980 nm. La plupart sont exploités au niveau industriel pour les communications de données à courte distance (réseaux locaux) et les efforts de recherche des VCSELs ont longtemps été pilotés par ce domaine d’application pour augmenter la puissance émise en régime monomode et obtenir des sources efficaces à 1.55µm pour les liaisons fibrées à longue distance. Cependant, les avantages uniques des VCSELs en termes de compacité, de consommation et de qualité de faisceau sont de plus en plus exploités dans le domaine plus large de l’instrumentation et de la métrologie, par exemple pour les capteurs de position dans les souris optiques d’ordinateur, pour les capteurs de gaz, par exemple à 760nm pour l’oxygène; ou encore pour les systèmes d’impression laser ou de stockage/codage optiques dans les CD/DVD [21]. Dans le domaine des capteurs, la distance de travail mise en jeu est relativement courte, on peut donc travailler en espace libre et la longueur d’onde de travail n’est plus limitée à 1.3µm ou 1.55 µm. Par conséquent, on peut exploiter des filières technologiques plus matures, telle que le GaAs, pour fabriquer et concevoir des sources adaptées à ces applications émergentes de plus en plus nombreuses.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 Objectifs de la thèse : mise en forme du faisceau des VCSELs pour les microsystèmes d’analyse optique
1.1 Contexte : besoins de sources compactes pour les microsystèmes d’analyse optique
1.2 Sources VCSELs monomodes pour les biocapteurs optiques
1.2.1 Principe des VCSELs
1.2.2 Avantages
1.2.3 Historique
1.2.4 Sources VCSELs monomodes pour l’instrumentation et le biomédical
1.3 Besoins de mise en forme du faisceau des VCSELs
1.3.1 Collimation pour la détection de déflexion de micropoutres dans un capteur d’hybridation ADN
1.3.2 Focalisation pour la mesure de flux dans un capteur par self-mixing
1.4 Micro-optique passive sur VCSEL
1.4.1 Assemblage hybride de microlentilles sur des VCSELs
1.4.2 Intégration monolithique dans la structure laser
1.4.3 Intégration de microlentilles en polymère en surface
1.4.4 Micro-optique active sur VCSEL
1.4.5 VCSEL accordables à base de MEMS
1.4.6 Hybridation de MEMS en SOI pour le contrôle actif du faisceau
1.5 MOEMS polymère pour la micro-optique active intégrée sur VCSEL
1.5.1 Principe de l’actionnement électrothermique retenu
1.5.2 Motivations pour le choix du matériau structurel : polymère SU-8
1.5.3 Résultats antérieurs et objectifs de la thèse
Chapitre 2 Conception du MOEMS
2.1 Principe de fonctionnement du MOEMS et contraintes technologiques
2.2 Conception optique
2.2.1 Description géométrique
2.2.2 Rappel sur les faisceaux gaussiens
2.2.3 Dimensionnement optique sous Zemax
2.3 Conception électro-thermo-mécanique du MOEMS
2.3.1 Description de la structure de base
2.3.2 Modèles physiques utilisés
2.3.3 Matériaux et prise en compte de l’anisotropie des propriétés mécaniques
2.3.4 Choix du maillage
2.3.5 Résultats de modélisation thermomécanique 2D du MOEMS
2.3.6 Modélisation 3D du MOEMS et optimisations
2.3.7 Sensibilité à l’intégration d’une lentille sur la structure MOEMS
2.4 Conclusion
Chapitre 3 Report uniforme de films photosensibles épais par impression thermique douce
3.1 Motivations de l’étude
3.1.1 Etapes principales de fabrication du MOEMS
3.1.2 Rappel sur la résine épaisse SU-8
3.2 Etat de l’art des solutions possibles
3.3 Mise au point d’une méthode d’ « impression thermique douce »
3.3.1 Principe de la méthode proposée
3.3.2 Mise au point sur silicium avec des films maisons
3.3.3 Optimisation des conditions d’impression thermique douce
3.4 Application de la méthode à des films commerciaux
3.4.1 Laminage sur 2.5×2.5cm²
3.4.2 Impression thermique douce sur 2.5×2.5cm²
3.4.3 Bilan et comparaison des méthodes
3.4.4 Application à la réalisation de plots de 100µm sur un échantillon de GaAs de
2.5×2.5cm
3.5 Conclusions
Chapitre 4 Réalisation technologique de MOEMS SU-8 sur VCSELs
4.1 Fabrication des VCSEL GaAs monomodes émettant à 850 nm
4.2 Description et limites du procédé de fabrication du MOEMS polymère de première génération
4.2.1 Description
4.2.2 Problèmes identifiés
4.3 Description du processus planaire des MOEMS de seconde génération
4.3.1 Description
4.3.2 Caractérisations du dépôt métallique sur film SU-8 non révélé
4.3.3 Délimitation du titane sur film SU-8 non révélé
4.3.4 Délimitation de l’or et du titane sur film SU-8 non révélé
4.3.5 Morphologie des MOEMS obtenus
4.4 Dépôt localisé des microlentilles sur les MOEMS
4.4.1 Travaux antérieurs : dépôt par microplumes robotisées
4.4.2 Développement du dépôt de lentilles par jet d’encre
4.5 Conclusions
Chapitre 5 Caractérisation des MOEMS réalisés
Conclusion