Méthodologie de l’évaluation thérapeutique

Méthodologie de l’évaluation thérapeutique 

La médecine fondée sur des preuves – ou médecine factuelle- (en anglais, evidence-based medicine), et plus spécifiquement la médecine bucco-dentaire fondée sur des preuves (en anglais, evidence-based oral health) est un concept qui a une profonde implication pour la pratique et l’organisation des soins cliniques (Sackett, Straus et al. 2000; Giannobile, Burt et al. 2010). L’objectif est de mettre en oeuvre des traitements, pharmacologiques ou non pharmacologiques, ayant démontré un rapport bénéfice/risque favorable. Ceci implique la nécessité de disposer d’informations sur leur efficacité et leur sécurité. La médecine bucco-dentaire fondée sur des preuves suit donc un processus systématique de recherche et d’évaluation des résultats de la recherche biomédicale. Elle consiste ensuite en l’intégration des résultats les plus fiables, de l’expertise clinique, et des préférences ou valeurs des patients pour guider la prise de décision sur les soins de santé bucco-dentaire au niveau individuel ou populationnel. Différents types d’études cliniques sont utilisés pour évaluer l’efficacité et la sécurité des traitements. Ces études permettent de disposer d’informations (résultats) dont certaines méritent, à divers degrés, le nom de preuves. Les différents types d’études permettent de limiter plus ou moins l’introduction de biais dans l’évaluation du traitement et une hiérarchisation des types d’études a été proposée en fonction du niveau de preuve qu’ils apportent (Figure 1). Parmi les différents types d’études primaires, c’est l’essai contrôlé randomisé qui constitue l’étalon or (en anglais, gold standard). En effet, l’essai randomisé minimise le mieux les biais majeurs, en particulier les facteurs de confusion connus et inconnus, et il est le seul à permettre d’invoquer le lien de causalité entre le  traitement expérimental et les résultats observés. Dans cette section, nous décrivons d’abord les différents types d’essais randomisés, en particulier l’essai randomisé en bras parallèles et l’essai randomisé split-mouth. Puis nous introduisons les méthodes d’estimation de l’effet traitement dans un essai. Nous présentons ensuite la  méthodologie de la revue systématique et de la méta-analyse d’essais randomisés, qui permettent de synthétiser les estimations de l’effet traitement fournies par plusieurs essais. Ces synthèses sont considérées comme apportant le niveau de preuves le plus élevé.

L’essai contrôlé randomisé

Un essai contrôlé randomisé est une étude prospective dont l’objectif est d’estimer l’effet d’un ou de plusieurs traitements expérimentaux relativement à un traitement témoin (recevant un placebo ou un traitement de référence). L’attribution des traitements expérimental et témoin aux participants est réalisée par tirage au sort. L’utilisation d’un groupe témoin permet de contrôler plusieurs facteurs produisant des effets pouvant être confondus avec l’effet du traitement expérimental étudié (notamment l’évolution naturelle de la maladie, l’effet placebo, la régression à la moyenne, ou l’effet de traitements concomitants). L’effet du traitement expérimental se mesure par la différence moyenne entre le groupe expérimental et le groupe témoin sur le(s) critère(s) de jugement. La randomisation permet de créer des groupes de patients comparables en moyenne. Ceci garantit que la différence mesurée entre les deux groupes représente uniquement l’effet du traitement et permet d’invoquer la causalité. Les principes méthodologiques de l’essai randomisé sont bien établis et il existe des recommandations pour développer le protocole d’un essai puis rapporter les résultats de l’essai de manière optimale (Schulz, Altman et al. 2010; Chan, Tetzlaff et al. 2013). Nous décrivons ci-dessous quatre grands types d’essais randomisés: l’essai en bras parallèles, l’essai randomisé par grappes, l’essai croisé et l’essai split-mouth.

Essai en bras parallèles
L’essai randomisé en bras parallèles (en anglais, parallel-arm trial) se définit comme une étude dans laquelle chaque participant reçoit par tirage au sort l’un des traitements évalués. L’unité de randomisation est le patient. C’est le type d’essai randomisé le plus fréquent. Chan et al. et Hopewell et al. ont évalué les caractéristiques de deux cohortes réprésentatives de 519 et 616 essais randomisés publiés en 2000 et 2006, respectivement, et indexés dans MEDLINE. Dans ces deux cohortes, 74 et 78% des essais étaient des essais en bras parallèles (Chan and Altman 2005; Hopewell, Dutton et al. 2010).

Essai randomisé par grappes
L’essai randomisé par grappes (en anglais, cluster randomized trial) se définit comme une étude dans laquelle des groupes d’individus (par exemple une école, un hôpital, une famille) reçoivent par tirage au sort l’une des interventions évaluées (Pandis, Walsh et al. 2013). Les interventions évaluées dans des essais randomisés par grappes sont très souvent des interventions comportementales (Eldridge and Kerry 2012). Dans l’essai randomisé par grappes, l’unité de randomisation est le groupe de patients, aussi appelé grappe (en anglais, cluster). On peut choisir de randomiser des grappes plutôt que des individus parce que l’intervention évaluée ne s’applique pas aux individus mais à un échelon supérieur. Par exemple, pour tester l’efficacité d’un programme éducatif, Loffler et al randomisent des cabinets dentaires (Loffler, Bohmer et al. 2014). C’est en effet au niveau du dentiste que l’intervention s’applique puisque, dans le bras expérimental de cet essai, on leur demande de modifier leurs habitudes de prescriptions d’antibiotiques. Dans ce cas, un dentiste pourrait difficilement prescrire différemment lors de la prise en charge de deux patients qui auraient les mêmes profils clinique et biologique. Il est également difficile d’imaginer que deux dentistes travaillant dans le même cabinet n’aient pas des pratiques homogènes. Une autre justification de l’essai randomisé par grappes est de prévenir une contamination entre les groupes. Dans un essai en bras parallèles, la contamination survient lorsque les patients randomisés dans différents groupes rentrent en contact et échangent des informations et adoptent le traitement alternatif. L’existence d’une contamination inter-groupes conduit à une estimation biaisée de l’effet traitement. Un inconvénient majeur de l’essai randomisé par grappes est une augmentation importante de la taille de l’essai. En effet, les réponses à l’intervention observées chez deux sujets d’une même grappe auront tendance à être plus semblables que celles observées chez deux sujets appartenant à deux grappes différentes. L’information statistique apportée par une grappe de n sujets est donc moindre que celle apportée par n sujets indépendants. Cette perte doit donc être compensée par une augmentation du nombre de sujets. De plus, l’analyse statistique est plus complexe (Giraudeau 2004). Ce type de plan expérimental représente environ 1 à 2% des essais randomisés indexés dans MEDLINE (Chan and Altman 2005; Hopewell, Dutton et al. 2010).

Essai croisé
L’essai randomisé croisé (en anglais, cross-over trial) se définit comme une étude dans laquelle chaque patient reçoit tous les traitements de l’essai, administrés lors de périodes successives (Senn 2002). L’ordre d’administration des traitements est établi par tirage au sort. Dans l’essai croisé, l’unité de randomisation est le patient. Dans un essai comparant deux traitements A et B, la moitié des patients est randomisée pour recevoir la séquence de traitements A puis B, et l’autre moitié pour recevoir la séquence de traitements B puis A. L’essai croisé permet de comparer la réponse aux traitements au sein du même malade (comparaison intra-patient) au lieu d’effectuer une comparaison entres groupes de sujets (comparaison inter individuelle). Le principal avantage d’un essai croisé est d’être, à nombre de patients égal, plus puissant pour détecter l’effet traitement qu’un essai en bras parallèles. En effet, chaque patient est son propre témoin, ce qui diminue la variabilité de la mesure de l’effet traitement. Cependant, l’essai croisé ne peut être mis en œuvre que dans certaines situations, c’està-dire dans le cas d’atteintes chroniques sans évolution majeure d’une période à l’autre, pour évaluer des traitements dont les effets apparaissent relativement rapidement et disparaissent rapidement à leur arrêt, avec des critères de jugement pouvant être évalués à la fin de chaque période (Lesaffre 2009). De plus, il est nécessaire de prévoir une période intermédiaire entre les périodes de traitement (en anglais, washout period) pour permettre aux effets du traitement antérieur de disparaître avant d’administrer le traitement suivant. En médecine bucco-dentaire, on peut utiliser ce type d’essai pour comparer différents anesthésiques. Jaber et al. ont comparé la lidocaïne à l’articaïne pour le traitement pulpaire des incisives centrales mandibulaires (Jaber, Whitworth et al. 2010). Ce type de plan expérimental représente 16 à 22% des essais randomisés indexés dans Pubmed (Chan and Altman 2005; Hopewell, Dutton et al. 2010).

Essai split-mouth
L’essai randomisé split-mouth est spécifique de la recherche en médecine buccodentaire (Antczak-Bouckoms, Tulloch et al. 1990; Pandis, Walsh et al. 2013). L’essai split-mouth se définit comme une étude dans laquelle chaque patient reçoit chacun des traitements attribués de manière aléatoire à des sites différents de la cavité buccale (dent, quandrant, ou arcade) (Figure 2). Dans l’essai randomisé split-mouth, l’unité de randomisation est le site dans la cavité buccale. Dans les cohortes d’essais randomisés indexés dans MEDLINE, la fréquence de ce type de plan expérimental était estimée à environ 2 à 3% (Chan and Altman 2005; Hopewell, Dutton et al. 2010). Cependant, ces échantillons n’étaient pas spécifiques au domaine bucco-dentaire dans lequel ce type d’essais est relativement plus fréquent (Lesaffre, Philstrom et al. 2009). Le plan expérimental split-mouth a été utilisé dans de nombreux domaines de chirurgie dentaire. Une revue systématique des essais split-mouth publiés dans des revues indexées dans MEDLINE en 2004 a montré que 32% des essais ont été faits dans le domaine de la parodontologie, 29 % en orthodontie, 18% en cariologie et 21 % dans d’autres domaines (Lesaffre, Garcia Zattera et al. 2007).

L’essai split-mouth a été introduit en 1968 par l’équipe de Ramfjord pour comparer l’efficacité de deux types de traitement parodontal, le curetage sous-gingival et le traitement chirurgical (Ramfjord, Nissle et al. 1968). Les auteurs ont randomisé la moitié de la denture de chaque sujet: la denture est divisée en deux par le plan sagittal médian passant entre les incisives centrales, la moitié gauche comprenant l’arcade maxillaire gauche et l’arcade mandibulaire gauche, allant de l’incisive centrale à la dernière molaire, et de la même façon la moitié droite comprenant l’arcade maxillaire et mandibulaire droite. Ainsi, chaque sujet recevait le curetage sous-gingival et le traitement chirurgical distribués aléatoirement à la moitié gauche ou à la moitié droite. D’autres découpages ou définitions des sites randomisés peuvent être utilisés pour la conception d’un essai split-mouth. Dans un essai randomisant des dents, les traitements expérimental et témoin peuvent être attribués à des dents de deux quadrants d’une même arcade, par exemple la 16 avec son homologue controlatérale 26 (Figure 3A), à deux dents d’une arcade différente, par exemple la 16 avec son antagoniste 46 (Figure 3B), à des dents du même quadrant, par exemple la 16 et la 13 (Figure 3C), ou la 16 avec son antagoniste controlatérale 36 (Figure 3D). Mais de nombreuses autres combinaisons différentes de l’assignation aléatoire à des groupes de dents au sein de la denture d’une personne sont possibles. Hujoel et al. mentionnent qu’au moins onze variantes de la conception split-mouth étaient utilisées dans les essais cliniques dentaires pour attribuer les traitements à différents segments de la denture d’un même sujet (Hujoel and Loesche 1990). Une analogie est possible entre le plan expérimental split-mouth et l’essai croisé. En effet, on peut voir l’essai split-mouth comme un essai croisé où la période est remplacée par le site. Le plan expérimental split-mouth est également semblable au plan expérimental split-body où le traitement expérimental et le traitement témoin sont attribués de manière aléatoire à différentes parties du corps de chaque sujet. Par exemple en dermatologie, les traitements expérimental et témoin peuvent être attribués par tirage au sort à chaque bras (Ibrahim, Khan et al. 2014) ; en ophtalmologie, les yeux d’un patient peuvent être randomisés (Jiang, Chang et al. 2012) ; en oto-rhinolaryngologie, ce sont les cavités nasales d’un même patient qui sont randomisées (Bonaparte, Javidnia et al. 2011). Comme l’essai croisé, l’avantage majeur de l’essai split-mouth est un gain de puissance statistique par rapport à l’essai en bras parallèles (Hujoel and Loesche 1990). En effet, chaque sujet est son propre témoin ce qui enlève une grande part de variabilité interindividuelle des estimations de l’effet du traitement.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Méthodologie de l’évaluation thérapeutique
1.1.1 L’essai contrôlé randomisé
1.1.2 Estimation de l’effet traitement
1.1.3 Revue systématique d’essais randomisés
1.1.4 Estimation de l’effet traitement combiné
1.2 Concept de validité interne
1.2.1 Validité interne de l’essai contrôlé randomisé
1.2.2 Etudes méta-épidémiologiques
1.2.3 Validité interne de la revue systématique
1.2.4 Enregistrement des essais
2 Problématique et objectifs
2.1 Problématique
2.2 Objectifs
3 Comparaison de l’effet traitement entre essais randomisés split-mouth et en bras parallèles: étude méta-épidémiologique
3.1 Contexte
3.2 Objectifs
3.3 Méthodes
3.4 Résultats
3.5 Discussion – conclusion
3.6 Implications
3.7 Article
4 Enregistrement des essais cliniques publiés dans les revues de médecine bucco-dentaire
4.1 Contexte
4.2 Objectifs
4.3 Méthodes
4.4 Résultats
4.5 Discussion – conclusion
4.6 Implications
4.7 Article
5 Conclusion

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