Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Absorption à deux photons
Dans la partie 1.1 seule l’absorption d’un seul photon a été considérée. Cependant une absorption simultanée de plusieurs photons peut également être considérée. C’est ce phénomène d’absorption biphotonique qui va être abordé maintenant.
Comparaison des processus d’absorption à un photon et à deux photons
L’absorption à deux photons est un processus non linéaire caractérisé par l’absorption simultanée de deux photons par la même molécule. Cela implique un doublement de la longueur d’onde absorbée et une dépendance quadratique vis-à-vis de l’intensité lumineuse absorbée
L’atténuation de l’intensité I d’un faisceau lumineux par N molécules par unité de volume et sur une distance z
Le premier terme de cette équation caractérise l’atténuation due à l’absorption d’un photon et le deuxième l’absorption biphotonique avec α1 >> α2. Cet ordre de grandeur traduit mathématiquement la faible probabilité de l’absorption biphotonique et le facteur δ introduit est appelé section efficace d’absorption à deux photons (exprimé en Goeppert-Mayer, noté GM ; 1GM ≡ 10-50 cm4.s.photon-1). Plus concrètement, lorsque la lumière traverse une cuve contenant N molécules susceptibles d’absorber la lumière, cette absorption peut être en première approximation considérée comme proportionnelle au nombre de molécules dans la cuve.
En pratique, la mesure de δ peut être déterminée à partir de la fluorescence de la molécule et dans ces conditions, la section efficace d’absorption à deux photons δ à une longueur d’onde λ est calculée de manière analogue au rendement quantique par rapport à un composé de référence (indice R)
Dans cette équation, I désigne l’intensité de fluorescence mesurée, n l’indice de réfraction du solvant, ΦF le rendement quantique de fluorescence, c la concentration de l’espèce, et δR la section efficace d’absorption du composé de référence connue.
En général l’absorption à deux photons est représentée sur un diagramme d’énergie comprenant un état fondamental, un état final et un état virtuel (Figure 9). On parle alors de modèle à trois niveaux. L’énergie de l’état virtuel n’est aucunement liée à une résonnance de la molécule.
Si l’on compare les absorptions mono et biphotonique, il faut d’abord distinguer le cas des fluorophores centrosymétriques et celui des fluorophores non centro-symétriques car les états électroniques mis en jeu sont différents :
– Pour une molécule centrosymétrique. La transition électronique correspondant à l’absorption mono-photonique S0 S1, (Figure 9, partie gauche), n’est pas possible en absorption biphotonique, elle est dite interdite. L’état final, noté S2 est donc différent. La longueur d’onde d’absorption à deux photons est alors légèrement décalée vers le bleu, comparée à celle observée
si la molécule était non centrosymétrique.
– Dans le cas d’une molécule non centrosymétrique, les transitions électroniques mises en jeu sont les mêmes pour l’absorption d’un ou de deux photons : c’est le passage de S0 à S1 qui est mis en jeu. Par conséquent la longueur d’onde maximale d’absorption biphotonique est exactement la double de celle de l’absorption mono-photonique.
Dans tous les cas, la longueur d’onde maximum d’absorption biphotonique sera supérieure à celle en mono-photonique.
Facteurs favorisant l’absorption biphotonique
L’absorption à deux photons n’est pas un phénomène prépondérant comparé à l’absorption classique à un photon. Il s’agit donc maintenant de comprendre comment concevoir des molécules possédant la valeur de δ la plus grande possible. Ces études ont permis de déterminer des paramètres structurels clés pour favoriser l’absorption biphotonique, qui sont les suivants :
– La présence de groupes fortement donneurs et/ou accepteurs permettant d’augmenter la polarisabilité de la molécule à l’état excité et donc le transfert de charge interne.13 Ces groupements peuvent être placés en position terminale ou en position centrale.
– Un système π conjugué et étendu14 : pour une conjugaison efficace, le système doit être plan, ce
qui requiert la présence de motifs cycliques ou complexant de manière à contraindre la structure.15
Des études en modélisation peuvent d’ailleurs permettre d’estimer en amont la valeur de δ.16
Présence de groupes électrodonneurs ou électroattracteurs
Les groupes dialkyl and diaryl amino sont les plus utilisés en tant que groupements donneurs terminaux car ils sont en général plus efficaces que les groupes donneurs oxygénés. Ceci est illustré par la différence de section efficace d’absorption entre les fluorènes 2a et 2b synthétisées par le groupe du Dr. Blanchard-Desce : la valeur de δ croît d’un facteur 10 entre ces deux molécules (110 GM contre 1300 GM, Figure 10).
Figure 10 : Influence des groupements donneurs terminaux sur la section efficace de dérivés du fluorène.
Il existe une corrélation entre cette tendance et les valeurs des coefficients de Hamett, qui mesurent le caractère mésomère donneur, de ces groupements : σp = -1.7 pour -NMe2 contre σp = -0.78 pour – OMe. Cependant des exceptions à cette tendance existent, en effet le groupement diarylamino est un meilleur donneur en absorption biphotonique malgré un coefficient de Hamett de -1.4. Ceci s’explique par le plus grand nombre d’électrons π de ce groupe.
De nombreux groupes électroattracteurs terminaux ont été étudiés également,13, 15, 17 notamment des hétérocycles possédant des systèmes π appauvris. Cependant les mesures de sections efficaces tendent à montrer qu’une structure conjuguée possédant 2 groupements donneurs terminaux (D-π-D, D pour Donneur) est plus efficace en absorption à deux photons que son équivalent possédant des groupes électroattracteurs terminaux (A-π-A, A pour Accepteur). Ceci est illustré par les composés 3a et 3b (Figure 11).15
Mais il est aussi intéressant de constater que ces groupes, qu’ils soient donneurs ou accepteurs peuvent être placés au centre de la molécule, donnant également des propriétés intéressantes pour l’absorption à deux photons. En général c’est d’ailleurs la combinaison d’effets électroniques de la partie centrale de la molécule avec ceux des groupements terminaux qui est utilisée pour concevoir des molécules ayant des valeurs de δ importantes. La bibliographie montre ainsi l’existence de systèmes conjugués D-π-A-π-D (Figure 12)13, 18 souvent préférés à leurs homologues A-π-D-π-A, ces derniers étant davantage sujets à des réactions de dégradation par photo-oxydation. 11
Influence du système π
La section efficace d’absorption δ dépend fortement de la taille du système π conjugué et donc du nombre d’électrons π. En effet le moment dipolaire de la molécule est lié à la distance sur laquelle les charges peuvent être déplacées pendant une transition électronique par conséquent il est proportionnel au nombre d’électrons π délocalisés. La planéité de la molécule est cruciale pour permettre la délocalisation des électrons. Les valeurs de δ sont en effet plus grandes pour des molécules planes et rigides, qui peuvent être obtenues en privilégiant par exemple des motifs fluorène rigides par rapport à des motifs biphényles pour lesquels des libres rotations sont possibles à l’état excité (Figure 13).15
Il existe cependant une valeur limite pour laquelle, du fait de la taille du système π conjugué, la molécule peut perdre sa conformation planaire, confinant alors la délocalisation électronique à un segment de la chaîne conjuguée. Cette limite est parfois appelée « longueur de conjugaison ». Pour comparer entre elles des molécules ayant des structures et des nombres d’électrons π différents, il est usuel de rapporter la section efficace d’absorption δ au nombre d’électrons π de la molécule, noté Ne. En étudiant δ/Ne en fonction de Ne, cette longueur de conjugaison peut être mise en évidence comme illustré sur la Figure 14.
Les valeurs de δ/Ne augmentent rapidement pour les deux premiers composés puis un plateau indique que l’augmentation du nombre d’électrons π n’est plus corrélée à une augmentation de la délocalisation.
Mesure de la section efficace d’absorption à deux photons
Dans cette partie, le principe de l’absorption à deux photons puis les paramètres importants pour concevoir une molécule capable de favoriser ce type d’absorption ont été décrits. Néanmoins il demeure nécessaire d’évaluer expérimentalement la section efficace d’absorption à deux photons d’un composé.
Pour cela deux techniques sont principalement utilisées : la méthode z-scan et la fluorescence d’excitation biphotonique. Ces deux méthodes requièrent l’utilisation de lasers pulsés.
Méthode z-scan
La méthode z-scan consiste à déplacer l’échantillon le long de l’axe optique d’un laser focalisé en analysant l’intensité lumineuse transmise (Figure 15, partie haute). Une figure d’extinction est obtenue en fonction de la position de la cuve par rapport au point focal du laser (Figure 15, partie basse). La comparaison de ce spectre avec celui obtenu par interpolation des calculs théoriques physiques permet de calculer le coefficient α2 relatif à l’absorption biphotonique (voir Équation 4), ce qui permet ensuite de calculer la section efficace apparente d’absorption à deux photons de la substance analysée.19
Cette méthode est très générale et permet d’analyser de nombreux phénomènes non linéaires. Dans le cas d’une mesure de δ, des effets autres que l’absorption à deux photons (auto-défocalisation de la lumière incidente, absorption à l’état excité) peuvent perturber la mesure et artificiellement augmenter la valeur mesurée.20
Méthode de fluorescence par excitation biphotonique
La mesure de δ par la méthode de fluorescence par excitation à deux photons a été introduite pour la première fois en 1996.21 De façon identique à la détermination du rendement quantique de fluorescence, cette méthode repose sur la comparaison de la molécule à analyser avec une référence dont les caractéristiques d’absorption à deux photons sont connues. Par conséquent et contrairement à la méthode z-scan, l’incertitude liées aux paramètres du laser est atténuée.14 Cette méthode a également gagné en attractivité grâce à la publication des caractéristiques d’absorption biphotonique d’un grand nombre de fluorophores commerciaux.22
Cette méthode est cependant moins générale que le z-scan. En effet elle requiert que l’échantillon soit fluorescent (ou plus généralement photoluminescent) même si la valeur de δ n’est liée qu’au phénomène d’absorption.
Microscopie de fluorescence
La microscopie de fluorescence est une technique d’analyse développée principalement pour l’étude des tissus biologiques marqués par des fluorophores, mais aussi pour l’étude physico-chimiques de matériaux.23 Plusieurs types de microscopies de fluorescence existent, les techniques suivantes seront évoquées ici : la microscopie de fluorescence conventionnelle et sa modification en microscopie confocale et la microscopie à nappe de lumière (en anglais SPIM pour Selective Plane Illumination Microscopy).
Microscopie de fluorescence conventionnelle et microscopie confocale
Un microscope en fluorescence conventionnel (ou en épifluorescence) diffère du microscope usuel de par la nature de la source lumineuse, celle-ci devant en effet produire de la lumière dans le domaine UV – visible. La longueur d’onde d’excitation voulue est ensuite sélectionnée grâce à un filtre ou un monochromateur. L’observation de la fluorescence peut se faire ensuite à l’oeil nu, par révélation sur film photographique ou par acquisition en signal numérique sur un capteur CCD. Le schéma de montage d’un tel microscope est donné ci-après (Figure 16).
|
Table des matières
Introduction générale
1 Le phénomène de fluorescence
1.1 Considérations physiques et paramètres caractéristiques du phénomène de fluorescence
1.1.1 Types de transitions électroniques dans les molécules polyatomiques – Diagramme de Perrin-Jablonski – Temps de
1.1.2 Spectres d’absorption et d’excitation
1.1.3 Déplacement de Stokes
1.1.4 Coefficient d’extinction molaire
1.1.5 Rendement quantique de fluorescence
1.1.6 Brillance
1.2 Absorption à deux photons
1.2.1 Comparaison des processus d’absorption à un photon et à deux photons
1.2.2 Facteurs favorisant l’absorption biphotonique
1.2.3 Mesure de la section efficace d’absorption à deux photons
1.3 Microscopie de fluorescence
1.3.1 Microscopie de fluorescence conventionnelle et microscopie confocale
1.3.2 Microscopie à nappe de lumière
1.3.3 Microscopie de fluorescence à excitation biphotonique
1.3.4 Limite de résolution – Microscopies de fluorescence super résolutives
2 Utilisation des produits naturels fluorescents en tant que sondes et marqueurs en biologie et imagerie
2.1 Protéines fluorescentes
2.1.1 La Green Fluorescent Protein (GFP)
2.1.2 Autres protéines fluorescentes
2.2 Biomarqueurs fluorescents
2.2.1 Luciférines
2.2.2 Acides anthraniliques et dérivés
2.2.3 Umbelliferone et 4-méthylumbelliferone
2.2.4 Flavonols 5-O-glycosylés
2.3 Molécules fluorescentes affines d’une cible spécifique
2.3.1 Polyènes fluorescents
2.3.2 Curcumin
2.3.3 Berbérine
2.3.4 Cryptolépine
2.3.5 Hypéricine
2.4 Molécules à fluorescence pH-dépendante
2.4.1 7-hydroxycoumarines
2.4.2 Quinine
2.4.3 Benzo[c]phénanthridines
2.5 Epicocconone
3 Conclusion
Chapitre 1 : Synthèse d’analogues de l’epicocconone et évaluation de leurs propriétés spectrales
1 Travaux antérieurs du laboratoire
1.1 Voie de synthèse des analogues de l’epicocconone
1.1.1 Synthèse du partenaire alcool désaromatisé
1.1.2 Synthèse des partenaires dioxinones
1.1.3 Réaction d’acylfuranonisation
1.2 Synthèse d’analogues polyfonctionnels de l’epicocconone
1.2.1 Principe
1.2.2 Utilisation de la CuAAC comme étape clé de formation des sondes polyfonctionnelles
2 Présentation du projet
3 Résultats et discussion
3.1 Synthèse de nouveaux analogues de l’epicocconone fonctionnalisables par CuAAC
3.1.1 Introduction du point de fonctionnalisation sur l’alcool désaromatisé
3.1.2 Introduction du point de fonctionnalisation sur la dioxinone
3.1.3 Réaction de CuAAC entre un analogue de l’epicocconone et un partenaire biologiquement actif : la SN-38
3.1.4 Conclusion sur la réaction de CuAAC appliquée aux analogues de l’epicocconone
3.2 Synthèses d’analogues de l’epicocconone pour la spectroscopie de fluorescence à excitation bi-photonique
3.2.1 Synthèses de dioxinones fluorènes sans groupement donneur
3.2.2 Optimisation de la synthèse de la dioxinone bromée
3.2.3 Couplage de Suzuki ‒ Introduction des groupements donneurs sur la dioxinone
3.2.4 Formation des analogues de l’epicocconone optimisés pour l’absorption bi-photonique
4 Conclusion et perspectives
Chapitre 2 : Synthèse de sondes pour l’identification de composés azaphiles présents dans des extraits biologiques
1 Introduction bibliographique : méthodes de découverte et d’identification de produits naturels
1.1 Méthodes basées sur l’activité biologique
1.2 Approche basée sur la réactivité
1.2.1 Utilisation de résines d’affinité pour l’enrichissement en produits naturels
1.2.2 Utilisation de molécules organiques en tant que sondes à produits naturels
1.3 Conclusion sur les méthodes de découverte de produits naturels
2 Présentation du projet
3 Marquage d’un extrait naturel par une sonde analytique
3.1 Synthèse de la sonde
3.2 Addition de la sonde 264 sur une molécule azaphile modèle
3.3 Utilisation de la sonde 264 pour le marquage d’un extrait naturel
4 Synthèses de sondes préparatives comportant un groupement biotine clivable
4.1 Utilisation d’un motif siloxane en tant que lien clivable ‒ sondes de première génération
4.2 Utilisation d’un éther silylé en tant que lien clivable ‒ sondes de deuxième génération
4.3 Utilisation du groupement azoture comme précurseur de la fonction amine primaire
4.4 Etude de la nature des groupements portés par le silicium
5 Conclusion et perspectives
Conclusion générale
1 Conclusion
1.1 Synthèse de nouveaux analogues de l’epicocconone
1.2 Synthèse de sondes pour l’analyse et l’isolement de produits naturels azaphiles
2 Perspectives
2.1 Synthèse de nouveaux analogues de l’epicocconone
2.2 Synthèse de sondes pour l’identification et l’isolement de produits naturels azaphiles
Partie expérimentale
1 General information
2 Methods
2.1 HPLC system
2.2 Photophysical properties
2.2.1 1 photon absorption and emission spectra in water (pH = 2.5) with SDS (0.1% w/v)
2.2.2 1 photon absorption and emission spectra in CH2Cl2 or Toluene
2.2.3 Quantum yields determination
2.2.4 2 photons absorption spectra and cross-section determination in CH2Cl2 or Toluene
2.3 LC-MS method
2.4 Cyclic voltametry
3 Experimental data
Télécharger le rapport complet