Méthodologie pour l’acquisition et l’analyse des données de fréquentation

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Enjeux et vulnérabilité des littoraux : généralités et cas spécifique des littoraux récifaux

Les façades maritimes des littoraux continentaux sont depuis l’après-guerre en proie à un phénomène de « littoralisation » marqué. Ce terme employé par Y. Veyret (2007) dans son dictionnaire de l’environnement, désigne le processus de peuplement des espaces littoraux engendré par une mondialisation de l’économie et donc une augmentation des échanges maritimes. L’explosion d’un tourisme estival sensible aux atouts de la mer et du soleil (Lagéiste, 2009) a réellement marqué un tournant dans les processus d’appropriation des bandes côtières par l’Homme à l’échelle de la planète.

Les littoraux : des espaces attractifs aux forts enjeux environnementaux

La littoralisation : un processus entamé dès le 16ème siècle

Le processus de « littoralisation » est défini par G. Wackermann et al. (1998) comme « l’action intempestive entreprise par les Hommes dotés de puissants moyens techniques, puis technologiques, en vue de l’appropriation économique des secteurs côtiers considérés comme d’importantes interfaces géopolitiques ». Cette définition cadre bien avec les premières conquêtes des façades maritimes au cours des 16 et 17èmes siècles, sur fond de ce qui sera plus tard identifié comme une proto-mondialisation, ou « globalization 0.1 » (Hopkins, 2011 ; Friedman, 2005). De grandes métropoles économiques telles que Lisbonne, la Nouvelle-Orléans ou Amsterdam s’établissent sur les façades maritimes afin de faciliter le commerce, essentiellement maritime à cette époque. Une seconde phase de littoralisation contemporaine de la révolution post-industrielle et d’une phase dite « moderne » de mondialisation, se traduit par une occupation plutôt ponctuelle des franges littorales (villes portuaires essentiellement). L’avènement du tourisme et l’essor de la société de consommation et de loisirs au début du 19ème siècle (Zaninetti, 2006) vont marquer les débuts d’une ultime phase de littoralisation, à l’origine du paysage littoral actuel. Elle se caractérise dans les pays développés du nord par un développement linéaire, et de façon plus ponctuelle dans les pays du sud où l’espace est « moins compté » et le sable « en abondance »(Veyret, 2007).
Ainsi, dès la moitié du 20ème siècle, les régions côtières enregistrent des taux de croissance démographiques bien supérieurs à ceux des régions plus continentales (Zaninetti, 2006 ; Creel, 2003). L’essentiel de cet accroissement résulte des phénomènes de migration qui affectent tout particulièrement les côtes asiatiques où plus de 1000 migrants viennent s’établir chaque jour au Vietnam, en Chine ou aux Philippines (Creel, 2003). En France, on attribue 73 % de l’accroissement démographique des communes littorales et de l’arrière-pays littoral aux phénomènes migratoires12. Dans les départements ultramarins, 88 % de la population se concentre dans des communes littorales13. Cette population s’est considérablement accrue entre les années 1960 et les années 2000 (+46 % pour la Guadeloupe et +36 % pour la Martinique), allant jusqu’à doubler pour le département de La Réunion. Ce phénomène qui s’observe partout tend à s’accélérer tant et si bien que des projections prévoient que 7 milliards d’êtres humains vivront sur les régions côtières d’ici à 2025 (UNESCO, 1993). S’il s’agit d’un phénomène global, des disparités régionales subsistent. Dès le début du 20ème siècle, les formes d’appropriation de ces espaces ne se limitent plus seulement à des processus de sédentarisation, mais revêtent une toute autre forme qui s’inscrit dans une temporalité et une utilisation du lieu nouvelles au travers des activités balnéaires récréatives.
Les mécanismes régissant l’attractivité de ces espaces littoraux (Encadré a.) et les questions qu’ils sous-tendent ont d’abord été explorées par la géographie du tourisme et des loisirs. Beaucoup d’auteurs ont ainsi questionné le potentiel attractif du lieu. Qu’est-ce qui fait le succès d’un site ? Est-il issu d’un « pouvoir » attractif intrinsèque au lieu, qui s’expliquerait par des agréments auxquels tout usager serait sensible de façon indifférenciée ? J.-P. Lozato-Giotart (2008), qui fut aux côtés de G. Cazes (1992), l’un des pères fondateurs de la discipline, attribue un poids déterminant à la géographie climatique et thermale dans la localisation des premières « colonies de villégiateurs », prémices des stations touristiques actuelles. L’haliotropisme (du grec « halios » = qui concerne la mer) d’entre-deux-guerres y est pour quelque chose : Le soleil incite à l »euphorie », il « autorise un certain bien-être, état sans lequel un séjour à la plage ne saurait être réussi » (Lagéiste, 2009).
De nombreux autres facteurs concourent à rendre une plage attractive auprès des usagers, de même que ces facteurs seront amenés à varier selon les études et leur localisation. D’une étude menée sur l’attractivité des plages au Portugal, il est ressorti que le substrat (le type de sable), la qualité de l’eau et la sécurité arrivaient en tête des critères des usagers (Vaz et al., 2009). Ces trois critères sont également le plus souvent cités par les usagers interrogés sur des plages d’Ecosse, après lesquels arrivent les critères d’accessibilité, la présence de sanitaires ou la qualité du paysage (Tudor et Williams, 2006). Enfin, dans l’étude de R. Morgan (1999) portant sur plus de 70 plages d’Ecosse et de Grande-Bretagne, la qualité paysagère, la présence de maitres-nageurs-sauveteurs et la mise à disposition d’eau potable et de douches arrivent en tête des critères cités par les usagers. Inversement, certains facteurs contribuent à rendre une plage moins attractive d’après B. Vaz et al. (2009) : un défaut d’accessibilité, la mauvaise qualité du sable ou une température de l’eau peu clémente.

Le modèle balnéaire tropical : la perspective d’un Éden

Au début du 20ème siècle, un goût pour l’eau plus chaude émerge et « l’hédonisme maritime se fait alors jour » (Raffestin, 1986). La double révolution des transports aériens et des télécommunications va permettre pour un budget vacances constant (coût de déplacement + durée des vacances) l’extension des « ceintures touristiques » (Miossec, 1977). Le duo « plage de sable fin/cocotiers » n’a pas toujours bénéficié d’autant de succès, et l’on doit son succès actuel aux récits des navigateurs, à une recherche toujours plus croissante de différenciation et d’isolement, un phénomène émergent par la suite instrumentalisé par un siècle de publicité (Lagéiste, 2009 ; Dehoorne et Saffache, 2008). Aujourd’hui associés dans l’imaginaire collectif occidental à l’abondance, la frugalité, la « fécondité » du monde marin (David et al., 2007), ces Édens du bout du monde bénéficient d’un succès toujours plus croissant de la part d’un Homme moderne en mal de nature vierge.
Lozato-Giotart (2008) qualifie l’île « d’image touristique caricaturale », avec l’atoll tropical exotique comme figure emblématique par excellence. Le succès des îles comme destinations de vacances est directement lié au mythe du Robinson qui habite l’imaginaire collectif, à une volonté d’isolement, tant et si bien que les littoraux les plus atypiques font l’objet d’une d' »héliolâtrie » (Raffestin, 1986). C’est réellement la plage qui est vecteur d’attrait dans les îles. Aussi, on peut noter le contraste étonnant qui peut exister entre l’imaginaire de la plage de sable blanc déserte, en partie véhiculée par les publicitaires, et une réalité dans laquelle il devient difficile, voire impossible de trouver un espace pour poser sa serviette. Pour autant l’image d’Épinal véhiculée depuis les débuts de l’héliotropisme n’a pas toujours été de mise comme a pu le souligner Vacher (2008) : « Qu’il s’agisse du plaisir que l’on peut prendre à se baigner, ou de la connotation idyllique du bleu de l’eau, toutes ces descriptions sont absentes des écrits des premiers navigateurs. Il faudra attendre le début du 20ème siècle pour voir poindre les premiers récits valorisant ces traits qui contribuent aujourd’hui à forger l’image d’Épinal de la plage paradisiaque ». Dans les écrits des navigateurs c’est le mythe du bon sauvage, à l’image d’un Éden retrouvé qui est véhiculé et qui constitue le mythe premier attaché l’île tropicale. Dans les faits, les territoires insulaires ont des problématiques de littoralisation exacerbées (Brigand et al., 2008) en raison des nombreuses contraintes inhérentes au statut d’île : exiguïté du territoire urbanisable, éloignement, limitation de la ressource, dépendance aux imports.
La plupart des îles de la zone intertropicale sont d’origine volcanique, mais toutes ne sont pas au même stade de développement. Les îles jeunes dites « hautes » (La Réunion, Nuku Hiva sur l’archipel des Marquises ou Hawaï) possèdent un relief escarpé et ne présentent pas ou peu d’atouts remplissant les critères de l’image d’Épinal (sable noir, récifs jeunes, etc.). Au contraire, les îles plus âgées dites basses (île Maurice, Mayotte) présentent de meilleures conditions au développement d’activités balnéaires, mais disposent de paysages collinaires plus monotones. Ce milieu physique à l’instar du relief, et des caractéristiques morphologiques des côtes, va déterminer les lieux qui pourront être « élus par les sociétés » (Gay, 2000). Car comme aime à le rappeler C. Raffestin (1986), « aucun lieu n’a de vocation particulière a priori » mais résulte  » d’une intersection entre un milieu social et un environnement physique ».
Si les premiers peuplements insulaires obéissent surtout à une règle de proximité à la ressource, les hautes densités de peuplement aujourd’hui observées sont le fait du développement touristique rendu possible par la révolution aéronautique (Gay, 2000). Les dynamiques de développement les plus courantes observables sur les îles intertropicales résultent donc de la combinaison de plusieurs facteurs : une nécessité locale d’accès à la ressource, une demande touristique forgée par l’image d’Épinal et des contraintes physiques particulièrement présentes pour les îles dites « jeunes » en milieu Austral (Hawaï, Réunion, Sainte-Lucie). Ces dernières observent d’ailleurs une « dissymétrie » dans leur développement (Gay, 2000), causée par le régime d’alizés qui oppose une « côte au vent » à une « côte sous le vent », comme ce peut être le cas pour La Réunion (Figure 2).

Un littoral à forts enjeux

De par les nombreuses ressources qu’ils offrent, les espaces littoraux et les écosystèmes côtiers ont joué un rôle stratégique dans le fondement des sociétés humaines dès le 15ème siècle. Le concept de « ressources » dans son acception littéraire la plus basique se définit comme les « moyens, possibilités qu’offre quelque chose »16. Y. Veyret (2007) définit la ressource naturelle comme « une matière première reconnue comme nécessaire aux besoins essentiels de l’activité humaine ». Parce que les océans sont vastes et ont longtemps été exploités sans limites, de nombreuses sociétés ont cultivé une vision infinie des ressources (Costanza, 1999), devenue aujourd’hui incompatible avec les réalités environnementales et économiques. Avec la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) 17 promulguée en 1992, et la valorisation prônée d’une approche écosystémique des milieux, la ressource prend de plus en plus une acception écologique à travers la notion de « biodiversité » qui se substitue à celle de « diversité biologique ». Cette notion nouvelle apparaît dans un contexte ou l’aggravation et la multiplication des crises environnementales font naître une demande sociale importante (Mathevet et Poulin, 2006), la faisant passer de la sphère des disciplines naturalistes à la sphère publique en tant que problématique environnementale. Le principe de maintien de la biodiversité mobilise en effet plusieurs enjeux qui sont i) d’ordre éthique, s’ancrant dans les valeurs du développement durable et de la notion d’héritage, i) d’ordre écologique, la diversité étant une condition au maintien des écosystèmes, iii) d’ordre économique, pour le marché pharmaceutique notamment et iv) d’ordre culturel, relatifs aux enjeux de préservation des savoirs des peuples autochtones en matière de biodiversité (Veyret, 2007).

Les écosystèmes marins côtiers, pourvoyeurs de ressources

Les océans abritent de nombreux écosystèmes marins qui s’appréhendent à différentes échelles qui s’emboîtent : les grands écosystèmes marins (zones océaniques relativement vastes, de 200 000 km² ou plus)18 et les écosystèmes côtiers qui intègrent les écosystèmes estuaires, récifaux, à herbier et de plateau continental, tous interdépendants (Costanza, 1999). D’après la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), un écosystème est une unité fonctionnelle dynamique « formée d’une communauté de plantes, d’animaux, et de micro-organismes et de leur environnement non-vivant ». E.P. Odum (1969) y apporte une dimension systémique qui vient appuyer les notions d’interrelation et d’interdépendance : « The ecosystem, or ecological system, is considered to be a unit of biological organization made up of all of the organisms in a given area (that is, community) interacting with the physical environment so that a flow of energy leads to characteristic trophic structure and material cycles within the system »19.
Si on estime que les océans produisent plus de 35 % de la production primaire de la planète (Lalli et Parsons, 1993) les seuls écosystèmes côtiers apporteraient 95 % de la production marine totale18. Cette production relève plus spécifiquement des estuaires (Beck et al., 2001), des mangroves, des herbiers et des récifs coralliens (Nagelkerken et al., 2000) notamment parce qu’ils jouent un rôle de nurserie pour de nombreuses espèces de poissons commerciaux. La plupart des captures de poissons marins à l’échelle mondiale, soit 101,2 millions de tonnes18 se feraient en effet dans la limite des 320 kilomètres de distance à la côte (Salm, 2000). En ce sens ils mobilisent de nombreux enjeux en contribuant de façon significative à la qualité de vie des sociétés, à la fois de façon directe et indirecte, et représentent par là une portion significative de la valeur économique totale de la planète (Costanza, 1999). En effet, alors que ces écosystèmes côtiers couvrent seulement 6,3 % de la surface mondiale, et contribuent pourtant à hauteur de 43 % au total de la valeur des écosystèmes mondiaux (Costanza et al., 1997).
Les enjeux primaires liés à la préservation de ces écosystèmes côtiers sont de trois types : la sécurité alimentaire, le maintien de la biodiversité, l’économie. Afin de rendre la réalité de ces richesses plus tangible et appréhendable pour les décideurs et les politiques, des chercheurs se sont intéressés aux valeurs d’usage ou de non-usage20 des écosystèmes côtiers, en chiffrant les biens et les services rendus aux sociétés par ces écosystèmes.

De l’exclusion à l’intégration, les mouvements de la conservation

De la motivation esthétique au conservationnisme

Aux balbutiements des logiques de conservation, la question qui a toujours été de mise était de savoir s’il faut « protéger » la nature de toute atteinte, ou s’il faut la « conserver », c’est-à-dire la mettre en valeur tout en régulant son accès (Veyret, 2007). À aussi loin qu’il est possible de remonter afin d’identifier les premières mesures de protection ayant existé, nous avons identifié trois principaux paradigmes environnementaux, tels trois temps de la conservation, qui ont conditionné l’avènement et le développement des mesures de protection (Depraz, 2008 ; Rodary et Castellanet, 2003) : naturaliste, radical et intégrateur.
la fin du 19ème siècle, il est question de mettre en protection des espaces naturels à forte valeur ajoutée à des fins esthétiques, de ressourcement et de contemplation. La nature sauvage, indomptée revêt une importance symbolique, les deux ingrédients principaux étant alors ce qui relève du « pittoresque » et d' »emblématique » (Depraz, 2008) ; c’est là le temps naturaliste de la conservation. Au cours du 20ème siècle, avec l’idée que le progrès s’accompagne irrémédiablement d’un phénomène de dégradation de la nature, et face au constat d’une démographie galopante faisant poindre une peur de l’inadéquation entre demande et ressources, on glisse peu à peu vers un paradigme plus radical. Basée sur des principes d’interdit et d’exclusion, cette mouvance cristallise la ségrégation Homme/nature à travers la mise en place de mesures exclusives de protection dont la plus radicale correspond aux réserves intégrales (aucune action de l’Homme n’est tolérée), véritables « îles » de nature sous cloche (David et al., 2006). Or, certains anthropologues ont dénoncé dans les années 1970 les échecs de la conservation, qui se manifestèrent par des incidences sociales sur les populations locales.

Le tournant de l’intégration : les nouvelles valeurs de la conservation

La prise en compte progressive des enjeux sociaux dans la définition des modes de gestion, bien que tardive, marque les débuts du paradigme intégrateur qui consiste en « un élargissement des objectifs de protection de la nature vers des considérations non écologiques et plus largement sociales » (Depraz, 2008). L’essor du paradigme intégrateur force à repenser la gouvernance des espaces protégés. Le Congrès Mondial des Aires Protégées de Durban a par ailleurs permis en 2003 l’établissement des principes de « bonne gouvernance » reposant sur un principe de subsidiarité, à savoir que la conception, la gestion et la valorisation des espaces protégés doivent être effectuées par l’échelon politique situé au plus près des habitants (Depraz, 2008). Les démarches descendantes ou « top-down », modèles jusqu’ici largement répandu, laissent ainsi peu à peu la place aux démarches ascendantes ou mode de gouvernance « bottom-up » censées donner du poids aux communautés locales dans la gestion et les processus décisionnels. Le mode de gouvernance bottom-up se matérialise par un transfert de compétences ou « décentralisation » (Thomassin, 2011), tout en laissant au « sommet » (top) des possibilités d’incitation, notamment sur le plan financier (Veyret, 2007). Cette mutation qui répond aux exigences de justice sociale portée par les valeurs du développement durable se traduit à échelle locale par le développement des « Community-Based Organisation » ou CBO basées sur une gestion communautaire des ressources, plus généralement dans les pays en développement où à fort potentiel écotouristique (Agardy, 1993).
Ce nouveau type de gouvernance locale s’adosse à un nouveau concept né de l’Acte de la Gestion des Zones côtières (Coastal Management Act) de 1972 et qui tend à s’imposer en tant que nouveau mode de gouvernance à échelle internationale : la « Gestion Intégrée des Zones Côtières » ou GIZC (Cicin-Sain, 1993). Bien qu’âgé d’un demi-siècle, ce concept a mis du temps, et peine toujours, à se faire le filtre des programmes de conservation. Y. Veyret (2007) définit d’ailleurs comme « émergent », ce concept qui « tend à considérer qu’on ne peut gérer le littoral si l’on ne considère pas qu’il s’agit d’un système dont tous les éléments sont, quelque part, solidaires ». La gestion des pressions humaines le long des zones côtières s’oppose au problème de la superposition des nombreuses échelles auxquelles se nouent les divers enjeux : physique, sociale, et législative (Creel, 2003). À cela viennent s’ajouter les enjeux économiques de secteurs variés tels que celui du tourisme, de la pêche, de l’agriculture, de l’immobilier, de la gestion des déchets, etc. Le développement incontrôlé, parfois observable sur ces espaces, s’explique par un défaut de gestion intégrée des différents secteurs, des lacunes que les valeurs de la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GZIC) doivent palier en adoptant une démarche et une gestion transdisciplinaire, et intégrée. La finalité est de trouver un équilibre entre les usagers de l’eau et des ressources naturelles tout en assurant la santé et la productivité à long terme de l’environnement littoral (NOAA, 2003).

L’Homme et les espaces protégés : quelle intégration ?

Au cours des 30 dernières années, l’opposition existante entre les courants conservationnistes et développementalistes a contribué à cristalliser l’antagonisme entre la croissance économique et la protection des ressources naturelles (Sarrasin, 2007). Or de plus en plus d’espaces protégés s’établissent en milieu anthropisé par nécessité, et sont particulièrement attractifs. Aussi, cet antagonisme apparent pose la question de la compatibilité entre conservation et développement, par ailleurs formulée par C. Meur-Férec (2007a)  » : « Cet engouement pour les sites naturels littoraux soulève des questions de gestion liées au double objectif de conservation des écosystèmes et d’ouverture des sites au public. Dans quelle mesure ces deux orientations risquent-elles d’être antinomiques ? »

Conservation et développement : deux dynamiques antagonistes?

E. Rodary et al. (2003) questionnent dans leur ouvrage la compatibilité entre le développement (et ce qu’il peut induire en termes de pressions, d’urbanisation, et de pollution) et la conservation dont l’efficacité repose sur une exclusion ou une régulation des actions de l’Homme sur l’espace protégé. S. Depraz (2008) considère que les espaces protégés, outils inventés par l’Homme, constituent « la marque d’un degré supplémentaire d’intervention des Hommes sur le milieu pour en réguler l’évolution ». La création d’un espace naturel protégé ne résulte par forcément selon cet auteur dans un retrait de l’Homme et de ses usages, mais suscite une dynamique duale :
d’une part elle induit une mutation économique, une transition lente d’un tourisme (parfois) de masse à un tourisme de nature souvent indissociable d’une valorisation du savoir-faire local, de l’artisanat. En effet, une stratégie de « multiple-use planning » peut être nécessaire pour éviter les conflits d’usages sur un nouveau territoire (Agardy, 1993). De ce fait, c’est toute une culture qui est valorisée en même temps que l’environnement (Weaver et Lawton, 2007) ; d’autre part elles impliquent une transformation des usages, une représentation sociale nouvelle, de nouvelles formes d’occupation de l’espace, processus qui résulte du précédent point.
Partout notable, il existe un intérêt collectif accru en faveur de l’environnement (Depraz, 2008), un engouement croissant pour les espaces de nature (Meur-Férec, 2007a ; Baron-Yelles, 2001). Le dilemme des gestionnaires et des scientifiques est de trouver des moyens durables de faire coexister l’attrait du public pour ces espaces et les objectifs de conservation. Aussi, les stratégies de mitigation de cette pression empruntent de nombreuses voies : i) des stratégies d' »empêchement » (établissement de zones « sanctuaires » dont l’accès au public est interdit) ; ii) des stratégies de « canalisation » du public sur des sentiers balisés (Baron-Yelles, 2001), la diffusion ayant pour effet la multiplication des sentiers informels et donc la fragmentation des habitats (Leung et al., 2012) ; iii) des stratégies de déplacement des usagers des zones à usage intense à des zones moins fréquentées (Pigram, 1980) en passant par iv) des stratégies de sensibilisation prônées à travers un tourisme de nature, et une responsabilisation du public vis à vis des objectifs de conservation. Paradoxalement, les mesures de mitigation qui peuvent être mises en place afin de réduire les impacts du public (sentiers balisés, d’aires de pique-nique délimitées et aménagées, etc.) induisent une nouvelle organisation du territoire qui se traduit parfois par une artificialisation d’un espace initialement sollicité pour son côté sauvage (Dewailly, 1997). Les usagers ont par ailleurs du mal à comprendre et accepter l’artificialisation de l’espace naturel dont ils sont venus profiter (Meur-Férec, 2007a).
Dans certains cas, notamment dans les pays en développement, les auteurs ont rapporté des échecs de la mise en conservation d’espaces vierges par la suite devenus trop touristiques (Grenier et Miras, 1994) ou préalablement peuplés mais dont les stratégies de gestion trop intrusives ou « top-down » n’ont pas abouti à des résultats concluants (Agrawal et Gibson, 1999). Un échec que l’auteur attribue l’incapacité des gouvernements à impliquer ses citoyens, en partie parce que de nombreuses ressources et de nombreux usages sont en jeu : « The past several decades of planned development « Les politiques de planification territoriale et les pratiques de conservation « top-down » de ces dernières décennies ont amené à un constat : celui de l’incapacité des états à convertir leurs citoyens à des programmes de conservation et de développement qui restent impopulaires »

Usagers et espaces protégés : des territorialités contraintes

Bien qu’ayant pour vocation première la préservation de la nature, les espaces naturels protégés sont également des lieux fortement attractifs. Pour N. Lahaye (2007), la création même d’un espace protégé est implicitement liée à une exploitation touristique « lorsque le territoire se façonne autour d’un actif environnemental spécifique tel qu’un parc naturel, sa qualification est étroitement liée au processus de valorisation par le tourisme ». Mais, relève-t-elle encore, le fait même que se nouent sur ces territoires des dynamiques antagonistes de développement touristique et donc d’économie, et de conservation fait naître des conflits ; des conflits qui portent « non seulement sur les usages de la ressource environnementale, mais aussi sur la valeur collective allouée à la ressource – valeur marchande, d’existence ou encore de legs » (Lahaye, 2007). Malheureusement, il peut arriver que les politiques de valorisation empiètent sur les objectifs de conservation. Certains auteurs, à l’instar de S. Gössling (2001), ont par ailleurs mis en évidence les limites d’une exploitation touristique qui peut venir menacer l’usage durable de la ressource (ici la ressource en eau, en période touristique à Zanzibar, Tanzanie : Gössling, 2001) et donc de la qualité de vie des locaux.
Ce qui transparaît par ailleurs dans de nombreux cas, est la nature conflictuelle que revêt l’usage de la ressource, ou « conflit d’appropriation » au sein même d’une communauté comme entre communautés (Agrawal et Gibson, 1999 ; David et al., 2006 ; Descola, 2008). Quel que soit le niveau de développement du pays concerné, le dénominateur commun à l’exploitation de la ressource est le risque de conflit d’usage. La mise en protection d’espaces anthropisés peut exacerber des conflits préexistants, ou en créer de nouveaux. Elle peut engendrer, par un défaut de concertation un sentiment de rejet, de désaveux chez les populations, se traduisant par un niveau bas d’acceptation du dispositif de protection (Thomassin, 2011). C. Chaboud et al. (2008b) remarque que les réactions de la part des communautés littorales sont plus exacerbées que celles des communautés terrestres, peut-être du fait que les densités humaines sont plus importantes sur les côtes, et que les ressources y sont plus importantes.
En somme, l’établissement de mesures de conservation, et par là même de nouvelles règles, pose la question de la concordance entre i) le territoire des usages et des pratiques des populations riveraines sur les ressources, ii) le territoire de la règle composé de zonages établis par le plan de gestion d’un dispositif de conservation, et iii) le territoire des représentations sociales (David et al., 2006) (Figure 3). En outre, ce problème de territoire se pose également à l’échelle institutionnelle, puisque les documents de planification territoriale qui produisent un territoire de règle qui leur est propre se chevauchent souvent spatialement, marquant ainsi un « manque d’harmonie » (David et al., 2006). Une bonne appréhension des concordances et discordances spatiales et temporelles entre ces divers territoires dans les choix de gestion par une bonne connaissance des dynamiques sociales à l’œuvre paraît incontournable pour limiter les conflits et mieux enraciner les stratégies de gestion aux principes de la GIZC (Figure 3).

L’essor des Aires Marines Protégées : un réseau en expansion ?

Aires Marines Protégées : contours et enjeux

Une Aire Marine Protégée (AMP) est une « zone géographiquement délimitée qui est désignée, ou réglementée, et gérée en vue d’atteindre des objectifs spécifiques de conservation » selon la Convention sur la Biodiversité Biologique27. Pour l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), il s’agit d' »un espace géographique clairement défini, reconnu, spécialisé et géré par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, visant à assurer la conservation à long terme de la nature et des services écosystémiques et valeurs culturelles qui y sont associés ». Une AMP est une catégorie d’aire protégée qui doit correspondre à « tout espace intertidal ou infratidal ainsi que des eaux sus-jacentes, sa flore, sa faune et ses ressources historiques et culturelles que la loi ou d’autres moyens efficaces ont mis en réserve pour protéger en tout ou en partie le milieu ainsi délimité » (Kelleher et Kenchington, 1999). Aussi, on distingue trois types d’AMP, i) les AMP exclusivement marines, sans habitat terrestre, ii) les AMP qui contiennent des parties marines, intertidales et subtidales, et enfin iii) les AMP qui recouvrent des habitats terrestres et intertidaux (UNEP-WCMC, 2008).

Les Aires Marines Protégées : un outil de conservation multiple

Il existe des confusions autour de la notion d’AMP sans doute dues à la grande variété d’aires protégées, distinguables d’après leurs statuts juridiques, leur mode de gestion ou leurs objectifs (Thomassin, 2011). Aussi, de partout fleurissent les typologies élaborées par les institutions nationales ou internationales censées faciliter leur identification, mais qui souvent alimentent cette confusion (UNEP-WCMC, 2008).
La classification de l’UICN en 6 catégories fait office de classification de référence, pas seulement pour les AMP mais pour toutes les aires protégées. Elle se fonde sur les objectifs que le gestionnaire/la communauté s’est fixés (Tableau 1). La Banque Mondiale a élaboré une typologie (1 à où les AMP se placent sur une échelle allant de la stricte protection (1) à la planification spatiale d’activités humaines (4) (UNEP-WCMC, 2008). De leur côté, en vue de mieux intégrer ces territoires de règles (c.f. 1.B.2.1) à l’environnement et au contexte politique et social, la Convention sur la Diversité Biologique et l’UICN ont encouragé la mise en place conjointe d’une gamme de degrés divers de protection au sein même d’une AMP, dont les deux plus répandues sont les aires de bioécologique : efficacité de l’aire marine protégée sur l’état et l’évolution de la biodiversité, biomasse, effet de réserve ; socioéconomique : efficacité de l’aire marine protégée sur le maintien et la régulation des activités humaines .

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Table des matières

Introduction générale
PARTIE 1. De l’évaluation de la fréquentation littorale en contexte d’AMP aux enjeux pour l’Aire Marine Protégée de La Réunion
Chapitre 1. Les littoraux : des espaces convoités sous pressions à forts enjeux de conservation
1.A. Enjeux et vulnérabilité des littoraux : généralités et cas spécifique des littoraux récifaux
1.B. Entre devoirs de protection et de valorisation
1.C. Le cas des littoraux coralliens : des écosystèmes sensibles sous pressions
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2. Un besoin de connaissance des pressions dans un contexte de gestion
2.A. Les suivis de fréquentation en milieu littoral
2.B. L’intégration des suivis de fréquentation dans la gestion des AMP
Conclusion du chapitre 2
Chapitre 3. Le récif réunionnais entre conservation et pressions
3.A. Un milieu récifal jeune et fragile
3.B. Un littoral récifal fortement anthropisé
3.C. De la mise en réserve à l’intégration des sciences sociales dans le réseau de suivi scientifique
Conclusion du chapitre 3
Conclusion partielle
Chapitre 4. Méthodologie pour l’acquisition et l’analyse des données de fréquentation
4.A. Protocole d’acquisition et de gestion des données
4.B. Méthodologie d’analyse pour le diagnostic spatio-temporel intra-annuel et interannuel
4.C. Méthodologie pour une mesure de l’attractivité des sites
Conclusion du chapitre 4
Chapitre 5. Diagnostic de la répartition initiale en 2010
5.A. Caractéristiques spatiales et temporelles de la répartition globale
5.B. Caractéristiques spatiales et temporelles de la répartition des usages
5.C. Relation entre commodités/accessibilité/aménités et la répartition de la fréquentation
Conclusion du chapitre 5
Chapitre 6. Évolution spatio-temporelle de la fréquentation : une mutation du paysage des usages
6.A. Évolution de la répartition globale
6.B. Évolution de la répartition des usages-indicateurs
6.C. Synthèse 2010-2012 : une mutation du paysage des usages
6.D. Des variations interannuelles explicables par de nombreux facteurs
6.E. Comparaison historique des scores de fréquentation
Conclusion du chapitre 6
Conclusion partielle
PARTIE 3. Les données de fréquentation à l’épreuve de l’opérationnel
Chapitre 7. Démarche pour l’intégration interdisciplinaire et contribution aux enjeux de gestion en contexte réunionnais
7.A. Cartographie des infractions observées entre 2010 et 2013 : vers la production d’indicateurs
sur l’efficacité de gestion
7.B. Cartographie thématique des pressions anthropiques directes et cartographies croisées pressions/vulnérabilité
7.C. Méthodologie pour l’évaluation des conditions d’intégration des données de fréquentation et
d’écologie pour le suivi scientifique de l’état de santé récifale
Conclusion du chapitre 7
Chapitre 8. Suivi de fréquentation et AMP : contribution à la gestion et conditions de son intégration au plan de gestion
8.A. Contribution à la gestion : vers l’élaboration d’indicateurs relatifs aux usages
8.B. Le suivi de fréquentation comme un outil de la gestion : condition de son intégration au plan de gestion
Conclusion du chapitre 8
Chapitre 9. Le suivi de fréquentation : un outil de gestion et un outil scientifique pour un réseau d’observation multidisciplinaire
9.A. Cartographies intégrées de la vulnérabilité récifale et du risque d’interaction engins/tortues
9.B. Diagnostic intégré de l’écosystème récifal : contribution des données de fréquentation
9.B. Perspectives pour la mise en place d’un réseau « pressions-milieu » : une approche multidisciplinaire pour l’évaluation scientifique de l’écosystème
Conclusion du chapitre 9
Conclusion partielle
Conclusion générale
Bibliographie

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