Migration internationale et modernisation de l’habitat

Depuis un siècle l’étude des migrations a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs en sciences humaines. Jadis, portée sur la recherche des « lois migratoires »l’étude des migrations a pris les dimensions théoriques qui portent aujourd’hui sur l’interprétation ou la modélisation des interrelations entre le milieu socio-spatial et les migrations, sur les catégories de migrants et leur motivation et de façon générale sur l’impact de ce phénomène sur le développement individuel et collectif de l’humanité. L’analyse des mouvements de populations actuels suppose les connaissances précises des dialectiques à l’œuvre dans les différentes sociétés. Au Sénégal les dimensions spatiales du phénomène migratoire à savoir les destinations, les provenances et les réseaux ont connu une évolution avec des changements notés à chaque phase. En effet, bien avant son indépendance en 1960 le Sénégal était un pays d’immigration prisé de la sous région ouest africaine avec des citoyens venant des pays comme le Cap-Vert, la Guinée, la Guinée Bissau, de la Haute Volta (Burkina Faso), du Mali, de la Mauritanie. Ces immigrants entrés dans le pays du fait de sa position politique et du potentiel agricole des bassins du fleuve étaient pour la plupart des étudiants et des travailleurs agricoles. Ces mouvements se sont poursuivis jusque dans les années 1970 ou le flux d’entrée dans le pays était plus important que le flux de sortie. Entre 1975 et 1980 en raison des conditions de vie de plus en plus difficiles suite à une sécheresse poussée et du succès des premiers émigrants sénégalais, le solde migratoire s’est inversé faisant ainsi du Sénégal un pays d’émigration . A cette époque l’émigration sénégalaise était majoritairement orientée vers les pays africains comme la Gambie, le Congo, le Gabon, la Cote d’ivoire etc. Mais ces dernières années les crises politiques et économiques se sont généralisées dans les pays africains de sorte que les émigrants sénégalais optent de moins en moins pour les destinations africaines .

Problématique

Les populations de la ville de Louga tiraient l’essentiel de leurs revenus de l’agriculture et de l’élevage. Cependant depuis la sécheresse des années 1970, Louga perd de plus en plus cette vocation agro-pastorale. Malgré le relent encore perceptible du dynamisme des autres secteurs d’activités, la ville de Louga peine toujours à retrouver son lustre d’antan. En matière d’emploi la commune offre peu d’opportunités. Dans un tel contexte fait de situations précaires et face aux difficultés de la vie quotidienne, l’émigration vers d’autres contrées reste une solution particulièrement chez la jeune génération. En effet, Louga s’offre dans la géographie humaine du Sénégal comme un grand foyer d’émigration masculine . Très ancrée dans la zone, l’émigration a connu ces dernières décennies une évolution fulgurante avec beaucoup de départs notés. Les lougatois émigrent le plus souvent vers l’Europe et les Etats unis pour satisfaire les besoins qu’ils n’ont pu réaliser en restant sur place. Ces besoins tournent autour de l’entretien d’une famille restée au lieu d’origine et la construction d’une maison digne d’un émigré avec tout le confort requis. A ce propos Sergine Mansour Tall (1994) signale que « dans certains villages de la région de Louga, les revenus migratoires représentent 90% des revenus des ménages ».

La massification des départs ces dernières décennies a contribué à accroitre les mutations spatiales et socio-économiques dans la ville avec les transferts de fonds générés par l’émigration. De nos jours ces mutations se manifestent diversement dans la ville.

Dans la ville l’effet le plus visible de l’émigration reste sans doute le développement du bâti qui est consécutif à l’investissement des émigrés dans le secteur de l’habitat et de la construction. En effet, ce secteur a connu, ces dernières années, une mutation remarquable du point de vue de l’occupation de l’espace notamment au niveau des quartiers périphériques de la ville. Le dépérissement du bassin arachidier traditionnel avait mis sur les routes de l’exode des hommes, mais surtout les artisans les plus doués de la ville et ses environs en Europe, aux Etats-Unis au point que les transferts unilatéraux modèlent le bâti, insufflent à la production d’un dynamisme et d’une modernité technologique qui incitent toujours au départ.

Ainsi sur le plan spatial le quartier santhiaba sud qui était exclusivement une zone où on pratiquait l’agriculture, l’élevage et où avait élit domicile la plupart des artisans de la ville a connu une forte anthropisation de telle sorte que les surfaces cultivables ont cédé la place à l’habitat sous l’impulsion des investissements immobiliers des émigrés et son corollaire dans le quartier. Au niveau de Santhiaba sud, les tendances récentes laissent entrevoir une présence marquée des émigrés dans l’édification de belles villas en contraste avec les poches d’habitats précaires qui existaient dans le site. De ce fait ce quartier traditionnel dont l’habitat se caractérisait par un émiettement du fait de la petite taille des installations humaines, connait aujourd’hui une nette augmentation avec la prolifération de nouveaux bâtiments au sein des concessions. Cette situation explique sans doute l’amélioration de l’habitat du quartier qui se manifeste par la croissance des superficies de construction avec l’édification de nouveaux bâtiments .En effet, jadis connus pour son architecture villageoise, ce quartier connait sous l’impulsion de ses émigrés une reconfiguration en ce sens que les bâtis qui étaient sur place sont remodelés ou remplacés par de nouveaux bâtiments qui répondent plus aux exigences de la modernité.

En outre sur le plan socio-économique on constate d’une part l’émergence d’une nouvelle fonction de la villa .Autrefois utilisée pour loger la famille, elle remplie peut être de nos jours d’autres fonctions. Les investissements des émigrés dans le secteur de l’habitat et de la construction ont permis de constater le développement d’un marché de location de villas dont les acteurs principaux sont les émigrés et la population (locale ou étrangère). D’autres parts, ces investissements immobiliers ont permis de voir une dynamique sociale basée sur des rapports de confiance, de solidarité et d’entraide. A travers les investissements des émigrés dans le secteur de l’habitat et de la construction des réseaux sociaux se dessinent. Ces réseaux sont entretenus par la famille du migrant avec son entourage immédiat.

Par bien des aspects le phénomène de la migration internationale donne une large fenêtre de problématiques auxquelles son étude fait référence. Ces dernières sont le plus souvent appréhendées sous l’angle de ces conséquences sur le plan économique, démographique et sociale, d’où la transversalité et la multidisciplinarité de ce thème. La recherche des conséquences de la migration sur l’amélioration de l’habitat urbain privilégie une autre approche réalisée jusque-là à travers les études ne traitant que des migrations.

Tall Serigne Mansour (2009)

Dans cet ouvrage «Investir dans la ville africaine : les émigrés et l’habitat à Dakar», l’auteur Serigne Mansour Tall, docteur en géographie retrace l’évolution de la région de Dakar, capitale du Sénégal. Il a mis l’accent sur les déterminants des investissements immobiliers des migrants dans la région de Dakar. Serigne Mansour Tall a aussi montré la façon dont les émigrés ont contribué à la rénovation de l’architecture urbaine. Dans ce sens l’auteur aborde l’émergence d’un marché foncier très dynamique surtout avec l’implication des émigrés. Sur le plan de l’habitat on assiste à des mutations sur la morphologie des constructions. L’aspect transferts financiers des émigrés a aussi intéressé l’auteur qui a abordé la question sous l’angle des instruments utilisés par les migrants pour leur transaction financière.

Enfin dans un contexte actuel marqué par de nouveaux courants migratoires vers l’Europe cet ouvrage propose des éléments de réflexion sur les déterminants du « désir d’ailleurs » chez la jeune génération sénégalaise. Cet ouvrage très instructif sur l’émigration internationale sénégalaise notamment sous l’angle de l’investissement des émigrés dans le secteur de l’habitat permet d’avoir un aperçu sur la présence des émigrés dans le marché foncier et immobilier. La présence des émigrés dans ce marché explique un tant soit peu le développement des constructions à Dakar.

OIM (2009) 

Dans cette étude intitulée « Migration au Sénégal, profil national 2009 », l’auteur Some retrace l’évolution du phénomène sur le plan national. En effet bien avant son indépendance le Sénégal était un pays d’immigration très prisé de la sous région oust africaine. Durant cette période le Sénégal accueillait des étudiants et des travailleurs agricoles. Mais entre 1975 et 1980 en raison des condition de vie difficiles au Sénégal et les effets des programmes d’ajustements structurels (PAS) imposés par la banque mondiale(BM) et le fond monétaire international (FMI), les sénégalais émigrent vers l’extérieur. Ici la question de la migration a été abordée sous tous ses angles. A l’aide des différentes enquêtes organisées au Sénégal les notions d’émigration et d’immigration sont définies et expliquées. Dans le même ordre d’idée les causes de la migration sont analysées. En effet face à un environnement économique très difficile dont les répercutions n’épargnent pas le marché de l’emploi, l’émigration vers les pays développés devient une condition sine qua none. C’est ainsi que beaucoup de départs sont notés ces dernières décennies avec 171 347 départs entre 1988 et 1992 et 163 953 départs entre 1997 et 2001.Ces émigrés sont en quête d’une identité sociale en s’expatriant .

Différentes formes de migrations sont pratiquées par les émigrants sénégalais selon Some. Les uns émigrent de façon régulière pour rejoindre leur famille, pour des études ou des travaux saisonniers ou temporaires. D’autres accèdent aux pays de destinations par voie légale, puis choisissent d’y rester au-delà du séjour autorisé par leur visa. Ces derniers sont nombreux bien que les statistiques ne le montrent pas formellement. En raison des difficultés pour obtenir un visa, de nombreux jeunes sénégalais, comme d’autres subsahariens, embarquent dans des pirogues de fortunes au large de la Gambie, du Sénégal, de la Mauritanie et de la Libye pour essayer d’atteindre les côtes espagnoles .Ces migrants dits clandestins ont fait ces dernières années l’objet d’attention médiatique particulière en Europe et dans les pays de départs.

En fin cette étude très pertinente sur la migration au Sénégal nous a permis de comprendre l’ampleur des transferts d’argent des émigrés sur le développement socio-économique du pays. Les investissements des émigrés dans le secteur de l’habitat ont aussi été évoqués. Les émigrés font des investissements de plus en plus importants dans le secteur de l’immobilier ; ils constituent 50% des propriétaires dans certains quartiers comme Grand Dakar et parcelles Assainies et ont réalisé 60% des constructions ces dernières années dans le département de Kebemer selon toujours cette étude.

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Table des matières

INTODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRE DE REFERENCE
I. Problématique
II. Revue critique de la littérature
III. Cadre conceptuel et théorique
IV. Cadre opératoire
V. Méthodologie
DEUXIEME PARTIE : LES CARACTERISTIQUES GEOGRAPHIQUES DE LA VILLE DE LOUGA
CHAPITRE I : Caractéristiques physiques et humaines de la ville de Louga
CHAPITRE II : Santhiaba sud, genèse et évolution
TROISIEME PARTIE : MIGRATION INTERNATIONALE ET MODERNISATION DE L’HABITAT DU QUARTIER SANTHIABA SUD
CHAPITRE I : Migration internationale à Santhiaba sud
CHAPITRE II : Les émigrés, acteurs dans la modernisation de l’habitat du quartier santhiaba sud
CHAPITRE III : Migration internationale et dynamique socio-économique à Santhiaba sud
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes

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