MICHAEL WALZER ET LE COMPLEXE D’ÉGALITE

LA DIVERSITE DES BIENS SOCIAUX

    Walzer décrit un processus précis et complexe de répartition en disant que : « Les gens conçoivent et créent des biens qu’ils se répartissent entre eux ». Pour lui donc la conception et la création précèdent et contrôlent le partage et la répartition. Les biens sont ainsi dans l’esprit des gens avant d’être entre leurs mains. Et c’est d’ailleurs d’après lui ce qui rend difficile la répartition dans la mesure où ces biens ou ensemble de biens qu’ils soient matériels ou bien symboliques comme la reconnaissance ou le statut social constituent un « ordre » au sens pascalien du terme. Walzer remplace cette notion d’ordre par celle de « sphère » et soutient que chaque bien correspond à une sphère au sein de laquelle correspondent des critères spécifiques de répartition. C’est pourquoi nous dit Walzer, il n’existe pas de critère unique de répartition vue la pluralité des biens et des cultures et que les significations communes de ces biens varient selon l’histoire chaque culture. Ce philosophe communautarien considère que cette pluralité des possibilités de répartition nécessite une explication et une limitation ; et pour cela il faut mettre en place une théorie des biens qu’il articule autour de six propositions.
 La première consiste à montrer que tous les biens sociaux sur lesquels porte la justice distributive sont des biens sociaux. Dans ce cas Walzer explique que les sentiments individuels vis-à-vis d’une chose ne peuvent être valables que lorsque celle-ci est communément reconnue comme telle dans cette société ou cette culture. C’est par exemple le cas d’un beau coucher de soleil, l’excitation que procure un panorama urbain qui n’arrive que dans les cultures où le sentiment s’attache habituellement à ces genres d’objets.
 La seconde veut dire que l’identité concrète des hommes et des femmes est liée à la façon dont ils conçoivent et créent les biens sociaux qu’ils possèderont ensuite. Notre auteur montre ici que les gens sont liés aux biens sociaux par le fait qu’ils les ont conçus communément dans le temps à travers leurs rapports interindividuels mais aussi par rapport au milieu moral et matériel dans lequel ils vivent.
 La troisième soutient une absence de bien ou ensemble de biens primaires qui est à la base de tout autre bien. Il n’existe pas de bien de base dont la signification sociale serait unique et univoque. Ainsi, même la nourriture aussi nécessaire soit-elle à n’importe quelle époque et dans n’importe quel lieu, peut prendre des significations différentes selon la culture en question. Ce qui fait que le pain symbolise aussi bien le soutient d’une vie que le corps du Christ, le symbole du Sabbat ou encore un moyen d’hospitalité.
 La quatrième proposition lie le jugement social concernant la justice d’une répartition à la signification du bien en question. Ce qui veut dire que c’est la signification des biens qui détermine leur répartition. Donc ce n’est pas la nature du bien en question qui est à l’origine de sa distribution mais plutôt le sens que lui confère la société ou la culture.
 Dans la cinquième proposition, Walzer montre que les significations sociales sont concrètement liées à une histoire. Celles-ci changent suivant l’histoire en fonction de l’espace et du temps. Walzer l’explique clairement dans ce passage des Sphères de justice : « Les significations sociales sont de caractère historique, il en est de même pour les répartitions et qu’elles soient justes ou injustes, celles-ci changent selon les époques »28. C’est pour cela que le port vestimentaire représentait dans l’Europe féodale un signe de royauté alors qu’à l’époque moderne on ne peut plus distinguer le statut social par le simple habillement.
 Dans la sixième et dernière proposition, Walzer distingue les principes de répartition en fonction des significations distinctes. Dans ce cas, l’auteur précise qu’à chaque sphère de significations, s’applique un principe de distribution différent ce qui fait que les principes qui s’appliquent dans le marché par exemple ne sont pas les mêmes que ceux qui s’appliquent dans le domaine de la religion. Ainsi les significations étant distinctes les répartitions doivent être autonomes.
Or pour lui, la domination commence lorsque les avantages qu’on possède légitimement dans une sphère donnée sont convertis de façon illégitime dans d’autres sphères différentes. C’est tout le sens de la définition qu’il donne à la tyrannie en citant Pascal : « La tyrannie Selon Walzer les significations ne peuvent pas se limiter à de simples « relations matérielles dominantes saisies comme des idées », c’est-à-dire « rien que des idées d’une classe dominante », tel que Marx les a conçues même si les membres de cette classe dominante et les intellectuels qu’ils protègent puissent être en position d’exploiter et de faire dévier les significations sociales pour leurs intérêts. En outre quand ces membres font cela, ils risquent de tomber sur des réactions fondés intellectuellement sur les mêmes significations. La culture d’un peuple est toujours une production commune, même si elle n’est pas entièrement le produit d’une coopération, et c’est toujours une production complexe. La manière courante dont on comprend les biens particuliers intègre des principes, des procédures, des conceptions de l’agir, que les dirigeants ne choisissent pas s’ils devaient choisir immédiatement et nous fournit ainsi les termes d’une critique sociale. La forme usuelle du discours critique consiste à faire appel à ce qu’il appelle des principes internes contre les usurpations des hommes ou des femmes ont du pouvoir. consiste au désir de domination universel et hors de son ordre ». Ce qui veut dire que la répartition des biens doit tenir compte de l’autonomie des sphères qui résulte des diverses significations qu’un bien ou ensemble de biens sociaux peut avoir en fonction de l’évolution de l’histoire des différentes sociétés. Mais cette autonomie des sphères n’est pas sans conséquences et Walzer distingue deux types de conséquences : la prédominance et le monopole. Il définit la prédominance par une situation où un bien ou ensemble de biens domine les autres sphères. C’est le cas par exemple du capital dans une société capitaliste. Ainsi ditil : « Le terme prédominance décrit un usage des biens sociaux qui n’est pas limité par leurs significations intrinsèques ou qui forme ces significations à sa propre image ». En ce qui concerne le monopole, l’auteur nous dit qu’il renvoie à l’accaparement d’un bien constitutif au sein d’une sphère par un groupe d’individus. Ainsi « Ce bien est monopolisé chaque fois qu’un seul homme ou femme monarque dans le monde des valeurs- ou qu’un groupe d’hommes et de femmes des oligarques- en dispose avec succès contre tous les rivaux »31. Cependant souligne Walzer, la prédominance est la création sociale la plus complexe parce que c’est un produit collectif qui mêle la réalité et le symbole. Ce qui fait que les biens comme les charges politiques et religieuses, le patrimoine terrien, la réputation familiale ou la force physique avait chacun fait l’objet de prédominance et de monopole par un groupe d’hommes ou de femmes à des époques de l’histoire. Par conséquent, la prédominance et le monopole renvoient à deux types d’injustice qui donnent naissance à deux types de revendication portés par les autres membres qui revendiquent l’égalité. La première revendication renvoie au fondement de l’égalité simple qui exige une redistribution de manière égale du bien dominant entre les différents membres de la société. Dans ce cas, c’est le monopole qui est injuste. Or chez Walzer la réalisation de l’égalité simple est toujours destinée à une instabilité dans la mesure où on ne peut continuer d’assister à une situation où tout le monde possède la même quantité de biens. Il est évident que tôt ou tard certains membres vont échanger leurs biens avec d’autres types de biens tels que l’argent et c’est ainsi que naissent de nouvelles inégalités. Et même si on parvient à briser le monopole d’un bien dominant, la compétition s’orienterait vers une autre sphère ainsi se créent de nouveaux monopoles comme dans le domaine de l’éducation. C’est ce qui donne naissance à une deuxième forme de revendication qui est en faveur de l’égalité en faveur de l’égalité complexe. Cette fois ci, l’exigence qui s’impose c’est qu’il n’ait pas de bien qui domine les autres sphères. Dans ce cas, c’est la prédominance qui est injuste. En effet, ce n’est pas la distribution inégale d’un bien qui est dénoncée mais c’est plutôt le fait que ce bien interfère dans d’autres sphères qui ne le concerne pas. C’est ce qui fait que dans une société capitaliste l’argent donne l’accès à une large gamme de biens tels que l’éducation, la santé qui ont leur propre domaine et leurs propres principes de répartition. Selon Walzer, contrairement à l’égalité simple, l’égalité complexe ne vise pas une élimination des inégalités entre les individus mais elle cherche à mettre fin à toute sorte domination, ce qui fait que le statut d’un individu dans une sphère donnée ne lui permet pas d’avoir des privilèges dans les autres. C’est tout le sens de l’égalitarisme politique tel que le définit Michael Walzer : « Une société libérée de la domination tel est le but de l’égalitarisme politique » . Par conséquent aucun bien monopolisé ne peut être converti pour ensuite servir de moyen de domination pour une personne ou un groupe de personnes. Notre philosophe cherche à mettre en place un principe « ouvert » à partir d’une critique de la prédominance : «Aucun bien social x ne doit être réparti entre des hommes et des femmes qui possèdent un autre bien y du simple fait qu’ils possèdent y sans tenir compte de la signification de x ». Ce principe ne s’intéresse pas aux membres des communautés mais aux biens que ces derniers conçoivent et se partagent entre eux. C’est un principe qui nous conduit à étudier la signification des biens sociaux et à examiner les diverses sphères distributives et cette signification des biens varie en fonction de la culture et le sens que les membres de celle-ci confèrent communément au bien en question. Par conséquent, n’importe quel type de bien peut avoir plusieurs significations parce que tout comme il existe différents biens il y a plusieurs cultures avec leurs propres particularités.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA JUSTICE DISTRIBUTIVE ET L’EGALITE COMPLEXE
CHAPITRE I : LA DIVERSITE DES BIENS SOCIAUX
CHAPITRE II : LA DIVERSITE DES CULTURES
CHAPITRE III : LA DIVERSITE DES CRITERES DE REPARTITION
DEUXIEME PARTIE : LE POUVOIR POLITIQUE, UN MOYEN DE REGULATION POUR L’ACQUISITION DE TOUT AUTRE BIEN
CHAPITRE I : LE STATUT DU POUVOIR POLITIQUE
CHAPITRE II : LA RECONNAISSANCE
CHAPITRE III : LA DEMOCRATIE PLURALISTE
TROISIEME PARTIE : LA THESE DES DEUX UNIVERSALIMES ET LA CRITIQUE SOCIALE
CHAPITRE I : L’UNIVERSALISME DE SURPLOMB
CHAPITRE II : L’UNIVERSALISME REITERATIF
CHAPITRE III : LA CRITIQUE SOCIALE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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