Mise au point d’une méthodologie pour détecter l’adduit lysine-guanine dans un pontage ADN-protéine

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Les agents inducteurs et les principaux mécanismes de formation des DPCs

Les pontages ADN-protéines peuvent provenir de l’action des espèces réactives de l’oxygène, issues du métabolisme cellulaire ou de processus inflammatoires. De nombreux agents inducteurs sont d’origine exogène :
– les agents physiques : UV, radiations ionisantes ;
– les agents chimiques : formaldéhyde (14), glyoxal (9), méthylglyoxal (9), alcaloïdes dérivés de la pyrrolizidine (15);
– certains médicaments anticancéreux : cis-platine (16), 5-aza-cytidine (8) ;
– les métaux : chrome (17), nickel (9), arsenic (9)…

Les pontages indirects via un « linker »

Dans cette partie nous nous intéresserons au cas du formaldéhyde, qui est l’un des agents inducteurs de DPCs les plus étudiés. L’exemple de la 5-aza-cytidine sera également abordé. Bien que ce composé ne constitue pas un « linker » au sens strict, il est capable d’induire des pontages suite à son incorporation dans l’ADN, et a donc été rattaché à ce groupe.
♣ Le formaldéhyde
Ce gaz incolore et inflammable est naturellement présent dans l’environnement mais provient principalement de produits de combustion du bois, des gaz d’échappement, de la fumée de cigarette et autres sources liées à l’activité humaine. Ce toxique a été très étudié dans le cadre d’une exposition professionnelle et il a été classé « cancérogène avéré » par le CIRC en 2004. Le formaldéhyde est largement décrit dans l’étude des pontages ADN-protéines, puisqu’il induit préférentiellement des pontages avec les histones. (18)
Ce composé, après absorption, est partiellement métabolisé en acide formique ; ce dernier peut être excrété par voie rénale sous la forme de sels solubles, ou transformé en dioxyde de carbone. Le formaldéhyde peut également réagir avec différents nucléophiles présents au niveau cellulaire, tels que les bases de l’ADN, et former différents adduits (N6-hydroxyméthyladénosine, N6-hydroxyméthylguanosine) (18). Les pontages ADN-protéines sont parmi les principaux dommages à l’ADN induits par le formaldéhyde, et constituent un marqueur d’exposition à ce toxique (14). Ces pontages se forment par réaction du formaldéhyde avec la fonction amine ou imine d’un acide aminé ou d’une base nucléique, pour former une base de Schiff ; celle-ci peut alors réagir avec un 2e groupement aminé pour former un pontage (Figure 5) (9).

Réparation des pontages ADN-protéines par le NER et la recombinaison homologue

§ Réparation des DPCs chez les procaryotes

Les mécanismes de réparation des pontages ADN-protéines ont tout d’abord été élucidés chez les bactéries, à l’aide de différentes études génétiques. En 2009, les travaux de Salem et al. ont comparé l’implication des différents systèmes dans la réparation des pontages induits par le formaldéhyde et la 5-aza-cytidine, à l’aide de différentes lignées Escherichia coli mutantes, déficientes en certainesenzymes de réparation (63). Cette étude a révélé une sensibilité accrue à l’exposition au  formaldéhyde pour les lignées mutantes au niveau des gènes impliqués dans la recombinaison homologue et le NER.
L’exposition à la 5-aza-cytidine, connue pour induire des pontages volumineux avec la DNMT (DNA methyltransferase, 53 kDa) est associée à une sensibilité très élevée des lignées mutantes au niveau des gènes responsable de la recombinaison homologue ; cet effet étant moins marqué pour les déficients en enzymes du NER. Ces observations suggèrent l’importance de ces 2 systèmes dans l’élimination des pontages ADN-protéines, et en particulier le rôle prédominant de la recombinaison homologue dans la prise en charge des pontages les plus volumineux. Le BER ne semble pas jouer un rôle prédominant dans la réparation de ces dommages. La synthèse translésionnelle, qui participe à la « tolérance » des lésions de l’ADN, n’apparaît que très partiellement impliquée.
Le mécanisme de prise en charge des pontages ADN-protéines chez les organismes procaryotes est résumé dans la Figure 16-A. Le système UvrABC, impliqué dans le NER chez les procaryotes, est capable de réparer les pontages peu volumineux, mais son activité diminue lorsque la taille de la protéine pontée augmente. Généralement on considère que la taille limite de prise de charge par le NER in vivo se situe aux alentours de 11 kDa. Les protéines UvrA et UvrB s’associent pour former le complexe A2B et recherchent les dommages à l’ADN. Lorsque le complexe rencontre un dommage, la protéine UvrB se lie au niveau du site lésé. A cette étape, l’efficacité de liaison de UvrB est dépendante de la taille de la protéine pontée. La nucléase UvrC est ensuite recrutée pour réaliser les incisions en 3’ et 5’, et l’hélicase UvrD libère le fragment incisé, dont la longueur dépend également de la taille du pontage.
L’activité de UvrD peut être entravée si le pontage est présent sur le brin où celle-ci progresse (8). Une étude récente (51) a démontré que le NER prend en charge préférentiellement les pontages impliquant la base guanine. De plus, l’activité du NER est plus élevée vis-à-vis des adduits présents sur le brin transcrit.
Les pontages plus volumineux (>12-14 kDa) sont pris en charge par la recombinaison homologue dépendante de RecBCD (cf. paragraphe 1.1.5.4) (8). Les travaux de Salem ont permis de mettre en évidence l’importance de la protéine RecA, enzyme responsable de la recherche de la séquence homologue et de l’invasion croisée de brin. Le rôle du complexe RuvABC, associé à RecG a également été souligné, et confirme l’existence de la jonction de Holliday (63).
Les travaux de Fang (51) ont révélé l’existence d’interactions entre ces 2 systèmes de réparation lors de la prise en charge des pontages ADN-protéines : dans certains cas, la présence de la protéine UvrA au niveau du site lésé peut affecter la reconnaissance et la réparation du pontage par le processus de recombinaison homologue et ainsi induire une augmentation de la fréquence des mutations. Ce phénomène a été observé pour les pontages inefficacement pris en charge par le NER, c’est-à-dire ceux impliquant la thymine ou ceux présents sur le brin non transcrit.
§ Réparation des DPCs chez les eucaryotes
Chez les eucaryotes, les 2 systèmes prédominants intervenant dans la réparation des pontages ADNprotéines sont également le NER et la recombinaison homologue (Figure 16-B). La taille limite des lésions prises en charge par le NER est plus basse que chez les bactéries (environ 8 kDa in vitro) (8). Il existe probablement une autre voie pour les pontages plus volumineux, impliquant le protéasome : la protéine liée à l’ADN est ubiquitinée puis dégradée par le complexe 26S, donnant lieu à un pontagepeptide qui peut alors être éliminé par le NER. Ce mécanisme a été mis en évidence in vitro (64) mais son existence in vivo est controversée. Les processus enzymatiques de réparation par le NER et la recombinaison homologue sont détaillés dans les paragraphes 1.1.5.3 et 1.1.5.4.
En résumé, les pontages ADN-protéines sont pris en charge principalement par le NER et la recombinaison homologue. L’intervention de l’un ou l’autre de ces 2 systèmes dépend grandement de la taille de la protéine pontée. La taille limite des pontages réparable par le NER est plus faible chez les eucaryotes, d’où une plus grande contribution de la recombinaison homologue. Chez ces organismes il existerait une voie supplémentaire, impliquant le protéasome. Des acteurs d’autres systèmes de réparation pourraient également participer à la reconnaissance et à l’élimination de ces dommages, mais leurs rôles exacts ne sont pas encore clairement définis, et leur contribution semble secondaire.

Formation d’adduits par suroxydation de la 8-oxoguanine

Bien que la guanine soit la base la plus sensible à l’oxydation, l’un de ses produits d’oxydation, la 8- oxoguanine, est encore plus réactif. En effet, la 8-oxoguanine possède un potentiel d’oxydo-réduction d’environ 0,6 V vs NHE alors que la guanine se situe à 1.29 V vs NHE. Dans le cas d’une oxydation à un électron qui se produit sur une autre base, un transfert électronique au sein du polymère conduit à la formation de l’espèce réactive [8-oxoG]+ °.
Le radical cation de la 8-oxodGuo peut subir des attaques nucléophiles au niveau de la position C5. En présence d’eau cette réaction conduit à la formation de la 5-hydroxy-8-oxoG (5-OH-8-oxoG) ; cet intermédiaire instable se décompose par ouverture du cycle pyrimidine au niveau de la liaison C5-C6 suivie d’une réaction de décarboxylation, pour donner la guanidinodihydantoïne (Gh). La 5 hydroxy8-oxoG peut également faire l’objet d’un réarrangement en structure spiro, via un shift du groupement acyle, pour former la spiroiminodihydantoïne (Sp) (75,76). Une étude de 2003 (77) a permis d’identifier la prépondérance de l’un ou l’autre de ces produits de dégradation en fonction du pH lors de l’oxydation par l’oxygène singulet de la guanosine. A pH acide (< 7) la Gh est majoritaire, alors que le composé Sp se forme préférentiellement à pH 7 et plus. Ce phénomène n’est pas transposable à l’oxydation de l’ADN double brin : la formation du carbone quaternaire spiro étant moins favorable, on observe le produit de dégradation Gh.
La 8-oxodGuo oxydée peut également réagir avec d’autres espèces nucléophiles que l’eau, et intervenir dans la formation des pontages ADN-protéines. Les travaux entrepris par Hickerson et al. en 1999 ont permis d’identifier un pontage avec un résidu lysine de Mut Y, par l’intermédiaire de la 8-oxodGuo oxydée (74). La protéine Mut Y est une enzyme de réparation présente chez Escherichia coli capable de se lier aux mésappariements 8-oxoG:A. Le mécanisme de formation de ce pontage est similaire à celui de la 5-OH-8-oxoG et implique l’addition d’un groupement nucléophile peptidique au niveau de la position C5 de l’espèce [8-oxoG°+ ]. Les pontages impliquant la suroxydation de la 8-oxodGuo ont également été mis en évidence avec la « single-stranded binding protein » (SSB) (72). Cette protéine est capable de se lier à l’ADN simple brin indépendamment de la séquence nucléotidique, afin de le protéger de la digestion par les nucléases. En conditions oxydantes, la protéine SSB forme des pontages avec la 8-oxodGuo et la 8-oxodAdo. Afin d’étudier le ou les acides aminés impliqués dans ces pontages et de caractériser les lésions obtenues, 3 modèles ont été mis en place en remplaçant la protéine SSB par les acides aminés d’intérêt sous la forme de monomères: AcLysOMe, AcArgOMe, AcTyrOMe. L’adduit avec la lysine s’est avéré légèrement plus favorable qu’avec l’arginine et beaucoup plus qu’avec la tyrosine. La caractérisation de l’adduit avec AcLysOMe a permis de mettre en évidence 2 structures de type spiroiminodihydantoïne (Sp-Lys)
et guanidinohydantoïne (Gh-Lys) (Figure 21). Ces composés dérivent d’un intermédiaire commun, la 5- lys-8-oxodGuo. La Sp-Lys est obtenue par un réarrangement de type spiro. La Gh-Lys provient de l’ouverture du cycle pyrimidine suivie d’une réaction de décarboxylation. Plus récemment, l’équipe de C. Burrows a démontré qu’il existait d’autres structures pour ces composés issus de la réaction entre la lysine et la guanine, selon le mécanisme d’oxydation envisagé (65) (Figure 22).

Les polyamines

Implications physiologiques des polyamines

Les polyamines sont des petites molécules cationiques présentes dans tous les organismes vivants. Dans la cellule elles sont généralement liées à des molécules polyanioniques telles que l’ADN, l’ARN et les phospholipides (87). Les polyamines biosynthétisées chez les mammifères sont la putrescine, la spermidine et la spermine (Figure 30). L’agmatine, qui provient de la décarboxylation de l’arginine, est synthétisée uniquement chez les plantes et chez la plupart des bactéries, notamment celles de la flore intestinale (88).

Métabolisme

Biosynthèse

La putrescine est biosynthétisée à partir de l’ornithine, issue du cycle de l’urée (Figure 31). Cette réaction est catalysée par l’ornithine décarboxylase (ODC). La putrescine est le précurseur des 2 autres polyamines. La spermidine est produite lors de l’addition d’un groupement aminopropyle par la spermidine synthase. La spermine est synthétisée à partir de la spermidine par la même réaction catalysée par la spermine synthase. Les groupements aminopropyle proviennent de la S-adenosyl Smethyl-homocysteamine (SAMHC). Ce composé est obtenu à partir de la S-adenosyl methionine (SAM) sous l’action de la SAM-decarboxylase (SAMdc). La SAM est issu de la condensation de la méthionine avec une molécule d’ATP. La synthèse de la spermidine et de la spermine dépend donc de la présence d’un acide aminé essentiel, la méthionine. (87,89)

Catabolisme

Les polyamines sont métabolisées en un grand nombre de dérivés. Leur catabolisme fait intervenir des réactions d’acétylation et d’oxydation (Figure 31).
La conversion de la spermine en spermidine puis de la spermidine en putrescine nécessite la formation d’intermédiaires acétylés, la N1
-acétylspermine et la N1
-acétylspermidine. Cette réaction est catalysée par l’enzyme clef du catabolisme des polyamines, l’acetyl-Coa:spermidine/spermine N1
– acetyltransferase (SSAT), présente au niveau du cytosol. Les réactions d’acétylation des polyamines
permettent de diminuer le nombre de charges positives qu’elles portent, et ainsi de limiter les interactions avec les molécules polyanioniques. (87,89)
-acétylspermine et la N1
-acétylspermidine sont ensuite oxydées par la polyamine oxydase (PAO), pour régénérer la spermidine et la putrescine. Enfin, la diamine oxydase (DAO) métabolise la putrescine en acide γ-aminobutyrique.

Régulation du métabolisme des polyamines

La concentration intracellulaire en polyamines est hautement régulée. Des perturbations dans leur métabolisme sont associées à diverses pathologies. Les 3 enzymes impliquées dans la régulation sont l’ODC, la SAMdc et la SSAT. (87)
§ Régulation de l’ODC (88)
La régulation s’effectue à 2 niveaux :
– modification du taux d’expression du gène odc,
– dégradation de la protéine.
La modulation de l’expression génique a lieu notamment lors de la synthèse d’ARN messager. La
transcription du gène odc augmente sous l’action de divers stimuli : la région promotrice de ce gène
contient des séquences réceptives à certaines hormones ou facteurs de croissance. La synthèse d’ARNm est par exemple augmentée par le proto-oncogène c-Myc, par l’intermédiaire d’un facteur de transcription.
La demi-vie de l’ODC est relativement courte. Sa dégradation est accélérée lorsque la concentration intracellulaire en polyamines est élevée, et ne requière par d’ubiquitination au préalable. La forme active de cette enzyme est un homodimère, l’association des 2 sous-unités étant instable. Le principal acteur de la dégradation de l’ODC est l’antizyme (AZ) : celui-ci se lie à la forme monomérique pour inactiver la protéine et déclenche sa dégradation par le protéasome 26S. Il existe un inhibiteur de l’antizyme (AZin) qui est capable de déplacer l’AZ lié à l’ODC et ainsi empêcher sa dégradation.
§ Régulation de la SAMdc
La putrescine active la pro-enzyme et stimule l’activité de SAMdc. A l’inverse, l’augmentation de la
concentration intracellulaire en spermidine et spermine diminue la synthèse de cette enzyme en inhibantmla transcription du gène SAMdc. La spermidine et la spermine induisent également la dégradation de cette enzyme par le protéasome, après ubiquitination. (87)
De nombreux processus liés à la croissance cellulaire, tels que la régénération tissulaire ou la différenciation, sont associés à une élévation de la concentration cellulaire en SAMdc (88).

Etude bibliographique

§ Effet du monoxyde d’azote (NO)
L’ODC et la SAMdc comportent au niveau de leur site actif, des résidus cystéine impliqués dans le mécanisme catalytique. Ces cystéines peuvent réagir avec le NO, ce qui conduit à l’inactivation de l’enzyme. Le NO constitue donc un inhibiteur de la biosynthèse des polyamines. (88)
§ Régulation de la SSAT
L’élévation de la concentration en polyamines s’accompagne d’une induction de la transcription du gène SSAT, via la séquence promotrice « polyamine responsive element » (PRE). L’activité de la SSAT est modulée par différentes hormones, telles que l’estradiol ou les corticostéroïdes (87). L’oncogène k-Ras est capable d’inhiber cette enzyme, conduisant ainsi à une augmentation de la concentration cellulaire
en spermine et spermidine. (88)

Transport des polyamines 

Les systèmes de transport des polyamines contribuent à l’homéostasie de leur métabolisme. L’entrée des polyamines dans la cellule dépend du potentiel de la membrane plasmique et de la présence de cations divalents (Ca2+ et Mg2+). Il existe 2 types de transporteurs pour l’influx de ces molécules : (i) les transporteurs prenant en charge préférentiellement la putrescine et les composés diaminés, et (ii) ceux destinés à la spermidine et la spermine. L’internalisation des polyamines peut également s’effectuer par un mécanisme d’endocytose dépendante de la cavéoline-1. Ces processus d’influx sont inhibés par l’antizyme.
Ces molécules sont externalisées par un transporteur d’acides aminés, SLC3A2. Celui-ci forme un complexe avec l’enzyme SSAT et catalyse l’efflux de putrescine et de la N1
-acetylspermidine grâce à un échange polyamine/arginine.
L’oncogène k-Ras stimule l’endocytose et inhibe l’externalisation des polyamines. Bien que très étudiés, les mécanismes impliqués dans le transport de ces molécules ne sont pas totalement élucidés.

Effets sur la structure de l’ADN

Les polyamines sont en contact étroit avec l’ADN par différents types d’interaction (87) :
– liaisons ioniques entre leurs groupements amines et les phosphates de l’ADN,
– interactions cation-π avec les nucléobases,
– interactions hydrophobes.
Elles stabilisent le nucléosome et participent à la condensation de l’ADN, ce qui permet de protéger la macromolécule contre l’effet des radiations ionisantes, des espèces réactives de l’oxygène, ou des DNAses. Elles sont impliquées dans le remodelage de la chromatine en modulant l’acétylation des histones. (87)
§ Les agrégats de polyamines (“Nuclear Aggregates of polyamines”, NAPs) (93–97)
Les polyamines sont connues pour leur habilité à stabiliser et condenser la molécule d’ADN, mais le mécanisme de cette interaction n’est pas totalement élucidé. L’équipe de D’Agostino a proposé un modèle reposant sur la formation d’agrégats de polyamines, appelés NAPs. Les polyamines sont capables de s’auto-assembler pour former des agrégats moléculaires, qui adoptent une structure macrocyclique. A l’échelle cellulaire, 3 types de structure ont été identifiés, présentant des poids moléculaires d’environ 1000, 4800 et 8000 Da, respectivement nommés small-NAP (s-NAP),  mediumNAP (m-NAP) et large-NAP (l-NAP) (93,98). Ces structures interagissent avec l’ADN génomique, et influencent sa conformation ; elles ont également un effet protecteur vis-à-vis des nucléases. Les NAPs permettent notamment de préserver l’ADN de la dégradation par la DNAse I, plus efficacement que les polyamines « libres » (94).
Les NAPs se forment par interactions ioniques des amines primaires des polyamines avec les phosphates environnants. Chaque phosphate est lié à 2 polyamines par leurs fonctions N-terminales, conduisant à un assemblage alterné et linéaire. Au cours du processus d’élongation, les forces de répulsion Coulombiennes provoquent la courbure de la chaîne de polyamines, dont la flexibilité dépend de la longueur des éléments qui la composent (la spermine étant la molécule la plus flexible et la putrescine la plus rigide). Le système se stabilise par cyclisation. La seconde étape de l’assemblage est l’agrégation de ses monomères macrocycliques, pour aboutir à une structure supramoléculaire plane et polycyclique (Figure 33). Les macrocycles sont alors associés par des liaisons hydrogène entre les groupements phosphate.
Les s-NAP sont des structures monocycliques constituées de 2 molécules de spermine, une molécule de spermidine et une molécule de putrescine ; il s’agit de précurseurs pour la formation des autres agrégats.
Les m-NAP sont des assemblages de 5 s-NAP, connectés par des liaisons hydrogène. Ces structures semblent impliquées dans la réplication cellulaire, puisque leur concentration intracellulaire est maximale en phase S. Les l-NAP sont constitués de 5 monomères de 6 polyamines (2 spermine, 2 spermidine et 2 putrescine). Ils ont vraisemblablement un rôle dans la stabilisation, la protection et/ou la réparation de l’ADN simple brin. La putrescine joue un rôle essentiel dans la formation des NAPs, puisque ses charges positives sont entièrement neutralisées par les phosphates (à l’inverse de la spermidine et la spermine), ce qui diminue les forces répulsives entre ces molécules qui pourraient entraver les interactions entre les monomères. La spermidine et la spermine quant à elles sont nécessaires à l’interaction des NAPs avec l’ADN, grâce à la présence de charges positives excédentaires sur leurs amines secondaires. (99)

Régulation de l’expression des gènes

Ces molécules participent à la régulation de l’expression de certains gènes, en particulier ceux impliqués
dans leur propre métabolisme, ou dans la prolifération cellulaire. Cette régulation s’effectue à 3 niveaux :
la transduction du signal, la transcription des gènes, et la traduction.
§ Modulation de la transduction du signal (89)
Les polyamines sont impliquées dans certaines voies de signalisation intracellulaire. Par leur nature
polycationique, elles interagissent avec les membranes phospholipidiques et régulent l’activité de certaines enzymes membranaires. Elles sont notamment capables d’activer des kinases, telles de la tyrosine kinase, la protéine kinase A ou les MAP kinases5 , ce qui a pour effet de stimuler l’expression de proto-oncogènes (c-Myc par exemple). Elles interagissent également avec les protéines G, en stimulant leur activité GTPase.

mitogen-activated protein kinases

§ Régulation de la transcription des gènes (87)
Les polyamines régulent la transcription de certains gènes par différents mécanismes. En particulier, celles-ci peuvent induire la transcription du gène de la SSAT (cf. paragraphe 2.1.1.3), enzyme impliquée dans leur catabolisme, via une séquence promotrice appelée « polyamine responsive element » (PRE).
Ce processus de régulation s’effectue par l’intermédiaire de 2 facteurs de transcription, PMF-16 et Nrf2m, qui interagissent avec la séquence PRE.
Les polyamines sont également impliquées dans l’expression des facteurs de transcription c-fos et cmyc, qui à leur tour régulent l’expression de certains gènes impliqués dans la prolifération cellulaire.
Enfin, elles stimulent également la liaison du facteur de transcription NF-κB à sa séquence spécifique de l’ADN. Ceci lui permet d’exercer son activité régulatrice, et d’intervenir dans les processus inflammatoires.
§ Régulation de la traduction de l’ARN (87,88)
Les polyamines se lient à l’ARN, afin de moduler la synthèse des protéines. La spermidine régule la
formation du complexe d’initiation. Les polyamines peuvent interagir avec les ARN de transfert, et
stabiliser leur structure.
La régulation s’effectue également par l’intermédiaire de la protéine HuR (Hu antigène R). Celle-ci stabilise les ARN messagers en se liant aux séquences riches en A-U des régions 3’ non transcrites. Les polyamines réduisent l’expression de certains gènes impliqués dans l’apoptose et la prolifération cellulaire en inhibant la liaison de HuR à l’ARNm. A l’inverse, elles peuvent augmenter l’expression du proto-oncogène c-Myc par phosphorylation de HuR ce qui favorise sa liaison à l’ARNm.
Le facteur eIF5A est essentiel à la traduction lors de la phase d’élongation. Cette protéine subit une
modification post-traductionnelle d’une lysine en hypusine, nécessaire à son activité biologique. La protéine précurseur est tout d’abord modifiée par la désoxyhypusine synthase, qui greffe un motif aminobutyle provenant de la spermidine (Figure 36). Ensuite la désoxyhypusine hydrolase réalise une hydroxylation pour former la protéine eIF5A active.

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Table des matières

Remerciements
Liste des abréviations
Avant-propos : Stress oxydant et lésions oxydatives de l’ADN
Chapitre 1 : Etude bibliographique
1 Les pontages ADN-protéines
2 Les polyamines
Objectifs de l’étude
Chapitre 2 : Partie expérimentale
1 Synthèse et caractérisation des standards
2 Méthodes d’analyse par HPLC-MS/MS
3 Formation d’adduits dans l’ADN isolé
4 Etude réalisée sur la lignée cellulaire THP1
5 Etude réalisée sur des échantillons de spermatozoïdes
6 Réparation des adduits guanine-polyamines par le BER
7 Préparation du synthon phosphoramidite de 8-put-dGuo
8 Modèles de pontage peptide + oligonucléotide
Résultats
Chapitre 3 : Les pontages avec la lysine
1 Introduction
2 Synthèse du standard
3 Caractérisation de l’adduit 8-lys-dGuo
4 Développement d’une méthode de quantification par HPLC-MS/MS
5 Formation d’adduits 8-lys-dGuo dans l’ADN isolé
6 Mise au point d’une méthodologie pour détecter l’adduit lysine-guanine dans un pontage ADN-protéine
7 Quantification de l’adduit 8-lys-Gua dans des cellules irradiées
8 Détection des pontages ADN-protéines dans l’ADN cellulaire
9 Conclusion
Chapitre 4 : Modèles de pontages peptides-oligonucléotides
1 Introduction
2 Le modèle « doigt de zinc CP1-Y2F + duplex 12-mer »
3 Les modèles « peptide + aptamère »
4 Conclusion
Chapitre 5 : Les pontages ADN-polyamines
1 Introduction
2 Synthèse des adduits avec la putrescine, la spermidine et la spermine
3 Caractérisation des adduits
4 Optimisation d’une méthode de quantification par HPLC-MS/MS
5 Formation d’adduits dans l’ADN isolé
6 Formation d’adduits dans l’ADN cellulaire
7 Optimisation d’une méthode de quantification plus sensible
8 Réparation des adduits guanine-polyamines par le BER
9 Synthèse d’oligonucléotides modifiés
10 Conclusion
Chapitre 6 : Discussion
1 Les pontages ADN-protéines
2 Les pontages ADN-polyamines
Conclusion & Perspectives
Références bibliographiques

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