Microsystèmes d’extraction par solvant pour l’analyse nucléaire

Microsystèmes d’extraction par solvant pour l’analyse nucléaire 

Au XVIIème siècle, l’invention des microscopes optiques permet une première percée dans le monde microscopique et donne accès à des informations portant sur des objets invisibles à l’œil nu. Bien que révolutionnaire, cette incursion se limite alors à un rôle passif d’observation et il faut attendre le XXème siècle pour commencer à surmonter les difficultés à véritablement agir à cette échelle micrométrique. Dans les années 50, les premiers transistors sont développés dans des blocs semi-conducteurs et l’apparition de la technique de photolithographie via le programme américain Apollo, durant la décennie suivante, permet la miniaturisation et l’intégration de ces transistors sur des plaquettes en silicium. Il faut ensuite attendre les années 80 pour voir apparaître les MEMS (Micro Electro Mechanical Systems) contenant des micro-éléments mobiles que Richard Feynman [12] avait imaginés et relatés dès 1959 lors d’un discours visionnaire « There is plenty of room at the bottom ». A la fin des années 80, les microcapteurs, les micropompes et les microvalves connaissent un développement important et contribuent à l’émergence de la notion de µ-TAS (micro Total Analysis Systems) au début des années 90 [13]. Dès lors, le domaine d’utilisation des MEMS se diversifie et s’étend peu à peu à la chimie et la biologie mais reste, malgré tout, limité à l’utilisation de systèmes en verre ou en silicium. Depuis les années 2000, d’autres matériaux de fabrication des microsystèmes apparaissent, notamment le PDMS (PolyDiMéthylSiloxane), permettant de limiter les temps et les coûts de production.

Ainsi, la microfluidique est une science émergeante dont nous rappelons, dans ce second chapitre, les concepts ainsi que les apports des points de vue analytique et pratique. Ensuite, dans un objectif de clarification, une distinction sera faite entre les différentes techniques d’extraction à l’échelle miniaturisée que sont la microextraction en phase liquide et l’extraction liquide-liquide en microcanaux. Le choix de la technique employée dans cette thèse sera justifié. Pour mieux comprendre et mettre en évidence les phénomènes ayant lieu à l’échelle micrométrique, un bilan des forces en présence sera effectué et caractérisé par l’utilisation de nombres adimensionnels. Connaissant ces forces, nous verrons quelles techniques physiques ou chimiques vont permettre de les favoriser pour stabiliser et contrôler les écoulements. Enfin, les systèmes microfluidiques multiphasiques déjà étudiés seront décrits en distinguant les systèmes gaz-liquide des systèmes liquide-liquide et un état de l’art sera établi concernant l’utilisation de ces derniers dans le domaine du nucléaire.

Définition et concepts

Le professeur Whitesides [14] livre la définition suivante de la microfluidique : « la science et la technologie des systèmes qui manipulent de faibles volumes de fluides (10⁻⁹ à 10⁻¹⁸ litres) via l’utilisation de canaux ayant des dimensions variant de quelques dizaines à quelques centaines de micromètres ». Cette définition s’accorde au concept de laboratoire-sur-puce (lab-on-chip). La notion de laboratoire-sur-puce est une version améliorée des µ-TAS puisqu’en plus de combiner des fonctions nécessaires à l’analyse chimique, elle inclut d’autres étapes. La synthèse chimique, le transport de l’échantillon ainsi que les étapes de chimie préparative (pré concentration), les réactions chimiques, la séparation et la détection sont potentiellement intégrés sous forme de briques élémentaires au sein d’un dispositif compact [15-19].

Apports de la microfluidique à l’analyse

Depuis les années 90, l’accent est mis sur la réduction des émissions dans l’environnement afin de limiter l’impact de l’ère industrielle sur le réchauffement climatique. Les industries chimiques et biochimiques sont fortement concernées puisqu’elles contribuent de manière significative à la pollution de l’eau (rejets d’effluents), à l’émission de particules solides ou de gaz dans l’atmosphère, etc. Dans ce contexte et dans le cadre de la réglementation REACH (enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques) [20], il est nécessaire de développer des nouvelles technologies permettant de limiter l’impact environnemental de ces industries [5]. La réduction d’échelle associée à la manipulation de fluides dans des puces microfluidiques, par rapport à des canaux ou des cuves millimétriques ou centimétriques, implique avant tout la réduction des volumes. Dans ce contexte, la microfluidique est un outil de choix puisque la miniaturisation conduit à une diminution des volumes d’échantillons, de réactifs et de solvants utilisés et donc des déchets engendrés ainsi que des temps d’analyse permettant alors une réduction des coûts pour les laboratoires et les industriels [21-24]. De plus, le changement d’échelle associé à la microfluidique permet un meilleur contrôle des écoulements et donc des réactions [25] : à l’échelle micrométrique, les écoulements sont laminaires, c’est-à-dire qu’ils ne présentent pas de turbulence, les interfaces et les aires interfaciales associées peuvent alors être précisément contrôlées [26]. Dans le cas de réactions incluant des espèces toxiques ou potentiellement dangereuses, la réduction d’échelle permet un contrôle plus sécurisé des opérations. Les problèmes liés à la rupture des réacteurs chimiques ou à la protection des personnels ou de l’environnement sont limités et mieux maîtrisés car les quantités mises en œuvre sont plus faibles [27]. De plus, n’utiliser que de faibles volumes d’échantillons et de réactifs, qui peuvent être rares ou onéreux, permet des économies de réactifs allant dans le sens du développement durable [28, 29]. Les outils microfluidiques s’inscrivent ainsi pleinement dans le développement de la chimie verte .

Par ailleurs le rapport surface sur volume est particulièrement élevé en microsystème par comparaison avec les systèmes conventionnels classiquement utilisés à l’échelle macroscopique. En effet, typiquement en batch, les aires interfaciales spécifiques sont de l’ordre de quelques centaines ou miliers de m2 /m3 alors qu’elles varient de 10 000 à 50 000 m2 /m3 en microsystème (figure 2) [30-32]. Cette augmentation du rapport surface sur volume donne un poids prépondérant aux termes de flux et permet de gagner en efficacité [26, 33]. De la même manière, le transfert de chaleur est considérablement amélioré en microsystème : Di Micelli Raimondi [31, 34, 35] indique une augmentation d’un facteur supérieur à 50 entre les coefficients de transfert de chaleur par unité de volume en batch et en microsystème. Ces différentes caractéristiques des outils microfluidiques facilitent leur utilisation pour la parallélisation et l’intensification des procédés. Lorsque des analyses sont réalisées en routine, la parallélisation permet l’augmentation de la cadence d’analyse [26, 36].

Outre la réduction des temps d’analyse et des volumes de déchets produits, le processus de miniaturisation et d’automatisation présente également l’avantage de diminuer l’exposition des opérateurs, ce qui en fait un atout de poids dans le cas de procédés incluant des produits toxiques, explosifs ou encore radioactifs [37]. Ainsi, la miniaturisation joue un rôle prépondérant dans la décentralisation des analyses chimiques [24, 36].

Les bénéfices liés à la microfluidique expliquent le développement de nombreuses applications analytiques dans des domaines variés, cités de façon non exhaustive:
– le diagnostic médical pour des détections rapides de maladie sur les lieux de soins du patient comme les hôpitaux ou les cabinets médicaux [18, 39, 40] mais aussi dans le cadre du développement de systèmes de diagnostic à la fois précis, fiables, robustes et bon marché pour l’implantation dans les pays en voie de développement [41, 42],
– le contrôle agroalimentaire pour détecter la présence d’organismes génétiquement modifiés ou de contaminants biochimiques tels que les pesticides [43-45],
– le contrôle de l’environnement pour tester la qualité de l’air ou de l’eau [17, 18, 46- 48]. Dans cet objectif, l’équipe de McGraw [49] a développé un système microfluidique permettant l’analyse en temps réel du niveau de phosphates dans des eaux en intégrant l’échantillonnage, le stockage des réactifs et des déchets, la détection et un système de communication sans fil. Cet outil présente une limite de détection de 0,3 mg.L-1 , une autonomie de 7 jours et fonctionne avec une batterie de 12 V,
– la défense et la sécurité civile pour détecter en urgence de potentielles armes biologiques ou chimiques [50-53]. Ainsi, dans les années 90, le département de la Défense des Etats-Unis a financé une série de programmes de recherche visant à développer des systèmes microfluidiques portatifs pouvant servir de détecteurs pour les menaces chimiques et biologiques. Ces programmes de recherche ont alors fortement stimulé la technologie microfluidique académique [14].

A terme, les outils microfluidiques pourront être considérés comme des boîtes noires où le rôle de l’utilisateur consistera simplement à fournir l’échantillon et à appuyer sur le bouton « démarrer » [36]. Toutefois, à l’heure actuelle, certaines améliorations restent à apporter notamment concernant :
– la conception ou l’adaptation de briques élémentaires pour différentes étapes de chimie, notamment pour des milieux non conventionnels pour la microfluidique (milieux corrosifs, solvants non aqueux) [54],
– l’interfaçage, d’une part, entre l’outil microfluidique et le monde extérieur macroscopique (introduction de l’échantillon, conditionnement du microsystème, changement d’échantillon entre deux analyses) et, d’autre part, entre les différentes briques élémentaires constitutives de l’outil microfluidique lui-même afin de prévenir les volumes morts et les fuites au niveau des connexions [36, 55-59],
– l’amélioration des systèmes de détection qui doivent nécessairement être très sensibles si la taille des échantillons est réduite à des volumes de l’ordre de quelques nanolitres ou picolitres [60, 61].

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Table des matières

INTRODUCTION
I- Contexte et enjeux du projet
II- Microsystèmes d’extraction par solvant pour l’analyse nucléaire
II-1. Définition et concepts
II-2. Apports de la microfluidique à l’analyse
II-3. Miniaturisation de l’extraction liquide-liquide
II-3.a. Microextraction en phase liquide
II-3.b. Extraction liquide-liquide en microcanaux
II-3.c. Conclusion : choix de la technique
II-4. Caractéristiques de l’échelle microscopique – Lois d’échelle
II-4.a. Hiérarchie des forces
II-4.b. Distinction entre microfluidique et nanofluidique
II-5. Ecoulements biphasiques
II-5.a. Typologie des écoulements
II-5.b. Caractérisation des régimes d’écoulement par les nombres adimensionnels
II-5.c. Stabilisation des écoulements
II-5.d. Conclusion
II-6. Microsystèmes appliqués aux réactions en milieux multiphasiques
II-6.a. Systèmes biphasiques gaz-liquide
II-6.b. Systèmes biphasiques liquide-liquide
II-7. Conclusion et objectifs de l’étude
III- Choix des systèmes chimiques et du microsystème, stratégie de l’étude
III-1. Définition du cahier des charges de l’étude
III-2. Choix des systèmes d’extraction liquide-liquide
III-2.a. Principe de l’extraction liquide-liquide
III-2.b. Equilibres et grandeurs d’extraction
III-2.c. Classification des systèmes d’extraction
III-2.d. Choix des couples extractant/analyte
III-2.e. Conclusion
III-3. Conditions d’écoulements et choix du microsystème
III-3.a. Géométries d’introduction et de sortie des fluides
III-3.b. Comparaison des matériaux utilisés pour la fabrication des microsystèmes
III-3.c. Choix du matériau
III-3.d. Choix et caractéristiques du microsystème commercialisé choisi
III-4. Stratégie de l’étude
IV- Développement méthodologique de la microextraction liquide-liquide : contrôle de l’hydrodynamique et optimisation de l’extraction
IV-1. Matériels et méthodes
IV-1.a. Réactifs chimiques
IV-1.b. Préparation des solutions
IV-1.c. Caractérisation physico-chimique des phases
IV-1.d. Détermination de l’europium et de l’uranium
IV-1.e. Expériences en batch – Extraction liquide-liquide
IV-1.f. Expériences en microsystème
IV-2. Détermination des compositions optimales des phases pour l’extraction
IV-2.a. Système U/Aliquat®
IV-2.b. Système Eu/DMDBTDMA
IV-2.c. Système Eu/HDEHP
IV-2.d. Conclusion
IV-3. Domaines d’utilisation du microsystème
IV-3.a. Système U/Aliquat®
IV-3.b. Système Eu/DMDBTDMA
IV-3.c. Système Eu/HDEHP
IV-3.d. Conclusion
IV-4. Optimisation de la microextraction liquide-liquide
IV-4.a. Définition des temps de contact
IV-4.b. Système U/Aliquat®
IV-4.c. Système Eu/DMDBTDMA
IV-4.d. Système Eu/HDEHP
IV-4.e. Conclusion
IV-5. Conclusion
CONCLUSION

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