Microcavités non linéaires en régime d’excitation cohérente

Durant la première moitié du XIXème siècle de nombreux scientifiques se sont intéressés à l’électromagnétisme, phénomène résultant de l’interaction électricité – magnétisme, mis en évidence en avril 1820 par le physicien et chimiste danois Hans Ørsted. Il démontra ainsi qu’un fil conducteur transportant un courant est capable d’orienter l’aiguille aimantée d’une boussole, résultat qu’il ne put démontrer théoriquement. C’est alors qu’André-Marie Ampère, quelques mois plus tard, proposa une explication théorique au phénomène et que les travaux sur l’électromagnétisme débutèrent. Michael Faraday, physicien et chimiste britannique se servit notamment de ces résultats pour inventer le premier moteur électrique. À la suite de ces découvertes, la seconde partie du XIXème siècle fut ponctuée de multiples inventions mettant en œuvre les principes de l’électromagnétisme décrits par Ampère. En 1864, le physicien et mathématicien écossais James Clerk Maxwell aboutit à la formulation mathématique des travaux réalisés par Michael Faraday et André-Marie Ampère. Les vingt équations ainsi formulées seront plus tard réduites au nombre de quatre et permettront d’établir les équations de propagation des ondes électromagnétiques que nous connaissons.

En 1929, suite à ces travaux à la fois théoriques et expérimentaux, la physicienne américaine Maria Goeppert-Mayer démontre de manière théorique la possibilité d’absorber plus d’un photon au cours d’une même étape quantique. L’absorption à deux photons, effet non linéaire largement étudié dans ce mémoire, ne pourra cependant être démontrée par l’expérience  qu’après l’invention du laser, car les puissances requises pour atteindre les seuils non linéaires sont très élevées. Après que Gordon Gould, physicien américain, a énoncé le fonctionnement du laser en 1957, la première émission d’un laser à rubis fut obtenue en 1960 par Theodore Maiman, également physicien américain. Dès lors, les expériences d’optique non linéaire se sont multipliées et ont révélé l’existence d’une multitude de non-linéarités.

En 1976 Gibbs et. al. démontrent pour la première fois un comportement bistable dans un interféromètre de Fabry-Perot rempli de vapeur de mercure, donnant lieu à une non-linéarité de type Kerr. Ce faisant, il ouvre la voie à des applications liées au traitement du signal et en 1986 Smith va entrevoir les possibilités offertes par les structures photoniques non linéaires [Smith 1986]. Il parle alors de logique photonique et même d’ordinateur optique. Cependant, les puissances requises et l’encombrement des systèmes utilisés à l’époque rendaient impossible la réalisation de composants intégrés comme en électronique. Il faudra donc attendre l’avènement des cristaux photoniques et des technologies de fabrication récentes pour que les progrès se poursuivent. Le terme de cristal photonique fut employé pour la première fois par Eli Yablonovitch en 1987. Il se base alors sur les travaux de Lord Rayleigh pour démontrer la faisabilité de structure à bande interdite en deux et trois dimensions. Très rapidement, ces principes sont mis en œuvre et des cristaux photoniques sont fabriqués pour des longueurs d’ondes de fonctionnement situées dans l’infrarouge. En 1997, Foresi et. al. [Foresi 1997] démontrent expérimentalement le fonctionnement d’une microcavité à cristal photonique en silicium  . Pour la première fois, le champ est confiné dans une structure de quelques micromètres de long. Cet effet de confinement est très important et joue un rôle crucial sur la puissance requise pour atteindre les seuils non linéaires. En effet, plus le champ est confiné dans un faible volume, plus la densité volumique d’énergie est élevée, ce qui a pour effet d’augmenter l’interaction entre l’onde et le matériau.

La réalisation de structures à faible volume utilisant des matériaux fortement non linéaires ouvrent donc la voie au traitement photonique du signal intégré. Depuis la fin des années 90, un effort considérable a été mené en vue d’atteindre cet objectif.

Durant les quinze dernières années, des progrès spectaculaires ont été réalisés en matière de contrôle de la lumière [Almeida 2004b]. Une des premières applications à susciter un très grand intérêt est le transistor optique, qui a donné lieu à de nombreuses publications [Almeida 2004c, Husko 2009,Nozaki 2010,Li 2012]. La découverte de Gibbs mena également à la réalisation de systèmes bistables [Xu 2006] à base de microcavité en anneau [Ibrahim 2003,Heebner 2008], un type de microcavité différent des cristaux photoniques. Les idées de Smith sont alors devenues réalité et la logique photonique est apparue [Xu 2007]. Des portes NAND, NOR, etc. photoniques sont ainsi créées [Ibrahim 2003].

D’autres applications innovantes ont également vu le jour, comme la réalisation de mémoires tout optiques [Tanabe 2005], et même la fabrication de puces contenant plusieurs bits de mémorisation dans une « all-optical RAM », ou encore o-RAM [Nozaki 2012]. La dualité entre le temps (dispersion) et l’espace (diffraction) [Kolner 1994,Kolner 1989,Bennett 2000a,Bennett 2000b] a permis de réaliser des oscilloscopes ultrarapides [Kauffman 1994,Sun 1997,Foster 2008,Foster 2009,Okawachi 2009, Salem 2009], ou encore « temporal magnifier ». Par un processus de mélange à quatre ondes [Wang 2011], la phase du signal à analyser est modulée par une impulsion pompe afin d’être approximativement quadratique, réalisant ainsi, dans le domaine temporel, l’équivalent d’une lentille. Ceci permet donc la dilatation temporelle d’un signal de très courte durée pour le rendre compatible avec un oscilloscope classique.

Pour toutes ces applications, la caractérisation [Sheik-Bahae 1991] de l’objet fabriqué est tout aussi importante que sa fabrication. La présence de plusieurs non-linéarités rend effectivement les choses compliquées et une série de critères [Ikeda 2007] a été élaborée afin de sélectionner les matériaux en fonction des applications visées [Eckhouse 2012]. L’apparition de structures à base de chalcogénures [Ta’eed 2007], pour obtenir un effet Kerr pur aux longueurs d’onde télécom, en est un bon exemple.

Cependant, certains progrès restent à faire en matière de gestion de l’énergie à l’intérieur de ces structures [Heuck 2011]. L’objectif de ce mémoire est donc d’envisager une approche basée sur l’excitation cohérente de microcavités non linéaires. Au lieu de focaliser notre attention sur la structure de la cavité, nous nous concentrerons sur la manière dont il faut l’exciter. L’enjeu étant bien entendu de mieux contrôler l’interaction non linéaire lumière-matière.

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Table des matières

Introduction
1 Optique non linéaire et microcavités
1.1 Introduction
1.2 Optique non linéaire dans un guide semiconducteur
1.2.1 Polarisation non linéaire .
1.2.2 Équation de propagation non linéaire
1.2.3 Effets non linéaires dans les semiconducteurs
1.2.4 Réfraction et absorption des porteurs libres
1.3 Modélisation de microcavités en régime linéaire
1.3.1 Modélisation de différents types de microcavités
1.3.2 Bilan énergétique
1.3.3 Facteur de qualité
1.3.4 Facteur d’exaltation du champ
1.4 Modélisation d’une cavité en régime non linéaire
1.4.1 Effet d’une perturbation de la permittivité dans les équations de Maxwell
1.4.2 Relation entre l’approche énergétique et l’approche en puissance
1.4.3 Polarisation non linéaire d’ordre 3
1.4.4 Effet Kerr pur
1.4.5 Absorption à deux photons
1.4.6 Réfraction des porteurs libres
1.4.7 Absorption des porteurs libres
1.4.8 Génération des porteurs libres
1.4.9 Effets thermiques
1.4.10 Modèle des modes couplés intégrant les effets non linéaires
1.5 Conclusion
2 Microcavités non linéaires en régime dynamique : vers un contrôle cohérent
2.1 Introduction
2.2 Microcavité non linéaire en silicium : étude en régime dynamique
2.2.1 Dynamique intra-cavité en régime linéaire sous excitation non transitoire
2.2.2 Dynamique non linéaire intra-cavité en régime non transitoire
2.2.3 Rôle des pertes non linéaires
2.2.4 Rôle des effets non linéaires réfractifs
2.2.5 Dynamique non linéaire lors d’une excitation initialement hors résonance
2.3 Nécessité d’un contrôle cohérent
2.3.1 Contrôle cohérent de transitions atomiques
2.3.2 Contrôle cohérent d’une microcavité : principe
2.3.3 Modèle simplifié : variation linéaire de l’indice de réfraction
2.4 Excitation cohérente d’une microcavité en silicium
2.4.1 Dispersion d’une impulsion gaussienne
2.4.2 Paramètres de l’impulsion initiale
2.4.3 Excitation cohérente de la microcavité
2.5 Conclusion
Conclusion 

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