Bactériologie
Les Rickettsies (figure 1) sont des bactéries intracellulaires obligatoires, parasitant les cellules eucaryotes. Ce sont les premières bactéries intracellulaires strictes décrites (Ngwamidiba et al., 2006). Elles ont la forme de coccobacilles, et leur taille varie entre 0,3 à 0,5µm sur 0,8 à 2µm. Etant des bactéries à Gram négatives, elles prennent mal la coloration Gram à cause de la présence de glycocalyx. Par contre, elles prennent une couleur rouge violacée suite à la fixation de la fuschine basique lors de la coloration Gimenez. La coloration de Giemsa permet également leur identification (Boudes et Parola, 2007; Renvoisé et Raoult, 2009; Znazen et Hammami, 2011). Ces bactéries sont immobiles, ne présentent ni flagelle, ni cils, ni capsule. Elles se multiplient par scissiparité. Comme toute bactérie Gram négative, la structure membranaire des Rickettsies est formée de trois couches : la membrane interne, une couche intermédiaire de peptidoglycanes, et la membrane externe. Dans les cellules hôtes, ces bactéries sont entourées par un glycocalyx ou slyme (Renvoisé et Raoult, 2009). Les Rickettsies ont la propriété d’être rapidement inactivées par la chaleur à 56°C ; mais résistent par contre à la congélation et à la dessiccation, dans les fèces des puces ou dans la poussière. Les protéines de la membrane cellulaire constituent les principaux antigènes des Rickettsies. On distingue deux groupes majeurs d’antigènes chez ces bactéries :
D’une part, les lipopolysaccharides (LPS), des lipoprotéines de 17 kDa, qui constituent l’antigène O de toute bactérie
D’autre part, une famille de protéines de haut poids moléculaire spécifiques d’espèces appelées « Surface Cell Antigen » (SCA). Ces derniers peuvent être soient complètes, soient quelques-unes seulement, sur la membrane externe des bactéries selon l’espèce. On connaît actuellement 17 SCA sur les Rickettsies.
Comme exemple, on peut citer SCA0, une protéine de la membrane externe appelée aussi « Outer Membrane Protein A » (ompA), de poids moléculaire 190 kDa, qui est uniquement retrouvée chez les membres du groupe boutonneux ; SCA5 ou ompB de 120 kDa qui existe chez toutes les bactéries du genre Rickettsia (Boudes et Parola, 2007). Ces antigènes sont à la base de l’identification sérologique des Rickettsies. Le génome de ces bactéries est de petite taille, allant de 1 à 1,5 millions paires de bases.
Le typhus murin
Le typhus murin est une maladie émergente dont l’importance n’est pas correctement appréciée. L’agent causal est R. typhi, anciennement appelée R. mooseri, une espèce appartenant au GT. Le matériel génétique de la souche Wilmington de R. typhi est constitué d’un seul chromosome circulaire de 1.111.496pb, avec 76,27% de région codante comprenant 877 gènes et 28,9% de bases G-C (McLeod et al., 2004). Les principaux réservoirs de R. typhi sont les rats commensaux R. rattus et Rattus norvegicus, mais d’autres vertébrés tels que les souris, les musaraignes, les opossums et les chats peuvent également être porteurs de l’agent pathogène. Le principal vecteur est la puce du rat Xenopsylla cheopis, mais d’autres puces ont aussi été trouvées contaminées par la bactérie (Azad, 1990; Boudes et Parola, 2007; Renvoisé et Raoult, 2009). L’infection à R. typhi n’est pas fatale pour les rats. La bactérie se pérennise dans le cerveau de l’animal en période inter épidémique (Mayoux et Coulanges, 1970). Les puces acquièrent le pathogène par un repas de sang sur un hôte vertébré déjà infecté. L’agent gagne l’intestin moyen de l’arthropode, puis entre rapidement dans les cellules épithéliales, et s’y réplique activement par fission binaire transversale. Appartenant au GT, R. typhi ne peut polymériser l’actine et est par conséquent uniquement retrouvé dans le cytoplasme des cellules cibles. Ces cellules vont ensuite s’éclater ; les microorganismes arrivent dans la lumière de l’intestin, et seront excrétés par les fèces. Une fois infectée, les puces le seront toute leur vie, et ni leur durée de vie ni leur capacité reproductive n’est affectée. La transmission à l’homme se fait accidentellement par l’intermédiaire des déjections de puces infestées, qui pénètrent l’organisme à l’occasion des lésions de grattage de la zone prurigineuse après piqûre de puce, ou par voie muqueuse, ou bien par inhalation. La transmission par piqûre de puce a été démontrée récemment (Boudes et Parola, 2007). Chez l’homme, la période d’incubation dure de 6 à 14 jours puis les symptômes apparaissent : fièvre élevée, maux de tête, arthralgie et rash. Cette pathologie est cosmopolite, et se retrouve dans tous les continents, sauf dans l’Antarctique. Le typhus murin se rencontre partout où existent les rats et leurs puces puisque le cycle de l’agent pathogène en est étroitement lié. D’ailleurs, tous les cas humains de cette maladie sont presque toujours associés à des rats infectés. La distribution ubiquitaire du typhus murin peut être due à l’apport des rats et de leurs puces par les bateaux. C’est aussi pour cela que les ports sont principalement des zones endémiques de cette maladie.
Biologie moléculaire
La détection moléculaire des Rickettsies par amplification génique (PCR) est une méthode rapide, sensible et spécifique, et permet une précision de l’espèce. Différents prélèvements peuvent être utilisés tels que la biopsie cutanée au niveau des escarres ou des éruptions cutanées, le sang prélevé sur un tube EDTA, ou biens les arthropodes vecteurs. La technique peut également cibler différents gènes tels que le gène D, ompA, ompB, gltA, sca4, ou encore le gène codant pour la protéine de 17 kDa (Boudes et Parola, 2007; Renvoisé et Raoult, 2009). Des PCR classiques (Bitam et al., 2006; Bitam et al., 2009; Capelli et al., 2009; Christou et al., 2010; Hii et al., 2011), des PCR en temps réel (Henry et al., 2007; Eremeeva et al., 2008; Giulieri et al., 2012) et des PCR nichées ou « nested-PCR » (Choi et al., 2005) ainsi que la technique de « restriction fragment length polymorphism » ou RFLP (Boostrom et al., 2002) sont également utilisées. Une nouvelle technique, dénommée « PCR suicide » a été proposée par le CNR à Marseille. C’est une PCR nichée utilisant des amorces à usage unique, ayant pour cible des séquences jamais amplifiées dans le laboratoire. La technique est sensible et spécifique, mais il faut surtout éviter la contamination par les amplicons des manipulations antérieures (Renvoisé et Raoult, 2009).
Sérums humains
Les sérums humains ont été prélevés en janvier 2012 à Tsiroanomandidy lors d’une enquête en population générale dans le cadre dudit projet. Ce volet a reçu l’autorisation du Comité National d’Ethique auprès du Ministère chargé de la santé de la population à Madagascar (049-MSANP/CE du 03 juillet 2012). Concernant le recrutement des individus, les enquêteurs effetuent un tirage aléatoire de 4 points de déplacement, puis continuent l’enquête de porte à porte après avoir tiré au sort la direction de déplacement jusqu’à obtenir 5 foyers par point, donc 20 maisons au total. Au maximum 3 membres du foyer feront l’objet d’un questionnaire et d’un prélèvement sanguin. Le prélèvement a été effectué sur des participants consentants après signature d’une fiche prévue à cet effet. Ces échantillons sont destinés pour la recherche d’anticorps par ELISA.
Principe de la PCR en temps réel
La PCR est une technique de biologie moléculaire permettant l’amplification génique in vitro. Elle permet d’amplifier une séquence nucléotidique connue à partir de séquences spécifiques d’oligonucléotides de synthèse, appelées amorces. Comme la PCR classique, la PCR en temps réel utilise la propriété de l’enzyme ADN-polymérase thermostable à synthétiser un brin complémentaire d’une séquence matrice en présence de toutes les composantes nécessaires, ainsi que la propriété d’hybridation et de déshybridation complémentaire des brins d’ADN en fonction de la température. L’activité enzymatique est contrôlée par une répétition cyclique de transition de températures. Ce qui diffère la PCR en temps réel de la PCR conventionnelle est que le processus d’amplification peut être suivi en « temps réel » grâce à des marqueurs fluorescents. Il existe différentes techniques de détection des ces amplicons telles que l’utilisation de SybrGreen qui est un intercalant de l’ADN double brin ou l’utilisation de séquence d’oligonucléotides couplée à des marqueurs fluorescents, appelée sonde (Poitras et Houde, 2002) Pour cette étude, la technique utilisant une sonde nucléotidique Taqman est adoptée. Cette sonde est une séquence d’oligonucléotides spécifique du fragment d’intérêt, marquée par un fluorophore (reporter) sur son extrémité 5’, et un inhibiteur (quencher) en 3’. En principe, la fluorescence émise par le fluorophore est atténuée par l’inhibiteur lorsqu’il se trouve à proximité de celui-ci. En effet, le quencher possède une plus forte énergie que le fluorophore, et absorbe ainsi l’énergie transmise par celui-ci. L’action de cet inhibiteur sera levée pendant la phase d’élongation, lorsque l’activité 5’3’exonucléase de la Taq polymérase clive peu à peu la sonde. Le fluorophore reporter peut alors émettre de la fluorescence puisqu’il s’écarte de l’inhibiteur. L’intensité de cette fluorescence est mesurée par le thermocycleur. L’appareil transmet le résultat après chaque cycle à un ordinateur qui lui est relié afin de tracer automatiquement la cinétique de la fluorescence en fonction du nombre de cycle : c’est la courbe d’amplification.
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Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
GLOSSAIRE
INTRODUCTION
GENERALITES
I. Le genre Rickettsia
II.1. Bactériologie
II.2. Taxonomie
II. Les rickettsioses : épidémiologie et physiopathologie
III. Le typhus murin
IV. La fièvre boutonneuse à puce
V. Différents diagnostic des rickettsioses
VI.1. Biologie non spécifique
VI.2. Sérologie
VI.3. Biologie moléculaire
VI.4. Culture
VI. Prévention et Traitement
VII.1. Prévention
VII.2. Traitement
VII. Historique des études effectuées sur les rickettsioses
I.1. Dans le monde
I.2. A Madagascar
MATERIELS ET METHODES
I. Matériels biologiques et échantillonnage
I.1. Sérums humains
I.2. Sérums de rongeurs
I.3. Puces
I.4. Témoins
II. Méthodes
II.1. Mise au point des PCR pour la détection de Rickettsies chez les puces
II.1.A. Identification et extraction d’ADN des puces
II.1.A.1. Principe de l’extraction
II.1.A.2. Les différentes étapes de l’extraction d’ADN de puces
II.1.B. La PCR en temps réel
II.1.B.1. Principe de la PCR en temps réel.
II.1.B.2. La courbe d’amplification d’une PCR en temps réel
II.1.B.3. Les différentes étapes de la PCR Taqman
II.1.C. Les PCR Taqman pour la détection de Rickettsies
II.1.C.1. Les amorces et sondes utilisés dans notre étude
II.1.C.2. Préparation du mélange réactionnel ou mix
II.1.C.3. Ajout des extraits d’ADN à amplifier
II.1.C.4. Paramétrage et lancement de l’amplification sur le thermocycleur
II.1.D. Optimisation des PCR Taqman pour la détection de Rickettsies
II.1.D.1. Détermination de la concentration optimale des amorces
II.1.D.2. Détermination de la concentration optimale de la sonde
II.1.D.3. Contrôle de la technique d’extraction d’ADN
II.1.D.4. Optimisation de la concentration en magnésium
II.2. Mise au point de technique ELISA indirecte pour le diagnostic des rickettsioses
II.2.A. Principes de l’ELISA
II.2.B. Différentes étapes de l’ELISA indirecte d’IgG anti-Rickettsies
II.2.C. Mise au point de l’ELISA indirecte IgG anti-rickettsies du GFB chez l’homme
II.2.C.1. Optimisation des réactifs et consommables
II.2.C.2. Optimisation du tampon de dilution d’antigène, du tampon de saturation et des températures d’incubation
II.2.C.3. Détermination de la meilleure dilution du conjugué
II.2.C.4. Recherche de témoins négatifs
II.2.D. Mise au point de l’ELISA indirecte IgG anti-rickettsies du GT chez l’homme
II.2.D.1. Optimisation des températures d’incubation
II.2.D.2. Détermination du meilleur tampon de dilution de l’antigène et du tampon de saturation
II.2.D.3. Détermination de la concentration optimale de conjugué
II.3. Application à l’évaluation de la circulation des rickettsioses à Tsiroanomandidy
II.3.A. Détection des Rickettsies par PCR en temps réel sur les puces
II.3.B. Détection d’anticorps anti-Rickettsies par ELISA indirecte dans les sérums humains
II.3.C. Titration des échantillons positifs par ELISA du GT
II.3.D. Détection des anticorps anti-Rickettsies par ELISA chez les rongeurs
RESULTATS
I. Taille des échantillons
I.1. Sérums humains
I.2. Sérums de rongeurs
I.3. Puces
II. Mise au point de PCR en temps réel Taqman pour la détection de Rickettsies chez les puces
II.1. Optimisation de la concentration d’amorces
II.2. Optimisation de la concentration de sonde
II.3. Contrôle de la technique d’extraction d’ADN
II.4. Optimisation de la concentration de MgCl2 pour la PCR spécifique de R. typhi
III. Mise au point de l’ELISA indirecte pour la détection d’IgG anti-Rickettsies du GFB
III.1. Optimisation des réactifs et consommables
III.2. Optimisation du tampon de dilution de l’antigène, du tampon de saturation et des températures d’incubation
III.3. Optimisation de la dilution du conjugué
III.4. Recherche de témoins négatifs
IV. Mise au point de l’ELISA indirecte pour la détection d’IgG anti-rickettsies du groupe typhus
IV.1. Optimisation temps d’incubation du substrat
IV.2. Détermination du meilleur tampon de dilution de l’antigène et du tampon de saturation et optimisation de la température d’incubation
IV.3. Détermination de la dilution optimale du conjugué
V. Application sur l’évaluation de la circulation de rickettsioses à Tsiroanomandidy
V.1. Détection des Rickettsies chez les puces
V.2. Détection d’IgG anti-Rickettsies dans les sérums humains
IV.3. Titration des échantillons humains positifs à l’ELISA du GT
IV.4. Détection d’anticorps anti-Rickettsies chez les rongeurs
DISCUSSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE
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