Ce travail a été réalisé au sein du Laboratoire des Fluides Complexes (L.F.C.) de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, membre de l’Unité Mixte de Recherche 5150 avec le Centre National de la Recherche Scientifique et la société TOTAL. Les thèmes abordés y sont variés et concernent plusieurs catégories de fluides, mais la grande majorité des études réalisées est relative aux effluents d’origine pétrolière, ainsi qu’à leurs composants et dérivés. Outre le développement de modèles thermodynamiques, le laboratoire a mis au point de nombreux dispositifs expérimentaux permettant la caractérisation de ces systèmes sous haute pression à travers l’étude de diverses propriétés. C’est le cas, par exemple, de propriétés de transport comme la viscosité ou la conductivité électrique, de propriétés volumétriques tels le coefficient de compressibilité et la masse volumique, ou de grandeurs thermophysiques comme la capacité calorifique et la vitesse de propagation des ondes ultrasonores. Certains dispositifs permettent également l’étude de dépôts solides de différentes natures (paraffines, asphaltènes ou hydrates de gaz) et des équilibres de phase.
C’est dans ce dernier domaine que s’inscrit le travail exposé dans ce mémoire. Il concerne l’étude des équilibres liquide – solide dans les effluents pétroliers sous pression, et plus généralement, dans les mélanges contenant des paraffines. Rappelons que, dans le génie pétrolier, le terme « paraffine » désigne les alcanes qui sont solides dans les conditions ambiantes de température et de pression. Par extension, il est également utilisé pour les alcanes liquides susceptibles de cristalliser dans les conditions opératoires. Dans ce travail, nous désignerons par «n-paraffine » tous les alcanes linéaires contenant au moins 11 atomes de carbone.
La première étude effectuée au laboratoire sur ce sujet a concerné la formation de dépôts paraffiniques, également nommés « cires », dans les mélanges synthétiques (Pauly (2000)). Par la suite, cette étude a été étendue par Sansot (2003) aux huiles brutes et aux gaz à condensat.
L’intérêt suscité par les équilibres liquide – solide de paraffines provient des problèmes occasionnés lors de leur cristallisation pendant l’exploitation ou le transport des effluents pétroliers. La nature de ces problèmes dépend en fait de la quantité de paraffine solide présente dans le fluide :
• si la fraction massique des alcanes de haut poids moléculaire est importante et si la température du système descend en deçà d’une certaine valeur que l’on nomme «point d’écoulement », la phase solide est si développée qu’elle emprisonne le liquide en équilibre pour former un gel. L’écoulement du fluide devient alors impossible.
• si les paraffines sont présentes en moindre proportion, la présence de particules de cire au sein du fluide entraîne une augmentation de la viscosité et, de ce fait, un accroissement des pertes de charge. Il devient alors nécessaire d’augmenter la puissance des équipements de pompage pour maintenir un débit constant. En outre, pendant l’écoulement, les cristaux de paraffines ont tendance à se fixer sur les parois plus froides des conduits de transport puis s’agglomèrent entre eux, réduisant ainsi lentement le diamètre offert au fluide, jusqu’à obstruction totale si aucune mesure préventive n’est adoptée suffisamment tôt .
Lorsque de tels dépôts se forment dans les conduits, une intervention curative est nécessaire pour éviter la formation d’un bouchon. L’utilisation de solvants ou le chauffage des parois externes des canalisations peuvent faire disparaître les agrégats récents, mais un raclage mécanique avec intervention humaine est requis si le dépôt est trop conséquent, entraînant l’arrêt de toute la chaîne d’exploitation . Ces solutions s’avèrent efficaces mais sont particulièrement onéreuses, et engendrent des manques à gagner importants.
Une alternative à ces méthodes curatives consiste à prévenir la formation des particules solides. Outre l’usage de revêtements internes spécifiques limitant l’accrochage des cristaux, les conduits de transport peuvent être isolés, voire chauffés, pour maintenir le fluide à une température supérieure à la température d’apparition des cires. On peut également avoir recours à des additifs chimiques, comme des inhibiteurs, qui bloquent le phénomène de cristallisation au stade de la nucléation ou qui empêchent l’agrégation des cristaux. Ces méthodes préventives sont coûteuses à mettre en place, et une bonne connaissance du comportement thermodynamique des fluides de gisement est importante afin de n’engager aucune dépense inutile qui résulterait d’un mauvais dimensionnement.
Détection directe par observation visuelle
Les normes ASTM (« American Society for Testing and Materials ») D2500 et D3117 préconisent une observation visuelle pour déterminer la température d’apparition des cires dans les effluents pétroliers (Kruka et al. (1995)). Ces deux méthodes sont basées sur l’utilisation d’une cellule transparente, d’épaisseur variable selon la norme, dans laquelle est contenu le fluide à étudier, ce dernier étant porté à une température suffisante pour qu’il soit initialement à l’état monophasique liquide.
La norme D2500 consiste à tremper la cellule, d’un diamètre de 4 cm environ, dans un bain régulé à une température inférieure de 30 à 40 K à celle de l’échantillon. Le dispositif ne prévoit pas d’agitateur magnétique, ce qui entraîne des imprécisions évidentes liées à l’hétérogénéité du système, aussi bien au niveau thermique que chimique. De plus, la vitesse de refroidissement n’est absolument pas maîtrisée alors qu’elle joue un rôle important sur la qualité des mesures de température de cristallisation commençante (Rønningsen et al. (1991)).
La norme D3117 utilise une cellule de dimension plus réduite, de 2 cm de diamètre, et un agitateur permet d’homogénéiser l’échantillon. Mais la vitesse de refroidissement recommandée, d’environ 1,5 K.min-1, est trop élevée pour donner des valeurs fiables de température de cristallisation commençante, à cause du phénomène de surfusion inhérent à toutes les méthodes par refroidissement.
Détection par transmission d’un signal lumineux
Pour réduire la subjectivité de la technique d’observation visuelle directe indiquée précédemment, il est possible d’utiliser un dispositif optique pour remplacer l’opérateur humain (Hammami et Raines (1997), Kruka et al. (1995), Pauly (2000)). Les cellules d’observation sont habituellement constituées de matériaux métalliques pour permettre une utilisation sous pression, et sont munies de deux hublots transparents positionnés en vis-à-vis afin qu’une source lumineuse monochromatique éclaire l’échantillon et que le signal transmis puisse être récupéré par un capteur électronique. Le principe de détection des transitions de phase liquide – solide avec ce genre de dispositif est le suivant : lorsque le système se trouve à l’état monophasique liquide, l’intensité du faisceau transmis est importante ; dès lors que la température d’apparition des cires est atteinte, la cristallisation des paraffines provoque une forte atténuation du signal, car chaque particule solide en suspension diffuse une partie de la lumière .
Cette technique permet d’obtenir d’excellents résultats avec les systèmes synthétiques, même complexes, et pourrait être utilisée dans le cas de fluides sombres en choisissant une source laser de couleur rouge et en réduisant suffisamment l’épaisseur d’échantillon que doit traverser le faisceau lumineux.
Néanmoins, s’il est possible de s’affranchir des inconvénients liés à l’opacité des fluides pétroliers, le problème relatif à la taille des cristaux demeure. En effet, pour que l’atténuation du signal lumineux soit perceptible, il est indispensable que les cristaux soient de taille suffisante et forment des agrégats de plus de 10 µm de diamètre, ce qui n’est pas le cas lorsque le système se trouve juste en deçà de sa température de cristallisation commençante. Hammami et Raines (1997) ont comparé la sensibilité de cette technique avec celle d’un microscope à polariseurs croisés en mesurant la température de cristallisation commençante d’une huile brute à l’aide des deux méthodes (le dispositif de microscopie à polariseurs croisés est présenté dans le paragraphe I.8). Alors que les premiers cristaux sont visibles au microscope, le faisceau transmis ne présente toujours pas d’atténuation brutale ; il faut atteindre une température inférieure d’environ 10 K pour assister à l’effondrement de l’intensité lumineuse.
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Table des matières
Nomenclature des principaux symboles
Introduction
I. Présentation des différentes techniques expérimentales pour la détermination des équilibres liquide – solide
I.1. Détection directe par observation visuelle
I.2. Détection par transmission d’un signal lumineux
I.3. Détection par mesure de pression différentielle
I.4. Détection par mesure de viscosité
I.5. Détection par mesure acoustique
I.6. Détection par mesure calorimétrique
I.7. Détection par mesure de spectre infrarouge
I.8. Détection par microscopie à polariseurs croisés
I.9. Conclusion
II. Développement de la méthode de mesure de la température de fusion finissante par microscopie sous pression
II.1. Dispositif expérimental
II.1.1. Cellule de mesure à pression atmosphérique
II.1.2. Cellule de mesure sous pression
II.1.3. Matériel d’observation : microscope et capture d’image
II.2. Protocole expérimental
II.2.1. Remplissage de la cellule de mesure
II.2.2. Mesure de température de fusion finissante
II.3. Validation du dispositif
II.3.1. Validation des mesures à pression atmosphérique : vérification de la température
II.3.2. Validation des mesures sous pression
III. Mesure sous haute pression de la température de fusion de corps purs
III.1. Etude des n-alcanes, du n-undécane au n-eicosane
III.2. Etude de naphtènes : les alkylcyclohexanes
III.3. Etude d’aromatiques : les alkylbenzènes
III.4. Comparaison des différentes familles chimiques
IV. Mesure sous haute pression de la température de fusion finissante de systèmes synthétiques
IV.1. Etude de systèmes binaires
IV.1.1. Etude du système {n-tétradécane + n-hexadécane}
IV.1.2. Etude du système {n-tétradécane + n-pentadécane}
IV.1.3. Etude du système {n-tétradécane + n-dodécylcyclohexane}
IV.1.4. Modélisation des équilibres liquide – solide des systèmes {n-C14 + n-C16} et {n-C14 + n-C15}
IV.2. Etude d’une distribution de paraffines
IV.2.1. Résultats expérimentaux
IV.2.2. Comparaison de la Tff à pression atmosphérique des différents systèmes étudiés en phase rotatoire
IV.2.3. Modélisation des distributions continues de n-alcanes
IV.3. Etude du comportement d’une cire paraffinique dissoute dans un solvant
IV.4. Conclusion
V. Température de fusion finissante de fluides réels complexes
V.1. Etude d’un fluide de type « diesel » sous pression
V.2. Etude de condensats sous pression
V.3. Etude d’une huile opaque à pression atmosphérique
V.4. Discussion sur la taille des cristaux dans les fluides réels complexes
Conclusions
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