Les microalgues sont des microorganismes photosynthétiques qui attirent l’attention des scientifiques et des industriels en raison de leurs nombreuses potentialités. La principale concerne la production des métabolites d’intérêt thérapeutique ou industriel tels les acides gras polyinsaturés à grande chaîne (AGPI), les pigments, les polysaccharides, les vitamines ou divers composés biologiquement actifs. Mais les microalgues peuvent aussi être utilisées pour la protection de l’environnement en utilisant leur capacité à fixer le dioxyde de carbone et certains métaux lourds lors de leur croissance (traitement des eaux usées, réduction des gaz à effet de serre) et à produire de l’énergie sans dégagement de gaz à effet de serre (production de biofuel).
La recherche de nouvelles technologies permettant la production et l’utilisation d’une énergie propre et renouvelable a remis récemment sur le devant de la scène la production biologique d’hydrogène grâce aux capacités des microalgues. Malgré celà, le monde scientifique ne s’intéresse que depuis peu aux microalgues. Le développement de la biotechnologie des microalgues est ralenti par les performances de croissance limitées dans les photobioréacteurs industriels.
Microalgues : applications, systèmes de production et modèles de croissance
Au cours de ces dernières années, l’activité de recherche dans le domaine des microalgues s’est accrue et l’on connaît mieux maintenant leurs potentialités. Ainsi l’intérêt industriel vis-à-vis de ces microorganismes photosynthétiques va croissant. Leur application la plus importante concerne la production de molécules à haute valeur ajoutée mais il est aussi envisageable d’utiliser les microalgues pour des applications environnementales : capture de CO₂, traitement des eaux usées et production d’engrais. Plus récemment un regain d’intérêt est né de la possibilité de produire des biocarburants comme une des énergies alternatives du futur.
Microalgues
Avant l’apparition de la vie, l’atmosphère de la Terre était riche en gaz carbonique et en méthane. Ce sont dans ces conditions hostiles que les premiers microorganismes sont apparus : les cyanobactéries il y a 3,5 milliards d’années et les eucaryotes il y a 1,8 milliards d’années (Pflug, 1987). Ces algues bleues, rouges, vertes et brunes ont joué et jouent encore un rôle essentiel sur la planète. C’est grâce à ces organismes que l’atmosphère initiale hostile au développement d’espèces animales a été transformée en cette atmosphère respirable que l’on connait aujourd’hui. Comme toutes les plantes, les microalgues sont capables, grâce à la photosynthèse, de recycler le dioxyde de carbone en oxygène et de convertir l’énergie solaire en une matière première constituant la base de la chaîne alimentaire des autres êtres vivants.
Au cours de leur évolution, ces microorganismes ont pu coloniser la quasi-totalité des niches écologiques dont la plupart sont des milieux extrêmes. Leur capacité d’adaptation à n’importe quel type de milieu est remarquable car ils peuvent fabriquer des structures de résistance lorsque les conditions écologiques sont défavorables. Ainsi, nous pouvons trouver des microalgues dans des environnements acides, alcalins, et même riches en acide sulfhydrique. D’autres supportent le froid ou au contraire les hautes températures ou la sécheresse (Couté, 1995). La plupart des algues se développent en milieu aquatique mais certaines sont terrestres et sont même capables de se développer sur les troncs des arbres ou façades des maisons. Cette adaptabilité à des conditions environnementales diverses s’explique d’une part grâce à un polymorphisme avec une certaine résistance développée lorsque les conditions sont défavorables à leur développement et, d’autre part, grâce à la production de métabolites en fortes concentrations lorsque leur milieu est modifié. Cette adaptation à des milieux très différents explique la variété d’espèces qui comporte actuellement, selon les estimations, entre 20 000 et 40 000 espèces différentes (Thurman, 1997). Malgré cela, le monde scientifique ne s’intéresse que depuis peu aux microalgues. Leur étude reste limitée à une cinquantaine d’espèces clairement identifiées et à une vingtaine réellement exploitées.
Production de biomasse à but alimentaire
L’utilisation des microalgues comme source de nourriture vient des pratiques ancestrales de populations sujettes à la famine. Les chinois utilisaient la microalgue Nostoc commune pour assurer l’alimentation il y a plus de 2000 ans (Danxiang et al., 2004). Actuellement, la plus connue dans ce domaine est une microalgue appelée Arthrospira platensis, ou Spiruline, que l’on trouve comme complément à l’alimentation dans de nombreux pays comme le Japon, l’Inde ou le Mexique (Richmond, 1987 ; Vonshak, 1997 ; Fox, 1999). Elle joue dans certains pays un rôle essentiel, comme sur les bords du lac Tchad, où elle est récoltée et consommée depuis toujours et représente actuellement la ressource principale pour faire face à la famine (Vonshak, 1997 ; Borowitzka, 1999 ; Fox, 1999 ; Hu, 2004).
Le contenu élevé en protéines (entre 12 et 65 % de la matière sèche d’après Coutteau, 1996) de plusieurs espèces de microalgues est une des principales raisons pour les considérer comme une source non conventionnelle de protéines (Cornet, 1998 ; Fox, 1999, Soletto et al., 2005). De plus, grâce à leur capacité à synthétiser tous les acides aminés, elles représentent une source potentielle pour l’apport de ces molécules aux humains et aux animaux. Leur contenu en lipides varie entre 1 et 70% de la matière sèche (M.S.). Les lipides algaux sont composés de glycérol, d’acides gras estérifiés, saturés ou non saturés. Les microalgues représentent aussi une source importante de presque toutes les vitamines essentielles et sont également riches en pigments (Becker, 2004a).
Alors que ces microorganismes sont bénéfiques dans la nutrition humaine, ils sont également incorporés dans l’alimentation d’animaux comme les poissons, les animaux domestiques ou d’élevage. Une partie considérable (30%) de la production mondiale de microalgues est destinée à l’alimentation animale (Becker, 2004a). Ainsi, leur petite taille confère aux microalgues un rôle essentiel dans l’élevage larvaire de certains mollusques et poissons, dans la nutrition de crevettes et comme nutriment de base dans les écloseries d’huitres ou de palourdes. Elles sont aussi utilisées indirectement pour l’élevage des turbots, en nourrissant le zooplancton qui sert ensuite de nourriture aux jeunes turbots (Muller-Feuga, 2000 ; Becker, 2004b).
Production des molécules à haute valeur ajoutée
Alors que les applications alimentaires proviennent le plus souvent de coutumes ancestrales, la production de molécules à haute valeur ajoutée est beaucoup plus récente. Ces molécules peuvent être extraites lorsque leur concentration est suffisante. La microalgue est alors cultivée pour un élément particulier de sa composition. Parmi ces molécules on trouve : les pigments, les acides gras, les polysaccharides et les composés bioactifs.
Pigments
Dans leur milieu naturel, on trouve différentes espèces de microalgues se développant à des profondeurs d’eau bien différentes. Certaines d’entre elles, se trouvant en eau profonde, et donc, éloignées du soleil, ont subi une évolution biochimique permettant d’accroitre la variété de leurs pigments afin d’élargir leur spectre d’absorption pour capter les radiations lumineuses nécessaires à la photosynthèse. Ceci explique la diversité des couleurs rencontrées chez les microalgues, qui vont du vert au rouge, en passant par le bleu. En plus de la chlorophylle (0,5 à 1% de la matière sèche (M.S.)) qui est le pigment photosynthétique primaire chez toutes les algues photosynthétiques, on trouve toute une gamme de pigments supplémentaires de type caroténoïdes (0,1 à 0,2% de la M.S.) et phycobiliprotéines (phycoérythrine et phycocyanine). Les pigments principalement exploités sont la phycocianine d’Arthrospira platensis (spiruline), la phycoérythrine de Porphyridium purpureum, l’astaxanthine d’Haematococcus pluvialis ou le β-carotène de Dunaliella salina (Becker, 2004a ; Dufossé et al., 2005). Les applications de la production de pigments sont variées. Les caroténoïdes sont utilisés principalement en tant que colorant naturel alimentaire (jus d’orange par exemple) et comme additif dans l’alimentation animale (pour donner une couleur orangée à la chair du poisson et au jaune d’œuf de la poule) mais ils trouvent aussi des applications dans la cosmétique (Del Campo et al., 2000 ; Mojaat et al., 2007)). D’ailleurs, ils agissent comme provitamine A (García Gonzáles et al., 2005). Un effet thérapeutique préventif vis-à-vis du cancer est aussi parfois attribué à ces molécules (Guerin et al., 2003). Par contre, les phycobiliprotéines sont largement utilisées dans des laboratoires en immunologie. En effet, leurs propriétés en font des réactifs fluorescents hautement sensibles et très puissants (Hu, 2004).
Lipides et AGPI
Les microalgues ont un avantage sur les espèces oléagineuses terrestres : elles peuvent accumuler jusqu’à 50% de leur poids sec en acides gras, permettant d’envisager des rendements à l’hectare supérieurs aux espèces oléagineuses terrestres. Parmi tous les acides gras présents dans leur composition, certains ont un intérêt spécifique : l’acide γ-linolénique GLA (18 :3, cis 6, 9, 12), l’acide arachidonique AA (20 :4 cis 5, 8, 11, 14), l’acide eicosapentaénoïque EPA (20 :5 cis 5, 8, 11 14, 17) et l’acide docosahexaénoïque DHA (22 :6 cis 4, 7, 10, 13, 16, 19) (Certik et Shimizu, 1999).
A l’heure actuelle, les lipides neutres comme les triglycérides et les acides gras libres (estérifiés ou non) sont les plus exploités dans l’industrie alimentaire, cosmétique et pharmaceutique. Ces lipides neutres sont obtenus à partir des huiles de poisson. Leur caractéristique principale est la présence des acides gras polyinsaturés à longue chaine (AGPI). Les microalgues sont riches en AGPI et présentent l’avantage de ne pas contenir de cholestérol, de ne pas avoir d’odeur et de goût désagréables et d’être cultivables en photobioréacteurs. Elles représentent une alternative intéressante face à la production d’AGPI à partir des huiles de poisson. Quelques espèces de microalgues comme Nannochloropsis, Phaeodactylum tricornutum, Porphyridium, Nitzschia laevis, Mortierelle, Pythiturn et Parietochloris incisa ont montré un énorme potentiel de production industrielle présentant entre 7 et 50 % d’EPA dans leur huiles (Certik et Shimizu, 1999 ; Khozing-Goldberg et al., 2006).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Microalgues, applications, systèmes de production et modèles de croissance
1.1. Introduction
1.2. Microalgues
1.3. Utilisation des microalgues
1.3.1. Production de biomasse à but alimentaire
1.3.2. Production des molécules à haute valeur ajoutée
1.3.2.1. Pigments
1.3.2.2. Lipides et AGPI
1.3.2.3. Polysaccharides
1.3.2.4. Substances bioactives
1.3.3. Applications environnementales
1.3.3.1. Traitement des eaux usées
1.3.3.2. Agriculture
1.3.3.3. Production de biohydrogène
1.3.3.4. Capture de CO2
1.3.3.5. Production de biocarburants
1.3.3.6. Systèmes de support de vie : Le Projet MELISSA
1.4. Systèmes de production
1.4.1. Définition d’un bioréacteur
1.4.2. Modes de fonctionnement d’un bioréacteur
1.4.3. Ecosystèmes Naturels
1.4.4. Bassins artificiels ouverts
1.4.5. Systèmes industriels fermés : Les photobioréacteurs
1.5. Un point sur les modèles microalgaux
1.5.1. Modélisation des flux de matière ou gazeux
1.5.2. Modèles de cinétique cellulaire
1.5.2.1. Modèles tenant compte de la lumière
1.5.2.2. Modèles tenant compte de la lumière et du carbone
1.5.2.3. Modèles tenant compte d’autres composants du milieu réactionnel
1.6. Conclusion
Chapitre II : Identification du modèle
2.1. Introduction
2.2. Profil d’évolution de la biomasse en mode batch
2.3. Microalgue modèle : Porphyridium purpureum
2.3.1. Facteurs physiques
2.3.1.1. Lumière et agitation
2.3.1.2. Température
2.3.2. Facteurs chimiques : Nutriments
2.3.2.1. Source de carbone
2.3.2.2. Source d’azote
2.3.2.3. Source de phosphore
2.3.2.4. Salinité du milieu de culture
2.3.2.5. Autres macro et micronutriments
2.3.3. Milieu de culture
2.4. Matériels et méthodes
2.4.1. Préparation de l’inoculum
2.4.2. Description du dispositif expérimental
2.4.3. Stérilisation du photobioréacteur
2.4.4. Démarrage de la culture
2.4.5. Méthodes de suivi de la croissance
2.4.5.1. Comptage cellulaire par microscopie
2.4.5.2. Comptage cellulaire par granulométrie laser
2.4.5.3. Mesures spectrophotométriques
2.4.5.4. Mesure de la matière sèche
2.4.6. Méthodes de suivi des conditions de culture
2.4.6.1. pH et oxygène dissous
2.4.6.2. Evolution du débit et de la composition du gaz d’alimentation
2.4.6.3. Intensités lumineuses incidente et sortante
2.4.6.4. Carbone inorganique total
2.5. Choix du modèle
2.5.1. Modèle de croissance pour Porphyridium purpureum
2.5.2. Modèle d’évolution du carbone inorganique total (CIT)
2.6. Identification des paramètres
2.6.1. Planification d’expériences
2.6.2. Etude de l’influence de l’apport de CO2
2.6.3. Etude de l’influence de l’apport de lumière
2.6.4. Culture à conditions optimales : étude de répétabilité
2.6.5. Étude du transfert gaz-liquide sur le photobioréacteur : Détermination expérimentale du kL aCO2
2.6.6. Identification des paramètres du modèle
2.7. Validation du modèle de croissance
2.8. Conclusion
Chapitre III : Estimation d’état
3.1. Introduction
3.2. Représentation d’état
3.3. Observabilité des systèmes
3.3.1. Définition de l’observabilité
3.3.2. Observabilité d’un système linéaire
3.3.3. Observabilité d’un système non-linéaire
3.4. Filtre de Kalman
3.5. Filtre de Kalman discret
3.6. Filtre de Kalman étendu
3.7. Résultats en mode batch
3.8. Résultats en mode continu
3.9. Conclusion
Chapitre IV : Définition de la stratégie de commande et synthèse des lois de commande
4.1. Introduction
4.2. Stratégie de commande
4.3. Modèle retenu
4.4. Commande non-linéaire
4.5. Commande linéaire
4.6. Régulation par PID Ziegler-Nichols
4.7. Commande par retour d’état linéarisant
4.7.1. Linéarisation par retour d’état
4.7.2. Commande du système linéarisé
4.7.3. Mise en œuvre de la commande du photobioréacteur
4.7.3.1. Premier cas : y = X
4.7.3.2. Second cas : y = CIT/X
4.7.4. Remarque : Platitude
4.8. Régulation par modèle Générique (GMC)
4.9. Commande prédictive non linéaire (CPNL)
4.9.1. Application à la culture de Porphyridium purpureum
4.9.2. Problème d’optimisation
4.9.3. Prise en compte des erreurs du modèle
4.9.4. Résolution du problème d’optimisation : approche séquentielle CVP
4.10. Validation par simulation
4.11. Conclusion
Conclusion