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ELECTROCINETIQUE ET CHAMP ELECTRIQUE
ELECTROPHORESE
Comme décrit précédemment, l’électrophorèse traduit le mouvement de particules chargées de tailles micro à nanométriques sous l’influence d’un champ électrique continu. Ce champ électrique exerce une force de Coulomb sur les particules et une force de signe opposé sur la double couche électrique qui entoure les particules. Cette force d’opposition est appliquée au sein de la double couche électrique. Une partie de cette force est alors transférée à la particule via les contraintes visqueuses du fluide. Une particule chargée est donc soumise à un contre courant électro osmotique. Smoluchowski dérive en 1903, à partir des travaux d’Helmholtz, l’équation de mobilité électro-osmotique et électrophorétique [10] :
Ou est la mobilité électrophorétique d’une particule, le vecteur vitesse de la particule, le vecteur du champ électrique, la permittivité du vide, la permittivité relative du milieu (constante diélectrique), le potentiel zêta de la surface de contact fluide/solide (figure 1-3) ou fluide/particule et la viscosité dynamique du fluide. Cette équation n’est valide que lorsque où est la largeur de la double couche électrique (longueur de Debye) et le rayon de la particule considérée, ce qui était ignoré par Helmholtz et Smoluchowsky.
MINIATURISATION ET AMPLIFICATION DES PHENOMENES ELECTROCINETIQUES
LA MINIATURISATION
Les avancées technologiques engendrées par l’émergence des circuits intégrés ont permis d’automatiser à grande échelle la façon de faire des calculs, ce qui a profondément changé la manière dont nous abordons notre quotidien. L’intégration des transistors au sein des puces électroniques double quasiment tous les deux ans depuis 1971 en suivant la loi énoncée par Moore en 1965 dans la revue « Electronics » [16]. Ainsi, la dimension critique des transistors, la largeur de grille, a été réduite à 45nm fin 2008 et il est prévu que les prochaines générations de transistors aient une largeur de grille de 32nm. Les machines permettant d’atteindre des résolutions micrométriques sont devenues facilement accessibles aux laboratoires dans les années 1995-2000 car quasiment obsolètes pour l’industrie microélectronique. Ces machines, et les procédés de fabrication associés, présentent un intérêt considérable pour la fabrication et le prototypage de micro et nano systèmes (capteur de pression, accéléromètres, gyroscopes, composants électroniques, alliages de matériaux…). En utilisant les procédés de photolithographie, il est possible d’espacer des électrodes de seulement quelques microns ce qui facilite l’obtention de forts gradients de champ électriques. Cela autorise l’utilisation de générateurs de tension alternative pour réaliser des expériences de diélectrophorèse qui furent autrefois limitées par l’utilisation de source de tension basse fréquence de plusieurs kilosvolts.
La miniaturisation des dispositifs ne se limite pas seulement aux dispositifs électroniques ou mécaniques. En effet, en utilisant les techniques de microfabrication, certaines équipes de recherche ont essayé de réduire la taille des systèmes d’analyse biologique ou chimique donnant naissance au domaine de la microfluidique. Une définition de la microfluidique est donnée par G.M. Whitesides qui la définit comme « la science et la technologie des systèmes qui manipulent de petits volumes de fluides (10-9 à 10-18 litres), en utilisant des canaux de la dimension de quelques dizaines de micromètres » [17]. On retrouve dans cette définition les principaux enjeux de la microfluidique : la miniaturisation des systèmes existants et la manipulation de petits échantillons de fluides en utilisant des canaux dont les dimensions rivalisent avec celles des circuits micro électroniques. Les recherches actuelles se focalisent sur les applications biologiques, médicales et chimiques, mais on exploite quotidiennement des propriétés microfluidiques en utilisant, par exemple, des capteurs de gaz ou des imprimantes à jet d’encre [18].
Les procédés d’intégration microfluidiques et microélectroniques sont différents car le comportement des fluides change rapidement lorsque les dimensions des canaux sont réduites. L’industrie micro électronique a pu réduire la taille des transistors pendant des dizaines d’années sans observer de changements majeurs des phénomènes physiques mais elle est, depuis quelques années, confrontée au passage du régime classique au régime quantique.
Dans les canaux microfluidiques les écoulements ne sont plus turbulents, comme dans le monde macroscopique, mais laminaires ce qui permet d’amplifier les effets de surface et, par conséquent, les effets électrocinétiques.
Dans le paragraphe suivant nous allons évoquer la mécanique des fluides à faible dimension afin de mieux illustrer les arguments précédents.
UTILISATION DES EFFETS ELECTROCINETIQUES A L’ECHELLE MICROFLUIDIQUE
Electrophorèse
L’électrophorèse capillaire (capillary electrophoresis (CE) en anglais) a été introduite pour la première fois dans les années 60 afin de séparer des espèces chimiques selon leur rapport charge/taille. Cette technique est pleinement exploitée dans les années 80-90. Elle succède à l’électrophorèse en gel développée précédemment. En électrophorèse capillaire les analytes sont injectés par petits échantillons, en utilisant un actionnement électro-osmotique, au sein d’un conduit microfluidique. Les espèces présentes, ayant une mobilité électrophorétique différente, sont séparées par le champ électrique. Un capteur, qui permet de détecter des pics de présence des espèces chimiques en fonction du temps, est placé à la sortie du conduit capillaire.
L’intégration de ces systèmes d’électrophorèse au sein de micropuces constitue une révolution pour l’analyse chimique de solutions. En effet, ces puces nécessitent, en général, quelques picolitres de réactifs ce qui diminue le coût par mesure. Elles permettent aussi de préparer l’échantillon en fonction des analyses à réaliser. De plus, la grande capacité d’intégration permet de réaliser des centaines de mesures en quelques minutes et ces puces sont fabricables en masse. Le coût d’analyse est donc radicalement diminué en termes de matériel et de main d’œuvre [20]. Ces puces reposent sur l’intégration de micro canaux couplés à des électrodes. Un échantillon de solution à tester est injecté dans le canal de séparation, cet échantillon occupe une longueur dans le canal. Si la longueur du canal est suffisamment longue (supérieure à alors il est possible de séparer les espèces présentes dans l’échantillon (voir la figure 1-8).
La diélectrophorèse
Cette force est exercée sur des particules polarisables dispersées dans un fluide. Elle est induite par la présence d’un champ électrique non uniforme qui polarise les particules. Cette force sera décrite, et plus amplement documentée, dans le chapitre suivant.
CONCLUSION
La miniaturisation, en changeant les rapports d’échelle surface/volume, a permis d’amplifier les effets de surface, et donc, les effets électrocinétiques. Ainsi, lorsqu’un champ électrique est appliqué dans une solution les phénomènes d’électrothermie, d’électrophorèse, d’électro-osmose et de diélectrophorèse sont concurrents. Néanmoins, en ajustant les propriétés du fluide (conductivité, composition ionique, permittivité…) et les propriétés du champ électrique (fréquence, intensité et géométrie des électrodes) il est possible d’amplifier un effet électrocinétique par rapport aux autres. Castellanos et al.[31] se sont intéressés en 2003 aux conditions qui font que l’un de ces phénomènes prédomine sur les autres. Pour cela, les chercheurs ont considéré le cas simple de deux électrodes semi infinies séparées par un espacement très petit. La distance entre le centre de l’espacement-inter électrode et le centre d’une particule est noté . A partir des variations de ces paramètres ils ont pu déterminer les graphes suivants qui représentent des plages de fonctionnement des phénomènes électrocinétiques.
FONCTIONS REALISABLES
Les systèmes de DEP offrent un moyen contrôlable, sélectif et précis pour la manipulation de micro ou nanoparticules. Les particules sont soit déposées via une goutte sur le système de DEP, soit apportées par un écoulement continu lorsque les électrodes sont intégrées au sein du canal microfluidique. Dans les deux cas, les forces de DEP doivent être suffisamment grandes pour supplanter les forces de gravité, les forces dues à l’entraînement électrothermique ou électro-osmotique, et les forces d’adhésion entre la surface et les particules. Lorsque cette condition est réalisée, il est possible de guider précisément les particules afin de réaliser les fonctions suivantes :
Le transport, la concentration, la séparation, et la caractérisation de bioparticules comme des cellules, bactéries, virus, ADN et protéines.
La lyse de cellules ou l’électroporation qui peuvent survenir lorsque les particules sont focalisées dans des zones de DEP positive.
Etudier la réponse de cellules à certains stimuli, par exemple les molécules à caractère thérapeutique.
La déposition et l’agencement de matériaux nanostructurés en des endroits prédéfinis afin de créer des dispositifs électriques, optoélectroniques, ou d’autres types de capteurs.
On peut dégager deux applications principales à partir des points précédents : la manipulation et l’étude par DEP de particules biologiques, en vue d’un tri ou d’une concentration, et le nano assemblage de matériaux nanostructurés. Les dispositifs de lyse et d’électroporation ne seront pas étudiés dans le cadre de cette thèse. Les deux fonctions précédentes répondent à la même problématique : comment manipuler des micro/nano particules dispersées dans une solution tampon à l’aide d’un champ électrique ?
Afin de mieux comprendre comment ces particules sont manipulées nous allons aborder quelques points théoriques.
PRINCIPALES CONFIGURATIONS D’ELECTRODES
Les gradients de champ électrique peuvent être générés en utilisant des configurations 2D ou 3D d’électrodes. Les électrodes 2D sont planaires et fabriquées en utilisant des procédés de photolithographie et métallisation conventionnels. Le champ créé affecte principalement les particules proches de la surface. En revanche, les électrodes 3D sont fabriquées par des procédés plus complexes et permettent de créer un champ dans le volume du fluide. La force est donc appliquée plus intensément à un plus grand nombre de particules.
Les géométries d’électrodes 2D les plus utilisées sont : parallèles ou interdigitées [36], crénelées [31], obliques [37], incurvées [38], quadripôle [39][40], micro puits [41] et matricielles [42] (figure 18 A-G). Les électrodes 3D utilisent les géométries suivantes : extrudées [43], déposées en vis-à-vis [44][45] et sans contact direct avec le fluide [46] (figure 1-18 H-K, M). Un troisième type de structure utilise des électrodes 2D couplées à des structures isolantes afin de créer un gradient de champ électrique 3D (figure 1-18 L) [47][48].
Chaque configuration d’électrodes permet de créer des zones localisées de forts gradients de champ électrique afin d’interagir avec les particules en suspension. Certaines configurations d’électrodes seront plutôt utilisées dans des systèmes sous goutte (figure 1- 18 A-H) alors que les autres seront plus efficaces s’ils sont intégrés au sein d’un canal micro fluidique (figure 1-18 A, I-M).
Le paragraphe suivant sera consacré aux régimes de fonctionnement associés aux différents types d’électrodes.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. MINIATURISATION ET EFFETS ELECTROCINETIQUES
A. Introduction
B. Electrocinétique et champ électrique
1. Electrophorèse
2. Electro-osmose
3. Electrothermie
4. Diélectrophorèse
5. Conclusion
C. Miniaturisation et amplification des phénomènes électrocinétiques
1. La miniaturisation
2. Mécanique des fluides à petites dimensions
3. Utilisation des effets Electrocinétiques à l’échelle microfluidique
a. Electrophorèse
b. Ecoulements électrothermiques
c. Écoulements électro-osmotiques
d. La diélectrophorèse
4. Conclusion
D. La diélectrophorèse
1. Fonctions réalisables
2. Eléments théoriques
a. Particules sphériques
b. Particules elliptiques
c. Particules allongées (en tête d’épingle)
d. Conclusion
3. Principales configurations d’électrodes
4. Régimes de fonctionnement
a. Tri par gravité
b. Tri latéral
c. Tri par DEP fractionnée
d. Tri par barrières de DEP
e. Concentration par couplage électrothermique
f. Tri par propagation d’onde
g. Tri ou localisation par fréquences multiples
h. DEP par champ pulsé
i. DEP assistée par gradient de conductivité
j. DEP assistée par réaction immunologique
k. DEP assistée par des billes fonctionnalisées
l. DEP induite par un champ lumineux
m. Electro rotation
n. Assemblage Direct
5. Conclusion
E. Conclusion
F. Bibliographie
II. DIELECTROPHORESE APPLIQUEE AU TRI DE MICROPARTICULES
A. Introduction
B. Choix de conception du module de tri par diélectrophorèse
a. Les différentes bioparticules pouvant être triées par DEP
b. Les différents types de tri de microparticules en flux continu
c. Dispositifs de tri par diélectrophorèse en flux continu
d. Choix de conception du module de tri
C. Présentation du dispositif et simulations
1. Principe de fonctionnement
2. Simulations du dispositif
a. Simulation globale
b. Calculs de trajectoires de billes de polystyrène
i. Identification des forces
ii. Mouvement Brownien
iii. Equation du mouvement
D. Fabrication et banc de mesure
1. Procédé de fabrication salle blanche et connectiques
2. Banc de Mesure
E. Tri de billes de polystyrène
1. Détermination du facteur de Clausius Mossotti
a. Eléments théoriques
b. Caractérisation des billes à l aide d’un quadripôle
c. Influence et détermination des paramètres électriques
2. Tri en flux continu
a. Stratégie de tri
b. Résultats des expériences
F. Tri de levures mortes et vivantes
1. Facteur de Clausius Mossotti
a. Eléments théoriques
b. Caractérisation des levures à l’aide d’un quadripôle
2. Tri en flux continu
a. Stratégie de tri
b. Risque pour les levures
c. Traitement des données
3. Exemples du potentiel d’integration du trieur
G. Conclusion
H. Bibliographie
III. ASSEMBLAGE DE NANO OBJETS CYLINDRINQUES PAR DIELECTROPHORE COUPLEE A UNE METHODE D’ASSEMBLAGE CAPILLAIRE
A. Introduction
1. Intégration descendante
2. Intégration ascendante
B. Les différentes techniques d’assemblage de nanofils et nanotubes
1. Assemblage par jet d’encre
2. Assemblage par forces moléculaires
3. Assemblage électrostatique
4. Assemblage par forces capillaires
5. Assemblage par champs magnétiques
6. Assemblage par diélectrophorèse
7. Conclusion
a. Vers un assemblage hybride
b. Stratégie d’assemblage retenue
C. Assemblage hybride
1. Procédé d’assemblage par DEP couplé à l’assemblage capillaire
2. Principaux phénomènes physiques liés à l’assemblage capillaire
3. Banc d’assemblage capillaire
4. Conclusion
D. Assemblage hybride de nanofils de silicium et nanotubes de carbone
1. Nanofils de Silicium
a. Composition de la solution de nanofils
b. Localisation des différents sites d’assemblage par DEP
c. Assemblage hybride de nanofils uniques
d. Intégration des nanofils en vue de leur caractérisation
e. Conclusion
2. Nanotubes de carbone
a. Composition de la solution à assembler
b. Résultats d’assemblage hybride effectué avec les NTC
i. Assemblage sur substrat plan
ii. Assemblage sur substrat structuré
c. Conclusion
E. Conclusion
F. Bibliographie
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
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