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Fractures par fatigue cyclique
La fracture en fatigue cyclique survient lors d’une utilisation prolongée de l’instrument dans une courbure ou d’utilisations successives aboutissant à une usure de l’alliage. Ce type de fracture survient sans déformation permanente préalable visible à l’œil nu, elles sont donc plus difficiles à prévoir que les fractures en torsion (12,13).
Plus la courbure canalaire est marquée et la vitesse de rotation élevée, plus le risque de fracture en fatigue cyclique est important. La réalisation d’un pré-élargissement canalaire (manuel ou mécanisé) permettra de limiter les contraintes exercées sur l’instrument (13,14). La diminution du diamètre et de la conicité de l’instrument augmente la résistance à la fatigue cyclique (13,15). L’utilisation prolongée d’un instrument entraîne la perte progressive de ses capacités de travail dans le canal. C’est pourquoi il est préférable de respecter une durée d’utilisation limitée pour chaque instrument et de les jeter après plusieurs utilisations (12). Il est cependant impossible de déterminer de manière précise le nombre maximal d’utilisation d’un instrument qui dépendra des contraintes subies par celui-ci au cours de la mise en forme qui ne sont pas objectivables. Pour pallier ce problème, mais également pour des questions d’hygiène, c’est aujourd’hui de plus en plus l’usage unique qui est préconisé (16,17). C’est le cas pour les instruments utilisés en réciprocité (gamme Wave One® et Reciproc®) pour lesquels l’usage unique est la règle : la stérilisation de ces instruments entraîne une dilatation de la bague autour du mandrin rendant impossible leur réinsertion dans la tête du contre-angle en vue d’une seconde utilisation.
Fractures combinées associant phénomène de torsion et fatigue cyclique
D’un point de vue clinique, même si cela reste difficilement objectivable, il est acquis que les fractures instrumentales peuvent résulter d’une addition des phénomènes décrits ci-dessus. Une faible charge de torsion peut réduire considérablement la résistance à la fatigue cyclique des instruments. De la même manière, l’accumulation de fatigue cyclique après chaque utilisation réduit la résistance à la torsion de l’instrument, notamment pour les instruments de diamètre et de conicité importants (13,18).
Conséquences des fractures instrumentales
Toute fracture instrumentale dans un canal constitue un obstacle physique empêchant d’atteindre les objectifs du traitement canalaire (Figure 1) :
x Des objectifs mécaniques : la mise en forme canalaire doit permettre l’obtention d’une conicité tout en assurant le maintien de la trajectoire canalaire initiale, ainsi que de la position et de l’étroitesse du foramen. Ce sont les prérequis nécessaires à une désinfection efficace et à la réalisation d’une obturation tridimensionnelle étanche (19,20).
x Des objectifs biologiques : la mise en forme doit assurer la possibilité d’un nettoyage canalaire tridimensionnel en favorisant la pénétration et la circulation des solutions d’irrigation antiseptiques. Celles-ci doivent permettre au sein du réseau endodontique l’élimination des tissus pulpaires, de la prédentine et de la dentine infectée, ainsi que des bactéries et de leurs toxines (13,19).
Les conséquences d’une fracture instrumentale au cours de la phase de mise en forme peuvent être envisagées à court, moyen et long terme :
– À court terme, la présence d’un fragment instrumental est susceptible d’empêcher ou de compliquer la mise en forme canalaire. Par conséquent, la bonne circulation des solutions d’irrigations peut être empêchée et l’obturation canalaire rendue difficile ;
– À moyen terme et en fonction de la localisation du fragment, la fracture pourra avoir une incidence sur les thérapeutiques de restauration coronaire futures si celles-ci impliquent la réalisation d’un ancrage canalaire ;
– À long terme, une fracture instrumentale peut contribuer à l’échec du traitement endodontique et parfois conduire à l’extraction de la dent.
Conduite à tenir en cas de fractures instrumentales
Thérapeutique
La conduite à tenir se fait au cas par cas prenant en compte des facteurs d’ordre clinique (contexte endodontique, temporalité), des facteurs liés aux caractéristiques de la fracture (type/localisation/longueur du fragment) et enfin des facteurs liés au praticien (expérience clinique et équipement disponible). En ce qui concerne ce dernier paramètre, il ne doit pas être perdu de vue qu’il peut être bénéfique pour le patient d’être orienté vers un praticien plus compétent en la matière.
Après évaluation de ces différents aspects, il pourra être choisi soit de s’abstenir et d’obturer par-dessus l’instrument laissé in situ soit de tenter le contournement de l’instrument (bypass) ou l’élimination du fragment à l’aide d’aides visuelles (loupes, microscope) associées à des techniques de dépose. En dernier recours, l’élimination de l’instrument par abord chirurgical peut-être envisagé (21,22). Quoiqu’il en soit, la prise de décision doit être la plus rapide possible afin de ne pas risquer une contamination de l’endodonte par absence prolongée d’étanchéité coronaire.
Informative
Le chirurgien-dentiste est soumis à des règles professionnelles et déontologiques. Il a un devoir d’information et de conseil du patient. D’après le code de santé publique : « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé » (Article L1111-2) (23).
Le dentiste a donc une obligation légale d’informer le patient en cas de fracture instrumentale et de lui préciser le suivi engagé ainsi que les conséquences possibles : l’influence sur le taux de réussite et les complications qui pourraient survenir. Ne pas respecter le devoir d’information engagerait davantage la responsabilité médicale du praticien. Dans le cas où le praticien est mis en cause par son patient, il est tenu d’avertir sa compagnie d’assurance dès la survenue du sinistre, même s’il estime que sa responsabilité n’est pas engagée.
Le vocabulaire doit être adapté et le message clair afin de rendre l’information compréhensible par le patient novice. Il s’agit cependant tout en donnant une information loyale au patient d’éviter au maximum de l’inquiéter à tort, surtout en cas de pronostic plutôt favorable pour la dent (21,22). Avant de commencer le traitement endodontique il est aussi recommandé d’informer le patient sur les risques de fractures d’instruments et d’obtenir un consentement libre et éclairé de ce dernier. Cette information préalable est à la base de l’établissement d’une bonne relation de confiance praticien/patient (22).
Moyens de prévention des fractures instrumentales
La fracture instrumentale est un phénomène multifactoriel et complexe, toujours à l’origine d’une situation délicate, que ce soit sur le plan clinique ou relationnel avec le patient. Tout doit donc être mis en œuvre afin de minimiser au maximum leur occurrence.
Les facteurs sur lesquels il est possible d’agir sont multiples (24,25) :
– des facteurs relatifs au praticien (expérience et fatigue de l’opérateur).
– des facteurs relatifs au mode d’instrumentation (manipulation des instruments, respect des séquences, vitesses et torque, utilisation sous irrigation permanente).
– des facteurs relatifs à l’analyse de la situation endodontique (accès endodontique adéquat, détection des zones de danger et des courbures, choix d’une instrumentation adaptée)
– des facteurs relatifs à l’instrumentation (design, alliage, dynamique, nombre d’utilisations).
Le mouvement de réciprocité
Le mouvement de réciprocité est défini comme un mouvement répété dans le sens horaire puis antihoraire des aiguilles d’une montre. Il existe de nombreuses variantes de ce mouvement ; une classification des différents mouvements de réciprocité utilisés en endodontie est présentée ci-après permettant ainsi une meilleure compréhension de ces systèmes.
Le mouvement de réciprocité oscillant complet
Le mouvement de réciprocité oscillant complet est basé sur un mouvement horaire/antihoraire des instruments avec des angles de réciprocité d’égale amplitude. De nombreux systèmes en endodontie utilisant ce mouvement ont été mis au point, les instruments utilisés étant principalement des instruments en acier inoxydable. On peut citer à titre d’exemple la pièce à main Giromatic (Micromega, Besançon, France) introduite dans les années 60 et qui utilisait des angles de réciprocité d’une égale amplitude de 90°. Plusieurs systèmes ont ainsi été introduits avec des oscillations verticales, horizontales ou combinées. Les résultats n’ont cependant pas conduit à en faire des systèmes de mise en forme de référence, une incidence élevée d’erreurs iatrogènes au cours de la mise en forme canalaire étant observée (33).
Le mouvement de réciprocité partiel ou asymétrique
Définition
En 2008, Yared a proposé une nouvelle technique de préparation canalaire utilisant un seul instrument rotatif Ni-Ti (initialement le ProTaper F2) animé d’un mouvement de réciprocité dite « partielle » ou « asymétrique ». Ce concept repose sur deux grands principes :
– L’aspect novateur de la dynamique proposée par Yared réside dans le fait que l’instrument est animé d’un mouvement alternatif transversal asymétrique. Il effectue une alternance de mouvements horaires et antihoraires qui présentent une amplitude variable ce qui limite le risque de vissage de l’instrument dans le canal tout en lui permettant d’avancer (Figure 2).
– Celui de l’instrument unique permettant de réduire la fatigue instrumentale et le risque de contamination croisée.
Actuellement, deux principaux types d’instruments Ni-Ti utilisant le mouvement de réciprocité existent : le système Reciproc® (VDW, Munich, Allemagne) et le système Wave One® (Dentsply Maillefer, Ballaigues, Suisse). Ces instruments présentent une hélice inversée ; ils coupent dans le sens antihoraire et se dévissent dans le sens horaire. C’est l’amplitude plus importante du mouvement anti horaire par rapport à celle du mouvement horaire qui permet à l’instrument d’avancer dans le canal (8,34).
Le mouvement de réciprocité hybride
Twisted File Adaptive®
Ce système introduit par la société SybronEndo utilise un tout nouveau concept, une technologie de mouvement qui s’adapte à la contrainte d’instrumentation et que l’on peut nommer mouvement de réciprocité hybride. L’instrument est animé d’un mouvement de rotation continue ou d’un mouvement de réciprocité selon la situation clinique et le mouvement s’ajuste automatiquement de manière appropriée. Les angles de rotation ne sont pas constants mais varient en fonction des complexités anatomiques et des contraintes subies par l’instrument. En effet lorsque l’instrument n’est pas (ou très légèrement) sollicité dans le canal, le mouvement peut être décrit comme une rotation continue. Plus précisément, il s’agit d’un mouvement interrompu avec les angles dans le sens horaire et antihoraire suivants : 600-0 °. Au contraire lorsque l’instrument subit des contraintes fortes, le mouvement de l’instrument TF Adaptive change et devient un mouvement de réciprocité, avec des angles dans le sens horaire de 370° et antihoraire de 50° (40).
Présentation des protocoles des tests de résistance retrouvés dans les publications
L’étude des propriétés mécaniques des instruments de mise en forme canalaire peut ainsi considérer la résistance à la fatigue cyclique, la résistance à la flexion et la résistance à la torsion. Le paragraphe suivant a pour objectif de présenter une vision globale des différents tests utilisés dans les études considérées.
Test de résistance à la fatigue cyclique (RFC)
Les tests de RFC évaluent la durée de vie (c.à.d. le temps avant fracture) d’un instrument lorsque celui-ci est mis en mouvement dans un simulateur canalaire courbe. Pour évaluer la RFC, le test est réalisé en général à l’aide d’un dispositif sur mesure constitué d’un cadre principal auquel est connecté un support pour la pièce à main électrique et un bloc en acier inoxydable simulant les canaux artificiels.
La pièce à main électrique est montée sur un dispositif mobile pour permettre un placement précis et reproductible de chaque instrument à l’intérieur du canal artificiel. Cela permet un alignement tridimensionnel et un positionnement des instruments à la même profondeur. Le canal artificiel en acier trempé est fabriqué en tenant compte de la taille et la conicité des instruments testés, fournissant ainsi à l’instrument une trajectoire adaptée aux paramètres de la courbure choisie. Ce canal radiculaire simulé possède en général un rayon de 3 à 5 mm et un angle de courbure de 60q (42,43).
Le type de mouvement et la vitesse de rotation sont choisis en fonction des objectifs de l’étude. Les instruments sont mis en mouvement jusqu’à la rupture, le délai avant la fracture étant généralement enregistré en secondes à l’aide d’un chronomètre numérique et enregistré au nombre entier le plus proche. La longueur des fragments fracturés peut également être enregistrée pour chaque instrument.
Le test peut se faire de manière statique ou dynamique :
– Statique : dans ce cas, les instruments sont en mouvement libre dans le tube en acier inoxydable qui peut être rempli de glycérine pour réduire la friction et la production de chaleur. Chaque instrument est positionné dans un contre-angle et introduit dans le canal jusqu’à ce que l’extrémité touche une protection placée à l’autre extrémité avant d’être mis en mouvement (47).
– Dynamique : dans ce cas, un dispositif mécanique reproduit des mouvements axiaux de va-et-vient pendant que les instruments tournent dans le canal. En général, l’amplitude des mouvements axiaux est de quelques mm, avec environ 2 à 3 secondes entre les oscillations (46).
Test de résistance à la flexion
Ce test se fait à l’aide d’une machine d’essai universelle. Une charge est appliquée à vitesse constante (ex : 20N à 15 mm/min) au moyen d’un fil flexible en acier inoxydable avec une extrémité fixée à la tête de la machine d’essai et l’autre extrémité fixée à 3 mm de la pointe de l’instrument. La charge maximale nécessaire pour plier chaque instrument jusqu’à 45 degrés de déviation est enregistrée et analysée statistiquement (39,44). Plus cette charge est élevée moins l’instrument est flexible.
Test de résistance à la torsion (RTor)
Les tests de RTor évaluent la résistance des instruments de mise en forme canalaire lorsque leur extrémité se retrouve bloquée. Ce test est donc réalisé à l’aide d’un bloc permettant de bloquer la pointe des instruments. Ce bloc possède un trou cubique (quelques mm3) dans lequel un nombre défini de mm de l’extrémité de chaque lime sont rigidement maintenus en place, en général par photopolymérisation de résine composite (6).
Brièvement, une contrainte de torsion répétitive et uniforme est appliquée à la lime maintenue dans un état rectiligne afin d’évaluer la résistance à la torsion pure et d’éliminer l’influence de la flexion. Le couple est appliqué dans le sens horaire ou antihoraire des aiguilles d’une montre selon la propriété de l’instrument à une vitesse de rotation constante (par exemple : 2tr/min) (47). La charge de torsion maximale (N.cm) est enregistrée pendant le chargement jusqu’à ce que l’instrument fracture. Un microscope électronique à balayage peut être utilisé ensuite pour réaliser une caractérisation topographique des surfaces de fracture des instruments brisés et y rechercher les caractéristiques du type de fracture simulé.
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Table des matières
CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS
I. RAPPELS SUR LES FRACTURES INSTRUMENTALES
1. Les différents types de fractures instrumentales
1.1. Fractures par torsion
1.2. Fractures par fatigue cyclique
1.3. Fractures combinées associant phénomène de torsion et fatigue cyclique
2. Conséquences des fractures instrumentales
3. Conduite à tenir en cas de fractures instrumentales
3.1. Thérapeutique
3.2. Informative
4. Moyens de prévention des fractures instrumentales
II. MISE AU POINT SUR LES DIFFÉRENTS TYPES DE DYNAMIQUES INSTRUMENTALES EN ENDODONTIE
1. Le mouvement de rotation continue
1.1. Définition
1.2. Exemple de systèmes utilisés en rotation continue
1.2.1. Tableau 1 : Exemple de systèmes pluri-instrumentaux utilisés en rotation continue
1.2.2. Tableau 2 : Exemple de systèmes mono-instrumentaux utilisés en rotation continue
2. Le mouvement de réciprocité
2.1. Le mouvement de réciprocité oscillant complet
2.2. Le mouvement de réciprocité partiel ou asymétrique
2.2.1. Définition
2.2.2. Description des systèmes utilisant la réciprocité
a. Wave One®
b. Reciproc®
c. Unicone®
2.3. Le mouvement de réciprocité hybride
2.3.1. Twisted File Adaptive®
CHAPITRE 2. REVUE DE LA LITTERATURE DES ÉTUDES PORTANT SUR LES FRACTURES INSTRUMENTALES EN RÉCIPROCITÉ ASYMÉTRIQUE
I. MATÉRIEL ET MÉTHODE
1. Définition de mots-clés
2. Exposé de la méthode d’inclusion des articles
II. RÉSULTATS
1. Présentation des protocoles des tests de résistance retrouvés dans les publications
1.1. Test de résistance à la fatigue cyclique (RFC)
1.2. Test de résistance à la flexion
1.3. Test de résistance à la torsion (RTor)
2. Analyse de la recherche bibliographique
2.1. Tableau 3 : Synthèse des résultats des études in vitro présentant une comparaison de la résistance mécanique d’instruments animés par un mouvement de réciprocité avec des instruments dédiés à la rotation continue
2.2. Tableau 4 : Synthèse des résultats des études in vitro présentant une comparaison de la résistance mécanique d’instruments dédiés à la réciprocité
2.3. Tableau 5 : Synthèse des résultats des études in vivo et ex vivo étudiant les propriétés mécaniques des instruments dédiés à la réciprocité
III. DISCUSSION
CONCLUSION
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES TABLEAUX
BIBLIOGRAPHIE
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