Microfissuration et émission acoustique

Microfissuration et émission acoustique 

Nous nous intéresserons, dans cette section, uniquement à la sismicité des roches à l’échelle de l’échantillon de laboratoire (EA) produite par la propagation de microfissures. En effet, à cette échelle, la microfissuration est considérée comme la principale source d’EA pour les roches à température ambiante (Kranz, 1991 ; Lockner, 1993). L’étude de la propagation d’une fissure est l’objet de la mécanique linéaire de la rupture. La notion de facteur d’intensité de contrainte, couramment utilisée pour l’analyse de l’EA, sera présentée brièvement. L’analyse de Griffith permettra ensuite d’introduire facilement les phénomènes à l’origine de l’EA, en particulier la propagation instable de fissures. Nous aborderons ensuite les relations entre la microfissuration et l’endommagement élastique, c’est à dire l’effet de la microfissuration sur les propriétés élastiques des roches. Ceci permettra de voir comment l’EA peut être utilisée comme un estimateur de l’endommagement.

Mécanique linéaire de la rupture 

Au cours de cette section, nous verrons d’abord la notion de facteur d’intensité de contrainte qui est utilisée par de nombreux auteurs pour l’analyse de l’EA. Le critère énergétique de Griffith nous permettra d’étudier la stabilité de la propagation d’une fissure. Nous verrons enfin que l’EA est liée à une propagation de fissure instable.

Critère de Griffith

Le critère de Griffith est basé sur une relation linéaire entre l’énergie dissipée par la propagation d’une fissure et l’aire de fissure (surface libre) créée lors de la propagation.

dWs = 2γ.ds  (I. 4)
avec dWs : énergie dissipée par la propagation de la fissure
γ : énergie de surface, caractéristique du matériau
ds : surface de fissure créée .

Ceci revient à considérer que l’énergie dissipée par la propagation est transformée en énergie de surface. Pour un solide élastique contenant une fissure, on peut écrire la conservation de l’énergie totale du système lorsque la fissure se propage d’une surface élémentaire ds.

dWtot=dWelast.+dWext.+ dWs+dWcin.=0  (I. 5)

avec dWelast. : variation de l’énergie élastique
dWext. : variation de l’énergie potentielle des forces extérieures
dWs : variation d’énergie de surface, 2γ.ds
dWcin. : variation de l’énergie cinétique .

Propagation stable et instable d’une fissure 

Berry (1960) propose une représentation du critère de Griffith pour un solide contenant une fissure de surface S soumis à un effort F dont le point d’application se déplace de u. La représentation dans le plan F-u permet d’analyser les différents modes de propagation de la fissure .

Dans le plan F-u, la courbe G=2γ donne la limite entre la zone stable (pas de propagation) et la zone instable (propagation). Pour une charge faible, on reste en deçà de cette limite et la courbe de charge suit la loi de l’élasticité linéaire, F=K.u , avec K = rigidité du solide (segment OA). Lorsque le critère de Griffith est atteint, la fissure se propage. Si la courbe de charge suit le critère G=2γ , la propagation est dite stable (Figure 6a). La stabilité dépend de la forme du solide et des conditions de chargement. Il est possible de déterminer une forme d’éprouvette qui satisfasse cette stabilité afin d’étudier la propagation stable d’une fissure (Atkinson, 1991; Hatton et al., 1993). Ce type de dispositif permet en outre de mesurer expérimentalement Gc. Notons que la pente du segment OB est inférieure à celle du segment OA, ce qui indique que la rigidité, K, du solide diminue lors de la propagation de la fissure.

Si la courbe de charge dépasse le critère (Figure 6b, point A), la propagation ne suffit plus à consommer l’énergie restituée par le système de chargement. La propagation devient instable. Si la courbe reste dans le domaine instable, la fissure se propage jusqu’à la ruine du solide (trajet ACH). La fissure peut également retrouver une situation stable, après une certaine propagation (trajet ACBD). On parle alors de propagation semi-stable. La propagation reprendra lorsque le critère sera à nouveau atteint (point E). D’autre part, on voit que la courbe G=2γ possède deux asymptotes, l’une tend vers zéro, l’autre tend vers une droite croissante dont la pente est la rigidité du solide sans fissure (en pointillés sur la Figure 6a). Pour une fissure qui se propage, la courbe G=2γ est décroissante et tend asymptotiquement vers zéro. De ce fait, un chargement à force imposée donne obligatoirement une propagation instable. Dans le cas d’un déplacement imposé, la propagation peut-être stable ou instable selon que l’on se trouve au-dessus ou en-dessous de la tangente verticale du critère de Griffith. En dessous de cette tangente verticale, un chargement à déplacement imposé permet théoriquement une propagation stable. Dans un cas réel, le système de chargement a une rigidité limitée qui ne permet pas un contrôle parfait du déplacement.

Remarque :
Nous avons jusqu’ici considéré un matériau homogène, c’est à dire pour lequel γ est constant au cours de la propagation. On peut également considérer, particulièrement dans le cas des roches, un matériau hétérogène pour lequel γ varie au cours de la propagation de la fissure. L’arrêt de la propagation peut alors être provoqué par la présence d’une zone plus résistante qui joue le rôle de barrière (par exemple des joints de grains).

Propagation instable de fissures et émission acoustique 

Dans le cas d’une propagation instable, l’énergie qui n’est pas consommée par la propagation de la fissure est transformée en énergie cinétique. La surface hachurée sur la Figure 6b indique l’énergie cinétique acquise au cours de la propagation. Une partie de cette énergie permet à la fissure de se propager au-delà de la limite de stabilité (segment BD). Une partie est également dissipée en chaleur. Le reste de l’énergie cinétique est émise dans le matériau sous forme d’ondes élastiques. C’est précisément ce qui constitue l’émission acoustique (Pollock, 1975; Thiercelin, 1980). L’EA est donc liée à la variation d’énergie cinétique provoquée par la propagation instable de fissures. Pollock (1975) a proposé une relation entre l’énergie cinétique et la longueur de propagation d’une fissure dans une plaque mince. Il considère que l’énergie cinétique et l’énergie d’EA sont égales.

Remarques

Nous venons de voir que la propagation instable de fissures produit de l’EA. Or, l’EA est observée également au cours de la propagation stable de fissures macroscopiques dans des conditions de chargement sous-critiques maintenues constantes (G = constante < Gc ; voir par exemple Hatton et al., 1993). Ces résultats appellent deux remarques. D’une part, ils indiquent que la stabilité de la propagation dépend de l’échelle d’observation. En effet, bien que la propagation apparaisse macroscopiquement stable (vitesse constante donc pas de variation de l’énergie cinétique), des instabilités existent, à une l’échelle microscopique, qui donnent lieu à des EA. D’autre part, on observe que la vitesse de propagation de la fissure macroscopique, dans des conditions sous-critiques constantes, est fonction du niveau de chargement (Hatton et al., 1993; Atkinson, 1983). Ceci indique l’existence de phénomènes dépendant du temps qui ne sont pas pris en compte dans l’analyse de la propagation d’une fissure présentée ici. Pour plus de précisions sur la propagation sous-critique de fissures, on pourra se référer à Atkinson (1991).

L’effet de la propagation de fissures au sein du matériau se traduit également par une modification de ses propriétés élastiques, c’est à dire par de l’endommagement. C’est ce que nous allons voir à présent.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Rupture et sismicité des roches
1. Introduction et définitions préliminaires
1.1. Introduction
1.2. Définitions
1.2.1. Rupture
1.2.2. Comportements fragile et ductile
1.2.3. Stabilité
2. Microfissuration et émission acoustique
2.1. Mécanique linéaire de la rupture
2.1.1. Facteurs d’intensité de contrainte
2.1.2. Critère de Griffith
2.1.3. Propagation stable et instable d’une fissure
2.1.4. Propagation instable de fissures et émission acoustique
2.2. Endommagement lié à la fissuration et EA
2.2.1. Endommagement élastique
2.2.2. Estimation de l’endommagement par EA
2.3. Conclusion
3. Taille de source et ondes sismiques
3.1. Amplitude d’un signal sismique
3.1.1. Magnitude
3.1.2. Moment sismique
3.1.3. Chute de contrainte
3.1.4. Energie sismique
3.1.5. Amplitude de l’onde émise
3.1.6. Conclusion
3.2. Contenu fréquenciel d’un signal sismique
3.3. Effet de l’atténuation
3.4. Conclusion
4. Statistiques de la sismicité
4.1. Loi d’Omori
4.2. Loi de Gutemberg Richter
4.3. Dimension fractale et multifractale
4.3.1. Dimension fractale
4.3.2. Dimension multifractale
4.4. Relations entre b et D
4.5. Conclusion
5. EA et comportement mécanique des roches : études expérimentales
5.1. Activité acoustique et comportement non-linéaire
5.1.1. Activité acoustique et essai de compression d’éprouvette intacte
5.1.2. Activité acoustique au cours du cisaillement de discontinuités
5.1.3. Effet Kaiser
5.1.4. Conclusion
5.2. Variations de l’exposant b de la loi de Gutemberg-Richter
5.3. Localisation de l’endommagement et dimension fractale
5.4. Conclusion
6. Conclusion
Chapitre 2 : Etude en laboratoire de l’émission acoustique des roches
1. Introduction
2. Dispositif expérimental
2.1. Presse et cellule triaxiale
2.2. Système d’acquisition de l’émission acoustique
2.2.1. Comptage de l’EA
2.2.2. Numérisation
2.3. Capteur d’émission acoustique
2.4. Caractéristiques temporelles et fréquentielles des signaux numérisés
3. Compressions triaxiales d’éprouvettes initialement intactes
3.1. Roche étudiée : le granite du Sidobre
3.2. Comportement mécanique observé
3.2.1. Différentes phases du comportement mécanique
3.2.2. Apparition de la ductilité
3.3. Comportement inélastique et activité acoustique
3.3.1. Activité acoustique au cours des différentes phases
3.3.2. Corrélation entre l’activité acoustique et le comportement inélastique
3.3.3. Estimation du dommage par l’EA
3.3.4. Estimation de la déformation permanente par l’EA
3.3.5. Conclusion
3.4. Evolution du contenu spectral des signaux
3.5. Variations de l’exposant b de la distribution des amplitudes maximales
3.5.1. Diminution de l’exposant b avant le pic de contrainte
3.5.2. Effet de la pression de confinement sur l’exposant b
3.5.3. Conclusion et Discussion
3.6. Morphologie de l’endommagement
3.6.1. Différents aspects de l’endommagement
3.6.2. Granulométrie de la mylonite
3.6.3. Rugosité des surfaces de rupture
3.6.4. Distribution spatiale de la fissuration
3.6.5. Conclusion sur la morphologie de l’endommagement
3.7. Conclusion sur les éprouvettes intactes
4. Compression triaxiale d’éprouvettes initialement discontinues
4.1. Comportement mécanique
4.1.1. Cisaillement instable et activité acoustique prémonitoire
4.1.2. Effet de la pression de confinement sur le cisaillement instable
4.1.3. Estimation des angles de frottement statique et dynamique
4.1.4. Conclusion sur le comportement mécanique
4.2. Comportement inélastique et activité acoustique
4.3. Distribution de la taille des événements
4.3.1. Allure particulière des distributions d’amplitudes maximales
4.3.2. Variations de l’exposant b au cours du cisaillement
4.3.3. Effet de la pression de confinement sur l’exposant b
4.3.4. Conclusion
4.4. Conclusion sur les éprouvettes initialement discontinues
5. Conclusion
Chapitre 3 : Modèle numérique de la sismicité des roches
1. Introduction
2. Modèles existants : des simulations partielles de l’EA
2.1. Automates cellulaires
2.1.1. Simulation des distributions en loi puissance
2.1.2. Simulation de la localisation progressive des sources d’EA
2.1.3. Conclusion
2.2. Modèles d’EA associée à l’endommagement
2.2.1. Comportement ductile du modèle scalaire de Zapperi et al. (1997)
2.2.2. Comportement fragile du modèle tensoriel de Tang (1997)
2.3. Conclusion
3. Description du modèle proposé
3.1. Principe d’endommagement progressif
3.2. Critère d’endommagement
3.3. Méthode de résolution
3.4. Introduction de l’hétérogénéité
3.4.1. Nécessité d’introduire de l’hétérogénéité
3.4.2. Paramètres hétérogènes
3.4.3. Hétérogénéité initiale et/ou évolutive
3.4.4. Fonction de distribution utilisée pour simuler l’hétérogénéité
3.5. Taille d’avalanche et taille d’EA
4. Résultats
4.1. Sensibilité au paramètre d’endommagement et au degré d’hétérogénéit
4.1.1. Sensibilité au paramètre d’endommagement
4.1.2. Sensibilité au degré d’hétérogénéité
4.1.3. Conclusion
4.2. Simulation de plusieurs observations expérimentales
4.2.1. Activité acoustique et comportement non linéaire
4.2.2. Distribution de la taille des événements en loi puissance
4.2.3. Variations de l’exposant b
4.2.4. Localisation progressive de l’endommagement et diminution de D2
4.2.5. Conclusion
4.3. Effet de l’angle de frottement interne
4.3.1. Transition ductile fragile
4.3.2. Transition diffus-localisé
4.3.3. Variation de l’exposant b et distributions sur-critique et sous-critique
4.3.4. Indépendance du comportement envers la résistance maximale et la pression de confinement
4.3.5. Simulation de la transition ductile-fragile en essai triaxial
4.3.6. Conclusion
4.4. Effet local de l’angle de frottement interne sur la propagation de l’endommagement
4.5. Conclusion
Conclusion générale

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