Mise à l’écart exotisante ou inclusion pure et simple dans le corpus français ?

Les espaces littéraires francophone et français : des espaces centralisés

Les écrivains antillais francophones éprouvent bien souvent des difficultés pour se situer  dans les espaces littéraires français, francophone et mondial.Chamoiseau et Condé, parmi d’autres, vivent le paradoxe d’être à la fois français au sens politique, tout en venant de régions très éloignées de la métropole tant d’un point de vue géographique que culturel.
Au sein de l’hexagone, la domination de Paris, qui abrite l’essentiel des maisons d’édition du pays, est particulièrement sensible. C’est également à Paris qu’évolue la critique littéraire, qui conditionne largement la réception des œuvres. En tant qu’écrivains français, les auteurs qui nous occupent ici doivent donc subir un premier niveau de centralisation, commun à tous.
L’éloignement géographique des écrivains de la Caraïbe aurait pu être cependant l’occasion de développer un circuit littéraire – éditeurs et critiques – distinct du circuit métropolitain.
Mais Paris ne se résume pas à son rôle national. Dans La République mondiale des Lettres, Pascale Casanova montre que cette ville est perçue traditionnellement par le monde entier comme la capitale de l’univers littéraire, dotée du plus grand prestige littéraire du monde. Paris est à la fois capitale intellectuelle, arbitre du bon goût, lieu fondateur de la démocratie politique ; elle serait un lieu transnational dont les seuls impératifs sont ceux de l’art et de la littérature.
L’ancienneté de sa littérature en fait un espace autonome, réputé pour sa liberté et très riche. Face à cet état de fait, les « périphéries » que peuvent constituer d’autres parties du monde moins anciennes et moins richement dotées – comme le sont les anciennes colonies – ne peuvent que subir une certaine domination, un déficit de reconnaissance. Comme l’indique Pascale Casanova elle-même,
Il est clair que cette position dominante de Paris entraîne souvent une cécité spécifique, en particulier aux textes venus des contrées les plus éloignées des centres. » « L’efficacité de la consécration des instances parisiennes, la puissance des décrets de la critique, l’effet canonisateur des préfaces ou des traductions signées par des écrivains eux-mêmes consacrés au centre […], le prestige de grandes collections, le rôle majeur des grands traducteurs sont quelques une sdes manifestations de cette domination spécifique.
Les écrivains francophones subissent plus que d’autres la domination de Paris, et les complexes et les dilemmes qui en découlent les atteignent plus cruellement. En effet, leur position à mi-chemin entre la France et le monde fait que Paris est pour eux « la capitale de la domination politique et/ou littéraire et, comme pour tous les protagonistes de l’espace mondial, la capitale de la littérature » . Ils sont donc « les seuls à ne pouvoir invoquer Paris comme tiers lieu spécifique », à considérer cette ville comme un simple refuge universel contre la domination politique de leur pays. Ils vivent, selon des modalités certes un peu différentes, ce qu’exprimait déjà Ramuz à propos de la Suisse, son pays d’origine :
C’est bien le sort en gros de mon pays d’être à la fois trop semblable et trop différent, trop proche et pas assez – d’être trop français ou pas assez ; car, ou bien on l’ignore, ou bien quand on le connaît, on ne sait plus trop qu’en faire.

Difficultés de définition

Littérature ou pré-littérature ?

Dans l’Éloge de la créolité , Chamoiseau, Bernabé et Confiant évoquent d’emblée une « production écrite » qui est une « pré-littérature » car, indiquent-ils, « la littérature antillaise n’existe pas encore ». Pourtant, le lecteur, qui ne peut douter qu’il a entre les mains un ouvrage purement littéraire, aura tendanceà penser le contraire. Dans Littérature et identité créole aux Antilles , Mireille Rosello analyse la formule « la littérature antillaise n’existe pas ». Cette formule nous met en effet devant un paradoxe : prouver qu’elle est fausse – et donc affirmer que « la littérature antillaise existe » – revient à mobiliser des critères d’universalité, le côté évident, « naturel », du corpus littéraire. Or, justifier que la littérature antillaise soit marginalisée comme elle l’est encore, semble-t-il, à l’heure actuelle, appellerait « la mise en évidence des facteurs sociaux, économiques et politiques implicites » qui expliquent la formation d’un canon littéraire excluant cette littérature – comme nous avons pu en mobiliser dans les paragraphes précédents.
L’idée de littérature antillaise nous place donc devant un dilemme entre la mise en évidence de ces facteurs extérieurs, et l’envie de reconnaître ces textes comme pleinement littéraires, donc universels.
En outre, dire que la littérature antillaise existe ne fournit pas nécessairement les critères qui permettent de la définir. Mireille Rosello affirme même que « les critères manquent totalement pour définir la littérature antillaise » . Les principaux intéressés ne se sont définis que par la négative : non-francité pour Césaire, non-africanité pour ses détracteurs. Quant aux écrivains de la créolité, leur manifeste commence comme suit : « Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles. »
D’autre part, en affirmant que « la littérature antillaise n’existe pas encore » et que l’on a affaire, pour l’instant, à une pré-littérature, les écrivains de la créolité se situent eux-mêmes dans un paradoxe : pour que cette affirmation et le manifeste dont elle est issue puissent bénéficier d’un certain crédit, leurs auteurs doivent mettre en évidence un statut particulier, dont provient une certaine autorité : celui de l’écrivain antillais ; en effet, une telle affirmation, prononcée parquelqu’un d’autre – un critique métropolitain notamment -, prendrait peut-être une coloration méprisante. Chamoiseau, en affirmant que ses ouvrages appartiennent à une pré-littérature antillaise, met donc paradoxalement en évidence l’existence d’une véritable littérature antillaise.
Ces contradictions ne toucheront peut-être pas le lecteur « ordinaire », qui n’a pas forcément prêté attention aux écrits théoriques du romancier, mais les critiques, qui ont également une responsabilité importante dans la réception qui sera faite d’un ouvrage, ne pourront pas manquer de s’interroger sur cette notion de pré-littérature et sur les contradictions qu’elle engendre.

Figures de l’écrivain etde sa réception dans les ouvrages de Patrick Chamoiseau et Maryse Condé

La littérature antillaise, et particulièrement celle de Patrick Chamoiseau et de Maryse Condé, met très souvent en scène des figures d’écrivains. Que ce soient Marie-Sophie Laborieux ou le « Marqueur de paroles » – double de l’auteur – chez Chamoiseau, ou bien Claude Louis et Francis Sancher chez Condé, ces figures très présentes signalent la prégnance d’une interrogation sur le statut de l’écrivain dans le contexte de la littérature francophone antillaise, et de sa réception.

Des auteurs préoccupés par leur propre statut

Comme on l’a remarqué, les auteurs d’aires culturelles dominées par rapport au centre parisien sont sans doute davantage conscients des phénomènes de domination et des rapports de force qui sont en jeu dans la « République mondiale des Lettres ». Les auteurs antillais sont conscients de leur singularité, et du rôle que peut jouer, dans leur poésie et dans sa réception, leur appartenance à une certaine communauté qui n’est pas confondue, loin s’en faut, avec leur stricte nationalité française. Préoccupés par leur statutparticulier, les écrivains antillais aiment à réfléchir sur leur propre position, et leurs ouvrages sont un cadre tout désigné pour ce faire. Les romans de Maryse Condé et de Patrick Chamoiseau mettent donc souvent en scène, dans un système de miroir, des figures d’écrivains, tentant ainsi de répondre à une question fondamentale – et qui est également l’une de celles qui nous occupent dans cette réflexion : qu’est-ce qu’un écrivain au sein d’une société donnée ? Si l’écrivain est souvent un personnage central des œuvres de nos deux auteurs, c’est que le discours et la méthode sont aussi, voire plus importants que le récit lui-même. Alain Goulet désigne cet « auteur abymé » comme un « alter ego, en tout cas [une] projection de l’auteur et de ses préoccupations au moment où il écrit ». Il correspond à « la nécessité, pour l’auteur, d’éclairer l’énigme de soi-même pour soi, de comprendre son monde et sa place dans son monde […] » . Notons à ce sujet que nos deux auteurs réfléchissent la plupart du temps de façon générale à cette question, et non d’un point de vue personnel qui mettrait en avant leur propre expérience d’auteurs, comme le montrent les écarts visibles entre les personnages d’écrivains et l’ironie perceptible des narrateurs – et sans doute des auteurs eux mêmes – vis-à-vis d’eux. Même si la vision n’est pas ici ethnographique – décrivant le travail de l’écrivain au sein de la société antillaise – mais se concentre sur la figure de l’écrivain en tant que construction littéraire, cette figure pourra nous éclairer sur la conception qu’en ont nos deux écrivains.

Des personnages exclus et marginaux

L’importance de l’ancrage dans la société

Dans les romans de Maryse Condé et de Patrick Chamoiseau, il apparaît d’emblée que le statut d’écrivain est particulièrement lié à la communauté dans laquelle il s’inscrit – ou tente de s’inscrire. Les rapports de l’écrivain avec la communauté antillaise sont sans cesse interrogés.
Dans deux des ouvrages de Maryse Condé,Traversée de la Mangroveet Les derniers Rois Mages, l’écrivain ne prend jamais la parole, si ce n’est dans le discours de la communauté qui l’entoure. Sa place est donc définie essentiellement par elle, et il lui est impossible de dire « je » avant que la communauté ne lui ait conféré une légitimité. Cette idée se retrouve chez Chamoiseau : Anne Douaire émet l’hypothèse que le« Marqueur de paroles », double de l’auteur présent dans de nombreux ouvrages, est une personne « définie par ce qui l’entoure plus que par elle-même » . Elle fait également remarquer que ce personnage double de l’auteur n’est jamais représenté en train d’écrire, mais « toujours en drive, sans horaires ni attaches » , au milieu des marchés notamment, donc en compagnie des autres. Le « Marqueur de paroles » s’efforce donc de faire partie de la communauté, comme dans Solibo Magnifique, où « Ti-Cham » fait partie des témoins et des accusés du meurtre de Solibo, au même titre que les autres personnages, et est cité dans le procès verbal officiel. Il est, comme d’autres, considéré comme « sans profession » (S, 30), et l’on apprend qu’il s’est efforcé, avant la mort du conteur, de se « dissimuler » et de vivre « comme les djobeurs » (S, 44). Le double de l’auteur est un personnage comme les autres, il est donc placé du côté de cette communauté antillaise qui évolue en parallèle par rapport à la culture officielle, accusée de subir l’influence de la métropole. Il semble donc que la question de la représentation de l’écrivain se pose avant tout en termes d’appartenance à une société précise, la société antillaise créole. Le « Marqueur de paroles » de Chamoiseau dans Texacoet Solibo Magnifique affirme cette relation à la communauté en ne se plaçant pas dans l’écriture auctoriale, mais dans l’assemblage des voix diverses de la société : comme l’indique Dominique Chancé, « le narrateur n’est donc plus celui qui raconte, assume un récit, il est celui qui assemble. Il est une figure de la transversalité. » . Elle ajoute : « La quête des histoires à recueillir et celle d’une communauté à fonder ne sont pas dissociables ».
Cette appartenance se décline aussi dans le rapport aux Pères, à l’Histoire ou à leur histoire personnelle au sein de cette société antillaise, surtout chez Maryse Condé. Dans Les derniers Rois Mages, Djéré vit dans le souvenir d’ancêtres appartenant à la noblesse antillaise. Francis Sancher, dans Traversée de la Mangrove, est obsédé par une malédiction qui planerait sur sa famille depuis des générations. Chez Chamoiseau, par exemple, le Marqueur de paroles de Texacos’applique à recueillir la saga familiale de Marie-Sophie Laborieux.

Une écriture difficile, voire impossible

Une sphère de l’écrit qui pose problème

Si l’écrivain n’est pas toujours – ou ne veut pas être – reconnu comme tel par la communauté antillaise, comme le narrateur de Solibo Magnifique, qui se dit « marqueur de paroles, en réalité sans profession », c’est notamment parce que cette société est une société de l’oral. L’écrivain ne peut donc se greffer sur cette communauté que de manière artificielle, et il semble toujours échouer à représenter cette communauté à laquelle il n’appartient pas totalement. L’écriture semble alors difficile, voire impossible.
Chez Chamoiseau, l’écrivain se place du côté de l’écrit, et participe à la disparition de la culture orale créole. Solibo le conteur analyse la rupture qui existe entre l’ « Oiseau de Cham » et lui :
Oiseau de Cham, tu écris. Bon. Moi, Solibo, je parle. Tu vois la distance ?… Moi je dis : on n’écrit jamais la parole, mais des mots, tu aurais dû parler. (SM,50-51).
L’écrit est assimilé à la domination de la métropoleet à un espace vide de sens, froid et sans vie. Le registre qui assomme le vieux Congo dans Solibo Magnifique est symbolique de cet aspect meurtrier de l’écrit, tout comme l’onomatopée « kritia kritia », utilisée à la fois pour le « Marqueur de paroles », qui note tout consciencieusement dans ses carnets, et pour le policier Bouafesse. L’écriture semble incohérente et mystérieuse, comme les notes d’Évariste Pilon, faites d’étoiles et de soulignements étranges. Lorsqu’elle veut entrer en concurrence avec l’oral, elle ne peut qu’être stérile et ne mène à rien, comme le constate amèrement le « Marqueur de paroles » : « Écrire l’oral n’était qu’une trahison […] je m’étais fait scribouille d’un impossible, et je m’enivrais à chevaucher des ombres » (SM, 225).
Le conteur sera terrassé par une « égorgette de la parole ». Lydie Moudileno émet alors l’hypothèse « d’une mort sinon forcée, en tout cas précipitée par un processus historico-politique d’assimilation, dans lequel la position et la responsabilité de l’écrivain, ou des écrivains, est à débattre » . En se singularisant, presque malgré lui, semble-t-il, par rapport au reste de l’assistance, l’écrivain suggère un rôle privilégiédans la mort de Solibo. « C’est parce qu’il y a eu des écrivains que les conteurs sont à l’agonie », indique Lydie Moudileno . La présence de l’écrivain peut donc être perçue comme « symbolique de l’hégémonie culturelle de l’écrit », et l’étouffement dont est victime Solibo viendrait alors de son incapacité symbolique à faire entendre la voix traditionnelle des conteurs. Non seulement l’écrivain est un marginal au sein de la communauté dont il prétend être un porte-parole, mais il porte également une grande part de la responsabilité symbolique dans la mort de la culture traditionnelle de cette communauté. Le caractère mortifère de l’écrit vient de cette nostalgie vis-à-vis du conteur d’autrefois, c’est pourquoi le « Marqueur de paroles » tente de se faire lui-même conteur, en faisant de son texte une « parole ». La mauvaise conscience de Chamoiseau est ici révélée, même s’il prend conscience tardivement (à la fin de l’ouvrage) dela vanité d’une écriture qui se voudrait reflet exact de la parole, et adopte dès lors une position nouvelle et personnelle.
Les écrivains de Maryse Condé ne semblent pas connaître la même mauvaise conscience vis à-vis d’une culture orale perdue, même si, comme on l’a vu, l’activité de l’écriture est étrangère à la communauté créole. Mais le rapport plus général à la tradition et aux Pères est toutefois souvent interrogé : le dilemme s’inscrit alors dans le choix entre une écriture qui donne une voix à ces ancêtres, donc éminemment politique, et une écriture beaucoup plus personnelle, relevant de choix individuels.

Le lecteur qui s’éloigne de la réalité

La rupture entre littérature et réalité se décline également du côté des lecteurs. La lecture semble inapte à rendre compte de la réalité immédiate vécue par les personnages. Man Sonson, personnage de Traversée de la mangrove, aimait beaucoup lire étant petite, mais elle « regrettai[t] seulement que les livres ne parlent jamais de ce que j’étais, moi, petite Négresse noire, née à Rivière au Sel. » (TM, 90). Ti-Cirique est lui aussi assez lucide sur les rapports entre littérature et réalité, et il ne fait pas de cette rupture un trait forcément négatif, la littérature permettant d’accéder à une dimension symbolique :
Littérature (les arts en général) trouve son achèvement dans la face de lumière, c’est pourquoi elle vibre toujours au-delà de la réalité même du peuple dont elle émane. […] Hélas, la France réelle n’est ni Marcel Proust ni Paul Claudel, c’en est la gangue obscure. Et, excusez-moi : Aimé Césaire n’est pas la Martinique. (T, 357).
Ti-Cirique échappe ainsi aux illusions dont était victime la famille Gros-Joseph. Mais paradoxalement, il semble oublier ces analyses lorsqu’il est lui-même confronté à une réalité qu’il ne veut pas voir. En ce sens, le lecteur est victime du même leurre que l’écrivain : ils se situent dans un univers à part qui les empêche d’être totalement en prise avec la réalité, dont la littérature ne peut véritablement rendre compte. L’esthétique burlesque dont est empreint le roman dans son ensemble en est sans doute le signe. Ti-Cirique, devant les destructions successives du quartier de Texaco, se réfugie danssa culture littéraire : « Chaque destruction nous effondrait l’âme nonobstant les références mythologiques de Ti-Cirique. ». « Ti-Cirique récitait tête baissée les épouvantes mentales d’Isidore Ducasse comte de Lautréamont. » (T, 368).
Mais il fuit devant les assauts des « céheresses », et c’est avant tout les femmes qui mèneront le combat pour sauver le quartier. Cependant, comme le personnage de l’écrivain, celui du lecteur a le mérite de créer un espace intermédiaire entre la culture illettrée et orale de la communauté créole, et celle, écrite et normée, d’une administration inspirée de la métropole : c’est bien TiCirique qui aide les habitants de Texaco pour leurs correspondances administratives, qui trouve du travail à Sonore Bonamitan, et qui leur explique « ce que le droit français entendait par contrainte par corps, perte des droits civiques, les-dommages-intérêts… » (T, 376).
Le personnage du lecteur apparaît donc comme une figure dont la complexité répond à celle de l’auteur. Il est un personnage exceptionnel dans la société antillaise, qui lit très peu et où le livre est un objet assez inutile, voire mortifère. La magie qu’ilsemble contenir peut faire peur.
Le lecteur est aussi, presque systématiquement, celui qui est tourné vers la France et sa culture.
Cet attachement au passé et à un territoire lointain le conduisent parfois à s’éloigner de la réalité présente et concrète de la vie en Martinique ou en Guadeloupe, comme l’écrivain pouvait le faire. Mais cette figure comporte aussi des aspects positifs : elle peut devenir un intermédiaire entre le monde occidental normé, ordonné, et le chaos baroque de l’univers caribéen. En reliant les deux mondes, celui qui lit sera alors capable d’humaniser le premier, et de donner un fil directeur au second, afin de ne pas sombrer dans la folie.
Tels se présentent l’auteur et le lecteur rêvés etmis en scène par nos deux écrivains. Il s’agira alors d’observer les éventuelles correspondances de ces personnages avec la réalité vécue par les auteurs antillais, et l’influence que peuvent avoir ces figures sur la réception des textes. Les personnages de lecteurs n’étant pas forcément des idéaux, on pourra se demander également s’ils correspondent aux publics que les romans appellent, par le recours au paratexte notamment.

Une littérature « sans audience chez elle »?

Comme beaucoup d’autres auteurs antillais, les auteurs étudiés ici sont tous deux édités dans de grandes maisons parisiennes, alors qu’ils appartiennent à un espace culturel différent de celui de la métropole. Si ces auteurs ont opté – à contrecœur ou non – pour le Centre parisien, c’est sans doute, au moins en partie, parce que les conditions de publication et de réception aux Antilles sont différentes de celles de la métropole, et souvent difficiles. Du moins est-ce la vision qu’en présentent fréquemment les auteurs.

Une critique et un public peu attentifs

Les auteurs antillais déplorent assez fréquemment la position qu’ils occupent dans l’espace des Caraïbes. En ce sens, la figure mal-aimée du personnage de l’écrivain telle que nous avons pu l’analyser dans la première partie de ce travail semble correspondre à une certaine réalité vécue par Chamoiseau et Condé eux-mêmes.

L’écrivain, un personnage peu prestigieux

Selon les dires des auteurs eux-mêmes, la position de l’écrivain semble rejoindre, dans la réalité, celle que pouvait avoir un personnage tel que Francis Sancher dans Traversée de la mangrove. Maryse Condé déclare d’ailleurs à Françoise Pfaff : « L’écriture et le métier d’écrivain n’ont, il me semble, ni prestige ni valeur particulière pour les Guadeloupéens. Être écrivain, c’est simplement faire un métier un peu bizarre qui n’impressionne vraiment personne. ».
Adhérant à cette idée parce qu’antillais eux-mêmes, ou simplement influencés par elle, les auteurs ne ressentent souvent pas d’appartenance à la catégorie très prestigieuse des écrivains, à l’image de Patrick Chamoiseau.

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Table des matières
INTRODUCTION 
PREMIERE PARTIE : La littératureantillaise et ses ambiguïtés intrinsèques
1 Difficulté des écrivains antillais à faire entendre leur voix
1.1. Écrivains et lecteurs ancrés dans le monde
1.1.1. L’écrivain ancré dans le monde
1.1.2. Conditions de diffusion de la littérature francophone
1.2. Particularités des espaces francophones et français
1.2.1. Littérature et politique en France
1.2.2. Les espaces littéraires francophone et français : des espaces centralisés
1.3. Difficultés de définition
1.3.1. Littérature ou pré-littérature ?
1.3.2. Littératures mineures ?
2 Figures de l’écrivain et de sa réception dans les ouvrages de Patrick Chamoiseau et Maryse Condé
2.1. Des auteurs préoccupés par leur propre statut
2.2. Des personnages exclus et marginaux
2.2.1. L’importance de l’ancrage dans la société
2.2.2. Marginalité au sein de la communauté
2.3. Une écriture difficile, voire impossible
2.3.1. Une sphère de l’écrit qui pose problème
2.3.2. Dilemme entre le devoir patriotique et l’écriture de soi
2.3.3 L’avortement de l’écriture
2.3.4 Une voie(x) possible pour les écrivains ?
2.4. Brouillage entre auteurs, narrateurs et personnages d’écrivains
2.5. Figure du lecteur
2.5.1. Le livre abandonné/en souffrance
2.5.2. Le livre magique
2.5.3. La relation à la France et à sa culture
2.5.4. Le lecteur qui s’éloigne de la réalité
3 DEUXIEME PARTIE : Une littérature « sans audience chez elle »?
1 Une critique et un public peu attentifs
1.1. L’écrivain, un personnage peu prestigieux
1.2. Une figure médiatique avant tout
1.3. Les Antillais sont-ils de si faibles lecteurs ?
1.3.1. Faible fréquentation des bibliothèques et fort taux d’illettrisme
1.3.2. Rôle du créole
1.3.3. Des habitudes de lecture sans doute proches de celles de la métropole
1.3.4. Un succès plus grand pour les écrivains ayant publié leurs ouvrages aux Antilles ?
2 Des circuits de diffusion assez réduits
2.1. Le paysage éditorial de la Caraïbe francophone
2.2. Les bibliothèques de lecture publique dans la Caraïbe francophone
2.3. Le prix du livre
3 Un lectorat privilégié par les auteurs ?
3.1. Nécessité de la « mise en texte »
3.2. Un public privilégié ?
3.2.1. Patrick Chamoiseau
3.2.2. Maryse Condé
3.3. Des indications de lecture
3.3.1. Tours et détours de la narration
3.3.2. Épigraphes et dédicaces
3.3.3. Voix de l’auteur au sein de la fiction
TROISIEME PARTIE :Mise à l’écart exotisante ou inclusion pure et simple dans le corpus français ?
1 Les différents acteurs de la chaîne du livre face à la nécessité d’une classification
1.1. Éditeurs
1.1.1. Les éditeurs parisiens de Condé et Chamoiseau
1.1.1.1. Les maisons d’édition parisiennes spécialisées
1.1.1.2. Les maisons d’édition généralistes
1.1.2. Le marketing du livre
1.1.2.1. Prestige des maisons
1.1.2.2. Quelles collections pour la littérature antillaise ?
1.1.2.3. Le péritexte éditorial : vers une lecture familière ?
1.2. Librairies
1.3. Bibliothèques
1.3.1. Les littératures francophones en question
1.3.2. Les lacunes du système de classification
1.3.3. Dans quels départements classer la littérature antillaise francophone ?
1.4. Manifestations
1.5. Internet, nouvel espace de diffusion
2 La critique journalistique etle grand public
2.1. Du lecteur rêvé au lecteur réel
2.2. L’ambiguïté des prix littéraires
2.3. Une réception exotisante ?
2.4. Un contexte sociopolitique très présent
2.5. Le brouillage entre fiction et réalité
3 Les écrivains antillais et les institutions
3.1. La notion de francophonie en question
3.2. Enseigner les littératures francophones et antillaise
3.2.1. En lycée
3.2.2. Dans les universités
4 Stratégies des auteurs
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXE I : Fiches sur les auteurs étudiés
ANNNEXE II : Exemples de notices bibliographiques

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