Les émissions de composés organiques volatils (COV) dans l’atmosphère ont un effet néfaste sur la santé de l’homme et sur son environnement. En réponse au risque potentiel que ces composés présentent, des normes ont été définies pour la qualité de l’air. L’application de ces normes rend nécessaire la mise en œuvre de capteurs de gaz performants capables de détecter en temps réel les COV. Les détecteurs de COV peuvent être répartis en deux grandes familles : les détecteurs directs et les détecteurs indirects. Les premiers utilisent une réaction chimique directe avec le composé à analyser tandis que le fonctionnement des seconds repose sur certains principes physiques parmi lesquels la spectrométrie d’absorption qui permet d’identifier et de quantifier les molécules à l’aide de leurs raies d’absorption dans l’infrarouge ou l’ultraviolet. De nombreux composés chimiques possèdent des raies d’absorption caractéristiques dans l’infrarouge lointain aussi appelé domaine TéraHertz (THz). Cette bande de fréquence, qui s’étend de 300 GHz à 30 THz environ, est restée longtemps inexplorée à cause des difficultés à générer cette partie du spectre électromagnétique. Toutefois, depuis quelques années, la recherche dans le domaine THz est en pleine effervescence et le développement de nouvelles sources de rayonnement ouvre un vaste champ de recherche.
Microcapteur pour la détection de Composés Organiques Volatils (COV)
Le microcapteur proposé est composé d’une antenne en V planaire, d’un filtre sélectif BIP et d’un microbolomètre. Avec une source THz, une cellule gaz, et un système de conditionnement et d’acquisition du signal, ils constituent une chaîne de détection dont les performances sont estimées puis comparées à celles des méthodes de détection énumérées précédemment. Ces performances seront toutefois à réexaminer en tenant compte des pertes dans le microcapteur dont l’effet néfaste sur le temps d’acquisition du microcapteur sera formellement établi. Le filtre étant le siège principal des pertes dans le détecteur, le choix de son architecture est d’une importance capitale. Par conséquent, 2 topologies seront présentées puis comparées. La première, déjà étudiée a montré ses limites et la seconde, plus performante et choisie dans le cadre de cette thèse, nécessite par contre l’emploi d’une transition CPS – Microstrip afin de coupler le filtre avec l’antenne.
Motivations de l’étude
L’idée de la conception d’un microcapteur pour la détection de COV est née, d’une part, des enjeux sociétaux importants liés au contrôle et à la détection des COV et, d’autre part, des compétences en bolométrie au sein de l’équipe Electronique du GREYC. En effet, être conscient de l’importance de la détection des COV et avoir les compétences d’y jouer un rôle actif : telles sont les principales motivations à l’origine de ces travaux de recherche.
Enjeux sociétaux liés à la détection des COV
Les COV ont un impact direct sur la santé humaine. Une étude [Ozkaynak1994] menée aux Etats-Unis, dans une région ayant une très forte concentration d’usines de produits chimiques, a montré que l’exposition aux COV pouvait être associée à une augmentation des symptômes des maladies des voies respiratoires supérieures et inférieures, à des maux de tête, à une irritation sensorielle et à des éruptions cutanées. Les effets des COV concernent aussi l’environnement sur lequel ils ont un impact indirect principalement lié à leur action en tant que précurseurs dans la formation de l’ozone. En effet, la présence des COV dans l’atmosphère induit une augmentation de la concentration d’ozone dans la troposphère : on estime que la concentration moyenne d’ozone dans l’air a doublé durant les 100 dernières années. Cet ozone crée non seulement des dommages sur la croissance de certains végétaux mais contribue au réchauffement de la planète en tant que gaz à effet de serre en absorbant dans l’infrarouge, le rayonnement du sol avec une intensité 2 000 fois supérieure à celle du gaz carbonique. Selon le GIEC [GIEC2001], l’ozone d’origine troposphérique contribue à hauteur de 13% au réchauffement climatique. Pour cette raison, des normes et des valeurs « seuil » ont été définies afin de limiter l’émission de COV dans l’atmosphère et améliorer la qualité de l’air. Par exemple, en France, le taux d’ozone dans l’air est mesuré par les réseaux de surveillance qui informent le public à partir d’une concentration de 180 m3 µg / . L’application de ces normes implique de disposer de détecteurs capables de réaliser en temps réel un contrôle efficace des COV.
Microbolomètre pour la détection des COV par spectrométrie d’absorption infrarouge non dispersive étendue
Le microcapteur proposé a pour détecteur élémentaire un microbolomètre. Son principe de fonctionnement repose sur la spectrométrie d’absorption infrarouge non dispersive étendue qui peut être utilisée pour identifier et quantifier des composés chimiques présents dans un échantillon gazeux. Lorsque la température est supérieure au zéro absolu (0 K), toute molécule possède une énergie interne (de translation, de rotation, de vibration et électromagnétique) qui est modifiée en cas d’absorption d’un rayonnement électromagnétique. La molécule passe alors de son état énergétique initial E1 à un état énergétique supérieur E2 l’énergie apportée par le quantum de rayonnement hυ étant égale à la différence (E2 – E1). Il en résulte un affaiblissement du rayonnement transmis à la fréquence υ et donc l’apparition d’une bande d’absorption dans son spectre. L’ensemble des bandes d’absorption d’un composé chimique constitue sa signature moléculaire .
L’utilisation de la spectrométrie d’absorption infrarouge fait appel à 2 techniques de sélection de la longueur d’onde, l’une dispersive et l’autre non dispersive. La méthode dite dispersive utilise une cavité ou un prisme qui isole la longueur d’onde utile. Cette technique, plus précise, implique des alignements optiques et mécaniques de précision réduisant sa portabilité sur le terrain. La méthode non dispersive, mise en œuvre dans cette thèse, utilise quant à elle une source large bande. Les coefficients d’absorption de raies caractéristiques du gaz recherché peuvent être ainsi déterminés simultanément en associant un filtre sélectif à chaque raie spectrale analysée. En proposant de concevoir ce microcapteur pour la détection et le contrôle des COV, nous donnons à nos recherches une application de portée utile à l’homme et son environnement.
Généralités sur les COV
Définition
On considère généralement comme COV tout composé contenant du carbone et de l’hydrogène (lequel peut être remplacé par d’autres atomes comme l’oxygène, l’azote, le soufre, le chlore ou le fluor) à l’exception du méthane , du monoxyde de carbone, du dioxyde de carbone, des acides carboniques, des carbures, des carbonates métalliques et des carbonates d’ammonium . Ces composés se trouvent à l’état de gaz ou de vapeur dans les conditions normales de température et de pression, ils peuvent avoir une pression de vapeur saturante supérieure à 10 Pa.
Sources d’émission des COV
Les COV proviennent de sources très variées liées majoritairement aux activités humaines. Parmi les sources les plus importantes se trouvent le transport routier et le stockage des carburants. Cependant, grâce aux nombreuses réglementations environnementales mises en place depuis le début des années 1990, le secteur du transport routier a enregistré la plus forte baisse globale d’émission de COV. Quant aux émissions de COV liées au stockage de carburants, elles ont fait l’objet d’une réduction notable dans la dernière décennie. En effet, des systèmes de piégeage ont été mis en place dans les lieux de stockage de carburants afin de lutter contre les émissions diffuses dues à l’évaporation lors du remplissage des réservoirs ou du stationnement de véhicules [LeCloirec2004].
COV de référence de l’étude : le benzène
Le benzène est produit principalement par l’industrie pétrochimique. Il est utilisé, ainsi que ses dérivés, pour la synthèse du styrène destiné à la fabrication de matières plastiques et d’élastomères. Il intervient aussi dans la fabrication du phénol, de l’acétone et joue un rôle majeur dans l’essence sans plomb pour ses caractéristiques d’anti-détonations. Même si le benzène est présent naturellement dans l’environnement (feux de forêts, activité volcanique), les activités humaines sont en grande partie responsables de la pollution associée à son usage : gaz d’échappement des véhicules motorisés à essence, fumées de tabac, rejets d’eaux, décharges industrielles, fuites de stockages d’essence enterrés, fuites lors des transports maritimes.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Microcapteur pour la détection de Composés Organiques Volatils (COV)
Introduction du chapitre 1
1.1 Motivations de l’étude
1.1.1 Enjeux sociétaux liés à la détection des COV
1.1.2 Microbolomètre pour la détection des COV par spectrométrie d’absorption infrarouge non dispersive étendue
1.2 Généralités sur les COV
1.2.1 Définition
1.2.2 Sources d’émission des COV
1.2.3 COV de référence de l’étude : le benzène
1.3 Méthodes usuelles de détection des COV et paramètres de comparaison des détecteurs
1.3.1 Chromatographie en phase gazeuse (CG)
1.3.2 Spectrométrie de masse (SM)
1.3.3 Spectrométrie infrarouge par transformée de Fourier (FTIR)
1.3.4 Spectroscopie par absorption optique différentielle (DOAS)
1.3.5 LIght Detection And Ranging – DIfferential Absorption LIDAR (LIDAR – DIAL)
1.3.6 Synthèse
1.4 Microcapteur pour la détection de COV : Description
1.4.1 Antenne en V planaire
1.4.2 Filtre sélectif à bande interdite photonique 1D (BIP 1D)
1.4.3 Microbolomètre résistif
1.4.4 Source THz
1.4.5 Cellule gaz
1.4.6 Système de conditionnement et d’acquisition du signal
1.5 Estimation des performances du microcapteur pour le benzène
1.5.1 Facteur de qualité nécessaire
1.5.2 Temps d’acquisition du microcapteur sans pertes avec un corps noir
1.5.3 Pertes dans le microcapteur
1.5.4 Effet des pertes sur le temps d’acquisition du microcapteur
1.6 Choix de la topologie du filtre sélectif et couplage Antenne – Filtre
1.6.1 Topologie 1 : modulation géométrique des conducteurs
1.6.2 Topologie 2 : modulation de permittivité du diélectrique
1.6.3 Analyse qualitative des topologies présentées
1.6.4 Couplage Antenne – Filtre : transition CPS – Microstrip
1.7 Cahier des charges de cette thèse : conception à plus basse fréquence d’un démonstrateur du microcapteur
1.7.1 Choix d’un gaz pour la conception du démonstrateur : le monoxyde de carbone (CO)
1.7.2 Facteur de qualité nécessaire à 115,3 GHz
1.7.3 Temps d’acquisition du démonstrateur sans pertes
1.7.4 Enoncé du cahier des charges
Conclusion du chapitre 1
Liste des figures du chapitre 1
Liste des tableaux du chapitre 1
Bibliographie du chapitre 1
Chapitre 2 Détection directe en bande étroite au-delà de 100 GHz : état de l’art et quantification des pertes
Introduction du chapitre 2
2.1 Conditions du transfert optimum de la puissance incidente rayonnée à la charge bolométrique
2.1.1 Principe de l’adaptation d’impédance
2.1.2 Modélisation électrique du microcapteur
2.1.3 Conditions du transfert optimum de puissance
2.2 Etat de l’art des antennes planaires
2.2.1 Classification des antennes planaires
2.2.2 Antennes planaires et ondes de surface
2.2.3 Antennes planaires couplées à un bolomètre : quelques exemples
2.2.4 Comparaison de l’antenne en V avec les antennes planaires présentées85
2.3 Pertes dans l’antenne en V planaire
2.3.1 Pertes par réflexion et par réfraction
2.3.2 Pertes métalliques et diélectriques
2.3.3 Réduction des pertes grâce à l’utilisation d’un substrat membranaire
2.4 Etat de l’art des filtres sélectifs planaires en micro-onde
2.4.1 Filtres à éléments localisés
2.4.2 Filtres à base de résonateurs couplés
2.4.3 Filtres sélectifs à base de résonateurs CoPlanar Stripline (CPS)
2.4.4 Dual Behavior Resonator (DBR)
2.4.5 Dual Mode Resonator (DMR)
2.4.6 Synthèse
2.5 Le filtre de Fabry-Pérot
2.5.1 La cavité Fabry-Pérot
2.5.2 Miroir de Bragg
2.6 Pertes dans le filtre sélectif BIP 1D
2.6.1 Modélisation du filtre à l’aide de la matrice chaîne [ABCD]
2.6.2 Performances du filtre sans pertes
2.6.3 Approche analytique des pertes dans le filtre
2.6.4 Influence de l’épaisseur du substrat sur les pertes dans le filtre
2.6.5 Effet des pertes métalliques et diélectriques sur la réponse du filtre
2.7 Etat de l’art des transitions CPS – Microstrip
2.7.1 Transition à conversion de mode
2.7.2 Transition à jonction T symétrique
2.7.3 Transition à couplage
2.7.4 Transition « ultra large bande »
2.8 « Tapérisations » ou formes géométriques pour une transition
2.8.1 Cas général
2.8.2 Exemples de tapérisations
2.9 Transition CPS – Microstrip choisie : « ultra large bande » à tapérisation de Klopfenstein
2.9.1 Description détaillée de la transition choisie
2.9.2 Evolution du champ électromagnétique le long de la transition
2.9.3 Evolution de l’impédance caractéristique de la transition en fonction de ses paramètres géométriques
2.9.4 Dimensionnement pratique de la transition
2.9.5 Pertes dans la transition
Conclusion du chapitre 2
Liste des figures du chapitre 2
Liste des tableaux du chapitre 2
Bibliographie du chapitre 2
Chapitre 3 « Antenne − Transition − Filtre chargé » : conception et simulation à 115,3 GHz
Introduction du chapitre 3
3.1 Outil de conception 3D en hyperfréquence : CST Microwave Studio
3.1.1 Technique des Intégrales Finies (FIT)
3.1.2 SmartGridTM
3.1.3 Solveurs
3.1.4 Quelques précautions de simulation
3.2 Antenne en V planaire : conception et simulation à 115,3 GHz
3.2.1 Détermination de la longueur physique de l’antenne
3.2.2 Simulation de l’antenne dans l’air
3.2.3 Simulation de l’antenne sur membrane avec pertes
3.3 Filtre sélectif BIP 1D planaire : conception et simulation à 115,3 GHz
3.3.1 Dimensionnement du filtre
3.3.2 Réponse théorique du filtre avec pertes
3.3.3 Réponse simulée du filtre avec pertes
3.4 Transition CPS – Microstrip : simulation à 115,3 GHz
3.4.1 Simulation de la transition
3.5 Microcapteur complet à 115,3 GHz
3.5.1 Simulation de l’ensemble « Antenne + Transition »
3.5.2 Simulation du microcapteur complet
3.5.3 Rendement global de couplage de la puissance incidente à la puissance transmise à la charge bolométrique
Conclusion