Méthodes théoriques pour le calcul de la dynamique électronique
Un électron excité en surface interagit et peut échanger de l’énergie avec les électrons et les noyaux atomiques situés dans le solide ou à la surface du solide. Dans les modèles utilisés dans cette thèse, certaines de ces interactions sont négligées, d’autres sont approximées par des potentiels effectifs et le problème complexe multi-corps peut être réduit à un problème monoélectronique. Les états excités sont alors décrits par des solutions de l’équation de Schrödinger pour l’électron actif, sous l’une des deux formes : dépendant ou indépendante du temps. Ces solutions correspondent soit à des états liés, soit à des états résonants.
La détermination des propriétés des états liés ne pose en général pas de problèmes du point de vue numérique. Les méthodes les plus utilisées reposent sur le développement de la fonction d’onde électronique recherchée sur une base finie de fonctions ou sur une base définie sur les points d’une grille. Dans le cas du problème aux valeurs propres, les solutions sont trouvées par diagonalisation de la matrice du Hamiltonien dans la base choisie. S’il s’agit de résoudre l’équation de Schrödinger dépendant du temps, les solutions sont obtenues par propagation temporelle à l’aide d’un propagateur à partir d’une condition initiale. La convergence des solutions des états liés est conditionnée par un choix pertinent de la base et/ou du propagateur. Dans le cas où des bases trop grandes sont nécessaires, la diagonalisation de la matrice du Hamiltonien est difficile ou même impossible du point de vue numérique et le choix d’une méthode dépendant du temps peut permettre de contourner ce problème.
En ce qui concerne les résonances, la situation est différente. Un état résonant correspond à un état discret couplé à un continu d’états. La diffusion résonante implique la formation d’un état quasilié qui, après un certain temps, se détruit vers le continu d’états disponibles. La dynamique d’un tel état est caractérisée par deux paramètres : l’énergie de résonance (ER) et la largeur de résonance (Γ) qu’on se propose de déterminer. Le calcul de ces paramètres implique la résolution de l’équation de Schrödinger stationnaire ou dépendant du temps avec des conditions à la limite propres aux résonances, c’est à dire onde sortante (onde diffusée) loin de la zone où la résonance est localisée. En pratique, le calcul des fonctions d’ondes résonantes demande plus de précautions car ces fonctions ne sont pas de carré sommable. Dans la littérature il y a deux types d’approches utilisées pour le calcul des résonances. D’une part, les méthodes qui adoptent le point de vue d’un état continu font appel à la théorie de diffusion. L’énergie et la largeur de la résonance sont alors obtenues en termes du comportement asymptotique exact d’une fonction d’onde du continu représentant un état de diffusion. D’autre part, des méthodes spécifiques aux fonctions d’onde de carré sommable ont été développées pour le calcul des résonances. L’idée de départ dans ces développements a été d’exploiter le fait que, pour les résonances de longue durée de vie, la fonction d’onde ressemble à une fonction d’onde d’état lié, localisée dans une région de l’espace.
Ci-dessous je vais présenter brièvement quelques méthodes dépendant ou indépendantes du temps, employées dans l’étude des résonances dans des problèmes électroniques de surface. Dans la méthode de dilatation complexe (Complex Scaling) ((Moiseyev et al., 1985), (Nordlander and Tully, 1988), (Nordlander and Tully, 1990)), les fonctions d’onde résonantes sont transformées en fonctions d’onde d’état lié par une transformation de coordonnées et d’impulsions du type r → reiθ p → peiθ . Le Hamiltonien du système n’est alors plus hermitien et les valeurs propres complexes obtenues par diagonalisation dans une base finie sont associées aux résonances. Cette méthode est limitée à des potentiels qui ont une continuation analytique dans la région du plan complexe d’intérêt et à des bases centrées sur un seul centre.
La méthode des Modes Angulaires Couplés (Coupled Angular Modes, CAM), introduite par D. Teillet-Billy et J. P. Gauyacq ((Teillet-Billy and Gauyacq, 1990b), (Teillet-Billy and Gauyacq, 1992)), est une approche indépendante du temps qui traite des problèmes de diffusion d’un électron par un atome (ou une molécule) plongé dans un environnement anisotrope. La base utilisée pour le développement de la fonction d’onde électronique est centrée sur un centre (l’atome ou la molécule étudiés). La méthode CAM va être décrite en détail dans la deuxième partie de ce chapitre.
La méthode de stabilisation, introduite par Hazi et Taylor (Hazi and Taylor, 1970) consiste à développer la fonction d’onde électronique sur une base finie de fonctions de carré sommable supposée complète dans la région où la résonance est localisée et à résoudre le problème aux valeurs propres par diagonalisation. Le procédé de diagonalisation est répété plusieurs fois en changeant un paramètre de calcul (taille de la base ou taille de la boîte de calcul ou un paramètre dont les fonctions de base dépendent) de sorte que seuls les états quantifiés dans la boîte de calcul sont modifiés par ce changement. Les énergies des résonances sont alors repérées par les valeurs propres stables à la variation du paramètre de calcul. Les largeurs des résonances peuvent être obtenues via la densité d’états (Mandelshtam et al., 1993). La méthode de stabilisation a été appliquée dans des études de transfert résonant de charge atome -surface avec une base de fonctions centrée sur un centre ((Deutscher et al., 1995), (Deutscher et al., 1997)) ou sur plusieurs centres (Martin and Politis, 1996).
Propagation de paquets d’ondes
La propagation de paquets d’ondes est un outil pour résoudre l’équation de Schrödinger dépendant du temps. L’utilisation de cette méthode a connu ces derniers temps un intérêt accru, d’une part à cause du développement des ordinateurs et de méthodes numériques spécifiques, et d’autre part dû à la mise au point de techniques expérimentales qui permettent de suivre l’évolution temporelle des systèmes quantiques dans le domaine des femtosecondes. Comme illustration, la méthode de paquets d’ondes a été utilisée pour étudier la dynamique des particules lourdes dans des problèmes tels que les processus photoinduits dans des molécules, les collisions réactives, mais aussi pour étudier la dynamique électronique, dans des problèmes tels que le transfert de charge atome-surface et la dynamique des états électroniques excités en surface.
Représentation spatiale
Les différentes représentations spatiales possibles peuvent être classées selon le type d’approximation de la fonction d’onde. Il existe des approches locales, où la fonction d’onde est approximée par des polynômes définis localement (méthode des différences finies) ou sur des sous-domaines de la grille (méthode d’éléments finis), et des approches globales, où la fonction d’onde est approximée par des polynômes ou plus géneralement par des fonctions analytiques, connues sous le nom de méthodes de collocation (par exemple la méthode DVR (Discrete Variable Representation) (Light et al., 1984), (Lill et al., 1982) , la méthode de Fourier, etc.. ) Puisque la méthode de Fourier que nous avons utilisée en fait partie nous allons donner un bref aperçu de la méthode de collocation. Des descriptions plus détaillées sont données par exemple par Kosloff (Kosloff, 1992) .
Potentiel complexe absorbant
La méthode de Fourier » force » les fonctions d’ondes à être périodiques et, par conséquent, la partie du paquet d’ondes qui, lors de la propagation, atteint un bord de la grille, ressort à l’autre bord de la grille. La partie ainsi renvoyée est un artefact du calcul, elle n’est pas physique et elle perturbe le spectre de valeurs propres recherché. Pour éviter ce problème on peut soit construire une grille très large, de telle sorte que le paquet d’ondes n’atteigne pas les bords de la grille pendant la propagation, soit empêcher artificiellement le paquet d’onde d’arriver aux bouts de la grille. La première de ces solutions est très coûteuse du point de vue numérique. On a recouru à la deuxième de ces solutions en utilisant un potentiel imaginaire absorbant aux extrémités de la grille. Pour résoudre les problèmes liés aux conditions à la limite imposées aux solutions de l’équation de Schrödinger dépendant du temps, plusieurs formes de potentiel complexe absorbant ont été proposées. ( (Kosloff and Kosloff, 1986), (Neuhauser and Baer, 1989), (Vibok and Balint-Kurti, 1992), (Riss and Meyer, 1996)). Leur efficacité a été discutée en termes de coefficients de réflexion et transmission. On peut remarquer que le potentiel complexe absorbant est censé empêcher la réflection du paquet d’ondes sur les bords de la grille et donc le résultat du calcul dans la zone interne doit être identique à celui qui serait obtenu dans une boîte de taille infinie.
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Table des matières
1 Introduction
2 Description Microscopique de la Couche Diélectrique
2.1 Introduction
2.2 Interaction électron – atome d’Ar
2.3 Structure d’adsorption d’un film ultra-mince d’Ar sur un substrat de Cu
2.3.1 Potentiels d’interaction interatomique
2.3.2 Adsorption de 1−4 mono-couches d’Ar sur un substrat de Cu(100)
2.4 Interaction électron-film d’Ar adsorbé sur métal
2.5 Structure de bandes de l’Ar solide
2.6 Conclusions
2.7 Annexe :Calcul du potentiel électron – diélectrique solide
2.8 Annexe : Méthode de recuit simulé
3 Méthodes théoriques pour le calcul de la dynamique électronique
3.1 Introduction
3.2 Propagation de paquets d’ondes
3.2.1 Principe de la méthode
3.2.2 Représentation spatiale
3.2.3 La méthode de Fourier
3.2.4 Remarques sur le choix de la base
3.2.5 Evaluation de l’Hamiltonien
3.2.6 Potentiel complexe absorbant
3.2.7 Propagation temporelle
3.2.8 Grille 3D
3.2.9 Analyse du paquet d’ondes ; Extraction des énergies et des fonctions d’onde
3.3 Modes angulaires couplés (CAM)
3.3.1 Principe de la méthode
3.3.2 La base des fonctions d’onde
3.3.3 Interaction électron – molécule
3.3.4 Interaction électron – substrat
3.3.5 Les équations couplées
3.3.6 Extraction de la position et de la largeur de la résonance
3.4 Conclusions
4 Etats image et résonances Ar/Cu
4.1 Etats images dans Ar(0-4ML)/Cu(100)
4.1.1 Généralités sur les états image
4.1.2 Potentiel électron – système
4.1.3 Fonctions d’ondes des états images à kk = 0
4.1.4 Energies et durées de vie à kk = 0
4.1.5 Masses effectives
4.2 Etats images dans Ar(0-4ML)/Cu à électrons libres
4.2.1 Potentiel modèle électron – système
4.2.2 Energies et durées de vie des résonances
4.3 Ar(0-4ML)/Cu(100)
4.3.1 Densité d’états projetée
4.3.2 Fonctions d’onde des résonances
4.3.3 Dispersion des énergies et largeurs de la résonance n’=1
4.4 Conclusions
5 Effet de site d’adsorption sur la résonance N
5.1 Introduction
5.2 Généralités sur les résonances moléculaires des molécules physisorbées
5.3 Caractéristiques géométriques de l’adsorption d’une molécule d’azote sur une monocouche d’Ar physisorbée sur un métal
5.4 Potentiel d’interaction électron-surface recouverte d’une monocouche d’Ar
5.5 Diffusion d’un électron par le système
5.5.1 Conditions du calcul et convergence
5.6 Résultats
5.6.1 Effets de l’orientation de la molécule sur les caractéristiques de la résonance
5.6.2 Comparaison au modèle de diélectrique continu
5.6.3 Comparaison avec des résultats expérimentaux
5.7 Conclusions
6 Conclusions