La vie en société a permis aux Hommes d’étendre leur influence et leur communication. Les outils disponibles (éducation, production, divertissement) sont nombreux, mais les besoins individuels et sociétaux demeurent et évoluent. L’amélioration des technologies existantes est un objectif constant (on peut citer la puissance de calcul accrue pour l’informatique, l’augmentation des rendements pour les transports et la production d’énergie, ou encore la portabilité de la plupart des équipements. . . ). La société a donc besoin d’agrandir son savoir, et ce pour plusieurs raisons : la première est culturelle (comprendre notre monde), mais aussi pour en tirer des avantages technologiques, et on pourrait éventuellement inclure une raison économique (économie du savoir). Enfin un des piliers actuels de la société est l’accès à la santé, et la bonne gestion des coûts et bénéfices associés. Avec des défis tels que l’allongement de l’espérance de vie, il est primordial d’offrir un système de santé efficace, ce qui inclut notamment des diagnostics précoces, fiables et abordables.
Technologie, savoir, santé : ces noms font partie des missions de la recherche publique. Le fait qu’ils soient intimement liés est une traduction de la complexification des sciences. L’interdisciplinarité – terme certes tendance, mais à juste titre – est on ne peut plus présente sur ces domaines où une approche par plusieurs thématiques est requise.
L’acquisition du savoir en biologie (et donc lié à la santé) a particulièrement bénéficié de la course à la miniaturisation. L’avènement des microscopes au XVIIème siècle permettent de découvrir la cellule. La diffraction aux rayons X et la microscopie électronique amènent Watson et Crick à révéler la structure de l’ADN en 1953 (prix Nobel en 1962). Le développement des cytomètres en flux depuis les années 50, puis la commercialisation des premiers trieurs de cellules FACS (Fluorescence-activated cell sorting) dans les années 70 témoignent du contrôle (comptage et manipulation) de la matière vivante à petite échelle. . .
État de l’art
La diversité de l’outil microfluidique
Comme tout domaine de recherche en pleine expansion, la microfluidique mobilise de manière intense la communauté scientifique (environ 25000 publications par an depuis 2012 ). Une diversification et de nombreuses spécialités sont apparues. L’objectif n’est pas ici de donner une vision exhaustive de toute la recherche en microfluidique, mais plutôt un aperçu de certaines spécificités. On peut tenter d’établir une classification de cette recherche avec différents angles.
Domaine d’application L’outil microfluidique sert dans des domaines fondamentaux (vérification des lois physiques aux petites échelles, compréhensions de processus biologiques) et applicatifs (détection, réalisation de mélanges et tâches complexes, automatisation. . . ). Des domaines aussi divers que la physique, la chimie, la biologie, la médecine et même l’art sont concernés.
Type de dispositif Les puces microfluidiques peuvent incorporer différentes fonctions. On retrouve régulièrement dans la littérature des actionneurs (manipulation d’objets, de particules, de cellules. .. ) et des capteurs (physiques, chimiques, biologiques). Des fonctions de production (gouttes, particules, fils de polymère) ou de calcul existent également.
Procédés et matériaux Un des thèmes importants est la fabrication des systèmes fluidiques. Historiquement, la photolithographie (dure, avec des matériaux employés comme le silicium et le verre, ou douce, avec l’utilisation de polymères), venant de l’industrie de la microélectronique, constituait la base de la fabrication pour la microfluidique. D’autres techniques de microfabrication se sont développées (lamination, roll-embossing, impression 3D), et des matériaux nouveaux apparaissent (microfluidique papier, teflon, laques bio-dégradables). Dans les systèmes commercialisés, des plastiques (PS, PMMA) sont le plus souvent employés, et l’industrie utilise des procédés connus et robustes comme le moulage par injection, la soudure ultrasonique. . .
Géométries Concernant les échelles, nous avons précisé que des canaux sont généralement considérés comme microfluidiques lorsque une des dimensions au moins est inférieure à 500 μm. Un autre gap à considérer est celui du micron, on parle alors de nanofluidique pour des systèmes sub-microniques. En plus des dimensions, les systèmes microfluidiques revêtent différentes géométries. On peut distinguer des systèmes capillaires (avec des diamètres internes avoisinant les 10 μm pour les plus fins), des puces avec des structures et réseaux en 2D, en 3D, mais aussi des laboratoires sur disques dont l’architecture radiale est particulière.
Actionnement des fluides Ces dispositifs fluidiques comportent par définition au moins un fluide, qui est a priori en mouvement. L’origine de la mise en mouvement peut être différente selon les systèmes, les plus classiques sont le contrôle en pression, les pousse-seringues, les pompes péristaltiques, les vannes pneumatiques intégrées, une source de tension (flux électro-osmotique, électro-mouillage), la gravité (microfluidique centrifuge), ou encore l’effet de la capillarité (et vannes capillaires associées).
D’autres organisations et sous classifications sont évidemment possibles, mais ce résumé permettra de situer plus facilement l’état de l’art dans différentes catégories que nous abordons par la suite.
Tri cellulaire et mélange
Le tri de cellules est une fonction essentielle pour effectuer un diagnostic ou préparer un échantillon dans cet objectif. Les principales techniques de tri cellulaire en microfluidique seront présentées dans cette partie, nous aborderons également le mélange de particules et de cellules.
Différentes catégorisations des techniques de tri en microfluidique existent dans la littérature. Divers articles de revue proposent par exemple une différentiation selon l’emploi de marqueurs fluorescents, de billes, ou selon si la séparation est effectuée sans marqueur [13]. Yu et al. opposent les systèmes habituels (de taille macroscopique) aux outils microfluidiques [14]. Les formats des dispositifs employés peuvent être également différents (puce microfluidique « classique », disque – microfluidique centrifuge – , papier) [15]. Enfin les techniques actives, passives, et combinaisons des deux peuvent être listées [16, 17].
Les méthodes classiques (disponibles hors microfluidique) sont décrites en annexes, partie A.1. L’approche adoptée dans cette partie est de présenter brièvement les techniques actives (champ d’excitation extérieur requis) avant de se focaliser sur les techniques passives et d’aborder pour finir le mélange de particules.
Techniques actives
Les techniques dites actives nécessitent l’apport d’un champ d’excitation (autre que celui de quantité de mouvement éventuellement fourni par le fluide). Les méthodes magnétiques, électrocinétiques, optiques, acoustiques et mécaniques sont brièvement introduites.
Magnétiques Les procédés magnétiques font appel à des nano ou micro particules magnétiques. Ce sont des systèmes basés le plus souvent sur des aimants permanents, des électroaimants et leur combinaison.
Electrocinétiques Sont regroupés sous le terme « électrocinétiques » toutes les méthodes reposant sur l’application d’un champ électrique pour engendrer une séparation de particules ou cellules.
L’électrophorèse permet de séparer un corps chargé en appliquant un champ électrique uniforme – une différence de potentiel – (les cellules ou particules, souvent négativement chargées à leur surface, se déplacent vers la cathode).
La diélectrophorèse correspond au mouvement d’un corps dans un champ électrique non uniforme, causé par la polarisabilité du corps (particule, cellule. . . ). Un champ alternatif (AC) peut être utilisé pour polariser les objets non chargés . Une cellule possédant une perméabilité électrique plus élevée que celle du milieu se dirigera alors vers les régions de forte intensité du champ (et réciproquement) .
Des méthodes électrocinétiques peuvent être également employées pour transporter les particules et les cellules à séparer, avec un flux électro-osmotique (mouvement du fluide causé par la migration des ions en solution sous l’influence du champ électrique), ou avec l’électro-mouillage (EWODS), qui permet le déplacement de gouttes, et qui représente une part de l’activité en microfluidique . Cependant ce ne sont pas les propriétés des particules ou des cellules qui sont utilisées avec ces deux dernières techniques, mais celles du fluide porteur.
|
Table des matières
1 Introduction
1.1 Motivations
1.2 Objectifs de la thèse
1.2.1 Projet de recherche
1.2.2 Résumé des activités
1.3 État de l’art
1.3.1 La diversité de l’outil microfluidique
1.3.2 Tri cellulaire et mélange
1.3.2.1 Techniques actives
1.3.2.2 Techniques passives
1.3.2.3 Mélange de particules
1.3.3 Technologies pour une architecture 3D
1.3.3.1 Les géométries en microfluidique
1.3.3.2 Procédés
1.3.4 Connexions et interfaces en microfluidique
1.3.4.1 Architecture
1.3.4.2 Connexions fluidiques
1.3.4.3 Connexions électriques
1.3.5 Magnéto-microfluidique
1.3.5.1 Actionnement magnétique : matériaux et force
1.3.5.2 Différentes approches pour les systèmes
1.3.6 Vers une application biologique
1.3.6.1 Les monocytes : cellules du système immunitaire
1.3.6.2 Différentes sous-populations de monocytes
1.4 Conclusion
2 La microfluidique 3D pour la préparation d’échantillons
2.1 Vers le marquage de particules avec un mélangeur 3D
2.1.1 Principe et étude numérique
2.1.1.1 Principe
2.1.1.2 Première approximation
2.1.1.3 Modèle simplifié, diffusion 1D
2.1.1.4 Éléments finis
2.1.2 Approche expérimentale
2.1.2.1 Design des dispositifs
2.1.2.2 Tests de mélange
2.2 Tri de particules par taille
2.2.1 Principe et modèle
2.2.2 Approche expérimentale
2.3 Opérations sur des particules avec une structure en bypass
2.3.1 Principe
2.3.2 Designs
2.3.3 Approche expérimentale et résultats
2.4 Microfabrication de dispositifs 3D
2.4.1 Procédé de fabrication
2.4.2 Films photosensibles
2.4.2.1 SU-8
2.4.2.2 TMMF
2.4.2.3 DF
2.4.3 Structures multi-niveaux : limitations spécifiques et solutions
2.4.3.1 Laminage
2.4.3.2 PEB : une étape critique
2.4.3.3 Conclusion
2.5 Mise en œuvre des dispositifs et instrumentation associée
2.5.1 Visualisation – Microscopie de fluorescence
2.5.2 Marquage de cellules
2.5.3 Microfluidique
2.5.3.1 Connexion des puces
2.5.3.2 Remplissage
2.6 Conclusion
3 Systèmes microfluidiques et actionnement magnétique
3.1 Introduction
3.1.1 Force magnétique
3.1.1.1 Calculs par méthode des éléments finis
3.1.1.2 Calculs analytiques
3.1.2 Calculs de trajectoires
3.1.3 Thermique
3.2 Électro-aimants filaires
3.2.1 Principe des dispositifs hybrides
3.2.2 Focalisation magnétique
3.2.3 Pièges adressables
3.3 Microbobines spirales
3.3.1 Tri vertical
3.3.2 Système d’aiguillage (hybride)
3.4 Microfabrication
3.4.1 Procédé de fabrication
3.4.1.1 Bobines filaires
3.4.1.2 Bobines spirales
3.4.2 Caractérisation
3.4.2.1 Bobines filaires
3.4.2.2 Bobines spirales
3.5 Montages expérimentaux et intégration
3.5.1 Intégration et support de puce
3.5.2 Alimentation des bobines
3.5.3 Sédimentation
3.6 Conclusion
Conclusion
Abréviations