NATURE DES DEFAUTS PONCTUELS
LACUNE
La lacune est un site atomique vacant ayant une enthalpie de formation H l f comprise entre 0,5eV et 3eV, et une enthalpie de migration H l m de l’ordre de l’électron-volt. La migration d’une lacune se faitpar le saut d’un atome voisin vers le site vacant. La lacune se déplace ainsi de proche en proche. Le volume de formation d’une lacune est généralement plus petit que le volume atomique car le réseau tend à se relaxer autour du site vacant. De ce fait, le volume de relaxation autour d’une lacune V l rest faiblement négatif.
INTERSTITIEL
Un interstitiel correspond à un atome supplémentaire qui s’insère dans le réseau cristallin. Il a une enthalpie de formation H ifimportante de l’ordre de quelques eV, et une faible enthalpie de migrationHi mcomprise entre 0,05eV et 0,3eV. Le volume de relaxation V i r est ici de l’ordre du volume atomique. Du fait de l’importante distorsion que l’interstitiel impose au réseau, il y a une forte interaction entre l’interstitiel et les atomes du soluté.
PROCESSUS ATHERMIQUES DE GUERISON DES DEFAUTS PONCTUELS
Trois phénomènes sont à l’origine de la guérison des défauts primaires :
– la recombinaison mutuelle des paires lacune-interstitiel,
– l’absorption sur les puits (dislocations, joints de grains, surfaces libres…)
– agglomération des défauts ponctuels de même nature. Cela donne lieu à la production de défauts secondaires dont les principaux sont les amas d’interstitiels et les amas lacunaires. Même à très basse température, lorsque les défauts ponctuels sont immobiles, la concentration en défauts finit par saturer au cours de l’irradiation. Pour de grandes concentrations de défauts, la distance entre les défauts devient de plus en plus faible, ce qui conduit à la recombinaison ou l’agglomérationathermique des défauts. En conséquence, le taux d’accumulation des paires de Frenkel à basse température d’irradiation est une fonction parabolique de la forme.
EFFETS DANS LES MATERIAUX METALLIQUES
EFFETS SUR LA MICROSTRUCTURE
Lorsque l’irradiation produit des cascades de déplacements, les défauts ponctuels sont créés de manière hétérogène et sont le plus souvent agglomérés. Environ 15% des lacunes créées se regroupent en amas qui s’effondrent ensuite, alors que les 85% restants se recombinent avec les interstitiels issus de la même cascade. Les interstitiels restants soit s’échappent de la cascade et s’éliminent sur les puits de défauts ou dans les amas lacunaires, soit se regroupent pour former des boucles d’interstitiels.
En général, les interstitiels se regroupent, quelque soit la nature de l’irradiation, en un disque d’atomes entre deux plans denses du réseau : le pourtour de ce disque constitue une boucle de dislocation interstitielle. Les amas lacunaires, en revanche, peuvent être bidimensionnels (boucle lacunaire) ou tridimensionnels (cavités, etc…) et constituer des cavités dont la formation et la croissance induisent une déformation macroscopique du solide. Cette déformation est caractérisée par un changement de volume du solide : c’est le phénomène de gonflement induit par irradiation que nous détaillerons par la suite.
Au cours de l’irradiation, les puits de défauts absorbent aussi bien les lacunes que les interstitiels.
Si le nombre de lacunes absorbées diffère du nombre d’interstitiels absorbés, des sites sont créés dans le réseau ou détruits au niveau des puits. Cela se traduit par la croissance de cavités, de boucles de dislocations, d’agglomération des défauts ponctuels et par une augmentation de la densité des dislocations.
EFFETS MACROSCOPIQUES
Les modifications structurales décrites précédemment affectent principalement les propriétés mécaniques et la stabilité dimensionnelle des matériaux irradiés.
PROPRIETES MECANIQUES
L’irradiation n’a que peu d’effets sur les constantes élastiques du matériau. En revanche, elle modifie fortement les contraintes internes du matériau du fait de l’apparition d’un nombre important de précipités et boucles de dislocations.
L’effet de l’irradiation sur la résistance à la rupture du matériau est déjà plus difficile à déterminer.
En ce qui concerne la dureté, le matériau à basse température d’irradiation casse facilement, et la surface de rupture présente un faciès de clivage. A haute température, le matériau devient ductile, la dureté diminue, et la surface de rupture est très déformée. Ceci montre que l’irradiation modifie une transition de phase ductile-fragile en fonction de la température.
CHANGEMENTS DIMENSIONNELS
Gonflement
Le gonflement est une dilatation (augmentation de volume) en gardant la forme constante. Il est dû à la présence de cavités et n’apparaît que pour une certaine échelle de température : à basse température, les cavités ne peuvent pas croître car les défauts tendent plutôt à se recombiner. A haute température, la sursaturation de lacunes à l’origine de la germination des cavités est trop faible.
BILAN DES PRODUITS DES REACTIONS NUCLEAIRES
Nous avons obtenu grâce au code de calcul d’activation FISPACT les produits des réactions nucléaires subies par les matériaux de nos multicouches. Ce code s’appuie sur une base de données, appelée EAF ( European Activation File), lui fournissant toutes les réactions nucléaires connues et les sections efficaces de tous les éléments pour chaque type de réaction. A partir du spectre en énergie des neutrons incidents et du profil de concentration du matériau étudié, FISPACT donne alors la filiation engendrée par les noyaux présents dans le matériau.
Nous donnons dans le tableau (V-1) le nombre d’atomes des principaux noyaux-fils produits, en fonction du noyau-père, pour une fluence de 2,5.10 19 n.cm -2 et après un temps de décroissance d’un an. Il suffit de multiplier ces valeurs par le rapport des fluences pour obtenir le nombre d’atomes-fils produits pour les autres fluences étudiées.
Particules a émises dans le verre
Le code de calcul nous a également permis d’obtenir le nombre de particules aémises par le substrat de verre contenant 1,5% de B (s=3838b) selon l’équation (V-1). Nous donnons ces valeurs dans le tableau (V-3) ainsi que le nombre de particules aayant migré dans le dépôt et n’en sortant pas.
Cette deuxième valeur est calculée de la manière suivante :
Notons lle libre parcours moyen des particules a(il est de 7µm dans le nickel et de 11µm dans le titane. En supposant que le dépôt est un mélange homogène, nous considérerons qu’il est de 10µm aussi bien dans le verre que le dépôt). Considérons dans le substrat une couche d’épaisseur là partir de l’interface (z=0) avec le dépôt (figure V- 1).
INTERDIFFUSION DES COUCHES
Plusieurs études ont été menées sur l’évolution des multicouches Ni/Ti sous l’effet de la température. Elles montrent globalement qu’un traitement thermique entraîne, dans les différents systèmes, la formation d’un mélange Ni-Ti de phase amorphe. De manière générale, la réaction d’amorphisation n’a lieu que lorsque l’enthalpie libre de mélange des deux constituants est fortement négative, et lorsque l’un des corps se diffuse « anormalement » vite dans l’autre. Dans le cas du système Ni/Ti, il a été montré que le coefficient de diffusion du Ni dans le Ti-a(de structure hcp) était très important pour des températures comprises entre 912K et 1141K . En revanche, celui du Ti-adans le Ni est beaucoup plus faible pour la même gamme de température . De plus, ces études montrent que la nature et la structure de l’interface entre les deux corps influe considérablement sur la formation et la structure du mélange. Nous détaillons maintenant les différents travaux menés sur ce sujet. Clemens montre en 1986 le rôle déterminant joué par l’interface sur la cinétique de nucléation et la structure de la couche formée. Il a étudié pour cela un empilement périodique Ni/ Ti déposé par pulvérisation cathodique magnétron sur un substrat d’oxyde de Si orienté (100). La caractérisation de ce système a été faite par diffraction X et profilométrie Auger avant et après chauffage thermique à 150°C et 325°C. Ses observations sont les suivantes : pour des couches très minces (épaisseur inférieure à 5 plans atomiques), la structure de l’empilement est amorphe avant et après traitement. Pour des empilements dont les épaisseurs sont supérieures à 200 plans atomiques, l’auteur observe avant traitement une structure polycristalline qui devient amorphe après chauffage. Les dépôts d’épaisseurs intermédiaires présentent un ordre structural selon la direction de croissance du dépôt (cohérence structurale) avant le recuit. Après chauffage, il ne se forme aucune phase amorphe. L’auteur a déduit de ces résultats que la formation d’une phase amorphe dépend de l’existence ou non d’un désordre aux interfaces.
En 1990, Hollanders et al déposent, par pulvérisation cathodique magnétron, un empilement de vingt bicouches de 80Å de Ni et 160Å de Ti sur un substrat de Si monocristallin d’orientation (100).
Une couche amorphe de SiO 2 introduite entre le substrat et la première couche de Ni sert de barrière de diffusion. Le système est porté à 523K et maintenu progressivement à cette température pendant des durées de 16h et 20h. La caractérisation est faite par diffraction X et microscopie électronique en transmission. Le dépôt ne présent initialement que des textures de fibres très marquées selon les directions (002) pour le Ti hcp, et (111) pour le Ni cfc. Après traitement, aucun changement de texture n’est observé. En revanche, l’évolution (en largeur, intensité et position) du pic du Ni mène à la conclusion que le Ti s’est dissous de façon non homogène dans le Ni. Cette inhomogénéité induit un gradient de contraintes élastiques dans la couche de Ni. Au cours du temps, l’homogénéisation progressive de la dissolution du titane entraîne une relaxation de la contrainte dans le nickel.
Parallèlement à cette dissolution, les auteurs observent une amorphisation des interfaces Ni/Ti ainsi qu’aux joints de grains. Ceci se traduit par une baisse des intensités et un élargissement des pics de diffraction. Une contrainte de tension apparaît à l’interface substrat-dépôt, celle-ci entraînant une contrainte en compression dans les couches profondes de Ti. Le taux d’amorphisation diminuant au cours d’un recuit prolongé, on assiste là encore à une relaxation de contrainte.
Une autre étude menée par White et al porte sur un système élaboré de manière différente. Des feuilles de Ni et Ti (ou Zr) sont laminées séparément, puis les feuillets obtenus sont laminés ensemble afin de constituer des empilements multicouches Ni/Ti et Ni/Zr. Chaque couche présente un épaisseur comprise entre 1000Å et 20000Å. Les échantillons obtenus diffèrent selon la déformation mécanique qu’ils ont subis pendant le laminage. Ils sont ensuite recuits, puis caractérisés pas diffraction X etMET.
Les auteurs observent dans les deux systèmes Ni/Ti et Ni/Zr la formation d’une phase amorphe d’une épaisseur maximale de 100Å dans le système Ni/Ti, et plus faible dans le système Ni/Zr. Ceci reflète une mobilité différente du Ni dans le Zr et le Ti : le Ni semble moins mobile dans la phase amorphe de Ni-Ti que dans le mélange Ni-Zr.
TENUE DU VERRE DES GUIDES
L’implosion en 1991 de plusieurs éléments de guides de neutrons du réacteur Orphée a conduit à une expertise du verre Borkron utilisé comme substrat. Cette étude a été menée en tenant compte essentiellement de deux phénomènes:
– la fragilisation du verre due à l’irradiation : ceci entraîne des cassures dont l’amorce serait les faces internes du guide,
– le vieillissement naturel du verre due aux contraintes infligées par la pression différentielle et qui peut être accélérée par la pression atmosphérique.
REFLECTIVITE DE NEUTRONS
INTRODUCTION
Les phénomènes intervenant en réflectivité de neutrons sont décrits par des équations mathématiques formellement similaires à celles de Maxwell en électromagnétisme. L’intensité réfléchie par la cible suit ainsi les mêmes lois que l’électromagnétisme. Il est alors possible de définir, en réflectivité de neutrons, des coefficients identiques à ceux de l’électromagnétisme : coefficient de transmission, d’absorption, de réflexion, indice… Lorsqu’un rayonnement électromagnétique arrive sur la surface d’un échantillon caractérisé par son indice de réfraction n, une partie de ce rayonnement est réfléchie, et l’autre est transmise. La partie réfléchie peut être utilisée pour obtenir des informations sur les propriétés macroscopiques du matériau analysé. Dans ce but, le coefficient de réflexion (ou réflectivité) est défini comme étant le rapport d’énergie entre l’onde réfléchie et l’onde incidente.
Par la suite, nous traiterons l’interaction entre le rayonnement électromagnétique et la matière d’un point de vue ondulatoire. Le milieu sera représenté par une succession de tranches m dont l’indice sera l’indice moyenné à l’intérieur de la tranche considérée. On obtient ainsi un profil d’indice, l’indice variant en fonction de la distance z à la surface de l’échantillon.
Considérons un rayonnement arrivant sur l’échantillon avec un angle incident de q0 , etdont le champ électrique Eest perpendiculaire au plan d’incidence. L’échantillon est caractérisé par son indice n(z). Celui-ci vérifie l’équation différentielle suivante, obtenue àpartir des équations de Maxwell appliquées à E1.
SEUIL DU TITANE
Au seuil du titane, l’ajustement des spectres de tous les échantillons de référence déposés sur verre donne un voisinage composé de 6 atomes de Ti à une distance Ti-Ti de 2,90Å, et 6 autres atomes de Ti à une distance Ti-Ti de 2,94Å (figure I-9a). Ceci correspond à la structure hcp du titane massif.
Après irradiation, la forme de l’enveloppe du signal des multicouches change : les oscillations sont amorties, et les positions des noeuds et des ventres sont également modifiées. Les spectres obtenus pour les trois fluences d’irradiation caractérisent tous cette nouvelle phase, différente du titane massif hexagonal compact. Pour la fluence OR1/4, le désordre dans les couches augmente. La distance premiers voisins observée avant irradiation se scinde en deux après irradiation (le pic central de la transformée de Fourier se divise en deux). Nous obtenons une bonne simulation en supposant la formation d’un oxyde ou d’un hydrure de titane, de phase cfc, avec les paramètres suivants : 4 voisins de Ti à une distance de 2,90Å, 4 voisins à une distance plus importante de 3,10Å et 2,1 atomes voisins d’oxygène avec une distance Ti-O de 2,10Å (figure I-9b).
En ce qui concerne les dépôts de une bicouche (2*200Å et 2*500Å), il est aussi nécessaire d’introduire une distance unique Ti-Ti de 3,10Å.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LES EFFETS D’IRRADIATION
I. GENERALITES SUR LES NEUTRONS
II. INTERACTION NEUTRON-MATIERE
II.1. Réactions nucléaires
II.2. Diffusion inélastique
II.3. Cascades de déplacements atomiques
III. DEFAUTS PONCTUELS
III.1. Nature des défauts ponctuels
III.2. Processus athermiques de guérison des défauts ponctuels
III.3. Evolution de la concentration des défauts ponctuels au cours du temps
IV. EFFETS DANS LES MATERIAUX METALLIQUES
IV.1. Effets sur la microstructure
IV.2. Effets macroscopiques
V. EFFETS SUR NOS SYSTEMES MULTICOUCHES
V.1. Transmutations nucléaires
V.2. Nombre de déplacements atomiques
V.3. Interdiffusion des couches
VI. TENUE DU VERRE DES GUIDES
VI.1. Effets d’irradiation
VI.2. Vieillissement naturel du verre
VI.3. Conclusion
CHAPITRE II : TECHNIQUES EXPERIMENTALES
I. REFLECTIVITE DE NEUTRONS
I.1. Introduction
I.2. Réflexion sur une surface plane
I.3. Réflexion dans des milieux quelconques
I.4. Quelques exemples de calcul de réflectivité
I.5. Traitement des courbes de réflectivité
I.6. Dispositif expérimental
II. DETERMINATION DE CONTRAINTES PAR DIFFRACTION X
II.1. Rappels de mécanique
II.2. Principe de la méthode
II.3. Dispositif expérimental
III. CARACTERISATIONS STRUCTURALE ET OPTIQUE
III.1. Détermination de la texture par diffraction X : figures de pôles
III.2. Extended X-Ray Absorption Fine Structure (EXAFS)
III.3. Réflectivité de rayons X
IV. MESURE DU RAYON DE COURBURE PAR LASER
V. MESURES PAR FAISCEAU FAISCEAUX D’IONS
V.1. Rappels sur les interactions rayonnement-matière
V.2. ERDA
CHAPITRE III : CHOIX ET CARACTERISTIQUES DES ECHANTILLONS
I. ELABORATION ET TRAITEMENT DES ECHANTILLONS
I.1. Technique de dépôt
I.2. Technique d’irradiation
I.3. Choix des fluences d’irradiation
II. ECHANTILLONS ANTERIEURS
II.1. Rappels des résultats
II.2. Mise en évidence de la présence d’hydrogène par spectrométrie de recul élastique
II.3. Conclusion
III. NOUVEAUX ECHANTILLONS
III.1. Choix du substrat
III.2. Elaboration des dépôts
III.3. Traitements
III.4. Récapitulatif des caractéristiques des échantillons
CHAPITRE IV : RESULTATS EXPERIMENTAUX
I. PROPRIETES OPTIQUES ET STRUCTURALES
I.1. Réflectivité de neutrons
I.2. Diffraction de rayons X
I.3. Spectroscopie d’absorption de rayons X
II. PROPRIETES MECANIQUES
II.1. Détermination des contraintes par diffraction de rayons X
II.2. Mesure du rayon de courbure
III. ANALYSE CHIMIQUE DES PROFILS
III.1. Rétrodiffusion de Rutherford
III.2. Spectrométrie de recul élastique
IV. TABLEAU RECAPITULATIF DE L’ENSEMBLE DES RESULTATS
IV.1. Dépôts multicouches LOE
IV.2. Dépôts multicouches CILAS
IV.3. Dépôts une bicouche CILAS
CHAPITRE V : DISCUSSION ET CONCLUSION
I. CHANGEMENTS STRUCTURAUX
I.1. Le nickel
I.2. Le titane
II. MODIFICATIONS DU PROFIL DE CONCENTRATION
II.1. Absorption d’hydrogène
II.2. Interdiffusion entre les couches
III. EVOLUTION DES PROPRIETES OPTIQUES
IV. EVOLUTION DES PROPRIETES MECANIQUES
V. CONCLUSION GENERALE
VI. PERSPECTIVES
ANNEXES
I. RAIES DE DIFFRACTION DES DIFFERENTS MATERIAUX
I.1. Nickel
I.2. Titane
II. CALCUL DES CONTRAINTES
II.1. Feuille de calcul de la contrainte dans le titane
II.2. Feuille de calcul de la contrainte dans le nickel