Méthodologie retenue pour les essais de cisaillement direct sur une interface béton-roche

Méthode probabiliste de l’analyse de la fiabilité de la structure

     La plupart des barrages sont conçus en se basant sur les méthodes déterministes citées ci-avant qui s’attachent à évaluer un seul facteur de sécurité par mécanisme d’instabilité étudié. Ces dernières années, des études ont commencé à réfléchir à intégrer la méthode probabiliste de l’analyse de fiabilité (Reliability based method) pour évaluer la stabilité d’un barrage (Johansson 2009 ; Westberg Wilde 2010). Le principe de la méthode probabiliste est d’introduire des fonctions d’état limite qui décrivent les modes de rupture de la structure et les répartitions stochastiques des paramètres caractéristiques (fonction de répartition, moyenne et écart-type). Les coefficients sortant du calcul sont :
– l’indice de sécurité défini comme le rapport entre la moyenne et l’écart-type de la fonction d’état limite qui sera comparé à un indice de sécurité admissible ;
– la probabilité de rupture ;
– le facteur de sensibilité qui représente l’importance de chaque paramètre introduit sur la sécurité de la structure.
La différence entre cette méthode et les méthodes traditionnelles déterministes est que ces dernières consistent à évaluer la stabilité de chaque partie de la structure pour chaque mode de rupture et conditions de charge tandis que la méthode probabiliste permet d’évaluer la sécurité du système en entier. Ainsi plusieurs référentiels techniques ont commencé à introduire l’approche probabiliste dans leurs méthodes d’évaluation de la stabilité (ICOLD 2011; USBR 2011; SPANCOLD 2013).

Lo et al. (1990)

     Dans le but d’évaluer la stabilité des barrages existants, les interfaces béton-roche de 16 barrages construits dans la période de 1910 à 1975 ont été examinées en prélevant plusieurs carottes. Les carottes prélevées présentent soit des contacts parfaitement liés, soit des contacts partiellement liés, soit des contacts non liés. Les carottes prélevées impliquent différents types de roche. Il n’y a pas d’informations sur le béton ni des caractérisations spécifiques. Sur les carottes avec des contacts liés, 10 essais triaxiaux en compression et 13 essais triaxiaux en traction ont été réalisés. Les résultats sur la résistance de pic donnent, selon le critère du MohrCoulomb, une cohésion de 2,2MPa avec un angle de frottement de 62°. Les résultats ne sont pas très sensibles au type de roche de l’interface béton-roche testée. De plus 45 essais de traction ont été réalisés. Pour les essais où la rupture de carotte se fait au contact béton-roche, la résistance à la traction est trouvée comprise entre 0,18MPa et 2,62MPa avec une valeur moyenne à 1,08MPa. Lo et al. (1990) ont trouvé que dans ce domaine de contrainte de confinement faible, les résultats expérimentaux sont cohérents avec le critère en rupture fragile de Griffith (1921) : la cohésion du contact béton-roche obtenue est égale au double de la résistance à la traction de ce contact.

Conclusion et discussion sur l’application à une interface béton roche

    Parmi les critères cités, le critère de Mohr-Coulomb prend en compte la présence éventuelle d’une cohésion initiale. Mais il ne prend pas en compte explicitement l’influence de la rugosité de la surface rocheuse. Le critère de Patton (1966) est plus explicite puisqu’il prend en compte les deux phénomènes que sont le glissement et la rupture en cisaillement des irrégularités. Mais il ne considère pas une adhésion initiale et il n’est pas adapté pour étudier le comportement d’interfaces possédant des irrégularités naturelles. Le critère de Barton et Choubey (1977) prend en compte à la fois la rugosité de la surface rocheuse et la résistance de la matrice rocheuse. La notion d’effet d’échelle est introduite dans la détermination des deux paramètres JRC et JCS. Mais il reste difficile d’évaluer objectivement JRC et précisément JCS. D’autre part, le critère ne prend pas en compte la présence d’une adhésion initiale. Le critère de Zhao (1997) est un développement du critère de Barton mais il présente les mêmes limitations. Il est également difficile de déterminer le paramètre JMC. Le critère de Maksimovic (1996) développe la notion d’enveloppe non-linéaire de rupture, mais les paramètres définis sont difficiles à obtenir. Il ne prend pas non plus en compte la présence d’une adhésion initiale. Le critère de Grasselli (2001) est l’un des premiers critères qui prennent en compte des paramètres tridimensionnels pour caractériser la rugosité de la surface rocheuse, mais il ne prend pas en compte la présence d’une adhésion initiale. L’auteur a par ailleurs montré que les paramètres du critère dépendent de la dimension de la surface d’observation et de la résolution de mesure. Malgré toutes les études faites, aucune étude ne tient compte à la fois de la présence d’une adhésion initiale et de l’effet de la rugosité réelle de la surface. De plus, toutes les études sont faites sur des interfaces roche-roche c’est-à-dire des interfaces constituées du même matériau sur les deux épontes. Ce n’est pas le cas pour l’interface roche-béton qui se distingue par une différence de rigidité entre les deux épontes et une adhésion initiale due au coulage du béton sur la surface rocheuse.

Méthodologie retenue pour les essais de cisaillement direct sur une interface béton-roche

     Pour reproduire au mieux les conditions réelles de chargement d’un barrage et prendre en compte la contrainte normale appliquée par le poids propre, la procédure d’essai de cisaillement direct à contrainte normale constante a été retenue pour cette étude. Pour que l’essai soit en contrainte normale constante (CNC), l’effort normal appliqué sur l’interface a donc été corrigé en tenant compte de la valeur de la surface théorique en contact corrigée du déplacement tangentiel mesuré. Selon les systèmes de pilotage des boîtes de cisaillement utilisées, deux boîtes sur trois n’avaient pas cette possibilité d’asservissement. Dans ces deux cas, la procédure à force normale constante a été retenue. L’influence de ce conditionnement du chargement normal sur les résultats de la résistance au pic a été supposée négligeable du fait que la rupture du contact lié intervient en général à un dixième de la longueur cisaillée. En se basant sur les valeurs de contraintes normales auxquelles la fondation rocheuse d’un barrage poids est soumise, des contraintes normales inférieures ou égales à 1MPa ont été choisies pour réaliser les essais de cisaillement. Cette gamme de contraintes normales a été estimée en considérant les barrages-poids habituels en France, de hauteur 10 à 60m, construits avec du béton de masse volumique moyenne de 2300kg/m3 (CFBR 2012). Lors de la mise en charge de l’effort normal, la norme ISRM pour les essais de cisaillement direct sur des discontinuités rocheuses (Muralha et al. 2014) recommande de contrôler et limiter la vitesse du chargement normal. Cette norme a été respectée : chaque phase de chargement normal a duré 5 minutes au moins et la vitesse de chargement normal a été fixée inférieure à la vitesse maximale imposée par les recommandations ISRM (0,01MPa/s). En respectant la norme ISRM (Muralha et al. 2014), la vitesse de déplacement tangentielle appliquée durant les essais a été de de 0,1mm/min. Cette vitesse a été choisie pour éviter tout déplacement incontrôlé à la rupture. Pour les essais à grande échelle et quand le cisaillement était visiblement dans la phase de comportement résiduel, la vitesse de cisaillement a été augmentée à 0,2mm/min comme proposé par la norme ISRM (Muralha et al. 2014). Lors des essais, différents paramètres ont été enregistrés : la force normale, la force tangentielle, le déplacement normal et le déplacement tangentiel. Ils ont été enregistrés avec un pas de temps constant de 0,1s (10Hz).

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Table des matières

INTRODUCTION
1 ETAT DE L’ART SUR LA RESISTANCE AU CISAILLEMENT DE L’INTERFACE BETON-ROCHE
1.1 Généralités sur la justification de la stabilité des barrages-poids vis-à-vis du cisaillement à l’interface béton-roche 
1.1.1 Différentes méthodes de justification de la stabilité au glissement à l’interface béton-roche
1.1.1.1 Méthode de la résistance au glissement
1.1.1.2 Méthode du coefficient de frottement
1.1.1.3 Méthode de l’équilibre limite
1.1.1.4 Méthode probabiliste de l’analyse de la fiabilité de la structure
1.1.2 Pratiques nationales de justification de la stabilité au glissement à l’interface béton-roche
1.1.2.1 Pratique canadienne
1.1.2.2 Pratique suédoise
1.1.2.3 Pratique américaine
1.1.2.4 Pratique norvégienne
1.1.2.5 Pratique française
1.1.3 Discussion et conclusions
1.2 Etudes expérimentales antérieures du cisaillement d’une interface béton-roche
1.2.1 Essais au laboratoire
1.2.1.1 Lo et al. (1990)
1.2.1.2 EPRI (1992)
1.2.1.3 Saiang et al. (2005)
1.2.1.4 Moradian (2011)
1.2.1.5 Gutiérrez (2013)
1.2.2 Essais in situ
1.2.2.1 Ghosh (2010)
1.2.2.2 Barla et al. (2011)
1.2.3 Conclusion
1.3 Critères de rupture en cisaillement pour l’interface béton-roche
1.3.1 Critère linéaire de Mohr-Coulomb
1.3.2 Critère bilinéaire de Patton (1966)
1.3.3 Critère mixte de Lo et al. (1990)
1.3.4 Critère empirique JRC-JCS de Barton et Choubey (1977)
1.3.5 Critère de Maksimovic (1996)
1.3.6 Critère tridimensionnel de Grasselli (2001)
1.3.7 Conclusion et discussion sur l’application à une interface béton-roche
1.4 Effet d’échelle sur la résistance au cisaillement
1.4.1 Etude de l’effet d’échelle à l’interface roche-roche
1.4.2 Discussion sur l’effet d’échelle à l’interface béton-roche
2 ETUDE DE L’INTERFACE BETON-ROCHE : DEFINITION DU PROGRAMME EXPERIMENTAL ET CARACTERISATION DU CONTACT
2.1 Principe du programme expérimental
2.2 Description de la campagne d’essais
2.3 Matériaux du contact
2.3.1 Choix des matériaux
2.3.1.1 Béton
2.3.1.2 Roche
2.3.2 Caractérisation des matériaux
2.3.2.1 Caractérisation du béton
2.3.2.2 Caractérisation du granite
2.4 Caractérisation morphologique du contact béton-roche
2.4.1 Mesure de la rugosité
2.4.1.1 Critères du choix de l’appareil de mesure
2.4.1.2 Etat de l’art
2.4.1.3 Stéréocorrélation d’images avec projection de franges de lumière texturée
2.4.2 Caractérisation quantitative de la morphologie de la surface rocheuse
2.4.2.1 Choix du plan de référence
2.4.2.2 Paramètres statistiques
2.4.2.3 Le paramètre JRC
2.4.2.4 Paramètres tridimensionnels de Grasselli
2.4.2.5 Autres paramètres de caractérisation de la morphologie de la surface
2.4.2.6 Effet de la résolution de mesure sur les paramètres
2.4.3 Effet d’échelle sur la morphologie de la surface rocheuse
2.4.4 Conclusion
2.5 Caractérisation de l’adhésion initiale du contact béton-roche
2.5.1 Principe de l’essai de traction directe
2.5.2 Préparation de l’interface béton-granite
2.5.3 Dispositif d’essai
2.5.4 Résultats des essais de traction
2.5.5 Effet des caractéristiques du contact béton-roche sur l’adhésion
2.5.6 Discussion sur l’adhésion du contact béton-roche
2.6 Caractérisation en cisaillement du contact béton-rocher lisse
2.6.1 Conditions d’essais et résultats
2.6.2 Discussion
3 ESSAIS DE CISAILLEMENT D’INTERFACE BETON-ROCHE A DIFFERENTES ECHELLES : METHODOLOGIE
3.1 Méthodologie retenue pour les essais de cisaillement direct sur une interface béton-roche
3.2 Etude à petite échelle
3.2.1 La boîte de cisaillement 3R
3.2.2 Préparation des éprouvettes carottées
3.3 Etude à l’échelle intermédiaire – 1
3.4 Etude à l’échelle intermédiaire – 2
3.4.1 La boîte de cisaillement MTS
3.4.2 Préparation des éprouvettes
3.5 Etude à grande échelle
3.5.1 La grande boîte de cisaillement du CEREMA
3.5.2 Préparation des éprouvettes
3.5.2.1 Digitalisation de la surface rocheuse et qualification du plan moyen
3.5.2.2 Préparation de la partie inférieure de l’éprouvette
3.5.2.3 Préparation de la partie supérieure de l’éprouvette
3.5.3 Instrumentation
3.5.3.1 Jauge de déformation
3.5.3.2 Fibre optique
3.5.3.3 Emission acoustique
3.5.3.4 Synchronisation des mesures
4 ESSAIS DE CISAILLEMENT D’INTERFACE BETON-ROCHE A DIFFERENTES ECHELLES : RESULTATS
4.1 Cisaillement à petite échelle
4.1.1 Résultats
4.1.2 Analyses
4.1.3 Discussion
4.2 Cisaillement à l’échelle intermédiaire 1
4.2.1 Résultats
4.2.2 Discussion
4.3 Cisaillement à l’échelle intermédiaire 2
4.3.1 Résultats
4.3.2 Analyses
4.3.3 Discussion
4.3.4 Caractérisation des ondulations de la surface rocheuse du contact
4.3.4.1 Principe
4.3.4.2 Application aux surfaces rocheuses des contacts testés à l’échelle intermédiaire – 2
4.3.4.3 Analyse des résultats
4.3.4.4 Discussion
4.4 Cisaillement à grande échelle
4.4.1 Généralités sur la présentation et le traitement des résultats
4.4.2 Essai sur l’éprouvette I7
4.4.3 Essai sur l’éprouvette I2
4.4.4 Essai sur l’éprouvette I9
4.4.5 Essai sur l’éprouvette I1
4.4.5.1 Premier essai sous ?? = ????
4.4.5.2 Second essai sous ?? = ?, ????
4.4.6 Essai sur l’éprouvette I8
4.4.7 Analyse des résultats
4.4.8 Discussion
4.5 Discussion générale sur l’ensemble de la campagne d’essais de cisaillement
5 ETUDE NUMERIQUE DE L’EFFET DE LA MORPHOLOGIE ET METHODE DE PASSAGE DE LA PETITE ECHELLE A LA GRANDE ECHELLE
5.1 Géométrie et maillage
5.1.1 Géométrie du contact
5.1.2 Maillage
5.2 Modèle de comportement pour les matériaux
5.2.1 Béton et granite
5.2.1.1 Modèle de comportement des matériaux fragiles
5.2.1.2 Comportement en traction des matériaux fragiles
5.2.1.3 Comportement en compression des matériaux fragiles
5.2.1.4 Applications aux matériaux fragiles de l’étude
5.2.2 Acier
5.3 Modèle de comportement pour les contacts
5.3.1 Contact béton-roche
5.3.1.1 Comportement au cisaillement du modèle
5.3.1.2 Identification des paramètres du modèle du contact
5.3.2 Contact acier-béton/roche
5.4 Chargements et conditions aux limites
5.4.1 Chargement normal
5.4.2 Chargement tangentiel
5.4.3 Conditions aux limites
5.5 Résultats
5.6 Analyse des résultats
5.7 Discussion
5.8 Modèle analytique du passage de l’échelle intermédiaire à la grande échelle
CONCLUSIONS GÉNÉRALES ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE

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