Evolution des méthodes électromagnétiques aéroportées en domaine temporel
Les phénomènes ElectroMagnétiques (EM) sont décrits par les lois d‟Ohm, d‟Ampère, de Gauss et de Faraday, formulées au cours du 19e siècle et traduites au travers des équations de Maxwell. Le comportement d‟une onde EM dépend de la conductivité et de la permittivité diélectrique du milieu rencontré. L‟utilisation d‟une telle onde en géophysique se révèle donc utile dans un large panel d‟applications, les mesures pouvant s‟effectuer avec des dispositifs aéroportés, marins, en forage ou au sol. Le développement de l‟EM aéroporté, et plus particulièrement en domaine temporel (TDEM), fait l‟objet de différentes publications (Palacky and West, 1991 ; Smith et Annan, 1997 ; Fountain, 1998 ; Nabighian et Macnae, 2005 ; Sheard et al., 2005 ; Allard, 2007 ; Macnae, 2007 ; Thomson et al., 2007 ; Fountain, 2008 ; Zhdanov, 2010 ; Everett, 2012). Un résumé des principaux évènements ayant conduit aux dispositifs HTEM est présenté ici. Au milieu du 20e siècle, afin de répondre, d‟une part, à la forte demande en ressources naturelles au sortir de la seconde guerre mondiale et, d‟autre part, au besoin de posséder des réserves stratégiques (cuivre, plomb, zinc et nickel) géographiquement sûres à l‟entrée dans la guerre froide, des explorations géophysiques à grande échelle ont été entreprises au Canada. Le climat rude de ce pays, nécessitant des acquisitions rapides dans des régions peu peuplées, et le contraste de résistivité existant entre le bouclier résistant et le comportement très conducteur de nombreux dépôts connus ont conduit au développement de dispositifs EM aéroportés. La première tentative d‟utilisation d‟un tel dispositif est attribuée à Hans Lundberg en 1946. Cependant, ce système s‟est révélé être inutilisable. Ainsi, le premier système opérationnel a été développé en 1949 par les sociétés Stanmac Ltd. et McPhar Geophysics Ltd. ; s‟en est suivi la découverte au Canada du premier dépôt attribuée à un dispositif EM aéroporté en 1954. Ce succès a immédiatement conduit à l‟émergence d‟un nouveau marché, et dix systèmes ont vu le jour avant 1960. On note notamment le développement d‟un dispositif fréquentiel en 1953 par le Geological Survey of Finland (couverture EM complète de la Finlande en 1972) et du premier dispositif temporel aéroporté, l‟INPUT® (INduced PUlse Transient), en 1959. Dans les années 1970, ce dernier est alors utilisé dans 70 % des acquisitions.
Durant ces années, le développement des dispositifs EM aéroportés a suivi deux philosophies bien distinctes. D‟un côté, les systèmes héliportés en domaine fréquentiel (HFEM) (e.g. Dighem® ), de par une bonne maniabilité et une vitesse et une altitude de vol faibles, possèdent une résolution latérale élevée quelle que soit la topographie du terrain, pour une caractérisation de la proche surface ou de géologies complexes. Une cartographie de la résistivité du sous-sol est alors rendue possible (Fraser, 1978), marquant une diversification dans les études telle que l‟exploration minière (prospection d‟or et de diamant ; Hogg et Boustead, 1990), les études d‟ingénierie (bathymétrie ; Won et Smits, 1986) ou encore les prospections hydrologiques (Sengpiel, 1986). De l‟autre côté, les systèmes temporels « fixed-wing» (FTEM, e.g. GEOTEM® , QUESTEM® et SPECTREM® ) permettent de détecter des conducteurs profonds, par exemple, pour la prospection d‟uranium (e.g. le bassin de l‟Athabasca au Canada ; Fouques et al., 1986).
A la fin des années 1980 et au début des années 1990 plusieurs améliorations sur les systèmes FTEM sont apparues : l‟arrivée des récepteurs numériques (Thomson, 1987 ; Annan, 1990), permettant une réduction significative du niveau de bruit (Smith, 1994) ; la mesure de plusieurs composantes (Smith et Keating, 1996) ; l‟ajustement (diminution/augmentation) de la fréquence de base de la forme d‟onde au contexte géologique (Annan et Lockwood, 1991 ; Duncan et al., 1992 ; Smith et al., 1996). Ce dernier changement fut important pour une utilisation des systèmes EM à travers le monde, particulièrement pour la prospection en Australie (Annan et Lockwood, 1991). En effet, en cas de présence d‟une couverture conductrice, l‟utilisation d‟une fréquence de base plus basse permet de diminuer significativement son effet sur les mesures et donc de mieux caractériser les formations géologiques en profondeur.
Bruits géologiques
Il s‟agit de tous les bruits que l‟on « crée artificiellement» en formulant les différentes hypothèses sur les équations de Maxwell et en considérant la subsurface comme un milieu 1D tabulaire (Spies et Frischknecht, 1991). Ainsi, la perméabilité magnétique d‟un matériel peut être supérieure à celle du vide et dépendante de la fréquence, les courants de déplacement non négligeables et le milieu possiblement anisotrope. Les bruits géologiques les plus couramment rencontrés sont présentés ci-dessous.
Une interface pentée séparant deux milieux est généralement mal inversée par un code 1D (Danielsen et al., 2003). Dans le cas d‟un milieu conducteur recouvert par un résistant, il est possible d‟obtenir un modèle de résistivité proche de celui initial si le pendage n‟excède pas 45°. Pour le cas inverse, il est bien plus difficile de retrouver le modèle initial. Dans ce cas, plus l‟interface possède une pente importante et plus on aura tendance à créer un artefact conducteur en profondeur. En effet, les courants « préfèrent » rester dans la couche conductrice, d‟où ces observations.
De façon plus générale, l‟inversion 1D ne peut rendre compte finement d‟une géologie plus complexe que le milieu tabulaire. Des artefacts sont alors créés artificiellement dans le modèle de résistivité, le rendant plus ou moins imprécis, voir faux (Ellis, 1998). Ainsi, une formation conductrice verra sa largeur surestimée, tandis que, inversement, un corps résistant sera mal résolu.
On considère également souvent que la conductivité est indépendante de la fréquence. Cependant, ceci n‟est pas valable dans les milieux dits polarisables, où la conductivité augmente avec la fréquence. Il s‟agit d‟une polarisation électrique induite par la circulation de courant (i.e. l‟effet de polarisation provoquée (PP)). Ainsi, dans un milieu polarisable, il y a superposition de deux courants, celui induit et celui de polarisation (plus faible et circulant dans la direction opposée à l‟autre). Les champs magnétiques créés par les deux courants sont donc opposés. Dans le cas d‟une mesure se faisant au centre de la boucle émettrice, on observe alors une réponse négative aux temps longs (Flis et al., 1989). L‟effet PP peut être interprété comme suit : les courants de Foucault sont créés par la fermeture du courant dans la boucle émettrice ; ceci entraîne une polarisation des ions contenus dans les pores remplis de fluide. Ces derniers vont alors retourner à leur état d‟équilibre lorsque les courants de Foucault auront été atténués. Il y a donc création d‟un courant de polarisation dans le sens opposé aux courants induits pouvant alors entraîner une mesure négative. Notons que l‟effet PP a été considéré dans différentes études afin d‟interpréter les données (Descloitres et al., 2000 ; Kozhevnikov et Antonov, 2008).
Le dispositif électromagnétique héliporté en domaine temporel
La boucle émettrice
La boucle émettrice, caractérisée par un nombre de tours influant sur le moment magnétique généré, est attachée à un treillis en bois . Ce dernier doit satisfaire trois critères : être léger (i.e. facilement héliportable), non conducteur (i.e. n‟interfère pas avec les mesures) et rigide (i.e. garde la même géométrie). Durant le vol, la boucle peut alors être gardée horizontale et dans l‟axe de vol, stabilisée par un réseau de suspentes . La stabilité en vol est très importante, toute rotation suivant un des deux axes horizontaux (Pitch and Roll) modifiera l‟aire effective de la boucle et devra donc être prise en compte lors de la modélisation de la réponse (Auken et al., 2009a). On remarque également que la boucle émettrice est placée à grande distance de l‟hélicoptère (~35 m) afin de limiter les bruits dus aux courants induits dans celui-ci.
La/les boucles réceptrices
Le/les récepteurs peuvent être situés à l‟intérieur ou à l‟extérieur de la boucle émettrice. Chaque récepteur mesure alors la réponse du milieu sur une des trois composantes cartésiennes. Dans le cas du SkyTEM® , afin de limiter le bruit venant de l‟émetteur, les récepteurs sont placés tels que la composante mesurée du champ primaire produit est théoriquement nulle . De plus, tout comme la boucle émettrice, durant l‟acquisition ces derniers doivent rester stables par rapport à leurs orientations d‟origine. En effet, d‟une part, l‟aire effective de la boucle réceptrice est également affectée par la rotation (Auken et al., 2009a) et, d‟autre part, tout mouvement d‟un récepteur dans le champ magnétique terrestre produit un signal parasite (Annan, 1983 ; Munkholm, 1997).
Autres appareillages
Outre les boucles émettrice et réceptrice(s), le dispositif inclut d‟autres appareillages afin de positionner et corriger les données mesurées :
• deux altimètres laser, positionnés de chaque côté de la boucle émettrice, mesurent toutes les 0.1 s l‟altitude de vol (Figure 1.10c) ;
• deux inclinomètres, situés au plus près des récepteurs, mesurent toutes les 0.5 s l‟inclinaison du dispositif suivant l‟axe de vol et la perpendiculaire (Figure 1.10a) ;
• deux GPS différentiels, situés à l‟avant de la boucle émettrice, donnent toutes les secondes la position du dispositif en latitude/longitude (Figure 1.10b) ;
• une caméra vidéo, située sous l‟hélicoptère, filme le terrain survolé ;
• un magnétomètre, situé en pointe de la boucle émettrice (Figure 1.10b), mesure le champ magnétique naturel durant le « Off-Time » des cycles EM (cf. partie 3.2.2 de ce chapitre) ;
• une unité de refroidissement, située dans un angle de la boucle émettrice, permet de stabiliser l‟électronique d‟émission afin de maintenir une intensité de courant stable (Figure 1.10b) ;
• au sol, une station de base comprenant un GPS différentiel et un magnétomètre.
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Table des matières
Introduction
1. Evolution des méthodes électromagnétiques aéroportées en domaine temporel
2. Contexte et objectifs
I. Electromagnétisme en domaine temporel
1. Théorie de l’électromagnétisme appliquée à la géophysique
1.1. Equations de Maxwell
1.1.1. Dans le vide
1.1.2. Equations généralisées
1.2. Equations d‟onde
1.2.1. L‟équation d‟Helmholtz
1.2.2. Solution de l‟équation d‟Helmholtz pour le domaine diffusif
1.3. En présence de sources électromagnétiques
1.3.1. Les potentiels de Shelkunoff
1.3.2. La fonction de Green
1.4. Cas d‟une boucle circulaire horizontale
1.4.1. Cas du demi-espace homogène
1.4.2. Cas du milieu tabulaire
2. Limites d’utilisation de l’électromagnétisme en domaine temporel
2.1. Bruits électromagnétiques
2.2. Bruits géologiques
2.3. Limites de résolution
2.3.1. Profondeur d‟investigation
2.3.2. Effet d‟une couche conductrice
2.3.3. Résolution verticale
2.3.4. Caractérisation de la conductivité du sous-sol
2.3.5. Equivalence
3. Mise en œuvre des méthodes électromagnétiques héliportées en domaine temporel
3.1. Le dispositif électromagnétique héliporté en domaine temporel
3.1.1. La boucle émettrice
3.1.2. La/les boucles réceptrices
3.1.3. Autres appareillages
3.2. Emission et réception du signal électromagnétique
3.2.1. L‟émission
3.2.2. La réception
3.2.3. L‟acquisition
3.3. Caractéristiques du levé étudié
4. Synthèse
II. Traitements des données
1. Traitement des données de navigation
1.1. Données GPS
1.2. Données d‟inclinaison
1.3. Données d‟altitude
2. Traitement des données électromagnétiques en domaine temporel
2.1. Filtrages intégrés au logiciel Aarhus Workbench
2.2. Autres traitements existants
3. Décomposition en valeurs singulières
3.1. Généralités
3.2. Tests sur synthétiques
4. Singular Value decomposition as a denoising tool for airborne time domain electromagnetic data
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. SkyTEM data
4.4. The Singular Value Decomposition (SVD) and its applications
4.4.1. SVD Theory
4.4.2. Adapting SVD to TDEM data
4.4.3. Implementation of the SVD method: pre-denoising step
4.4.4. Denoising procedure
4.4.4.1. Gate rejection
4.4.4.2. Decay rejection
4.4.4.2.1. Capacitive coupling noises detection
4.4.4.2.2. Galvanic coupling noises detection
4.5. Discussion – Conclusion
4.6. Appendix A
4.7. Appendix B
5. Inversion des données électromagnétiques en domaine temporel
5.1. Généralités
5.2. Laterally constrained inversion
III. Interprétation du modèle de résistivité
1. Interprétation préliminaire
1.1. Caractérisation des failles
1.2. Mise en évidence de conducteurs profonds
2. Problématique d’interprétation
3. Characterization of a karstic chalk terrain using airborne time domain electromagnetic cross-interpreted with borehole data
3.1. Abstract
3.2. Introduction
3.3. Heliborne TDEM data
3.4. Geological, geophysical and hydrological context
3.5. Implemented methodology
3.6. Geological interpretation of the TDEM data
3.7. Hydrogeological implications
3.8. Conclusion –Discussion
3.9. Remarques
4. La SVD : un outil pour la caractérisation géologique ?
4.1. Correction de l‟altitude de vol
4.2. Caractérisation géologique au travers des composantes
IV. Modélisation géologique 3D
1. Problématique de modélisation
2. Extraction de données d’orientation et de pendage
3. Paramétrisation de la modélisation jointe
4. Airborne time domain electromagnetic data combined with boreholes in an optimal 3D geological modeling
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. Heliborne TDEM data
4.4. Implemented methodology
4.5. Evaluation of the joint modeling
4.6. Discussion – Conclusion
Conclusion
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