La jeune pousse Toulousaine SmartCatch développe des micro-dispositifs de capture (S-MDC) exploitant les propriétés physiques particulières des cellules tumorales circulantes (CTCs) pour leur isolement à partir d’échantillons de sang complet. Le principe de capture repose sur la microfiltration permettant de retenir les CTCs sur une membrane filtrante. Les cellules sanguines de taille inférieure et plus déformables traversent la membrane filtrante des S-MDCs. Ces dispositifs sont au cœur des travaux de recherche et développement présentés dans le cadre de ce projet de thèse.
Dans un premier temps, les dispositifs ont été développés dans l’environnement académique du LAAS-CNRS. Un procédé de microfabrication a été mis au point au sein de la plateforme de micro et nanotechnologies. Ce procédé permet d’obtenir des dispositifs métalliques robustes à la résolution micrométrique. Plusieurs centaines de dispositifs sont conçus par lot de fabrication. La mise au point de ce procédé est favorable au transfert industriel pour une production parallélisée et à faible coût. Par ailleurs, une preuve de concept et des premiers résultats encourageants de capture de cellules de lignées tumorales en suspension dans un milieu simple puis dans du sang complet a motivé le transfert technologique vers un développement industriel de ces dispositifs afin de les rendre accessibles pour une utilisation en routine clinique.
Le principe de fonctionnement de ces dispositifs repose sur la capture de cellules dans des conditions proches de celles de l’environnement physiologique afin de les préserver dans les meilleures conditions pour les analyses post capture. Un autre paramètre déterminant est l’analyse de volumes sanguins élevés afin de pouvoir extraire un nombre important de CTCs. Ceci est nécessaire pour obtenir un échantillon représentatif de la population de CTCs ainsi que du matériel biologique en quantité suffisante pour les étapes d’analyse biologiques effectuées à l’issue du processus de capture.
L’isolement de CTCs pour la biopsie liquide
Le concept de biopsie liquide
Un biomarqueur est une caractéristique biologique qui peut être mesurée avec précision chez un individu. Il est utilisé en médecine comme indicateur pour le suivi d’un processus physiologique normal ou pathologique, ou également pour le suivi de la réponse à un traitement thérapeutique. La recherche dans le domaine des biomarqueurs liés aux cancers évolue rapidement. Aujourd’hui, certains biomarqueurs du cancer sont déjà utilisés en milieu hospitalier pour le diagnostic de certains cancers. C’est le cas par exemple de l’antigène spécifique de la prostate (Prostate Specific Antigen, PSA) dont un taux anormalement élevé dans le sang peut être un potentiel indicateur de cancer. Afin d’accéder aux biomarqueurs choisis pour leur analyse, il est possible d’effectuer un prélèvement tissulaire à partir de l’organe d’intérêt. Ce geste médical est appelé biopsie. L’intervention est adaptée en fonction de l’accessibilité de la zone ciblée et peut être réalisée sur différents types d’organes au moyen d’une aiguille, par endoscopie ou chirurgie classique. L’analyse de ces prélèvements n’est pas toujours représentative de l’état pathologique du patient car elle est le reflet d’un instantané, dans l’espace et le temps, de l’hétérogénéité de la masse tumorale. Des biopsies répétées régulièrement sur le patient seraient requises afin d’apporter les informations nécessaires à l’évaluation et au suivi de l’évolution de la maladie. Cependant cette procédure médicale présente un certain degré de risques et complications incluant de la douleur au niveau du site de prélèvement, un risque d’endommagement des tissus environnants et d’infection. En pratique les biopsiessont limitées pour éviter les risques et certains sites de prélèvements restent inaccessibles. Depuis quelques décennies et les récentes avancées technologiques, les recherches se focalisent sur des biomarqueurs circulants, disséminés dans les fluides corporels tels que le sang, la lymphe, les urines ou le liquide céphalo-rachidien. La recherche de biomarqueurs au sein de ces biofluides est appelé biopsie liquide par opposition au terme de biopsie solide qualifiant la biopsie classique de prélèvement de tissus. Ce type de biopsie moins invasive peut être effectuée de façon répétée dans le temps. De plus cette technique permet l’accès à des marqueurs circulants issus de différents sites de l’organisme. Ainsi la biopsie liquide représenterait un outil plus approprié que la biopsie solide pour évaluer l’hétérogénéité de la masse tumorale.Cette technique présente un fort potentiel pour répondre au besoin clinique d’un accès à une information biologique représentative visà-vis de l’état pathologique d’un patient tout au long d’un parcours de soins. La biopsie liquide permettrait un suivi de l’évolution des tumeurs primaire et métastatiques ainsi que le suivi de la réponse à un traitement thérapeutique, permettant ainsi d’adapter à l’échelle individuelle la prise en charge des patients. Ces perspectives sont qualifiées par la communauté du milieu médical de médecine personnalisée ou de précision.
De nombreuses techniques sont en cours de développement pour l’extraction et l’analyse de biomarqueurs sanguins. Dans le domaine de l’oncologie, les principaux biomarqueurs d’intérêt sont essentiellement du matériel biologique issu de tumeurs tels que des fragments d’ADN et ARN , des vésicules extracellulaires, ou exosomes, dérivant de cellules tumorales 6 , et des cellules tumorales circulantes (CTCs).
Les CTCs en tant que biomarqueurs tumoraux
Les CTCs ont été documentées pour la première fois en 1869 par un médecin australien, Thomas Ashworth, à partir d’observations de sang d’un patient atteint d’un cancer métastatique . Bien qu’elles aient été découvertes il y a près de 150 ans, elles ont été le sujet de peu d’études avant le milieu des années 1990. Ceci s’explique par leur détection qui relève du défi technique. Avec les avancées dans des disciplines telles que la médecine etl’oncologie, la biologie, la science des matériaux et la chimie, la détection de CTCs est devenue un domaine de recherche très actif. Leur détection au sein du sang périphérique est notamment étudiée dans de nombreuses travaux, car ce fluide corporel constitue un intermédiaire abondant et simple d’accès pour la biopsie liquide.
Les CTCs au sein de la circulation sanguine
Dans le cas des carcinomes, des cellules épithéliales se détachent d’une tumeur primaire pour rejoindre la circulation sanguine, la lymphe, la moelle osseuse ou le liquide céphalo-rachidien par le biais d’un processus appelé Transition Epithélio-Mésenchymateuse (Epithelial to Mesenchymal Transition, EMT). Ce processus décrit en détail par D. Shook et R. Keller en 2003 a été pour la première fois rapporté dans les années 1980 comme acteur du développement embryonnaire puis à partir de 2005 comme mode de dissémination de cellules tumorales au sein de l’organisme . Le processus d’EMT est un processus transitoire durant lequel les cellules épithéliales subissent une reprogrammation génétique associée à des modifications phénotypiques pour acquérir des propriétés mésenchymales et devenir mobiles. Ainsi, les cellules cancéreuses acquièrent la capacité d’évoluer au sein de la circulation sanguine pour coloniser des tissus à distance. Il a été mis en évidence que les une partie des cellules cancéreuses ayant subi le processus d’EMT conservent des caractéristiques épithéliales permettant de les différencier des cellules sanguines saines . Les cellules infiltrent ainsi la circulation sanguine lors de l’intravasation et voyagent librement au sein du biofluide. Le processus inverse est la Transition Mésenchymo-Epithéliale (Mesenchymal to Epithelial Transition, MET) permettant aux cellules de passer de la circulation sanguine à un tissu, c’est l’extravasation. Certaines de ces cellules peuvent former des tumeurs secondaires ou métastases à des sites distants de la tumeur primaire. Les CTCs sont ainsi associées au développement métastatique , première cause de décès par cancer .
Les CTCs présentes au sein de la circulation sanguine ne sont pas toutes identiques en raison des transformations phénotypiques qu’elles ont subi. Il existe une diversité de CTCs qui diffèrent les unes des autres soit par une évolution différente au sein de la tumeur primaire, ce qui traduit une hétérogénéité de la tumeur, soit par une transformation différente lors de l’EMT. La capture de ces CTCs afin qu’elle soit représentative doit permettre de capturer de manière exhaustive toutes les variétés possibles de CTCs.
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Table des matières
Lexique
Introduction générale
Chapitre 1
Micro-dispositifs pour la capture de cellules tumorales circulantes
Chapitre 2
Intégration d’un système de détection des cellules capturées
Chapitre 3
Intégration d’un dispositif de mesure de la vitesse d’écoulement par effet Doppler
Conclusion générale
Annexe : Production scientifique