Mise en application de la reproduction sexuée entre souches sauvages et hyper-productrices

La demande énergétique mondiale croissante, et les réserves d’hydrocarbures limitées et détenues par un petit nombre de pays soulèvent la question de la sécurité d’approvisionnement des énergies fossiles. Une rupture d’approvisionnement pourrait avoir des conséquences majeures sur l’économie mondiale. Parallèlement, il a été démontré que les changements climatiques en cours sont liés aux émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines. C’est dans ce contexte économique et écologique que les biocarburants, dont le développement a été initié il y a plus d’une trentaine d’années, connaissent un regain d’intérêt.

Le bioéthanol de première génération est le biocarburant le plus utilisé dans le monde. Il est produit à partir de deux grands types de cultures, les plantes sucrières (cannes à sucres, betteraves) et les plantes amylacées (blé, maïs). Cependant il est vivement controversé car il concurrence potentiellement les filières dédiées à l’alimentation humaine et animale et son bilan carbone peut être peu favorable. Ce biocarburant devrait être progressivement complété et remplacé par du bioéthanol de deuxième génération, dérivant des ressources lignocellulosiques (cellulose et hémicellulose issue de résidus forestiers, déchets végétaux et de cultures dédiées). La production de ce type de bioéthanol suit un processus en trois étapes. Lors de la première étape, la biomasse est pré-traitée pour rendre la cellulose, polysaccharide principal des parois végétales, accessible à l’hydrolyse enzymatique. Puis l’action de cocktails d’enzymes cellulolytiques, produit par le champignon filamenteux Trichoderma reesei, libère les monosaccharides de glucose. Ces derniers sont ensuite fermentés en éthanol qui est purifié et concentré par distillation (Margeot et al., 2009). L’étape d’hydrolyse peut représenter à elle seule entre 15 et 30 % du coût de production et son amélioration est donc indispensable pour rendre ce procédé viable économiquement.

Dans le but de produire des quantités d’enzymes plus importantes, les acteurs industriels du domaine des biocarburants utilisent des souches du champignon filamenteux Trichoderma reesei obtenues par des approches de mutagenèse aléatoire au cours des années 1980. Ces approches « à l’aveugle » ont abouti à des résultats prometteurs (la production des protéines a ainsi été augmentée d’un facteur 10), mais ont atteint leurs limites. Des stratégies de modifications génétiques plus ciblées, dirigées spécifiquement contre les gènes impliqués dans les processus d’induction de la production de cellulases ont été mises en place plus récemment. Des souches améliorées pour leur productivité ou pour la qualité de leur cocktail ont été générées par ces méthodologies. Toutefois, le nombre de gènes qu’il est possible de modifier par ces techniques et la limitation du nombre de marqueurs de sélection et la difficulté de leur recyclage réduisent les modifications possibles.

Les biocarburants

Contexte climatique et énergétique 

La demande énergétique mondiale devrait augmenter d’environ 40 % d’ici 2040 du fait de la forte croissance démographique et économique de certains pays émergents (International Energy Agency, 2014). En 2010, la demande énergétique mondiale était satisfaite à plus de 80 % par des énergies fossiles : le pétrole fournit 33 % des besoins mondiaux, suivi par le charbon (27 %) et enfin le gaz (21 %). Ces chiffres illustrent bien la dépendance mondiale aux énergies fossiles. D’après les auteurs de la BP Statistical Review of World Energy (BP, 2015), les réserves d’hydrocarbures sont abondantes, mais concentrées dans un petit nombre de pays, ce qui soulève la question de la sécurité d’approvisionnement. En effet, fin 2014, les pays de l’OPEP (27 pays) possédaient plus de 70 % des réserves mondiales de pétrole et 50 % des réserves de gaz étaient réparties entre la Russie, l’Iran et le Qatar. Du fait de la répartition des ressources, l’approvisionnement peut être rapidement perturbé par des catastrophes naturelles, des incidents techniques (catastrophe industrielle), mais aussi des événements géopolitiques, voire terroristes. Une rupture d’approvisionnement plus ou moins brutale pourrait avoir des conséquences sur l’économie mondiale, c’est pourquoi, plus que la disponibilité des ressources dans le sous-sol, c’est bien l’accès aux ressources et leur valorisation qui préoccupent les dirigeants.

Parallèlement, les conclusions du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) montrent que les changements climatiques en cours sont liés aux émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines. D’après leurs prévisions, le réchauffement climatique pourrait atteindre 5,5 °C en moyenne à la surface du globe par rapport à la période préindustrielle de 1850, mettant en péril de nombreuses populations et écosystèmes. C’est pourquoi, la communauté internationale a décidé de freiner la hausse des températures à 2 °C d’ici 2100. Cela implique que les émissions de gaz à effet de serre ne dépassent pas 2 900 gigatonnes, or entre 1870 et 2011, les deux tiers de ce total ont déjà été émis (Giec, 2014). Pour respecter cet objectif, il faut réduire d’une façon considérable, les émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines décennies en procédant notamment à des changements dans les modes de productions énergétiques actuels.

Face aux besoins énergétiques croissants, au réchauffement global et à la dépendance énergétique de nombreux pays, les gouvernements ont mis en place des politiques de diversification énergétique qui donnent une part belle aux énergies renouvelables : les biocarburants, les énergies solaires et éoliennes, la géothermie, l’hydraulique. Le présent travail est focalisé plus spécifiquement sur les biocarburants.

La fabrication des biocarburants : 3 générations

Les biocarburants sont issus de la transformation de biomasse ou matière organique d’origine végétale. Ils sont utilisés soit en remplacement, soit en complément des carburants conventionnels dans le secteur des transports. Leur usage présente des intérêts considérables :
– ils sont facilement stockables jusqu’à leur utilisation, car sous forme liquide,
– ils sont simples à utiliser puisqu’ils peuvent être mélangés aux carburants conventionnels et distribués sans avoir à modifier les infrastructures existantes et les véhicules,
– ils sont une source d’énergie constante et contrôlable et les matières premières nécessaires à leur fabrication sont disponibles en Europe. On distingue 3 générations de biocarburants selon l’origine de la biomasse utilisée et les procédés de transformation associés.

La première génération de biocarburants 

Les biocarburants de première génération sont fabriqués à partir des organes de réserve des végétaux et sont répartis en deux familles :
– le biodiesel, destiné aux moteurs diesel, est fabriqué à partir de plantes à huile (colza, palme, tournesol). Les huiles extraites de ces plantes subissent une transformation chimique (transestérification ou hydrotraitement), qui leur confère des propriétés voisines de celles des gazoles auxquels elles sont mélangées.
– le bioéthanol est destiné aux moteurs à essence. Il est obtenu par la fermentation alcoolique du sucre contenu dans la betterave et la canne à sucre ou obtenu après l’hydrolyse de l’amidon extrait du maïs, ou de céréales. L’éthanol obtenu peut être transformé en ETBE (Ethyl Tertio Butyl Ether) par addition avec de l’isobutène (généralement d’origine pétrolière), afin de favoriser le mélange avec l’essence .

Ces biocarburants de première génération sont produits à l’échelle industrielle, majoritairement par les États-Unis, le Brésil et l’Europe. Cependant, ils ne couvrent que 2,5 % de la consommation énergétique mondiale (BP, 2015).

Les biocarburants de 1ere génération présentent un bilan carbone assez variable selon la matière première utilisée (Simbolotti, 2007). Si la production à partir de betteraves permet une réduction des émissions de 50 à 60 % (par rapport à l’essence), celle à partir du maïs permet une réduction de seulement 15 et 25 % (Simbolotti, 2007). Enfin, vivement controversés car produits à partir de matières premières pouvant être utilisées dans une chaîne alimentaire animale ou humaine ou pouvant entraîner la conversion de zones naturelles en parcelles agricoles, les biocarburants de première génération devraient être progressivement complétés par des biocarburants de deuxième génération.

La deuxième génération de biocarburants

Les biocarburants de deuxième génération utilisent la lignocellulose contenue dans toutes les parois végétales. Il est ainsi possible de valoriser les résidus agricoles et forestiers (pailles, tiges, feuilles), les résidus de l’industrie papetière ou même des plantes dédiées à croissance rapide (miscanthus, peuplier…). Ces différentes ressources sont disponibles en grande quantité (Ballerini, 2011). La valorisation de cette lignocellulose étant plus complexe, elle fait intervenir plus d’étapes que pour les biocarburants de première génération et elle se répartit en deux filières :
– la voie thermochimique débute avec un traitement thermique permettant de déstructurer la biomasse qui sera ensuite gazéifiée. Le gaz de synthèse obtenu est purifié puis transformé en hydrocarbures de synthèse par la réaction de Fischer-Tropsch (Froment et al., 2004). L’inconvénient majeur de cette méthode est que la gazéification nécessite une production importante de chaleur, ce qui contribue à dégrader le bilan énergétique de ce procédé,
– la voie biochimique fait intervenir quatre étapes : une première étape de prétraitement physico-chimique vise à rendre la cellulose et les hémicelluloses, principaux composants des parois végétales, accessibles à un cocktail enzymatique qui va, dans une seconde étape, les hydrolyser en monosaccharides de glucose. Enfin, les sucres libérés sont fermentés en éthanol qui sera concentré et purifié par distillation (Figure 2) (Margeot et al., 2009). Chacune des 4 étapes doit être optimisée et plus particulièrement l’étape d’hydrolyse enzymatique qui fait généralement intervenir les cellulases produites par un seul microorganisme : le champignon filamenteux Trichoderma reesei. Cette étape peut représenter à elle seule entre 15 et 30 % du coût total de production en fonction de la configuration des procédés choisis (quantité d’enzymes utilisée, hydrolyse et fermentation simultanées ou séquentielles…) (National Renewable Energy Laboratory, 1999; Lynd et al., 2005; Klein-Marcuschamer et al., 2012).

Troisième génération

Les biocarburants de 3eme génération, qui sont encore au stade de recherche en laboratoire, mettent en jeu des algues. En effet, les algues présentent de nombreux avantages : certaines d’entre elles produisent naturellement beaucoup d’huile (environ 80 % de la matière sèche, donc présentant des rendements en biocarburants potentiellement élevés), se développent en captant du CO2 (ce qui permettrait de recycler les émissions de l’industrie), et ont une croissance plus rapide que les plantes terrestres en accaparant pas ou peu de surfaces agricoles. Si théoriquement, les biocarburants de troisième génération semblent prometteurs, les procédés de fabrications actuels présentent encore trop d’inconvénients. Les méthodes existantes d’extraction des huiles nécessitent des équipements coûteux et énergivores, et la culture en bassin à ciel ouvert nécessite par unité de production autant d’eau qu’une unité de blé ou coton. De plus, les algues ont besoin comme les plantes pour leur croissance de phosphore, d’azote et de potassium qui sont les composants majeurs des engrais agricoles, ce qui va avoir un impact sur ces approvisionnements déjà limités. Enfin, au vu des rendements d’extractions et des stratégies de cultures actuelles, pour pouvoir remplacer significativement les carburants conventionnels, la surface terrestre dédiée à leur culture risque d’occuper beaucoup plus d’espace que prévu (Hannon, Gimpel et al. 2010 – Biofuels from algae).

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Table des matières

Listes des abréviations
Introduction
1. Étude bibliographique
1.1. Les biocarburants
1.1.1. Contexte climatique et énergétique
1.1.2. La fabrication des biocarburants : 3 générations
1.2. Les champignons dans l’industrie et l’alimentation
1.2.1. L’utilisation des champignons dans l’industrie
1.2.2. Les méthodes d’amélioration des souches fongiques
1.2.3. La reproduction sexuée
1.2.4. Le cycle parasexuel et la fusion de protoplastes
1.3. Le champignon Trichoderma reesei
1.3.1. Origines, taxonomie et écologie
1.3.2. Le champignon cellulolytique T. reesei
1.3.3. Les souches hyper-productrices
1.4. Reproduction sexuée et cycle de vie chez les souches sauvages de T. reesei
1.4.1. T. reesei, un champignon hétérothallique
1.4.2. Les types sexuels
1.4.3. Le système phéromone récepteur
1.4.4. Développement des périthèces
1.4.5. Régulation du développement sexuel par la lumière
1.5. Reproduction sexuée et cycle de vie chez la souche industrielle QM6a
1.5.1. QM6a est femelle stérile
1.5.2. Remédier à la stérilité femelle
1.6. Enjeux et objectifs de la thèse
2. Matériels et méthodes
2.1. Matériel biologique
2.2. Milieux et conditions standards de culture
2.3. Étude de la reproduction sexuée
2.3.1. Reproduction sexuée
2.3.2. Observation du cycle de reproduction sexuée
2.3.3. Test MAT
2.3.4. Obtention de descendants isolés à partir d’ascospores
2.3.5. Test de viabilité des ascospores
2.3.6. Test d’incompatibilité végétative
2.3.7. Observation des anastomoses
2.4. Élaboration du plan d’expérience
2.5. Transformations
2.5.1. Transformation bactérienne
2.5.2. Transformation fongique par la méthode des protoplastes
2.5.3. Transformation fongique par électroporation des conidies
2.6. Construction de souches
2.6.1. Invalidation du locus MAT
2.6.2. Remplacement du locus MAT
2.6.3. Complémentation de l’invalidation du locus MAT1-2
2.6.4. Construction des souches sauvages marquées
2.7. Extraction de l’ADN
2.7.1. ADN plasmidique
2.7.2. ADN génomique
2.8. PCR et amorces
2.9. Criblage de souches Ru-A
2.9.1. Crible primaire : culture en microplaque
2.9.2. Crible secondaire : culture en fioles alimentées
2.9.3. Culture en bioréacteurs de laboratoire
2.9.4. Mesure d’activité enzymatiques
2.9.5. Dosage de l’activité β-glucosidase
2.10. BSA-Seq
2.10.1. Criblage sur milieu AZCL-He-Cellulose
2.10.2. Préparation de librairies, séquençage et assemblage du génome de la souche A2
2.10.1. Culture et extraction de l’ADN des groupes de ségrégants
2.10.2. Séquençage des groupes de descendants et détection des polymorphismes
3. Résultats et discussions
3.1. Maîtrise du cycle sexué
3.1.1. Isolement de souches sauvages des deux types sexuels
3.1.2. Cycle de vie de T. reesei
3.1.3. Récupération, conservation et germination des ascospores
3.1.4. Optimisation de la formation des stromata
3.1.5. Effets de différents milieux sur la formation des stromata
3.1.6. Comparaison des méthodes de croisement
3.1.7. Discussion
3.2. Mise au point de la stratégie « souche assistante »
3.2.1. Stratégie de la « souche assistante »
3.2.2. Prérequis à la stratégie de la souche assistante
3.2.3. Construction des souches outils
3.2.4. Essais de reproduction sexuée à l’aide de la souche assistante
3.2.5. Etude de l’événement de fécondation
3.2.6. Discussion
3.3. Mise en application de la reproduction sexuée entre souches sauvages et hyper-productrices
3.3.1. La reproduction sexuée pour améliorer les performances cellulolytiques de T. reesei
3.3.2. Identification de mutations d’intérêts par la méthode du BSA-Seq
3.3.3. Conclusion et discussion
4. Conclusion et perspectives
5. Références

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