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La gouvernance, un enjeu fort pour la réussite d’une démarche d’EIT
Afin de démultiplier les opportunités de coopération et mettre en oeuvre des synergies, la démarche d’écologie industrielle territoriale nécessite d’impliquer de nombreux acteurs économiques et acteurs du développement du territoire. L’EIT mobilise, comme son nom l’indique, les industriels mais aussi l’ensemble des acteurs présents sur le territoire susceptibles de jouer un rôle quant aux synergies possibles sur celui-ci. Ainsi le panel d’acteurs pouvant participer à une démarche d’EIT est très large.
Le nombre important et la diversité des acteurs d’une démarche d’écologie industrielle et territoriale est donc une opportunité pour réaliser un projet complet prenant en compte l’ensemble des synergies possibles sur un territoire. Cependant, cela est aussi un défi de taille car la démarche d’EIT nécessite alors la participation et l’engagement de tous ces acteurs. L’interaction de l’ensemble de ces acteurs est alors forte et induit la prise en considération du facteur humain, frein à la réussite d’une démarche d’EIT. Une gouvernance forte est ainsi indispensable afin que le projet d’EIT puisse se concrétiser et pérenniser. En effet, la gouvernance peut être définie comme un « processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux et d’institutions, en vue d’atteindre des objectifs définis et discutés collectivement » (Le Galès, 2006) ou encore « un processus institutionnel et organisationnel de construction d’une mise en compatibilité des différents modes de coordination entre acteurs géographiquement proches, en vue de résoudre les problèmes productifs inédits posés aux territoires » (Pecqueur, 2000). Ainsi la gouvernance est l’outil permettant de coordonner, maîtriser les jeux d’acteurs dans un but de réussite du projet.
Une analyse de la gouvernance passe par une analyse des acteurs d’une démarche d’EIT mais aussi de leurs interactions (Brullot, Maillefert, Joubert, 2014). La gouvernance apparaît alors comme un enjeu fondamental quant à la réussite d’un projet d’EIT (Commissariat général au développement durable, 2014).
Les démarches d’EIT sont très variées, tant au niveau des acteurs concernés, de l’échelle ou encore du contexte local. Il n’existe pas par conséquent de mode de gouvernance unique, universel. Chaque démarche étant différente, la gouvernance associée doit être adaptée à celle-ci pour être efficace. Il est donc difficile d’établir une bonne pratique “type” en termes de gouvernance. La question suivante se pose alors : « Comment mettre en place une gouvernance efficace et adaptée à son territoire pour une démarche d’EIT ? ».
Méthodologie utilisée pour répondre à la problématique
Nous avons été invités à participer aux séances d’atelier du Conseil de Développement sur l’économie circulaire. Entre septembre et janvier, nous avons participé à 4 séances de travail. La commande du Conseil de Développement auquelle nous devions répondre s’est précisée au fil du débat, des échanges et des interrogations des membres du groupe de travail. Un atelier est un dispositif modulable, ce qui permet d’adapter la séance en fonction de l’avancement de la réflexion collective menée. Ce projet de fin d’études a ainsi dû s’adapter en fonction du planning de travail fixé séances après séances.
Les discussions lors de la première séance d’atelier se sont tournées vers des exemples d’écologie industrielle dans la région Centre Val de Loire. Afin d’apporter de la connaissance sur ce sujet, nous sommes intervenus dès la deuxième séance afin de présenter les résultats de nos recherches sur les démarches d’écologie industrielle territoriale en France métropolitaine. Cette présentation s’est intéressée à trois exemples de démarches : Bordeaux, Estuaire de la Seine et le parc d’activités “Les Portes du Tarn”. Nous avons souligné les leviers et les freins rencontrés dans le développement de ces démarches d’EIT avant de conclure sur le rôle et le positionnement potentiel des collectivités territoriales pour appuyer l’émergence et la réalisation de démarches d’EIT. Les échanges qui ont suivi cette présentation ont orienté nos recherches sur les jeux d’acteurs mis en place.
Il nous a été demandé d’intervenir une seconde fois afin de présenter de manière synthétique les conditions de réussite d’une démarche d’écologie industrielle. Faute de temps, cette présentation n’a pas pu être donnée. Une dernière intervention qui porte sur l’EIT appliquée aux ZAE est programmée dans le cadre d’un atelier commun entre le groupe de travail sur le SCoT et l’économie circulaire.
Présentation du territoire dunkerquois
Les premières pratiques d’écologie industrielles sur le territoire dunkerquois remontent aux années 1960, bien avant que l’écologie industrielle ne soit un champ de réflexion à part entière. Le contexte local se caractérisait alors par une industrialisation rapide du territoire. Le développement économique de l’agglomération dunkerquoise reposait sur une spécialisation territoriale dans le secteur de la métallurgie. L’entreprise Usinor, aujourd’hui connue sous le nom d’Arcelor-Mittal, est devenue dès les années 1960 l’entreprise structurante du territoire. L’implantation de ce complexe sidérurgique a favorisé le développement industriel et portuaire de Dunkerque mais a aussi bouleversé le paysage urbain et environnemental de l’agglomération. Les premières synergies entre firmes sont toutes liées à l’activité productive d’Usinor. Une société de traitement de résidus sidérurgiques va notamment être créée pour réutiliser un des sous-produits générés par la production d’acier. La firme sidérurgique va aussi bénéficier de l’implantation d’une central thermique EDF pour valoriser les gaz générés par son process et ainsi satisfaire ses besoins en électricité. La ville de Dunkerque va aussi exploiter la chaleur fatale issue du process d’Usinor comme source de chauffage pour des logements publics et logement privés ainsi que pour des bâtiments publics (Beaurain et Varlet, 2015).
Le contexte territorial changeant ainsi que de nouveaux projets d’écologie industrielle engagés par des entreprises locales vont favoriser la mise en place d’un grand nombre de synergies dans les années 1990 (Beaurain et Varlet, 2014, Beaurain et Varlet, 2015). Comme le rappelle Beaurain et Brullot (2011), l’émergence de la démarche d’EIT sur ce territoire s’inscrit dans le prolongement de l’évolution socio-économique du bassin d’emploi dunkerquois. C’est en effet à la suite de la crise économique des années 1980 et de la prise de conscience des problèmes environnementaux que les autorités politiques locales ont souhaité concilier développement industriel et qualité environnementale. La forte demande de la population pour une meilleure qualité de l’air a en effet encouragé les décideurs publics à engager des actions pour résoudre ce problème. Ces évolutions se sont inscrites dans un projet de territoire, dont « le fil conducteur est l’application du développement durable au développement territorial » (Beaurain et Varlet, 2015).
Si c’est l’initiative conjointe de la mairie de Grande Synthe (commune de l’agglomération dunkerquoise) et de certaines grandes entreprises (Arcelor-Mittal, Ascometal, GDF …) qui a donné naissance à la démarche d’écologie industrielle territoriale sur le territoire Dunkerquois, la création de l’association ECOPAL (Économie et Écologie, Partenaires dans l’Action Locale) en 2001 est l’élément déclencheur du développement de la démarche d’EIT. Sa création a permis d’élargir le réseau d’acteurs participant à l’écologie industrielle. Cette association de type loi 1901 compte aujourd’hui près de 480 adhérents. On retrouve parmi eux des grandes entreprises, des PME, des associations et des particuliers. La mission de l’association ECOPAL est de sensibiliser les entreprises au concept d’EIT en proposant des actions concrètes et en mettant en oeuvre des synergies entre les entreprises (Recueil des démarches d’écologie Industrielle et territoriale, Orée, 2014).
Présentation du territoire de l’Aube
Le projet fut lancé sur le territoire de l’Aube en 2003. Elle résulte de la volonté du Conseil Général d’accroître l’attractivité territoriale du département et de se différencier des autres territoires par intégration de l’écologie industrielle dans sa stratégie de développement territorial (Beaurain et Brullot, 2011). Cette volonté du département fait suite à la restructuration économique et reconversion des activités du territoire. Le secteur historiquement dominant de l’industrie du textile est en déclin depuis 1980 et les petites et moyennes entreprises qui composent en grande partie le tissu économique sont sous pression croissante due aux durcissements des contraintes réglementaires et à la mondialisation économique.
La première phase du projet s’est traduite par le lancement d’une étude préliminaire sur le potentiel de mise en oeuvre de l’écologie industrielle. Un inventaire des flux de matières et d’énergie a été constitué auprès d’une soixantaine d’entreprises, qui ont pu apprendre à se connaître par le biais de cette étude. Financée par le Conseil Général, l’étude a produit des résultats encourageants avec de nombreuses pistes de synergies potentielles. Une synergie entre une sucrerie et une entreprise du bâtiment et des travaux publics a notamment pu être mise en oeuvre à l’issue de cette étude des flux.
Ces résultats ont encouragé la poursuite de la démarche et ont conduit à son institutionnalisation. Le Club d’Ecologie Industrielle de l’Aube (CEIA) a ainsi vu le jour. Cette association est à l’initiative de plusieurs projets en écologie industrielle dont l’objectif est d’optimiser l’énergie et la matière par la mise en place de synergies sur le territoire du département de l’Aube (Recueil des démarches d’écologie Industrielle et territoriale, Orée, 2014). La construction du tronçon Sud-Est de la rocade de Troyes construit à partir de matériaux de déconstruction de routes ou la construction d’un parking à partir de déblais sont deux exemples emblématiques qui ont été influés par le CEIA. L’émergence de la démarche d’EIT s’est effectuée dans deux contextes territoriaux singuliers. Alors que dans le cas du département de l’Aube la démarche a été initiée dans le but de renforcer l’attractivité du territoire, elle a été initiée avec l’objectif de concilier développement industriel et qualité environnementale (et notamment qualité de l’air) sur le territoire Dunkerquois. Ces deux démarches d’EIT sont des références en la matière en France mais peinent malgré tout à concrétiser leurs projets de synergies en projets opérationnels.
Une analyse des modalités de gouvernance et des choix qui ont été fait pour la mise en place de ces démarches sont à analyser afin de déterminer les bonnes pratiques, identifier les leviers d’actions et les freins à ces démarches.
Leçons tirées des deux cas d’études
Cette partie répond à chaque problématique que nous avons sélectionnée lors de notre méthodologie de travail. Pour répondre à ces questions, nous avons analysé les différentes études réalisées sur la gouvernance des démarches du territoire dunkerquois et de l’Aube. Nous nous sommes aussi appuyés sur les résultats et leçons tirées lors des différentes séances avec le CODEV.
Quel acteur pour porter la démarche d’EIT ?
La caractérisation des acteurs est une étape nécessaire pour identifier leur rôle et contribution potentielle à la gouvernance de la démarche. Brullot et Al. (2014) présente une méthodologie d’analyse des acteurs et de leurs relations, qui fut complétée par la suite dans le cadre du projet COMETHE de 2008 à 2011. L’analyse des acteurs repose sur trois attributs qui sont le pouvoir, la légitimité et l’intérêt.
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Table des matières
Introduction
Méthodologie utilisée pour répondre à la problématique
I – Mettre en place une gouvernance efficace et adaptée à son territoire pour pérenniser une démarche d’EIT (analyse de la phase pérennisation)
A – L’écologie industrielle territoriale à Dunkerque et dans l’Aube
A.1 – Choix des études de cas
A.2 – Présentation du territoire dunkerquois
A.3 – Présentation du territoire de l’Aube
B – Leçons tirées des deux cas d’études
B.1 – Quel acteur pour porter la démarche d’EIT ?
B.2 – Le coordinateur de la démarche doit-il être un acteur privé ou un acteur public ?
B.3 – Une institutionnalisation de la structure, étape indispensable ?
B.4 – Quels rôles pour la structure accompagnatrice de la démarche ?
B.5 – Comment mobiliser les entreprises pour qu’elles s’engagent dans la démarche ?
B.6 – La démarche d’EIT dépend-elle de la participation des grandes entreprises ?
B.7 – Faut-il sélectionner ou non les entreprises qui peuvent participer à la démarche ?
B.8 – Quels facteurs peuvent être créateurs de conflits et remettre en question la coopération inter-entreprises?
II – Mettre en place une gouvernance efficace et adaptée à son territoire pour initier une démarche d’EIT (analyse de la phase initialisation)
A – Les facteurs de réussite
A.1 – Quel contexte territorial est favorable au développement d’une démarche d’EIT ?
A.2 – A quelle échelle d’action initier la démarche d’EIT ?
A.3 – En quoi l’intégration de l’EIT dans un projet de territoire favorise la réussite de la démarche ?
B – Les conditions spécifiques relatives à la gouvernance
B.1 – Quelle organisation relationnelle instaurer entre les différents acteurs pour mettre en place la phase initialisation ?
B.2 – Quel acteur pour initier la démarche d’EIT ?
B.3 – À quel objectif premier doit répondre l’initialisation de la démarche ? Quelles sont alors les actions qui doivent être mises en place pour répondre à ce but ?
III – Les apports d’une démarche d’EIT intégrée à une opération de requalification des Z.A.E
A – Contexte et axes d’intervention pour intégrer l’EIT sur une zone d’activités
A.1 – Savoie-Technolac, le cas d’une démarche d’amélioration continue
A.2 – Les ZAE de Lagny-sur-Marne et de la Courtillière, cas d’une opération de requalification
B – L’opportunité de la requalification des Z.A.E pour intégrer les principes de l’EIT
B.1 – Un très mauvais état général des ZAE en France
B.2 – L’EIT, une opportunité pour répondre au besoin de renouvellement des ZAE
C – Apports d’une démarche d’EIT sur un parc d’activités
C.1 – Pour les entreprises
C.2 – Pour le parc d’activités
C.3 – Pour les collectivités
Conclusion
Bibliographie
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