Migration irreguliere et systeme de production

Le travail intitulé la migration irrégulière et système de production dans le village de pêcheurs de Guet Ndar (Saint-Louis), entre dans le cadre de notre mémoire de maîtrise en géographie. En effet, l’émigration clandestine s’est accélérée ces dernières années au Sénégal, prenant des proportions et des caractères le plus souvent dramatiques. Non seulement, ce phénomène touche les bras les plus valides du pays, mais les risques sont élevés eu égard aux conditions dans lesquelles s’opère le voyage pour atteindre les rives des îles canaries. L’augmentation du chômage des jeunes et l’élaboration par l’Europe des politiques migratoires de plus en plus restrictives constituent les facteurs conduisant les jeunes à tenter par tous les moyens à rejoindre l’Europe. Elle touche les villages de pêche au Sénégal plus particulièrement Thiaroye, Yarakh et Guet-Ndar qui constitue notre zone d’étude. Ainsi, GuetNdar dans Saint-Louis du Sénégal se situe au Sud Ouest sur la partie méridionale de la langue de barbarie. Ce quartier s’étend sur une bande littorale, large en moyenne de 200m et d’une longueur de 1km depuis le pont Moustapha Malick Gaye et la place de la république au nord, jusqu’au cimetière du Sud. Cette délimitation ne prend pas en compte la nouvelle zone d’extension de l’hydrobase. Celle-ci découle d’un programme de décongestionnement des populations de Guet-Ndar. Il est divisé en trois sous quartiers que sont : Lodo, Ponde Kholé et Dack. Ce village de pêche est marqué par une très forte densification et est le reflet d’un urbanisme médiocre. Il a une population de 25 438 habitants (D’après le PDU-Saint-Louis Horizon 2025), et une densité brute de 1496,3 habitants/ha en 2008. Cette population est composée de 2185 ménages .

C’est aussi un espace très exigu occupé par une population très nombreuse. L’insoutenable pression démographique a induit une pression sur le foncier et pose un problème de planification et de gestion urbaine.

La vie économique est largement dominée par la pêche. Cette dernière est confrontée à des difficultés : problème d’accessibilité de matériel de pêche eu égard à leurs coûts, problème d’accessibilité à certaines zones de pêche etc. A Saint-Louis, le phénomène de l’émigration clandestine n’est plus d’actualité pour certains car elle date depuis sept (7) ans. Mais seulement c’est à Guet-Ndar, un quartier de pêcheurs que le phénomène a démarré en Juin 2006 . Ainsi, nous constatons que le phénomène est toujours présent dans la tête des habitants de ce quartier car ils sont restés profondément marqués par les effets négatifs de l’émigration clandestine. Cela se manifeste sur la modification du système de production de la pêche et sur les contraintes de réinsertion socioéconomique des migrants clandestins rapatriés.

A ce propos, les effets négatifs de l’émigration clandestine sont non seulement démographiques mais également économiques, sociaux etc. Sans entrer dans le détail on indiquera seulement pour l’étude des populations. A Guet Ndar, l’effet de l’émigration clandestine est assez variable mais d’une façon générale, il est plus défavorable que favorable. En effet, si dans certains cas, le départ d’une population contribue à soulager la pression démographique, il est plus souvent néfaste dans la mesure où il constitue une perte importante. Ceux qui partent sont presque les plus jeunes, les plus dynamiques ; et ces départs entraînent un recul sensible de l’activité de la pêche.

PROBLÉMATIQUE

La migration est au centre des discussions. Elle est même devenue un des rares thèmes qui réunit toutes les franges de la société, quels que soient l’âge, le groupe ethnique, le niveau scolaire, le statut professionnel, etc. En effet, l’intérêt d’une telle recherche est que la question migratoire est considérée autant dans les pays pauvres que dans les pays riches, l’une des questions les plus débattues à la fin du XXème siècle et en ce début du XXIème siècle. Devenue relativement problématique, elle a assez tôt bénéficié de l’attention des chercheurs des pays du Nord et des pays du Sud. La migration est en effet, un phénomène aussi ancien que l’humanité. Le peuplement des continents s’est fait et refait par vagues migratoires. Les migrants ont toujours laissé un vide derrière eux, souvent au profit des pays qui les ont accueillis. Les migrations du troisième millénaire ne se distinguent pas profondément des mouvements migratoires du passé. La globalisation aidant, beaucoup de pays sont devenus terre d’accueil pour des bras vaillants et des esprits novateurs.

Ces dernières années, le nombre de migrants internationaux a plus que doublé malgré les politiques étrangères restrictives visant à freiner ce phénomène. Selon le rapport de la commission mondiale sur les migrations internationales en octobre 2005, plusieurs millions de personnes seraient en transit migratoire dans le monde. Dans cette même mouvance, les chiffres des nations unies estiment, le nombre total de migrants internationaux à 75 millions en 1965 et 190 millions en 2005. Et le pire est à venir si l’on en croit aux prévisions d’un rapport publié en 2007 par CHRISTIAN AID (ONG BRITANNIQUE) qui estime à peu prés d’un milliard le nombre de futurs migrants de l’environnement. D’après ce document, 645 millions devraient d’ici à une quarantaine d’années se déplacer à cause des motifs d’ordre climatique, économique, social, politique etc.

Le Sénégal en tant que pays d’origine, de transit et d’accueil a toujours été et demeure encore le théâtre d’intenses mouvements migratoires à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Ainsi, l’émigration sénégalaise s’est faite sous différentes formes selon les localités et les époques. Il convient ici d’en retenir les faits les plus marquants. Avant la colonisation, les régions du fleuve et le Sénégal oriental furent des zones commerciales importantes à la fin du 19ème siècle. Ces régions connurent une situation de marasme économique qui amena surtout les Soninkés et les Halpoulars à migrer en Europe. A l’aube des indépendances, la France fait appel à la main d’œuvre étrangère et grâce a l’office national de l’émigration, il ouvre des bureaux de recensement et de recrutement dans huit pays dont le Sénégal.

Dans les années suivantes nos compatriotes des régions de Dakar, Diourbel, Sine Saloum et Louga, suivront les pas des ressortissants des régions du fleuve et du Sénégal oriental. Vers les années 70, l’immigration marque une nouvelle étape dans l’hexagone, notamment avec l’avènement du décret du 5 juillet 1974 qui suspend l’immigration et décide de la fermeture des frontières alors que le Sénégal se trouve confronté à la sécheresse et aux chocs pétroliers. En même temps que la France, les pays africains accueillent aussi des sénégalais. C’est le cas du Gabon, de la Côte d’Ivoire, de L’Egypte, du Maroc etc. En 1990, une nouvelle géographie de l’émigration se dessine en Europe avec une diversification très marquée des destinations. Si en France le nombre des sénégalais diminue, par contre en Italie et en Espagne on assiste à un accroissement fulgurant du nombre de nos compatriotes. Outre ces pays, l’émigration sénégalaise se dirige également vers les  pays du golf arabique, les Etats Scandinaves, les USA, le Canada, le Japon, les pays du Sud et Asiatiques etc. A partir de 2000, avec le durcissement dans l’espace Schengen et les conditions d’obtention du visa, les flux migratoires sont devenus essentiellement illégaux et se sont rabattus sur l’Espagne. Cette période a confirmé et accru les destinations mauritaniennes et marocaines comme pays de transit pour atteindre la forteresse Europe via Espagne. Des milliers de jeunes sénégalais ont alors traversé le désert du Sahara ou tenté la voix maritime à bord de bateaux.

Pour faire face à ce phénomène, au niveau international, les états africains et l’Union Européenne ont tenté de mettre en œuvre des politiques communes pour dissuader les candidats à l’émigration clandestine. En face les acteurs de l’émigration clandestine (ou irrégulière) multiplie les initiatives pour aller à l’assaut de ce mur dressé devant eux « mbeuk mi » ou de le contourner et réchapper à la vigilance des gardiens de ce mur. Ainsi, nous constatons deux facettes de l’émigration que l’on pourrait nommer : « la fuite de cerveaux », « l’émigration économique ».

Au Sénégal, la migration qu’elle se fasse dans les règles ou dans la clandestinité est sujette à des trafics d’influence ou des manipulations. Les migrants économiques, les demandeurs d’asile et les refugiés empruntent le plus souvent les mêmes itinéraires et les mêmes filières. Ainsi, les candidats sénégalais à la migration ne cessent de définir des stratégies pour atteindre une Europe dont les Etats élaborent continuellement une politique de restriction.

C’est dans cette optique que les côtes sénégalaises plus particulièrement Saint-Louisiennes sont devenues les points de départ pour de nombreux candidats à l’émigration clandestine vers l’Europe. Il embarque à bord de grandes pirogues à destination des îles canaries situées à quelques 1500 Kilomètres de la côte du Sud du Sénégal. La massification de la migration clandestine a posé problème au niveau du pays d’accueil. Or, l’envie de partir est très vive en raison des espoirs de sortir de la crise et d’enrichissement suscités par l’exemple des premiers émigrés et la modicité du coût de voyage. A ce propos, la présence de puissants réseaux de passeurs qui animent le commerce des migrants a aussi contribué à la brusque massification des flux irréguliers vers l’Europe notamment vers l’Espagne. Les réseaux de passeurs ont su bien exploiter la « mine d’or » que pouvait constituer l’organisation du commerce des migrants vers l’Espagne. D’une manière générale, la famille, la communauté, des hommes d’affaire, des marabouts ont joué un rôle actif dans l’augmentation des flux migratoires clandestins aussi bien en amont qu’en aval.

REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE 

A l’évidence, les approches théoriques sont nombreuses et diverses. Si certains auteurs décrivent le phénomène migratoire dans son évolution temporelle et spatiale, d’autres par contre l’abordent sous l’angle des déterminants qui poussent les personnes à se déplacer. La revue de la littérature nous a permis de mieux cerner notre sujet. La visite d’un certain nombre de bibliothèques, de centres de documentation, d’instituts de recherche…, a fini de confirmer qu’il y a beaucoup de travaux effectués sur l’émigration clandestine.

Dans cette optique, le professeur BARA MBOUP nous montre dans sa thèse intitulée politique de développement, migration internationale et équilibre ville campagne dans le vieux bassin arachidier l’évolution de l’organisation spatiale du bassin arachidier et son rôle dans la dynamique de développement. Il étudie aussi le politique de développement ainsi que la migration internationale tentative de réponse au bouleversement causé par la crise agricole. Tout en montrant les spécificités des relations ville-campagne, il souligne l’importance de la réalisation de leur équilibre pour assurer une dynamique économique. Ce que semble, selon lui, rétablir aujourd’hui les transferts d’argents des migrants internationaux. Intéressante certes, mais cette œuvre ne cadre pas avec notre thème ni avec notre zone d’étude.

SOW F, (1980), dans migration et urbanisation au Sénégal, distingue trois facteurs qui ont joué un important rôle dans cette mobilité : la sécheresse, le commerce transsaharien et le commerce atlantique. Cependant, cette perception de la sécheresse considérée comme étant à l’origine de ces mouvements a été remise en cause par l’auteur qui l’a qualifiée de catalyseur. Les motifs d’immigration et l’histoire spatiale de la ville (Dakar) son autant de questions qui ont été développées dans cette étude.

JEAN LOUP AMSELLE et al. (1976), Les migrations africaines : réseaux et processus migratoires. Pour l’auteur, le fait migratoire en Afrique devrait être expliqué dans le contexte qui lui donne un sens, celui de la structure de l’économie capitaliste mondiale. L’époque actuelle, qui se caractérise par le règne de l’impérialisme des firmes multinationales, se traduit également par l’intégration plus ou moins poussée des sociétés dominées à l’intérieur d’une économie capitaliste mondiale. Cet ouvrage nous a permis de comprendre l’effet de la transformation des sociétés antérieurement de subsistance vers des sociétés capitalistes sur la migration rurale-urbaine en Afrique.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PROBLÉMATIQUE
MÉTHODOLOGIE
PREMIÈRE PARTIE : PRESENTATION GENERALE DE LA ZONE D’ETUDE
CHAPITRE I : Les conditions physiques
CHAPITRE II : Occupation spatiale et Diversité des activités
DEUXIÈME PARTIE : LES MOTIFS DE DEPART
CHAPITRE I : les motifs d’ordre économique
CHAPITRE II : les motifs d’ordre social
TROISIÈME PARTIE : LES EFFETS DE L’EMIGRATION CLANDESTINE
CHAPITRE I : Les caractéristiques sociodémographiques et économiques des ménages
CHAPITRE II : Les effets de l’émigration clandestine sur le système de production de la pêche
CHAPITRE III : Les contraintes de réinsertion des migrants clandestins rapatriés
CONCLUSION GÉNÉRALE

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