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La différenciation pédagogique
L’institution parle elle aussi explicitement de la différenciation que les enseignants se doivent de mettre en place. On peut lire par exemple dès la première page du Bulletin Officiel n°30 du 26 juillet 2018 : « L’enseignement doit être structuré, progressif et explicite. Les modalités d’apprentissages doivent être différenciées selon le rythme d’acquisition des élèves afin de favoriser leur réussite. » Toujours dans ce même bulletin, on peut y lire : « l’entrainement à la lecture à haute voix pour acquérir la fluidité et la rapidité nécessaires à une bonne compréhension doit être poursuivi pour l’ensemble des élèves et en particulier pour ceux qui ont encore des difficultés de décodage. Ces difficultés sont identifiées et font l’objet de situations d’apprentissage spécifiques (mémorisation progressive d’éléments, situations de lecture découverte et d’entrainement, travail ciblé sur certaines correspondances graphèmes-phonèmes), et d’entrainement à la lecture à haute voix et silencieuse (lectures et relectures). ». On comprend alors que la différenciation doit être effectuée tout en ciblant les difficultés de chacun afin d’apporter des situations d’apprentissages adéquates. En outre, le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation publié par le ministère de l’éducation le 1er juillet 2013 confirme le fait que les professeurs des écoles doivent faire de la différenciation pédagogique. En effet, on le voit dès la compétence 4 : « Prendre en compte la diversité des élèves. » L’enseignant doit alors pour cela adapter son enseignement et son action éducative à la diversité des élèves. La compétence 6 qui est « agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques » demande alors d’accorder à tous les élèves l’attention et l’accompagnement appropriés. Les élèves en difficulté doivent alors bénéficier de remédiation adaptée à leurs difficultés. La compétence P3 « construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves » exige alors de différencier son enseignement en fonction des rythmes d’apprentissage et des besoins de chacun, mais aussi d’adapter son enseignement aux élèves à besoins éducatifs particuliers. Pour finir la compétence P5 qui est
« Évaluer les progrès et les acquisitions des élèves » a pour conséquence pour le professeur des écoles de devoir repérer les difficultés afin d’assurer la progression des apprentissages, mais aussi de mettre en œuvre des activités de remédiation.
Enfin, il ne faut pas oublier que ce système sous forme de cycle est une invitation très forte à la pédagogie différenciée, ayant pour but de réduire l’échec scolaire. En effet, cela permet de laisser plus de temps aux élèves de maitriser les compétences attendues. Les enseignants disposent également de plus de temps pour mettre en œuvre des pédagogies différentes. Cette organisation en cycle est censée permettre à chaque élève de suivre son propre cheminement en respectant son rythme, chaque enfant étant unique et singulier.
Cependant, il est vrai que les textes officiels sont assez imprécis quant aux mesures concrètes que devraient mettre en œuvre les enseignants pour pratiquer la pédagogie différenciée.
Méthodologie
L’entretien semi-directif
Le choix de la méthodologie pour recueillir les informations nécessaires à cette recherche s’est porté sur l’entretien semi-directif appelé aussi entretien semi-dirigé. En effet, cette problématique implique une méthodologie bien définie : l’entretien semi-directif. Pour répondre à cette question qui se place donc du côté de l’enseignant, un entretien semi-directif se révèle tout à fait adapté. Le but sera alors de faire parler sur cette pratique qui est la différenciation faite sur la compréhension en lecture de façon anonyme.
L’entretien semi-directif s’intitule ainsi, car il n’est ni entièrement ouvert ni entièrement fermé. Il y a à la fois plus de liberté pour l’enquêté mais aussi pour le chercheur. C’est en pre-mier lieu une discussion, un dialogue entre deux personnes. Cette discussion est bien entendu orientée par le chercheur. Il s’agit alors d’un interview et non d’une interrogation. En effet, s’entretenir avec quelqu’un, c’est plus que questionner. C’est une réelle expérience qui contient toujours un certain nombre d’inconnus. Il s’agit d’un processus interlocutoire et non pas seulement d’un prélèvement d’informations. Comme l’écrit Alain Blanchet et Anne Gotman, « L’écoute de l’autre est venue s’ajouter à l’interrogation pure » (2015, p.20). L’entretien permet d’explorer des faits dont la parole est le vecteur principal : des systèmes de représentations (pensée construite) et des pratiques sociales (fait expérimenté).
Cet interview permettra d’apporter les informations concernant les pratiques, mais surtout les représentations de chaque enseignant interrogé. En effet, il ne faut pas oublier qu’avec l’entretien, le travail porte sur des représentations. Il y a un décalage temporel entre ce qui a été fait et le moment où il est dit, et surtout la personne ne dit pas forcément ce qu’elle fait, cela peut être ce qu’elle a envie de faire, ce qu’elle pense faire… Il ne s’agit pas seulement de faire décrire, mais de faire parler sur. Alain Blanchet et Anne Gotman écrivent que « L’objectivation renvoie au fait que lorsqu’il parle l’interviewé ne livre pas un discours déjà constitué, mais le construit en parlant, opérant ainsi une transformation de son expérience cognitive, passant du registre procédural (savoir-faire) au registre déclaratif (savoir-dire). Car les faits « existent en tant que réalité vécue, mais ils sont fabriqués au cours des processus d’interrogation, d’observation et d’expérience » (Rabinow, 1988, p.137). Explicitant ce qui n’était encore qu’implicite, s’expliquant sur ce qui jusqu’ici allait de soi, extériorisant ce qui était intériorisé, l’interviewé passe de l’insu au dit et s’expose, au double sens du terme, se posant à la fois hors de lui-même et en vis-à-vis. » (2015, p.26)
De plus, l’avantage de l’entretien est le recueil qualitatif de l’information impossible dans un questionnaire. Il est vrai que ce face à face permet de porter une attention sur les attitudes des enseignants (silence, posture, expression, mimique…) afin de ne pas laisser passer d’informations essentielles ce qui permettrait une analyse plus fine des propos dits par les enseignants. Ces attitudes sont de réels indicateurs concernant le ressenti de la personne sur le thème abordé. Ce contact direct est alors un point positif pour cette analyse, mais aussi parce qu’il est plus facile pour les personnes interrogées de s’exprimer spontanément à l’oral qu’à l’écrit. Être face à la personne permet de se dévoiler plus facilement et de se sentir concerné par la problématique. Lors de ces entretiens, il est important de laisser les enseignants s’exprimer sans pour autant trop s’écarter de l’objectif de la recherche. Le but est alors de mettre en valeur la parole des enseignants en permettant une libre expression. L’entretien fait alors apparaitre les processus et les « comment ».
La personne qui interroge lors de l’entretien se doit d’établir un bon contact afin de le mettre en confiance. Il faut écouter sans interrompre, être compréhensif et ne porter aucun jugement. Tout en amenant la personne vers l’objectif de la recherche, il faut lui donner envie de s’exprimer en restant ouvert à la discussion. En effet, il faut montrer que le propos de l’interrogé est intéressant et qu’il n’y a pas de mauvaises ou de bonnes réponses. Il faut rester totalement neutre afin de ne surtout pas influencer les différentes réponses fournies par les enseignants. L’interwiever doit « intervenir pour aider l’interviewé à parler, dissiper ses inquiétudes, encourager l’expression fidèle et précise de ses pensées et sentiments, aiguiller le discours sur les points oubliés ou négligés, soutenir l’émergence de l’implicite et susciter si nécessaire l’explicitation. » (Blanchet et Gotman, p.65). L’entretien est à la fois un rapport social, une situation d’interlocution, mais aussi et surtout un protocole de recherche. La recherche est qualitative et l’interviewer est extérieur au processus étudié.
Pour réaliser ces entretiens, j’ai établi en amont un support appelé guide d’entretien (Cf annexe) qui se base sur la problématique portant sur la différenciation de la compréhension en lecture faite par les enseignants pour les élèves en difficulté et les hypothèses. Ce support a pour but de guider les thématiques abordées lors de l’entretien à l’aide de questions. Sa fonction est de structurer l’interview afin de ne pas s’éloigner de l’objectif. Lors de ces entretiens, des questions ouvertes successives et cohérentes afin de faire apparaître les concepts clés liés à ma problématique et mes hypothèses, sont faites. Ces questions n’ont pas d’ordre fixe, ne sont pas toutes forcément évoquées si celles-ci ont déjà fait l’objet d’une réponse spontanée et certaines peuvent s’ajouter pour suivre ce que dit l’interviewé. Des relances peuvent être faites sans pour autant imposer une réponse. On trouve alors dans le guide de l’entretien : une question d’accroche amenant le sujet principal, des questions annonçant les différents thèmes de la conversation appelées les consignes et les relances qui suivent le discours de l’interlocuteur, l’encourageant à continuer et à préciser ses idées. Il est important d’aborder lors de l’entretien tous les thèmes écrits sur le guide d’entretien afin de mener à bien ce dialogue structuré et de pouvoir l’analyser et le comparer aux autres. La difficulté se tient là dans l’entretien semi-directif où il faut savoir relancer une conversation quand cela est nécessaire pour orienter sur des thèmes en lien avec le sujet sans compromettre l’envie de s’exprimer de la personne interrogée ou encore de l’influencer totalement. Pour résumer, le chercheur laisse au maximum venir l’interviewé pour qu’il parle ouvertement des différents thèmes avec ses propres mots et dans l’ordre qu’il souhaite. Il faut simplement grâce au guide de l’entretien recentrer l’entretien quand celui-ci s’écarte du sujet voulu et poser des questions pour orienter l’interviewé sur les sujets dont il n’avait pas parlé. « Le guide d’entretien se distingue ainsi du protocole du questionnaire dans la mesure où il structure l’interrogation, mais ne dirige pas le discours » (Blanchet et Gotman, p.62)
Les paramètres de la situation d’entretien sont l’environnement (programmation temporelle, la scène, la distribution des acteurs), le cadre contractuel de la communication (objectif de l’entretien, choix de l’interviewé, mode de prise de contact, enregistrement ou non, le thème de l’entretien mettant en jeu l’expertise ou non des interlocuteurs, types d’actes demandés), les modes d’interventions (stratégies d’écoute, stratégie d’intervention). Il existe alors 3 types d’interventions : la contradiction, la consigne et la relance. Les relances sont les interventions les plus efficaces pour soutenir la production discursive de l’interviewé même si elles ne sont pas neutres influençant tout de même le discours en traduisant une certaine intention de l’interviewer.
Pour avoir ces différents rendez-vous avec des enseignants, j’ai utilisé un mode d’accès direct aux interviewés principalement (mode d’accès le plus neutre), mais aussi un mode d’accès indirect (fait par l’entremise de tiers institutionnels ou personnels), ce dernier est cependant moins neutre, car il y a la demande de l’enquêteur, mais aussi la demande d’une tierce personne (amicale, sociale…).
Tous mes entretiens ont eu lieu dans la classe respective de l’enseignant, excepté un seul qui a eu lieu chez l’enseignante elle-même. Ces derniers se sont déroulés après la classe sauf celui chez l’enseignante qui s’est fait lors d’une après-midi libre.
Pour faciliter l’analyse des résultats, il me parait important d’enregistrer les entretiens avec l’accord des enseignants. Cela permet notamment d’être plus attentif et d’être dans une posture d’écoute totale. Il est tout de même possible de prendre quelques notes en plus permettant d’étayer l’analyse du discours de l’enquêté (attitudes…). Ces entretiens enregistrés font ensuite l’objet d’une retranscription pour mettre en avant les résultats. Pour analyser ces entretiens, j’ai alors repéré les points communs, ceux qui divergent, mais j’ai aussi tenté d’extraire ce qui peut être spécifique à certains enseignants. Enfin, de par cette analyse, s’engage une discussion, une tentative d’interprétation de ces entretiens.
La population
Dans leur livre « L’entretien » Anne Gotman et Alain Blanchet écrivent « Définir la population, c’est sélectionner les catégories de personnes que l’on veut interroger, et à quel titre ; déterminer les acteurs dont on estime qu’ils sont en position de produire des réponses aux questions que l’on se pose. » (2015, p 46.45). La population est donc déterminée par la problématique et les hypothèses. Il s’agit des professeurs des écoles enseignants à des élèves du CM1, première année du cycle de consolidation où les textes deviennent de plus en plus complexes et où l’approche du second degré commence à se faire sentir. Le choix de la population se veut diversifier dans l’objectif d’avoir une analyse plus vaste et donc plus significative. La diversité de la population est aussi définie en fonction de variables stratégiques liées au sujet pouvant alors jouer un rôle dans la structuration des réponses.
La population interrogée lors de cette recherche comporte alors des enseignants en Réseau d’Education Prioritaire (REP), REP + et non-REP+, en milieu rural et urbain, ayant une expérience dans l’enseignement importante ou non et enfin ayant bénéficié de la formation initiale récemment ou pas.
Résultats
Dans tous les entretiens, les enseignants citent dès la première prise de parole la compréhension en lecture. De plus, 4 sur 6 insistent sur la difficulté des élèves à accéder au sens. Une enseignante évoque que lire c’est prendre de l’information, mais c’est aussi anticiper pas faire que de l’écrit au risque de « dégoûter » les élèves. Une enseignante construit elle-même ses questionnaires. 2 utilisent le rallye lecture, mais seul une d’entre elles amène les questionnaires de compréhension en relation avec chaque livre. De plus, cette enseignante précise qu’elle fait également du travail de compréhension sur d’autres textes où il y a alors une lecture individuelle puis une lecture à voix haute faite par elle le plus souvent, une explication du vocabulaire puis des questions écrites ou orales. Celle-ci estime qu’elle fait peut-être trop souvent des lectures avec des questions écrites. Elle explique alors cela par le fait qu’à l’oral elle ne peut pas savoir si tout le monde a compris. Une autre enseignante précise quant à elle qu’elle ne donne que des questions simples auxquelles ils sont capables de répondre en trouvant la réponse dans le texte. Une des interrogées dit qu’elle fait une première lecture silencieuse, puis une première compréhension orale collective, ensuite une lecture orale puis enfin un retour sur la compréhension, le fil de l’histoire et l’organisation des idées. Elle précise qu’elle donne également des questions écrites pour que les élèves apprennent à rédiger une réponse. Enfin la dernière enseignante évoque des fiches et des questions de compréhension liée aux lectures suivies. Elle souligne ne pas aimer le terme « fiche », alors il s’agirait plutôt de questions soit orales ou écrites, mais très peu et avec des réponses courtes. Elle évoque également des compréhensions réalisées à partir de petits textes où les élèves doivent déceler des indices. Elle réalise aussi des compréhensions de consignes de niveau différent sur ordinateur sur logiciel Educatif en Activités Pédagogiques Complémentaires (APC). Elle exprime faire du travail en groupe sur la compréhension où les élèves vont alors répondre sur feuille, les feuilles de chaque groupe sont affichées au tableau et discutées.
Pour ce qui est du travail effectué en compréhension en lecture en classe, tous les enseignants ont évoqué l’importance du vocabulaire dans la compréhension en lecture, mais ils ne la travaillent pas de la même façon. Une enseignante réalise des exercices de travail sur le vocabulaire, notamment où il faut retrouver le mot qui est caché grâce au contexte, mais aussi sur le champ lexical, elle dit alors lors de l’entretien « j’ai trouvé dans une méthode de Retz, là on travaille, entourer rapidement tout ce qui fait partie de la cuisine par exemple. » (cf. entretien n°1). Une autre enseignante réalise un rituel pour enrichir le lexique en expliquant le sens d’un mot par jour et en le mettant en contexte dans une phrase. Une autre enseignante s’appuie sur ses lectures et lorsque les élèves rencontrent un mot difficile, ils réalisent une « fleur du vocabulaire » indiquant alors la nature, le sens et un exemple du mot dans une phrase. Les autres enseignants n’ont pas parlé du travail effectué sur le vocabulaire dans leur classe. L’une d’entre elles évoque d’ailleurs le paradoxe entre l’envie de donner plus de vocabulaire aux élèves grâce aux lectures et le fait que celles-ci seraient trop loin de leur zone proximale de développement. Cette même enseignante aborde ce cercle vicieux dans lequel sont certains élèves, moins ils lisent, moins ils ont de vocabulaire et moins ils ont de vocabulaire, moins ils ont envie de lire ensuite.
3 enseignantes évoquent l’implicite, une explique ne pas en faire avec la plupart de ses élèves, estimant ce travail beaucoup trop compliqué pour le niveau de ses élèves, ne faisant alors que des questions relevant de l’explicite. Une autre enseignante explique travailler sur l’implicite moins formellement, c’est-à-dire seulement en posant des questions orales montrant leur compréhension ou non. Enfin la dernière exprime simplement qu’il y a deux niveaux de compréhension, l’explicite et l’implicite.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Du thème au sujet
2. Problématique et hypothèses
3. Cadre théorique
3.1. Etat des connaissances sur le sujet
3.1.1. La compréhension en lecture
3.1.2. La différenciation
3.2. Cadrage institutionnel
3.2.1. La compréhension en lecture
3.2.2. La différenciation pédagogique
4. Méthodologie
4.1. L’entretien semi-directif
4.2. La population
5. Résultats
6. Interprétation
CONCLUSION
Bibliographie
Sitographie
Annexes
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