La région de longueurs d’onde XUV, comprise entre le rayonnement X dur et le rayonnement ultraviolet, offre de grandes possibilités scientifiques et technologiques. Ces courtes longueurs d’onde, typiquement comprises entre 3 nm et 60 nm, permettent par exemple le diagnostic de plasmas denses ou la gravure de motifs nanométriques en photolithographie. Cette région est caractérisée par les forts coefficients d’absorption des matériaux qui atténuent la lumière sur quelques micromètres. Ceci ne permet pas l’utilisation des lentilles de réfraction pour focaliser le faisceau et amène à réaliser des systèmes optiques en réflexion.
Une première possibilité est d’utiliser des miroirs en incidence rasante. En effet dans la région XUV, la partie réelle de l’indice (n=1-δ) est légèrement inférieure à 1, ce qui autorise une réflexion totale entre une interface et le vide mais seulement pour les angles de rasance très petits, inférieurs à l’angle critique (θc=√2δ ). En considérant que δ est de l’ordre 10-4 à λ=13 nm, nous pouvons constater que les angles rasants permettant une réflexion totale sont inférieurs à quelques degrés. Une réflexion à des angles plus grands allant jusqu’à l’incidence normale permet d’augmenter l’ouverture numérique, l’angle solide de collection et de réduire les aberrations. D’une manière générale, la réflectivité en incidence normale à une interface séparant deux milieux est très faible en raison de la faible différence d’indice entre les deux milieux (appelée par la suite contraste d’indice). Le principe des miroirs interférentiels multicouches est d’additionner en phase les réflexions successives obtenues dans un milieu stratifié périodique, à la manière des réflexions de Bragg dans les cristaux naturels. Ces miroirs sont généralement composés d’un empilement périodique de deux matériaux en couches minces ayant un fort contraste d’indice à la longueur d’onde d’utilisation. Le matériau le plus absorbant dit « de fort indice » joue le rôle des plans atomiques dans les cristaux et le matériau le moins absorbant dit « de bas indice » ou espaceur celui du vide entre les plans atomiques. La relation entre la longueur d’onde réfléchie λ et la période d de la structure a été étudiée pour des cristaux naturels dès 1912 par W.H et W.L. Bragg avec leur équation devenue célèbre : mλ= 2 N d sin(θ) où N est l’indice moyen, θ l’angle rasant et m l’ordre du pic de Bragg. Un choix judicieux des couples de matériaux permet de créer des structures « sur mesure » équivalentes aux cristaux mais avec des périodes adaptées au domaine XUV (périodes comprises entre 1,5 nm et 30 nm).
Interfaces imparfaites
Le calcul de la réflectivité présenté précédemment n’est valable que dans le cas où les interfaces entre les matériaux sont considérées comme parfaites c’est à dire avec une variation d’indice discontinue. Les interfaces réelles ont une épaisseur finie due à la taille des atomes, à de l’interdiffusion entre les matériaux ou à de la rugosité, la variation d’indice est alors continue. La contribution des différentes épaisseurs de l’interface additionne les amplitudes avec des phases différentes, réduisant ainsi la réflectivité. Pour traiter ce problème, il faut donc tenir compte à la fois des irrégularités de surface et des inhomogénéités de composition chimique.
Une manière de tenir compte de ces imperfections est de décomposer les interfaces en couches fines dans lesquelles l’indice est considéré comme constant. Cependant ce modèle nécessite un grand nombre de couches et augmente considérablement le temps de calcul. L.
Méthodes de dépôts des multicouches pour le domaine XUV
La fabrication des miroirs interférentiels multicouches demande des techniques avancées pour permettre de réaliser des empilements périodiques de couches peu rugueuses et d’épaisseurs très minces (de l’ordre du nm) avec une bonne précision (<0.1nm). Pour cela différentes méthodes sont utilisées. Le mode d’élaboration choisi dépend des critères de qualité spécifique recherchés tels que la reproductibilité, l’uniformité, les faibles contraintes mécaniques, le faible taux de défauts, la dureté des couches ou le faible coût et la facilité d’utilisation de la technique de dépôt. Dans cette partie nous décrivons brièvement les principales méthodes utilisées pour la fabrication des multicouches.
Pulvérisation cathodique
La pulvérisation cathodique est une des techniques les plus utilisées pour la fabrication des empilements multicouches XUV car elle permet la réalisation de dépôts reproductibles et facilement mis en œuvre [7][8]. La pulvérisation du matériau s’effectue à l’aide d’un plasma créé par l’application d’une différence de potentiel entre la cathode où se trouve le matériau à déposer et l’anode où se trouve le substrat à traiter.
Evaporation
Cette technique consiste à évaporer les matériaux à déposer par effet joule ou par bombardement électronique. Un jeu de caches permet de déposer alternativement les matériaux par condensation sur le substrat. L’inconvénient principal de cette technique réside dans le fait que les particules évaporées ont une énergie faible (E≈0.1eV), les matériaux déposés sont alors peu denses. Pour résoudre ce problème une assistance ionique en cours de dépôt ou à la fin de chaque couche peut être réalisée [9]. E.Louis et al. ont mesuré une réflectivité de 69,5% à λ=13.4nm en incidence quasi-normale pour une multicouche Mo/Si déposée par cette méthode [9].
Pulvérisation par faisceau d’ions
La pulvérisation des cibles de matériaux à déposer s’effectue à l’aide d’un canon à ions équipé d’un filament de tungstène ou une cathode creuse. Les matériaux sont déposés alternativement sur le substrat en exposant successivement les cibles au faisceau d’ions. Le LCFIO possède un bâti (IBS) de ce type où sont réalisés principalement les dépôts pour les projets spatiaux (Solar TErrestrial RElations Observatory (STEREO) [10] / Sun Watcher with APS detectors and image Processing (SWAP) ). La lithographie EUV utilise aussi cette technique pour la réalisation de masques car elle permet de travailler à plus basse pression réduisant ainsi les défauts dans les dépôts [11].
Ablation laser
L’ablation laser consiste à vaporiser, sous vide ou en présence d’un gaz neutre, une cible d’un matériau donné à l’aide d’un faisceau laser impulsionnel nano-, pico- ou femtoseconde, de très forte intensité (10⁸ à 10¹⁵ W/cm² ). Le plasma laser est généré perpendiculairement à la surface de la cible sous la forme d’un panache lumineux. St. Braun et al. ont déposé par cette méthode des multicouche Mo/Si ayant des réflectivités supérieures à 60% à λ=13,3 nm [12].
Lithographie EUV
La réalisation de microprocesseurs plus puissants et plus compacts, demande une réduction de la taille des transistors. La photolithographie est un procédé permettant de transférer un motif à une surface par projection à travers un système optique. La résolution étant limitée par le critère de Rayleigh, il est donc nécessaire de réduire la longueur d’onde pour pouvoir créer des motifs de plus en plus petits. Jusqu’à présent les technologies développées utilisent les longueurs d’onde de 248 nm et de 193 nm, ce qui permet d’obtenir des motifs de 65 nm. Des motifs de tailles inférieures ont pu être réalisés par des techniques d’immersion. Cependant pour la fabrication d’objets inférieurs à 45 nm, la lithographie EUV semble aujourd’hui nécessaire. La longueur d’onde de 13,4 nm a été sélectionnée notamment parce que l’on dispose de miroirs multicouches Mo/Si très performants à cette longueur d’onde. A cette longueur d’onde, la multicouche Mo/Si du fait de la proximité du seuil d’absorption du silicium présente une réflectivité théorique de 74%. Une réflectivité élevée est très importante car les montages optiques présentent jusqu’à dix réflexions sur des optiques multicouches [13]. Un gain de réflectivité sur chaque optique, même faible, est un enjeu majeur pour garantir le rendement de l’insolation EUV. Expérimentalement, la réflectivité obtenue est de l’ordre de 69% à λ= 13,4 nm en incidence quasi-normale pour une multicouche Mo/Si.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I : Miroirs multicouches pour l’optique XUV
1. Principe des miroirs interférentiels multicouches
1.1. Approche théorique
1.2. Interfaces imparfaites
1.3. Représentation graphique : Spirale de Yamamoto
2. Méthodes de dépôts des multicouches pour le domaine XUV
2.1. Pulvérisation cathodique
2.2. Evaporation
2.3. Pulvérisation par faisceau d’ions
2.4. Ablation laser
3. Applications
3.1. Lithographie EUV
3.2. Etude des plasmas denses
3.3. Imagerie solaire
4. Miroirs multicouches dans la gamme de λ=30 nm à λ=50 nm
Chapitre II : Système de dépôt
1. Dépôt par pulvérisation cathodique magnétron
1.1. Principe de la pulvérisation cathodique DC
1.2. Principe de la pulvérisation cathodique RF
1.3. Effet magnétron
2. Description de la machine de dépôt MP800S
2.1. L’enceinte
2.2. Système de pompage
2.3. Contrôle des flux de gaz et de la pression
2.4. Sas de transfert
2.5. Principe du dépôt
3. Simulation des trajectoires des échantillons au cours d’un passage sur une cible
3.1. Uniformité azimutale
3.2. Influence du pas d’échantillonnage
3.3. Uniformité radiale
3.4. Amélioration de l’uniformité radiale
4. Etalonnage des dépôts
Chapitre III : Caractérisations
1. Description des méthodes utilisées
1.1. Réflectométrie des rayons X rasants.
1.2. Détermination des contraintes par interférométrie de Fizeau
1.3. Micro analyse nucléaire
1.4. Lignes de lumière Bear et SA 62
2. Etude des matériaux en couches minces
2.1. Scandium
2.2. Le molybdène
2.3. Silicium
2.4. Carbure de bore
3. Influence des paramètres de dépôts
3.1. Contraintes mécaniques
3.2. Composition des couches minces
4. Conclusion
Chapitre IV : Amélioration de la réflectivité autour de 30 nm
1. Etat de l’art
2. Multicouches périodiques à trois matériaux
2.1. Choix des matériaux
2.2. Optimisation de la réflectivité
2.3. Effet du nombre de périodes de l’empilement.
2.4. Spirale de Yamamoto
2.5. Optimisation de la dernière couche
2.6. Effet d’une erreur d’épaisseur
2.7. Résumé
3. Résultats expérimentaux
3.1. Multicouches à trois matériaux
3.2. Optimisation de la réflectivité expérimentale
4. Conclusion
Chapitre V : Performances des multicouches Sc/Si dans la gamme 40 nm-50nm.
1. Introduction
2. Dépôts et caractérisation des multicouches Scandium/Silicium
2.1. Dépôts : études préliminaires
2.2. Caractérisations
2.3. Performances en fonction de la longueur d’onde
2.4. Influence des différents paramètres de la multicouche
2.5. Stabilité temporelle
3. Etude de la stabilité thermique de la multicouche Sc/Si
3.1. Recuit rapide (RTA)
3.2. Recuit au four classique
4. Amélioration de la stabilité des multicouches Sc/Si
4.1. Etude de la nature des matériaux barrière
4.2. Etude en fonction de l’épaisseur de la couche barrière
5. Multicouches à trois matériaux
6. Conclusion
CONCLUSION
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