Méthodes pédagogiques soutenant la créativité
Conception de la créativité
Depuis que les hommes tentent de donner une définition au concept de la créativité, celle-ci n’a eu cesse d’évoluer. Druart & Wauters décrivent que : « La créativité est une fonction naturelle de tout être vivant, une pulsion de vie qui nous conduit à rechercher des moyens pour survivre ou progresser. Cette activité de pensée nous aide tout au long de notre vie à créer tantôt des comportements adaptés, tantôt des objets, tantôt des stratégies.
La définition actuelle, concédée par les spécialistes du domaine et reprise par Todd Lubart, s’exprime en ces termes : « La créativité est la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste. »
Il a cependant été établi que la créativité (créativité psychologique) s’observe dans les situations innovantes que chacun peut produire dans sa vie quotidienne. Quant à la Créativité (créativité historique), elle serait le produit des ruptures épistémologiques et culturelles, comme par exemple les travaux de génies des domaines artistiques ou scientifiques.
Aux facteurs d’innovation et d’adaptabilité s’ajoutent d’autres notions, telles que la qualité technique, la nécessité pour la société ou encore le processus de production hasardeux ou contraint.Chacun peut concevoir la créativité différemment et la valeur de ces différents critères dépend du jugement individuel que l’on y porte. Ainsi, l’évaluation du caractère créatif d’une réalisation ou d’un individu semble être aussi subjective et complexe que spécifique à chaque situation.
Processus créatif
Selon D.W Winnicott, il existe une pulsion créatrice présente en chaque individu. Dès les premiers mois de vie, la première activité créatrice de l’enfant apparaît, tout d’abord à travers la rêverie éveillée, puis grâce au jeu, par lequel l’enfant exprime ses désirs et son imaginaire.On peut dès lors envisager le développement-même de l’enfant comme un processus créatif inné. J. P. Guilford émet cependant l’idée que pour être créatif, l’individu doit posséder certaines capacités intellectuelles, telles que la capacité à détecter les problèmes, la capacité d’analyse, les capacités d’évaluation et de synthèse, la fluidité et la flexibilité de la pensée. Ce sujet mériterait une analyse qui dépasse le cadre de mes recherches. J’en retiens les principales composantes, dans le but d’apporter un éclairage sur les compétences résultant de ce mécanisme.Todd Lubart a produit un grand nombre de travaux de recherche et d’écrits, notamment son ouvrage « Psychologie de la créativité » , à partir duquel j’ai fondé mes recherches.On peut définir le processus créatif comme une succession de pensées et d’actions amenant à une création « originale et adaptée ». Wallas (1926) propose un nouvel aspect du processus créatif, découpé en quatre phases chronologiques :
– Préparation : collecte d’informations ; analyse initiale ; travail inconscient
– Incubation : repos ; jeu associatif inconscient ; oubli des détails
– Illumination : expérience « Euréka » ; émergence d’idée
– Vérification : examen critique et élaboration de l’idée ; finition des détails
Compétences de l’enfant entre trois et six ans
Compétences intellectuelles
L’observation puis l’analyse sont les premiers actes intellectuels de l’enfant. En effet, le nouveau-né ne différencie pas ce qui est lui-même de ce qui constitue son entourage. « Il lui faudra près de deux années pour se différencier en tant que personne et pour percevoir les objets environnants en tant qu’objets indépendants de lui-même, puis indépendants les uns des autres. »
Durant cette période, l’intelligence sensori-motrice « permet à l’enfant de résoudre des problèmes concrets comme atteindre un objet éloigné, trouver un objet caché et d’organiser l’univers selon un ensemble de relations spatiales, temporelles, causales. Cette période est extrêmement importante, car elle est le soubassement de l’intelligence conceptuelle. »
Selon Piaget, entre deux et sept ans, l’enfant vit un stade important dans la construction de son l’intelligence : le stade de l’intelligence préopératoire. Il commence avec la première apparition de la représentation symbolique, qui consiste à élaborer en pensée des images de la réalité, hors du vécu immédiat, et s’achève par la pensée intuitive, qui se définit par la concentration de l’enfant sur l’apparence des choses et par l’absence de raisonnement logique. Sa pensée s’adapte au réel, aux autres.
Compétences cognitives
De nombreuses recherches neuroscientifiques ont mis en évidence les processus cérébraux, lors de la pratique des différents domaines artistiques, chez les jeunes enfants. Ces études ont démontré une influence considérable sur les capacités cognitives, en particulier la capacité à produire des concepts nouveaux et créatifs, la capacité à raisonner de façon abstraite, la mémoire. Cependant, il convient de retenir que le processus créatif est un processus qui s’exerce et qui s’appuie sur l’existant : on ne crée pas sans apprentissage.
Apprentissages
Tout au long de son développement, l’enfant va traverser des processus d’analyse puis de synthèse des évènements vécus. Cela l’amènera à comparer ces nouveaux éléments à ses acquis et ainsi les comprendre et en retenir un apprentissage. On peut différencier la compréhension de deux manières : soit on comprend les choses au sens littéral, on mémorise ce que l’on nous explique et on le ressort tel quel ; soit on comprend par soi-même, on cherche la réponse grâce à nos perceptions, à notre capacité à inventer, « réinventer pour comprendre » selon les termes de Piaget.
Activités soutenant le développement créatif
Les ateliers d’activités créatrices sont d’extraordinaires terrains de découvertes et d’entraînements des différentes habiletés, tant la multitude d’actions y est possible. Il convient cependant de rester vigilant au propre rythme de découverte de chaque enfant, ainsi qu’à son développement et à sa capacité à réaliser une étape ou même la totalité de l’activité demandée. « Pour que l’imaginaire de l’enfant se développe, il doit se sentir libre d’entrer ou non dans l’activité proposée. Il doit disposer d’un large choix de matériaux et surtout se sentir libre d’interrompre son activité pour la reprendre à un autre moment. »Cette individualisation de participation à l’activité agit dans le but ultime de favoriser l’autonomie, nécessaire à la capacité d’être créatif. Par ailleurs, il convient d’être attentif à la motivation de l’enfant. En effet, hors de toute contrainte, de volonté impersonnelle ou encore tenté par la récompense, l’enfant est guidé à participer à l’activité par sa motivation intrinsèque, ce qui lui prédit un taux de créativité plus élevé.
Méthodes pédagogiques soutenant la créativité
Je décris brièvement certains aspects fondamentaux de pédagogies particulièrement attentives à l’accompagnement de la créativité de l’enfant.
Rudolf Steiner (1861 – 1925) :Après des études en histoire naturelle, en chimie et un doctorat en philosophie, Steiner s’est notamment occupé des archives de Goethe, ce qui l’a progressivement amené à créer la Société Anthroposophique en 1913 à Berlin et à commander la réalisation du Goethéanum en 1914 à Dornach. Puis en 1919, il ouvre l’école indépendante Waldorf à Stuttgart, tout d’abord sur demande de la firme de cigarettes « Waldorf-Astoria ».
Le programme proposé est basé sur la connaissance et le respect des rythmes de développement de l’enfant, et est propre à l’enseignement imaginé par Steiner.
Tout d’abord l’humain est considéré comme étant composé de quatre facettes que sont : le corps physique, éthérique (ou de vie), astral et le Moi. Chaque corps se développe par l’intervention du Moi ainsi que par les interactions avec les autres corps. De plus, le développement de l’individu se divise en périodes de sept ans, elles-mêmes divisées en trois phases égales. A ces septaines, Steiner y associe également les quatre règnes naturels (minéral, végétal, animal et humain) et les quatre états de conscience (sommeil profond,sommeil, rêve et éveil).
Célestin Freinet (1896 – 1966): Contrairement à d’autres pédagogues célèbres de son époque, Freinet n’était qu’un simple instituteur. Mutilé lors de la 1ère Guerre Mondiale, il est contraint de repenser son enseignement afin de palier à ses séquelles physiques. Ses valeurs morales le poussent à la recherche d’un idéal pédagogique. Les fondements théoriques éclectiques de sa pensée ne sont pas organisés en système. Comme le souligne Jean Houssaye, « souvent chez Freinet, l’action pédagogique est légitimée en ce qu’elle reproduit la loi naturelle. »
Freinet conçoit et dirige un réseau coopératif d’éducateurs. Ensemble, ils créent une pédagogie constituée d’un ensemble ouvert d’idées et de techniques. Freinet parle de « technique », et non pas de méthode ou de pédagogie, partant du principe que les techniques évoluent. De plus, le terme « technique » suppose l’utilisation d’un matériel adapté.
Loris Malaguzzi (1920 – 1994): Loris Malaguzzi est un pédagogue italien, qui dès 1963 a fait de sa ville, Reggio Emilia, (surnommée la città dei bambini) le berceau d’une expérience pédagogique, aujourd’hui reconnue mondialement. A l’image d’une mosaïque, cette pédagogie se compose et s’inspire de principes issus du courant de l’Education nouvelle. Au sein de cette ville du Nord de l’Italie, l’éducation des enfants est au centre des priorités de toute la communauté. Chaque citoyen est invité à participer au processus éducatif selon ses compétences. A Reggio Emilia, enfants et adultes se trouvent sur le même pied d’égalité. Il n’y existe pas d’opposition, tant dans la connaissance, l’opinion, la supériorité que le droit.
« Les uns ne sont pas considérés comme ignorants, pendant que les autres sont perçus comme savants. L’opinion d’un enfant (même le plus jeune de tous) doit être considérée avec la même importance et doit être perçue avec la même attention que celle du plus sage des adultes. »
Arno Stern (1924): Ayant fui son Allemagne natale lors de la 2ème Guerre Mondiale, Arno Stern devient éducateur artistique auprès d’orphelins, dans la région parisienne. Il y prend l’initiative de laisser les enfants peindre librement et observe la richesse de leurs œuvres lorsqu’elles ne répondent à aucune forme de contrainte. Il crée en 1945 « L’Académie du Jeudi », lieu où des personnes de tous âges peuvent y pratiquer le « Jeu de Peindre ». Il se consacrera dès lors entièrement à l’éducation créatrice par la peinture, à travers des ateliers d’expression libre.
Grand voyageur, il étudie le développement naturel du tracé durant ses périples. Il constate que les tracés spontanés, en particulier ceux des enfants, sont communs à toutes les cultures qu’il rencontre. Il invente le terme de « Formulation » pour décrire cet acte universel, découlant de la liberté de produire une trace intimement personnelle et, selon Stern, reliée à la mémoire organique de la personne.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Cadre de recherche
1.1.1 Illustration
1.1.2 Thématique traitée
1.1.3 Intérêt présenté par la recherche
1.2 Problématique
1.2.1 Question de départ
1.2.2 Précisions, limites posées à la recherche
1.2.3 Objectif de la recherche
1.3 Cadre théorique et/ou contexte professionnel
1.3.1 Concepts théoriques
1.4 Cadre d’analyse
1.4.1 Terrain de recherche et échantillon retenu
1.4.2 Méthode de recherche
1.4.3 Méthode de recueil des données et résultats de l’enquête
2 Développement
2.1 Introduction & annonce des chapitres développés
2.2 Présentation des données
2.2.1 La créativité
2.2.2 L’enfant et la créativité
2.2.3 Méthodes pédagogiques soutenant la créativité
2.2.4 Rôle de l’adulte dans l’accompagnement de la créativité
2.2.5 Eléments constitutifs du développement créatif de l’enfant
2.2.6 Synthèse des observations faites dans deux lieux dédiés à la créativité enfantine
3 Conclusion
3.1 Résumé et synthèse des données traitées
3.2 Analyse et discussion des résultats obtenus
3.3 Limites du travail
3.4 Perspectives et pistes d’action professionnelles
3.5 Remarques finales
Bibliographie
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