MIGRATION OF STRIPED BASS DURING EARLY LIFE
Le bar rayรฉ (Morone saxatilis) est un poisson anadrome peuplant typiquement les estuaires de la cรดte Est nord-amรฉricaine. Son aire de rรฉpartition historique le long de la cรดte Atlantique s’รฉtend de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent (Quรฉbec) jusqu’ร la riviรจre St John en Floride (Scott & Crossman 1974), en plus de populations exploitant les tributaires associรฉs au golfe du Mexique, de la Floride jusqu’au Texas. Possรฉdant une taille adulte moyenne entre 406-457 mm, il peut atteindre plus de 700 mm, le plus grand individu pรฉchรฉ atteignait 1,8 m (Scott & Crossman 1974, Bernatchez & Giroux 2000). Trรจs combatif, il est un constituant important de la pรชche rรฉcrรฉative et commerciale en Amรฉrique du Nord (13,71%, soit 12499 tonnes, des dรฉbarquements de la pรชche sportive en 2011 aux รtatsUnis; NMFS, 2012). Les adultes effectuent une migration annuelle des eaux salรฉes cรดtiรจres et estuariennes vers l’eau douce, oรน ils se reproduisent. La reproduction a lieu au printemps, typiquement en amont du front salin estuarien. La croissance et le recrutement du bar rayรฉ sont fortement associรฉs aux conditions environnementales de l’estuaire (Kimmerer et al. 2001) ainsi qu’ร la biologie et la physique de la zone de turbiditรฉ maximale (North & Houde 2003, Martino & Houde 2010). La variabilitรฉ annuelle et le dynamisme des conditions estuariennes font fortement varier le recrutement annuel du bar rayรฉ, ce qui en fait un poisson dont la gestion des stocks estย complexe (Ulanowicz & Polgar 1980, Cooper & Polgar 1981). Les fluctuations d’abondances liรฉes ร la biologie particuliรจre de l’espรจce et le fort attrait qu’elle engendre chez les pรชcheurs autant sportifs que commerciaux ont exposรฉ plusieurs populations ร des taux d’exploitation parfois excessifs par rapport ร leur production et leur abondance.
Les grandes populations de bars rayรฉs de la cรดte Est nord-amรฉricaine ont connus d’importants dรฉclins (Goodyear et al. 1985, Richards & Rago 1999), menant les stocks jusqu’au bord de l’extinction. Ce fut le cas de la population du fleuve Saint-Laurent. Elle subit une pression de pรชche รฉlevรฉe, durant une pรฉriode de faible effectif liรฉ ร son cycle naturel d’abondance en conjonction ร d’autres effets dรฉlรฉtรจres (p. ex., destruction d’habitats, pollution, etc.). Ceci mena la population ร l’extinction dans les annรฉesย 1960(Beaulieu 1985, Beaulieu et al. 1990). Ce n’est cependant qu’en 1996, aprรจs de nombreuses รฉvaluations, que la population obtint le statut de disparue en vertu de la loi sur les espรจces menacรฉes ou vulnรฉrables du Quรฉbec (Trรฉpanier & Robitaille 1996). Lรจs autoritรฉs fรฉdรฉrales emboitรจrent le pas en lui attribuant le statut de disparue en vertu de la loi sur les espรจces en pรฉrils du Canada (LEP) (Robitaille 2004). Une dรฉsignation par la LEP implique de facto l’implantation d’un plan de rรฉtablissement (Robitaille et al. 2011a), ce qui รฉtait en accord avec les prรฉcรฉdentes suggestions des gestionnaires (Trรฉpanier & Robitaille 1996) et un rapport confirmant que la disparition du bar rayรฉ dans les eaux du Saint-Laurent n’รฉtait pas irrรฉversible (Comitรฉ aviseur sur la rรฉintroduction du bar rayรฉ 2001). Entre autres, l’augmentation de la qualitรฉ des eaux du Saint-Laurent laissait croire ร la possibilitรฉ de rรฉimplantation de l’espรจce. Ainsi, c’est selon le plan d’action sur la rรฉintroduction du bar rayรฉ qu’un projet d’ensemencement fut initiรฉ. Le projet avait comme objectif l’implantation d’une population se maintenant par elle-mรชme (Robitaille et al. 2011a). Pour se faire, la progรฉniture d’individus reproducteurs de la riviรจre Miramichi (Nouveau-Brunswick, Canada) produits dans une pisciculture quรฉbรฉcoise (station piscicole Baldwin-Coaticook) fut ensemencรฉe dรจs 2002. Dรจs le dรฉbut des ensemencements de bars rayรฉs dans le SaintLaurent, l’espรจce a donnรฉ des signes de rรฉtablissement. Les captures de jeunes de l’annรฉe en 2008, malgrรฉ l’absence d’ensemencements cette annรฉe-lร , ont รฉtรฉ les premiรจres preuves d’une reproduction naturelle dans le systรจme (Pelletier et al. 2011). Rรฉcemment, une รฉtude a montrรฉ que cette nouvelle population n’exploite pas les aires de reproduction et d’alevinage supposรฉes de l’ancienne population (Robitaille et al. 2011a, Lecomte et al. soumis). Des captures de juvรฉniles autant dans les zones d’eau douce et d’eau saumรขtre du Saint-Laurent (Pelletier 2009) suggรจrent une utilisation d’habitats extensive.
En plus de l’ensemencement, le plan de rรฉtablissement fait l’identification des menaces possibles pour la population lors du processus de rรฉtablissement de l’espรจce. Cet exercice met en lumiรจre les lacunes dans les connaissances et pointe les informations cruciales ร acquรฉrir. Parmi celles-ci, l’identification des habitats essentiels du bar rayรฉ dans le Saint-Laurent pour tous ses stades de vie est un besoin de premier plan. La LEP dรฉcrit l’habitat essentiel comme; ยซ … l’habitat nรฉcessaire ร la survie ou au rรฉtablissement d’une espรจce sauvage inscrite, qui est dรฉsignรฉe comme telle dans un programme de rรฉtablissement ou un plan d’action รฉlaborรฉ ร Vรฉgard de l’espรจce. ยป (Robitaille et al. 2011a). L’anse Sainte-Anne, entre Riviรจre-Ouelle et La Pocatiรจre, est le premier et le seul habitat essentiel du bar rayรฉ de l’estuaire du Saint-Laurent actuellement identifiรฉ. Ce fait se base majoritairement sur l’observation d’importantes concentrations de bars de l’annรฉe (0+) dans l’Anse durant la pรฉriode automnale (1er septembre au 30 octobre). Afin de raffiner la connaissance sur les habitats essentiels, un vaste projet d’identification d’habitats essentiels est en cours. Celui-ci base son approche sur des relevรฉs tรฉlรฉmรฉtriques afin de cibler les lieux possรฉdant une importance particuliรจre pour l’espรจce. Cependant, ces relevรฉs ne sont applicables que chez les individus adultes ou ayant une taille suffisante pour porter les รฉmetteurs tรฉlรฉmรฉtriques.
En plus de ces contraintes physiques, la situation particuliรจre de la population du fleuve Saint-Laurent limite l’utilisation de plusieurs mรฉthodes. La faible connaissance des diffรฉrents groupements reproducteurs au sein du Saint-Laurent limite l’utilisation de protocole de marquage/recapture. En plus, les รฉtudes gรฉnรฉtiques sur les individus s’avรจrent peu utiles jusqu’ร prรฉsent. En effet, considรฉrant la rรฉintroduction rรฉcente des bars dans l’รฉcosystรจme et puisque ceux capturรฉs dans le Saint-Laurent proviennent du programme d’ensemencement ou sont des descendants d’individus ensemencรฉs, les diffรฉrences gรฉnรฉtiques prรฉsentes dans la population ne permettent pas de faire une distinction claire entre les groupes gรฉnรฉtiques. Cependant, l’utilisation de la chimie de l’otolithe n’est pas soumise ร ces contraintes, puisque les distinctions entre les individus sont issues du milieu ambiant. Ainsi, c’est une technique de choix afin de cibler les habitats essentiels au sein de l’estuaire du Saint-Laurent, notamment les habitats frรฉquentรฉs en dรฉbut de saison de croissance, ce qui ne peut รชtre รฉtudiรฉ autrement. En plus de pouvoir cibler les habitats utilisรฉs, c’est la technique la plus appropriรฉe dans le contexte de l’รฉtude pour discerner les groupes migratoires chez les bars rayรฉs au sein du Saint-Laurent, et ce, autant chez des adultes que chez des individus larvaires et juvรฉniles.
L’otolithe est une concrรฉtion calcaire de l’oreille interne des poissons. Le nombre total d’otolithes est de six, distribuรฉ en trois paires (les lapilli, les sagittae et les astรฉrisci). L’otolithe est constituรฉ majoritairement d’aragonite, une conformation cristalline du carbonate de calcium (CaCCb), arrangรฉe dans une matrice organique (Campana 1999). On y retrouve รฉgalement d’autres รฉlรฉments en concentration mineure (> 100 ppm) ou sous forme de trace (< 100 ppm) (Campana 1999). L’otolithe, par sa position dans les canaux semi-circulaires, est impliquรฉ dans l’orientation spatiale, l’รฉquilibre et la perception des sons (Popper et al. 2003). Il est le rรฉsultat de la biominรฉralisation de l’endolymphe, le fluide qui le baigne. La croissance de l’otolithe se fait par accumulation de couches successives qui se forment selon une pรฉriodicitรฉ journaliรจre (Pannella 1971). Ainsi, chaque accroissement peut รชtre associรฉ ร une journรฉe dans la vie du poisson. Avant d’รชtre incorporรฉs, les รฉlรฉments contenus dans l’otolithe doivent traverser certaines barriรจres physiologiques (Campana 1999). Il s’agit d’un passage trรจs contrรดlรฉ de barriรจres ioniques et รฉlรฉmentaires, qui sont un prรฉrequis pour des organismes ayant une importante rรฉgulation osmotique comme les poissons (Campana 1999). En somme, ร partir du milieu ambiant, les รฉlรฉments passent au plasma sanguin par la captation via les branchies ou l’intestin. Du sang, les รฉlรฉments seront transportรฉs vers l’endolymphe et ultimement cristallisรฉs dans l’otolithe (Campana 1999). Bien qu’une fraction des รฉlรฉmentssemble provenir de l’alimentation, la majoritรฉ des constituants de l’otolithe provient du milieu ambiant (80-90% pour Ca et Sr notamment; Farrell & Campana 1996, Walther & Thorrold 2006). Les รฉlรฉments semblables au calcium selon leur charge (p. ex., Sr et Ba) se fixeraient plus fortement et en plus grande quantitรฉ (Proctor & Thresher 1998) ร la matrice de l’otolithe vu leur substitution au calcium dans l’aragonite (Chowdhury & Blust 2001). Ainsi, l’otolithe est un tรฉmoin des variations environnementales de certains รฉlรฉments provenant de l’eau oรน le poisson aurait passรฉ une partie de sa vie.
L’incorporation continuelle des รฉlรฉments du milieu ambiant dans l’otolithe a รฉtรฉ la prรฉmisse des techniques de chimie de l’otolithe. Deux courants gรฉnรฉraux se dรฉgagent dans l’utilisation de l’analyse รฉlรฉmentaire, l’identification des stocks (Campana 1999) et l’รฉtude de la migration (Elsdon & Gillanders 2003). L’identification des stocks utilise la variabilitรฉ de la signature รฉlรฉmentaire (ยซ elemental fingerprint ยป, c.-ร -d. la concentration de plusieurs รฉlรฉments trace) entre les habitats comme un marqueur naturel afin de dรฉterminer la provenance des poissons d’un stock (Tresher et al. 1994). L’รฉtude de la migration utilise plutรดt la variation du signal de certains รฉlรฉments en rรฉponse au mouvement du poisson dans les gradients รฉlรฉmentaires (salinitรฉ, turbiditรฉ et pollution entre autres). L’analyse de la concentration des รฉlรฉments dans diffรฉrentes zones de l’otolithe correspondant ร des pรฉriodes de la vie du poisson permet de reconstruire l’histoire migratoire de l’individu (Elsdon & Gillanders 2003).
L’analyse รฉlรฉmentaire de l’otolithe pour รฉtudier la migration des poissons est de plus en plus utilisรฉe pour ses avantages uniques comparativement aux techniques plus traditionnelles (p. ex., tรฉlรฉmรฉtrie, dรฉtection acoustique ou capture/marquage/recapture). La croissance quotidienne de l’otolithe permet d’obtenir une rรฉsolution au jour prรจs des conditions vรฉcues par le poisson. La nature inerte de l’otolithe et l’absence de rรฉsorption du matรฉriel incorporรฉ permettent une conservation de l’intรฉgritรฉ du signal durant toute la vie du poisson (Pannella 1971, Gunn et al. 1992). Cette propriรฉtรฉ du matรฉriel calcifiรฉ de l’otolithe est unique vis-ร -vis les autres structures calcifiรฉes qui peuvent รชtre altรฉrรฉes ou absentes lors de certaines pรฉriodes du cycle de vie (p. ex., รฉcailles, vertรจbres, etc. Campana & Thorrold 2001). Finalement, la prรฉsence des otolithes chez tous les tรฉlรฉostรฉens assure que virtuellement tous les poissons sont marquรฉs, et cela dรจs leurs premiers jours de vie. Les techniques d’analyse des รฉlรฉments de l’otolithe sont diverses et se sont raffinรฉes au cours des derniรจres annรฉes. Les รฉtudes ont portรฉ entre autres sur l’otolithe entier, rรฉduit en poudre ou en solution (Kennedy et al. 2000, Rooker et al. 2001) pour progressivement se tourner vers des mรฉthodes ร la rรฉsolution plus fine (microforage de certaines zones, Kennedy et al. 2002) et dรฉboucher vers des analyses ร l’aide de ยซ sondes ยป ultras prรฉcises, notamment le LA-ICP-MS (spectromรฉtrie de masse ร plasma induit couplรฉe ร l’ablation laser; Arai et al. 2007, Schuchert et al. 2010). L’ablation du LA ICP-MS mesure quelques microns de diamรจtres et permet d’avoir une rรฉsolution de l’ordre quelques jours entre les points d’analyse (Sanborn & Telmer 2003). Ces techniques, bien que rรฉalisรฉes ร une รฉchelle plus fine, conservent la prรฉcision des techniques mentionnรฉes prรฉcรฉdemment (Sanborn & Telmer 2003).
L’รฉtude de la migration chez les poissons doit cependant rรฉpondre ร certains critรจres (Elsdon et al. 2008). De prime abord, le ยซ gradient รฉlรฉmentaire ยป traversรฉ par les poissons doit รชtre suffisamment important pour que la variation influence significativement la composition de Potolithe. Les poissons diadromes migrant entre l’eau douce et l’eau salรฉe sont ainsi un sujet d’รฉtude de choix pour l’analyse รฉlรฉmentaire (Gillanders 2005). Notamment, le strontium s’est avรฉrรฉ un bon scalaire de la migration dans le gradient de salinitรฉ (Secor & Rooker 2000), la concentration de strontium dans l’eau de mer รฉtant d’un ordre de grandeur plus importante que celle de l’eau douce (Ingram & Sloan 1992). La faible rรฉgulation physiologique du strontium par les poissons permet une forte concordance entre la concentration ambiante et celle dans l’otolithe (Walther & Thorrold 2006). Le strontium n’est cependant pas le seul รฉlรฉment connaissant des variations entre les milieux d’eau douce et salรฉe. Des travaux rรฉcents suggรจrent l’utilisation d’analyses multivariรฉes (de plusieurs รฉlรฉments simultanรฉment) et quantitatives afin d’interprรฉter les variations chimiques de l’otolithe (Gemperline et al. 2002, Hedger et al. 2008, Mercier et al. 2010, Phillis et al. 2011). La littรฉrature sur l’รฉtude de la migration des poissons par la chimie de l’otolithe comporte plusieurs รฉtudes rรฉalisรฉes chez des poissons diadromes (ex. Tsukamoto et al. 1998, Arai et al. 2007, Bradbury et al. 2008, Morais et al. 2011) notamment chez le bar rayรฉ (Secor et al. 2001, Gemperline et al. 2002, Zlokovitz et al. 2003).
Le comportement migratoire d’une population est souvent dรฉcrit comme un caractรจre binaire (migratrice ou non migratrice). Cependant, chez certaines populations, unefraction d’individus ne suit pas la tendance gรฉnรฉrale (Dingle 1996). L’absence ou l’altรฉration de la migration chez une portion des individus d’une population se dรฉfinit comme le phรฉnomรจne de migration partielle. Celle-ci se manifeste lorsque, par exemple, coexistent des individus migrateurs et rรฉsidents au sein d’une mรชme population (Chapman et al. 2011a). รtant d’abord un concept venant de la littรฉrature ornithologique (Lack 1943), on considรจre maintenant la migration partielle dans bien d’autres groupes taxonomiques, incluant les poissons (Kaitala et al. 1993, Kerr et al. 2009). Le phรฉnomรจne est identifiรฉ chez un nombre croissance d’espรจces (Chapman et al. 2012). Ces observations permettent de constater que la nature figรฉe des comportements migratoires attribuรฉe aux populations (anadrome, catadrome, amphidrome) prendrait plutรดt la forme d’une sรฉrie d’expressions variรฉes le long d’un continuum (Hendry & Stearns 2004). L’expression de ces traits comportementaux serait influencรฉe par les valeurs combinรฉes d’un ensemble de facteurs (p. ex., physiques, physiologiques et gรฉnรฉtiques) que l’on nomme ยซ susceptibilitรฉ ยป, par rapport ร une valeur seuil (Roff 1996). Ces traits ร seuil (threshold traits) sont les rรฉponses dichotomiques ร la variabilitรฉ environnementale et ร la variabilitรฉ attribuable ร l’individu afin de maximiser le succรจs de l’individu selon certaines stratรฉgies alternatives (Hazel et al. 2004, Dodson et al. 2013).
L’identification de la migration partielle chez des espรจces de poissons exploitรฉes (Tsukamoto et al. 1998, Zimmerman et al. 2012) dรฉmontre que notre vision du stock est erronรฉe dans certains cas. C’est que le concept du stock au niveau des pรชcheries est gรฉnรฉralement trรจs monolithique, reposant sur un seul trait de classification (entre autres gรฉnรฉtique, molรฉculaire ou morphologique) et faisant la prรฉmisse que les individus d’un stock se conforment ร un mode de vie commun (Booke 1999). En 1999, le symposium sur l’identification des stocks mit en lumiรจre l’importance de la connaissance approfondie de la structure d’un stock pour sa gestion efficace (Engel et al. 1999). Principalement parce qu’une structure complexe du stock (p. ex., migration partielle) peut conduire ร des exploitations diffรฉrentielles sur certaines composantes prรฉcises du stock. L’incapacitรฉ d’identification de ces composantes peut mener ร la surpรชche et ร la dรฉtรฉrioration de cellesci (Begg et al. 1999). Ce qui risque d’avoir un impact imprรฉvu sur la diversitรฉ, la resilience ou la productivitรฉ totale du stock exploitรฉ (Petitgas et al. 2010).
Dans le mรชme ordre d’idรฉe, Secor (1999) suggรฉra une subdivision des stocks en unitรฉs migratoires spรฉcifiques; les contingents migratoires. Le concept de contingent migratoire est pour la premiรจre fois dรฉcrit dans la littรฉrature des pรชcheries par la publication de Clark (1968). Celui-ci dรฉcrit un contingent comme ยซ un groupe de poissons qui exhibe un patron saisonnier de migration commun entre leurs aires d’alimentation, d’hivernage et de reproduction ยป, ce qui est ni plus ni moins que des groupes discrets exhibant des comportements de migration partielle. L’รฉtude des comportements des diffรฉrents contingents et l’utilisation d’habitats au sein d’une population permettent d’รฉvaluer les points d’intersection entre l’activitรฉ humaine (p. ex., pรชcheries) et les stocks de poissons (Secor 1999). Cela permet de prรฉciser les zones de ยซsensibilitรฉยป de la population ร la pรชche (Secor 1999, Zlokovitz & Secor 1999, Zlokovitz et al. 2003), aux variations environnementales (Kraus & Secor 2004a) ou ร la dรฉgradation de la qualitรฉ de l’habitat (Lindley et al. 2011). L’identification de contingents peut aussi permettre d’avoir une vision complรจte de l’utilisation d’habitats par les individus d’une population afin d’en dรฉterminer les habitats essentiels ร ses diffรฉrents stades de vie.
Le concept de contingents migratoires semble รชtre d’une grande importance chez le bar rayรฉ. Bien que considรฉrรฉ comme anadrome, des contingents migratoires se distinguent dans certaines populations. Il en ressort une gรฉnรฉralitรฉ; le comportement migratoire varie selon la nordicitรฉ des populations (Merriman 1941, Rulifson & Dadswell 1995, Bjorgo et al. 2000). Les stocks au sud de la Caroline du Sud n’entreprennent pas de vรฉritables migrations. Les individus rรฉsident dans les estuaires toute l’annรฉe et dรฉmontrent seulement une oscillation pรฉriodique entre l’aval et l’amont dictรฉe principalement par la tempรฉrature de l’eau et la reproduction printaniรจre (Bjorgo et al. 2000). La population de Caroline du Nord semble plutรดt avoir deux types de patrons, un contingent rรฉsident en estuaire et un contingent migratoire, effectuant des mouvements saisonniers vers l’ocรฉan (Morris et al. 2005). Les riviรจres situรฉes au centre de l’aire de rรฉpartition accueillent plutรดt trois contingents, un rรฉsident en eau douce, un contingent estuarien exploitant les eaux saumรขtres des estuaires et un contingent migratoire marin (Secor et al. 2001, Wingate & Secor 2007).
Finalement, les populations ร l’extrรฉmitรฉ nordique de l’aire de distribution auraient une prรฉsence variable de divers contingents. Par exemple, les bars de la riviรจre Shubenacadie (Nouvelle-Ecosse, Canada) se sรฉparent en deux contingents, un rรฉsident en eau douce et un contingent migratoire ocรฉanique (Paramore & Rulifson 2001). Bien que peu documentรฉe, la migration des bars rayรฉs juvรฉniles semblerait รชtre semblable ร celle du baret (Morone americana), une espรจce congรฉnรจre (Kraus & Secor 2004a). La migration du baret est caractรฉrisรฉe par la cohabitation de juvรฉniles rรฉsidents et de juvรฉniles se dispersant rapidement vers les eaux saumรขtres. Le bar rayรฉ dรฉmontre donc une propension ร la migration partielle et l’รฉtablissement de comportements migratoires divergents .
Cependant, l’observation de ces comportements s’est faite au sein de populations dรฉjร bien รฉtablies. La sรฉlection naturelle et les contraintes environnementales diverses ont dรฉjร pu modifier l’expression des diffรฉrents comportements migratoires dans celles-ci. La population du Saint-Laurent par contre, n’est prรฉsente que depuis une dizaine d’annรฉes, et ce, en faible nombre. La rรฉintroduction du bar rayรฉ dans le fleuve Saint-Laurent possรจde un fort potentiel d’implantation d’une population se maintenant par elle-mรชme. L’รฉcosystรจme ayant dรฉjร abritรฉ une population naturelle de bars rayรฉs et รฉtant maintenant dans un meilleur รฉtat que lors de sa disparition (absence d’exploitation, meilleure condition des eaux, meilleure santรฉ du milieu, stabilisation des espรจces de poissons fourrages), il reprรฉsente un milieu idรฉal pour l’espรจce. Bien que le milieu soit typique ร l’espรจce, la faible diversitรฉ gรฉnรฉtique, l’absence de contraintes historiques et deย phรฉnomรจnes dรฉpendant de la densitรฉ placent la population dans une situation bien diffรฉrente ร celle de ces homologues. Ainsi, au-delร du nombre d’individus, de quelle faรงon se fera cette implantation? Quel sera le rythme et le patron de colonisation des habitats, la colonisation se fera-t-elle rapidement ou lentement? Certains habitats seront ils exploitรฉs prรฉfรฉrentiellement, laissant les habitats ยซ alternatifs ยป รชtre colonisรฉs plus tard? Les comportements migratoires divergents font-ils partie des stratรฉgies de colonisation, ou sont-ils le rรฉsultat des contraintes de l’รฉcosystรจme? La prรฉsente รฉtude ne documentera donc pas une population dans un รฉtat รฉvolutivement stable, mais bien les premiers instants d’un processus de colonisation. La situation s’apparente concrรจtement ร la description d’une expรฉrience ร grande รฉchelle de la colonisation du bar rayรฉ.
Ainsi, considรฉrant le statut particulier de la population de bar rayรฉ de l’estuaire d Saint-Laurent et afin de combler le manque au niveau des connaissances sur l’espรจce, ce projet visera l’accomplissement de trois objectifs; 1) Identifier, par la chimie de l’otolithe, la prรฉsence de contingents migratoires au sein des larves et des juvรฉniles de bars rayรฉsdu fleuve et de l’estuaire du Saint-Laurent et comparer ces patrons avec ceux existant dans les autres populations de l’aire de distribution, 2) dรฉterminer les habitats essentiels des individus larvaires et juvรฉniles de bars rayรฉs du Saint-Laurent et 3) identifier les zones d’origine des bars rayรฉs capturรฉs afin de raffiner notre connaissance de sa dynamique au sein du Saint-Laurent.
MIGRATION OF STRIPED BASS DURING EARLY LIFE: CONTINGENTS IN THE REINTRODUCED POPULATION OF THE ST. LAWRENCE ESTUARY :
Several populations of anadromous or eatadromous fish have been observed to exhibit intra-population variations of habitat utilization (Tsukamoto et al. 1998, Seeor et al. 2001, Dodson et al. 2013). Recent methodological advances and theoretical considerations have revealed that migration in fishes is a very complex trait (Tzeng et al. 2002, Arai et al. 2004, Chapman et al. 2012). There is increasing evidence of divergent life-history tactics in diverse animal populations (Tzeng et al. 2002, Morais et al. 2011, Zimmerman et al. 2012) that take on multiple forms, including partial migration. Partial migration can be defined as the presence of some resident (non-migratory) individuals within a migratory population (Chapman et al. 201 lb). Partial migration was first identified in avian fauna, and it has also been studied in anadromous fish (mostly salmonids; Nordeng 1983, Jonsson & Jonsson 1993) and estuarine-dependent white perch (Morone americana; Kerr et al. 2009). Partial migration can lead to a relatively stable structure within a population known as the migratory contingent (Secor 1999).
The contingent hypothesis was initially proposed by Clark (1968) and was based on movements of discrete striped bass groups from the Hudson River (NY, USA) population. He used the term contingent to describe ยซย a group of fish that engage in a common pattern of seasonal migration between feeding areas, wintering areas, and spawning areas.ย ยป Contingents have been described across different taxa including Japanese eel (Anguilla japonica; Tsukamoto et al. 1998), green sturgeon (Acipenser medirostris; Lindley et al. 2011), and black bream (Acanthopagrus butcheri; Elsdon & Gillanders 2006). Contingents were proposed to be important subunits of the stock definition (Secor 1999); their existence requires spatial considerations for particular parts of a managed population that can experience divergent ecological realities. Knowledge of the diverse movements of fish populations allows the identification of locations where fish presence and human impacts converge and how to accurately manage pressures imposed on these subunits. In a common model of anadromous migratory contingents, young-of-the-year begin their life in freshwater and migrate (or not) to more saline waters downstream. The decision to migrate is often related to physiological barriers to migration (i.e., threshold traits; Roff 1996, Thรฉriault & Dodson 2003) .
Over the past 20 years, otolith chemistry bas become one of the most useful techniques to describe fish migrations (Secor et al. 1995, Campana 1999). Using the discriminatory power available with otolith chemistry (the Sr/Ca relationship with salinity), Secor et al. (2001) revisited the contingent hypothesis and confirmed the presence of many contingents within the Hudson River striped bass population. For several elements, variations in the otolith’s carbonated matrix appear to be correlated with some environmental variations experienced by fish (Kraus & Secor 2004b, Walther & Thorrold 2006) such as the water’s ambient physicochemical characteristics (e.g., salinity, turbidity; Secor & Rooker 2000, Zimmerman 2005) and the fish’s physiological condition (e.g., metamorphosis, stress; Kalish 1992, Otake et al. 1994, Arai et al. 1997). Even if some conclusions based on the variations of some elements remain controversial or uncertain (Miller 2011), otolith chemistry has been successfully used to describe the migration patterns of many fish populations (Secor & Piccoli 1996, Kerr et al. 2009, Volk et al. 2010). The strontium to calcium ratio has been widely used to investigate migrations since it is known to be related to the ambient salinity experienced by fish (Secor et al. 1995); this technique is particularly useful for freshwater and diadromous fish (Brown & Severin 2009). In addition, other elements may be associated with migratory movements (e.g., Ba, Mn, Mg; Elsdon & Gillanders 2005, Mercier et al. 2012). The concentrations of these other elements are more frequently used in stock identification, as natural tags for different production zones since their natural variability provide specific elemental ยซย fingerprints (Campana et al. 1995). Using discriminant function analysis on elemental fingerprintsallows linking fish from a mixed sample (or fishery) to their population of origin(Rooker et al. 2001). Despite its potential utility, multivariate analysis of elemental fingerprints has not often been used to study migration; few studies use elements other than Sr and Ba concentrations in otoliths (e.g., Tzeng et al. 2002, Arai et al. 2004, Secor & Piccoli 2007).
Recent publications have highlighted the importance of using quantitative methods for the interpretation of element in otolith transects (Gemperline et al. 2002, Phillis et al. 2011), which is a continuous profile analysis along the otolith growth axis, as an alternative to classical methods (e.g., threshold values; Jessop et al. 2002). Hedger et al. (2008) suggested different methods for the objective analysis of elemental otolith transects; one of these is split-moving window analysis (SMW) which was developed to identify discontinuities in univariate or multivariate ecological series (Webster 1973). SMW is based on the calculation of a dissimilarity index (e.g., Mahalanobis generalized distance) between two halves of a ยซย moving windowย ยป of a predetermined width along all the stations of the transect (or every point of analysis along an ecological series). The greatest dissimilarities are representative of discontinuities in the ecological series. Hedger et al. (2008) used SMW to objectively interpret Sr variation within otoliths: however, the procedure can also be performed with multivariate data (e.g., multiple elements from otoliths) using a variation of the principal component analysis (Webster 1973).
The northernmost striped bass populationโthe St. Lawrence Estuary (Quรฉbec, Canada) stockโexperienced heavy fishing pressure, habitat degradation, and pollution that drove this stock to collapse in the 1960s (Robitaille et al. 2011b). The stock never recovered, and striped bass were extirpated from the St. Lawrence by the end of the 1960s. Following improvements in water quality in the early 1990s (St. Lawrence Centre 1996) and stabilization of forage fish populations, a reintroduction plan for the St. Lawrence Estuary striped bass was put in place (Robitaille et al. 2011b). The source fish were progeny of a breeding stock raised in a fish farm (Baldwin Mills fish hatchery, Sherbrooke, Quรฉbec, Canada), with juveniles and adults originating from the Miramichi River (New Brunswick, Canada). Since 2002, 14,000 juveniles and 27 million larvae have been stocked in the St. Lawrence Estuary. Natural reproduction for this population was confirmed in 2008 (Pelletier et al. 2011) and larvae from natural spawning events in the St. Lawrence Estuary have been collected since 2010 (Lecomte et al. unpubl).
The reintroduction plan also includes research objectives. These include descriptions of the life history and habitat utilization of early stages (0 to 2 years old) as well as understanding habitat utilization including a description of migration behavior. The wide distribution of juvenile striped bass observed in the St. Lawrence Estuary led to the hypothesis that at least two migratory contingents exist within this stock.
The general obj ective of this study is to describe the migration patterns of early life stages of St. Lawrence striped bass in the context of stock reconstruction and their habitat utilization of the estuarine system. More specifically, this study tries to (1) identify the presence of migratory contingents among early life stages of the St. Lawrence Estuary striped bass using multivariate otolith chemistry and SMW analysis, (2) determine the essential habitats of early life stage of this population, and (3) identify the regions from which the striped bass originate to refine our knowledge on the population’s reproductive dynamics.
Sampling :
Samples were obtained through the monitoring network operated by the Ministรจre des Ressources naturelles et de la Faune du Quรฉbec that is in place since the beginning of the stocking program. Samples are mainly commercial fishing by-catch (eel fishing weir) and from an experimental beach seine survey. In 2011, 54 1+ juvenile striped bass were captured between June and November at nine sites, two upstream of the salt front and seven downstream (Fig. 2). Between September 4th and 17th 2012, 64 0+ juveniles were captured at 18 different sites, seven upstream of the salt front and 11 downstream. In 2012, sampling resolution was higher because of the utilization of beach seine survey in addition to fishing weir. Each fish was measured (total length) and aged (by scale analysis). In 2011, 1+ fish were frozen immediately after capture; in 2012, 0+ fish were fixed in 95% ethyl alcohol that was replaced after 24h. Preservation methods were different between years due to technical limits, commercial fishermen favored freezing of samples. Since migratory behavior can be linked to the capture site (it is unlikely that a freshwater resident would be captured in saltwater), striped bass were randomly selected among all sampled stations. This was done to avoid over- or under-representation of particular stations in the sample .
Otolith preparation :
Sagittal otoliths were extracted and organic material removed with plastic forceps before being rinsed three times in ultrapure water. Otoliths were allowed to dry under a laminar flow fume hood for 24 h prior to be stored in dry, acid-washed polyethylene vials. Otoliths were handled only with clean plastic forceps that had been soaked in 10% nitric acid (prepared with ultrapure water) for 24 hours and rinsed three times in ultrapure water before drying under a class 100 laminar flow fume hood for 24 h. For sectioning, the right sagitta was embedded in two-part epoxy resin (Miapoxy 100, Miapoxy, OH, USA). Sections 1 mm thick were made along the transversal plane of the sagitta with a slow-speed diamond bladed saw (Isomet saw; Buehler, IL, USA). After sectioning, the otolith’s core was exposed with polishing paper (Wetordryโข 2000 grains; 3M) and lapping films (lapping film 1 and 5 |nm; 3M). Sagittal sections were mounted on a pรฉtrographie glass slide with thermoplastic glue (CrystalBound 509; Aremco products). Otoliths were sonicated in ultrapure water for 5 min, dried under a laminar flow fume hood for 24 h, and then stored in slide box before laser ablation.
CONCLUSION GENERALE
L’identification de mouvements migratoires divergents, mais rรฉcurrents au sein de la population de bars rayรฉs juvรฉniles de l’estuaire du Saint-Laurent est un apport crucial ร la comprรฉhension des stratรฉgies exhibรฉes par l’espรจce en rรฉtablissement. L’appartenance ร divers contingents des bars rayรฉs juvรฉniles laisse croire que la spatialisation du cycle vital est un trait inhรฉrent ร l’espรจce. Bien que provenant d’un stock gรฉnรฉtique homogรจne et d’une population dรฉmontrant une faible variabilitรฉ de tactiques migratoires dans ses premiers stades de vie (Robichaud-LeBlanc et al. 1996), l’รฉtablissement de tactiques divergentes s’est rรฉalisรฉe rapidement (<10 ans suivant l’implantation de l’espรจce dans le milieu). La population juvรฉnile du Saint-Laurent semble toutefois dรฉmontrer des similitudes comportementales avec sa population source (riv. Miramichi). Par exemple, une migration vers l’aval initiรฉe au milieu de la premiรจre saison de croissance (Robichaud LeBlanc et al. 1996, Robichaud-LeBlanc et al. 1998). Cependant, la prรฉsence de comportement de rรฉsidence en eau douce, l’utilisation du milieu oligohalin plutรดt que mรฉsohalin de l’estuaire et la migration vers l’aval retardรฉe ร la deuxiรจme saison de croissance sont des comportements qui n’existent apparemment pas dans la population source (Douglas et al. 2009). La spatialisation semble aussi s’imposer dans la dynamique reproductrice du bar rayรฉ. Les rรฉsultats obtenus montrent que l’origine d’une portion non nรฉgligeable de la population semble รชtre le milieu oligohalin. Cette origine provient probablement de sites de reproduction alternatifs en marge du site de reproduction en eau douce, semblant reprรฉsenter la plus grande contribution ร la population.
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Table des matiรจres
I – INTRODUCTION GรNรRALE
II – MIGRATION OF STRIPED BASS DURING EARLY LIFE: CONTINGENTS IN THE RE-INTRODUCED POPULATION OF THE ST. LAWRENCE
2.1 INTRODUCTION.
2.2 MATERIALS AND METHODS
2.2.1 Study Site
2.2.2 Sampling
2.2.4 Otolith laser ablation
2.2.5 Data analysis
2.3 RESULTS
2.4 DISCUSSION
2.4.1 Presence of migratory contingents
2.4.3 Multivariate transect analysis
2.4.4 Concluding remarks
III – CONCLUSION GรNรRALE
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