MIGRATIONS ET MIGRANTS

MIGRATIONS ET MIGRANTS

Motivations en lien avec les expériences du terrain

J’ai été fortement affectée par le décalage entre les aspirations des personnes migrantes et les obstacles inhérents au pays d’accueil : Lors de mon premier stage probatoire dans une structure accueillant des personnes migrantes en insertion professionnelle, j’ai découvert les difficultés que pouvaient présenter les personnes migrantes à se remettre dans la vie active et à obtenir un emploi dans le pays d’accueil. De ce fait, j’ai été particulièrement touchée par le décalage entre l’engagement dont fait preuve les personnes et les divers obstacles relatifs à leur situation personnelle, à savoir l’acquisition de la langue française, les exigences liées à l’obtention des différents permis, la non reconnaissance des expériences professionnelles passées ainsi que les diverses dimensions inter et intra personnelles de chacun pour aboutir à une reconversion professionnelle. Par la suite, j’ai découvert aussi les différents parcours de vie et les différents aspects qui poussent les personnes à s’exiler.

C’est par ce biais là que ma militance pour cette cause et mes incompréhensions ont surgit, ainsi que ma curiosité pour cette thématique. J’ai été fortement surprise par l’impact d’un atelier d’écriture : Durant mon premier stage au sein de la mesure Bio+ à Renens auprès de personnes migrantes en recherche d’emploi , j’ai eu l’occasion de mettre en place un atelier d’écriture dans le but d’offrir aux participants un espace pour améliorer leurs compétences dans l’expression écrite du français. Cependant, j’ai découvert que les exercices ludiques autour de l’écriture avaient abouti à un autre résultat celui de “ déposer“ les ressentis de leur vie quotidienne ou d’exhumer des souvenirs passés. Très vite, le cadre de l’atelier a pris une autre dimension sous la forme de discussions de groupe autour de leur détresse, de leur colère, de leur émotion. Je n’avais jamais imaginé, initialement, que l’écriture pouvait être un prétexte à l’expression ou à l’échange d’émotions de la sorte. Suite à cela, je me suis questionnée sur l’intérêt d’institutionnaliser des espaces comme celuici dans des institutions sociales afin de surmonter ou évacuer diverses frustrations ou émotions. J’ai été parfois choquée par les conditions d’accueil des migrants : En effet, lors de ma deuxième formation pratique dans un centre d’accueil de jour, accueillant plus de 200 participants, j’ai été confrontée à des situations de vie particulièrement dramatiques et précaires, résultant de conditions d’accueil assez révoltantes. A travers mes observations et à travers divers témoignages, plusieurs éléments m’ont frappés, tels que :

– Des personnes en position de prostration ou de sidération, c’est à dire en suspens dans leur parcours de vie, sans projet, en attente d’une réponse à leur demande d’asile.

– Des demandeurs d’asile résidant dans des centres d’hébergements collectifs depuis plus de deux ans où les chambres contiennent de quatre à vingt personnes alors que cette forme d’hébergement devait être provisoire.

– Des personnes surmédicalisées, consommant des médicaments pour faire face au manque de sommeil, au stress, à l’attente administrative, aux traumatismes liés aux conflits dans leurs pays d’origine ou aux souvenirs de leur parcours migratoire.

En conséquence, je me sens questionnée par cette politique d’accueil et je me demande comment on peut se reconstruire dans l‘attente, dans le provisoire, dans l’absence d’objectifs. On peut se poser, également la question de l’intimité dans ces espaces de vie collectifs et les modalités de prise en charge par rapport à leur bien-être et leurs éventuels troubles psychiques. Il se pose aussi la question de leur cloisonnement qui, selon moi, mettent ces personnes dans un accès limité à l’espace publique. Enfin, quelle est leur part de maîtrise de leur destiné et leur pouvoir de se prendre en charge lorsque leur dossier est entre les mains de l’administration.

J’ai été ravie du résultat des ateliers créatifs sur le quotidien des migrants : Au cours de cette formation pratique, j’ai proposé à l’équipe d’organiser un atelier de tricot hebdomadaire et de mettre en place plusieurs activités d’expressions artistiques. Il se trouve que ces moments de création artistique ont constitué, pour certains, une sorte de “parenthèse” dans leur quotidien mais également des espaces d’épanouissement personnels où certains ont pu acquérir des compétences nouvelles ou faire ressurgir des ressources oubliées. A travers ces échanges basés sur le don et le contre don des savoir-faire, certains participants ont été valorisés et ont ainsi développé des rôles sociaux au sein de l’institution. Cette expérience m’a révélée à quel point un support artistique pouvait être puissant dans la création de lien, dans l’expression et l’apaisement des émotions, mais aussi dans la reconnaissance sociale que les usagers attendent. C’est à travers ces diverses expériences que je me suis questionnée sur la créativité artistique prise comme un vecteur d’amélioration des situations individuelles des migrants. A ce titre, elle pourrait être considérée comme un réel outil pour les travailleurs sociaux.

Créativité et travail social

Selon Jung (Jung, 2002, p.118-119) le travail social est « l’action censée donner du sens à l’homme et à la société tout entière ». Ainsi « donner du sens » serait, selon l’auteur, de permettre aux usagers d’aller rechercher leur raison d’être. Celui-ci parle du travail social comme un « travail de libération » et de « conscientisation » et non pas comme un travail d’emprisonnement ou de moralisation. Les professionnels ne seraient donc pas là « pour combler les manques, mais bien pour creuser les désirs » et offrir des outils permettant l’émancipation des populations dont ils s’occupent. Le rôle des travailleurs sociaux serait donc de stimuler la créativité chez la personne pour lui permettre de trouver elle-même « des réponses nouvelles à des situations données » (Jung, 2002, p.115-119). Finalement, “User de sa créativité pour trouver des outils créatifs afin de développer la créativité d’autrui“. Dans le cadre institutionnel, diverses activités à caractère artistique conduites par les professionnels sont souvent organisées et peuvent avoir des « vertus bénéfiques » pour les participants comme de s’engager dans une action, créer de la cohésion, dynamiser leur vie quotidienne ou encore développer de nouvelles capacités.

Par contre, de par le contexte et les objectifs de ces ateliers, cela ne permet pas de parler ici d’outils permettant une action thérapeutique. Ces activités auraient donc plutôt, selon Dubois, une « visée occupationnelle ou rééducationnelle » (Dubois, 2015, p.53). Toutefois, la psychothérapeute et plasticienne Martine Colignon met en place des ateliers de médiations artistiques avec des personnes migrantes primo arrivantes. Elle démontre en cela que, sans être des ateliers qui se veulent au départ thérapeutique, le support artistique « permet de dénouer l’angoisse et d’exprimer des problématiques douloureuses souvent d’ordre identitaire qui n’ont pas trouvé d’espace pour se dire » (Colignon, 2006, p. 180). De plus, dans son texte l’auteur met en évidence le témoignage d’un participant qui décrit ses ateliers comme : « un point fixe et fort à partir duquel je peux commencer à récolter les fragments de mon histoire, à la recoudre pour en dessiner le trajet et non plus les ruptures, sans faire déballage de ma vie et sans que l’on me propose une orientation » (Colignon, 2006, p.183). Selon cet auteur, les ateliers iraient donc au-delà d’un simple but d’occupation avec une démarche plus complète : “déposer“ une émotion ou une souffrance et faire le bilan de sa vie.

Migrants et parcours migratoire

La notion de « migrant » indique des personnes « qui par choix, par nécessité ou par contrainte, quittent leur pays pour aller s’installer dans un autre ». Par ailleurs, une personne qui s’exile comme cela a été évoqué par Bolzman se verra octroyer le statut de « réfugié » par les pays signataires de la Convention de Genève de 1951. Ce statut indique que la personne est à protéger si elle déclare être menacée de persécutions du fait de son opinion politique, de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social dans son pays d’origine (Rodier, 2016, p.13). Les motifs d’une migration peuvent être divers. Ils peuvent être liés à « des instabilités politiques, économiques, climatiques (…) » mais également, rattachés à des facteurs individuels et personnels (Rodier, 2016, p.17 ; Zeugin, 2007, p.13). Selon Petersen, « l’impulsion migratoire » viendrait de quatre facteurs : « la pression écologique (rapport de l’homme à la nature), la pression politique (rapport à l’Etat), les aspirations (rapport aux normes) ou ce qu’il appelle « l’environnement social » ou social mementum (rapport aux autres hommes) » (Petersen, 1961 cité par Bolzman 1996, p.27).

Selon Bolzman, les situations de migrations sont difficiles car les personnes qui se déplacent auront très peu d’emprise sur les conditions du voyage et sur la « nouvelle réalité sociale » qui s’offre à eux à leur arrivée dans un autre pays, en particulier les personnes forcées de quitter leurs racines. Pour eux, l’objectif principal est de passer la frontière pour se sentir protéger. Peu importe ce qui les attend derrière celle-ci. Ainsi, le choix du pays d’orientation se fait en fonction de l’impression que les personnes se font de l’accessibilité du pays en terme d’accueil (Bolzman, 1996, p.96-97). Toutefois, « les conditions de vie » dans les pays limitrophes, souvent surchargés par les réfugiés qui fuient leur pays en crise sont insoutenables. Les personnes se retrouvent souvent dans des camps de réfugiés en situation légale précaire, avec peu de possibilité d’accéder au marché de l’emploi sans compter la pression des autorités « qui, confrontées à cet afflux soudain, les pressent de chercher un autre asile ». Ces situations de transition “entre deux pays “ souvent non définitives peuvent avoir des répercussions graves sur l’état psychique des migrants (Bolzman, 1996, p.76).

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Table des matières

1 INTRODUCTION
1.1 CHOIX DE LA THEMATIQUE
1.2 QUESTION DE DEPART
1.3 MOTIVATIONS POUR CETTE THEMATIQUE
1.4 OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
2 CADRE THEORIQUE
2.1 CREATIVITE
2.1.1 INTRODUCTION ET DEFINITION DE LA CREATIVITE
2.1.2 ACTE DE CREER
2.1.3 CREATIVITE ET TRAVAIL SOCIAL
2.1.4 ART THERAPIE ET MEDIATEUR ARTISTIQUE
2.2 MIGRATIONS ET MIGRANTS
2.2.1 INTRODUCTION ET DEFINITION DE LA MIGRATION
2.2.2 CAUSES GEOPOLITIQUES DE LA MIGRATION
2.2.3 MIGRANTS ET PARCOURS MIGRATOIRE
2.2.4 ARRIVEE ET ADAPTATION DES MIGRANTS DANS LE PAYS D’ACCUEIL
2.2.5 ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE D’IMMIGRATION EN SUISSE
2.3 ACCOMPAGNEMENT SOCIAL DES PERSONNES MIGRANTES
2.3.1 INTRODUCTION
2.3.2 CONFRONTATION AUX DIVERS TRAUMAS DES MIGRANTS
2.3.3 DE L’INACTIVITE AU STATUT SOCIAL
2.3.4 TEMOIGNAGE COMME ACTUALISATION DU TRAUMA
2.3.5 ESPACES TIERS COMME « SOLUTION DE SURVIE » ET COMME MODELE D’ACCOMPAGNEMENT.
3 PROBLEMATIQUE
3.1 INTRODUCTION
3.2 PROBLEMATIQUES SOULEVEES DU CADRE THEORIQUE
3.3 QUESTION DE RECHERCHE
3.4 OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
3.5 HYPOTHESES
4 DEMARCHE METHODOLOGIQUE
4.1 INTRODUCTION
4.2 TERRAIN ET ECHANTILLON DE LA RECHERCHE
4.3 METHODE DE RECOLTE DE DONNEE
4.4 DIFFICULTES RENCONTREES
4.5 RETRANSCRIPTION DES DONNEES
5 ANALYSE DES DONNEES
5.1 INTRODUCTION
5.2 HYPOTHESE 1 : « EXPRESSION CREATIVE » : RESULTATS DANS LA PRATIQUE
5.3 HYPOTHESE 2 : « EXPRESSION CREATIVE » : MOYEN DE COMMUNICATION
5.4 HYPOTHESE 3 : « EXPRESSION CREATIVE » : PAS FORCEMENT ADAPTEE A TOUS
5.5 INTERPRETATIONS DES RESULTATS
6 PARTIE CONCLUSIVE
6.1 SYNTHESE
6.2 PERSPECTIVES
6.3 BILAN PERSONNEL ET LIMITES DE LA RECHERCHE
7 BIBLIOGRAPHIE
8 ANNEXES
ANNEXE 1 : ORGANISATION DE LA POLITIQUE DES ETRANGERS EN SUISSE
ANNEXE 2 : LOI SUR LES ETRANGERS ET LA LOI SUR L’ASILE
ANNEXE 3 : PERMIS DE SEJOUR
ANNEXE 4 : GUIDE D’ENTRETIEN
ANNEXE 5 : OBSERVATION DE L’UTILISATION DE L’EXPRESSION CREATIVE PAR LES PROFESSIONNELS.
ANNEXE 6 : OBSERVATION DES ATTENTES ET DES RESULTATS DANS LA PRATIQUE DES PROFESSIONNELS.
ANNEXE 7 : OBSERVATION DE L’EXPRESSION CREATIVE COMME MOYEN DE COMMUNICATION.
ANNEXE 8 : OBSERVATION DE LA COMPREHENSION DU SENS DES ACTIVITES D’EXPRESSIONS CREATIVES.
ANNEXE 9 : OBSERVATION DES LIMITES DE L’EXPRESSIONS CREATIVES AUPRES DES PERSONNES MIGRANTES

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