Méthodes optiques pour l’étude des peintures de chevalet

Méthodes optiques pour l’étude des peintures de chevalet

C’est essentiellement à la fin du siècle des Lumières (XV IIIème) que nait le souci de conservation des œuvres du patrimoine et les récentes découvertes scientifiques vont permettre le rapprochement de deux disciplines : l’art et la science. Depuis le mégascope, conçu en 1780 par Jacques Charles (1746-1823) pour agrandir les images des objets du patrimoine à l’aide d’une simple lentille convergente, un grand nombre de méthodes optiques ont vu le jour afin d’apporter une information sur l’œuvre au restaurateur : composition pigmentaire, nature du vernis, structure des couches stratifiées, état de dégradation générale. En confrontant ces informations à ses propres connaissances le restaurateur peut alors préciser son protocole et optimiser sa restauration.

En optique on étudie l’interaction entre les constituants de la peinture et un rayonnement incident. La possibilité d’effectuer une analyse in situ mais surtout non destructive de l’œuvre a par conséquent contribué au large succès de ces technologies. Tout le domaine spectral allant des rayons X aux infrarouges a été exploité et chaque domaine spectral s’emploie à une application bien spécifique. Les principales méthodes scientifiques relevant du domaine de l’optique sont résumées ci-dessous de manière non exhaustive et sont comparées dans le tableau de la figure 1.5. Pour chaque technique il existe une grande diversité de dispositifs ayant chacun leurs propres caractéristiques, qui peuvent donc varier fortement de l’un à l’autre. Les valeurs indiquées dans le tableau donnent un ordre de grandeur des performances généralement atteintes. Le lecteur intéressé pourra se reporter à [Mohen, 1996,Mohen, 2005] pour un aperçu plus général des sciences appliquées à l’art.

Rayons X

La radiographie par transmission de rayons X (XRR9 ) est une des premières applications optique aux œuvres d’art [Dupouy, 1996]. En 1914, peu après la découverte des rayons X par Röntgen en 1895, les premières radiographies de tableaux sont réalisées. A la manière d’une radiographie médicale le contraste de la photographie obtenue sous rayons X provient de l’absorption de certains éléments lourds comme le plomb (du blanc de plomb) ou de couches picturales peu absorbantes mais épaisses. Les constituants de la peinture sont généralement transparents aux rayons X et c’est donc plutôt l’état des supports, les marques d’usure du tableau qui sont étudiés. Il est aussi possible de mettre en évidence la superpositon de tableaux, d’anciennes restaurations ou encore des repentirs du peintre. La technique se trouve cependant limitée par le fait que la couche de préparation, traditionellement réalisée au blanc de plomb, créé un mur d’absorption. La figure 1.4 montre comment la radiographie du tableau L’atelier de Bazille, du peintre du même nom, révèle qu’il fut peint sur un premier tableau de nu, probablement de Renoir.

Bien plus récemment la fluorescence par rayon X (XRF) a permis d’établir une décomposition élémentaire des matériaux de la couche picturale et ne s’adresse qu’aux pigments inorganiques [Dik et al., 2008, Klockenkämper et al., 2000]. Ceux-ci sont excités par un rayonnement X et le spectre de fluorescence mesuré, caractéristique des éléments qui les composent, permet d’identifier les matériaux en présence. Cette méthode présente le double avantage d’être non destructive et de pouvoir éventuellement réaliser des mesures in situ grâce à l’utilisation d’un appareil portable. Cependant l’information obtenue intègre les contributions des particules sur toute la profondeur et il n’est donc pas possible de localiser spatialement les pigments.

Le rayonnement synchrotron est une source de rayons X (et aussi dans une moindre mesure UV, IR et visible) et qui permet un éventail assez large d’applications à l’étude du patrimoine dans ce domaine spectral, dont la XRF [Bertrand et al., 2012].

Ultraviolet (UV)

Le rayonnement ultra violet est utilisé pour caractériser le vernis de la peinture, dont les éléments naturels qui le composent (résine, huile) fluorescent dans le visible lorsqu’ils sont excités par un tel rayonnement. La photographie par fluorescence UV est alors un outil efficace pour repérer des repeints (qui eux ne fluorescent pas) ou encore pour visualiser l’homogénéité du vernis. Au sein de notre équipe une méthode d’identification des vernis non destructive a été mise en oeuvre [Thoury et al., 2007] : un appareil de mesure portable mesure le spectre de fluorescence du vernis puis le compare avec les spectres d’une base de données.

Visible (VIS)

Les applications dans le domaine du visible se sont largement développées depuis les premières analyses holographiques, permettant d’analyser les défauts de surface et de suivre les déformations des supports en bois face aux changements d’hygrométrie [Amadesi et al., 1974]. Depuis longtemps de nombreux restaurateurs utilisent la lumière en incidence rasante pour révéler qualitativement les défauts de surface de la peinture, qui sont des obstacles à la lumière et créent alors des ombres. La technique a évolué ces dernières années sous le nom d’imagerie par transformation de réflectance (RTI 10) pour mesurer la surface d’objets d’art, dont des peintures [Earl et al., 2011]. Basiquement, un très grand nombre de lampes et de capteurs sont répartis régulièrement dans l’espace sur une demi sphère qui recouvre l’objet. On photographie alors l’objet éclairé sous une multitude d’angles d’incidence provenant de chacune des lampes. En mesurant alors les ombres créées pour chaque angle d’incidence on peut reconstruire le relief de la surface à l’aide d’algorithmes mathématiques (Polynomial Texture Mapping). Plus récemment la spectroscopie Raman s’est avérée être une bonne candidate pour l’analyse des pigments puisqu’il s’agit d’une technique non destructive réalisée in situ [Clark, 1995]. La diffusion inélastique des photons par le matériau, dont les résonnances du spectre Raman en sont les caractéristiques, est analysée spectroscopiquement. Par identification avec des spectres de référence on peut alors identifier les composants initiaux. Tout comme la XRF il n’est malheureusement pas possible de résoudre en profondeur l’identification des pigments.

Utilisant les propriétés d’absorption des pigments dans le visible, la spectroscopie par réflexion diffuse a été largement exploré au sein de notre équipe comme précédemment évoqué en 1.1.2. Un appareil portable a été développé et réalise des mesures spectrales de réflectance ensuite comparées à une base de données contenant les spectres de réflexion diffuse d’un très grand nombre de pigments [Dupuis et al., 2002]. Cette application, pour une couche de pigments unique, a ensuite été étendue aux mélanges pigmentaires en associant à la mesure de réflexion diffuse un modèle théorique faisant appel à l’équation de transfert radiatif [Latour, 2007, Latour et al., 2009b]. Cependant à l’heure actuelle cet outil ne peut identifier que les pigments de la première couche picturale. Enfin, la tomographie par cohérence optique (OCT), originellement développée au début des années 90 pour le milieu médical [Huang et al., 1991], a été détournée pour la restauration de patrimoine [Targowski et al., 2008]. Le principe de fonctionnement ainsi que ses applications sont largement détaillés dans la deuxième partie de ce manuscrit. Utilisée principalement dans l’infrarouge un dispositif fonctionnant dans le domaine du visible a été élaboré dans notre équipe. Motivé par la possibilité d’analyser la deuxième couche picturale de manière non destructive, l’OCT permet actuellement  d’établir une image stratigraphique de la peinture.

Infrarouge (IR)

Les pigments sont la plupart du temps transparents dans le proche infra rouge. Cependant, les dessins sous-jacents d’une œuvre sont souvent réalisés au crayon noir contenant du carbone, qui absorbe fortement dans l’IR. La réflectographie infrarouge (IRR) a ainsi été développée principalement pour détecter ces esquisses cachées sous la peinture et donc non accessibles à l’oeil [van Asperen de Boer, 1968]. Il s’agit alors de compléter l’historique d’une œuvre plus que de la restaurer. D’autre part, l’avènement des lasers modernes dans les années 80 a vu apparaître un certain nombre d’applications des lasers à la restauration de patrimoine, dont par exemple le nettoyage-laser.

Pour la peinture de chevalet la spectroscopie sur plasma induit par laser (LIBS 11) est une technique qui vise à identifier les pigments [Anglos, 2001]. Une impulsion laser est focalisée sur la couche picturale en surface et la puissance au point de focalisation (quelques dizaines de mJ) est telle que le matériau est sublimé, créant un plasma. Ce micro-plasma, excité sous l’effet du laser, émet alors un rayonnement dans le visible ou proche IR que l’on peut mesurer avec un spectromètre. Le spectre est caractéristique des particules du plasma, que l’on peut alors identifier. L’analyse est in situ mais destructive. En effet le cratère formé par le laser sur la peinture est de l’ordre de 40 µm, ce qui reste néanmoins très localisé et invisible à l’œil nu. D’autre part chaque impulsion creusant la couche picturale un peu plus il est aussi possible d’obtenir une mesure résolue grossièrement en profondeur.

La technique de spectroscopie infrarouge par transformée de Fourier (FT-IR) consiste à analyser avec un spectromètre à transformée de Fourier la lumière réfléchie par les molécules constituant le matériau, qui absorbe le rayonnement infrarouge suivant ses propriétés optiques. On identifie alors les vibrations caractéristiques des molécules du matériau en observant les bandes d’absorption dans le spectre infrarouge. L’avantage de cette méthode est sa rapidité puisque l’analyse sur tout le domaine spectral est réalisée à partir d’une seule mesure. Mais bien que théoriquement la méthode ne soit pas destructive, en pratique les contraintes expérimentales conduisent à travailler sur des échantillons de l’œuvre et non l’œuvre elle-même. D’autre part certaines configurations expérimentales nécessitent de réaliser les mesures en transmission plutôt qu’en réflexion [Salvado et al., 2005].

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Table des matières

Introduction
1 Un milieu diffusant : la peinture
1.1 La peinture de chevalet
1.1.1 Composition d’une couche de peinture
1.1.2 Les pigments dans les couches picturales stratifiées
1.1.3 Altérations et restauration des peintures de chevalet
1.2 Méthodes optiques pour l’étude des peintures de chevalet
1.2.1 Rayons X
1.2.2 Ultraviolet (UV)
1.2.3 Visible (VIS)
1.2.4 Infrarouge (IR)
1.2.5 Térahertz (THz)
1.3 Imagerie à travers un milieu diffusant
1.3.1 Diffusion de la lumière
1.3.2 Dispositifs d’imagerie pour les milieux diffusants
1.4 La tomographie par cohérence optique : un outil adapté à l’étude des peintures de chevalet
2 Etat de l’art et théorie de la tomographie par cohérence optique
2.1 La tomographie par cohérence optique : principes généraux
2.1.1 Interférence à deux ondes en lumière blanche
2.1.2 Implémentation OCT dans le domaine temporel et dans le domaine de Fourier
2.2 Tomographie par cohérence optique plein champ
2.2.1 Principe et configurations de l’OCT plein champ
2.2.2 Formulation théorique
2.2.3 Cohérence spatiale et cohérence temporelle
2.3 Résolution spatiale
2.3.1 Résolution axiale
2.3.2 Résolution latérale
2.4 Extensions de l’OCT
2.4.1 Spectroscopie par OCT
2.4.2 Swept source OCT
2.4.3 Doppler OCT
2.4.4 Polarisation-Sensitive OCT
2.4.5 Quantum OCT
2.5 Applications de l’OCT
2.5.1 Applications de l’imagerie au milieu médical
2.5.2 Applications de l’imagerie à l’étude des oeuvres d’art
2.6 Conclusion
3 Caractérisation et performances du dispositif OCT plein champ
3.1 Le montage optique
3.2 Dispositif d’illumination
3.2.1 Source de lumière
3.2.2 Illuminateur Köhler
3.3 Dispositif de collection
3.4 Sensibilité
3.5 Acquisition et reconstruction des images
3.5.1 Acquisition des images
3.5.2 Reconstruction des images d’intensité
3.6 Implémentation numérique de la spectroscopie par OCT
3.6.1 Méthode d’analyse spectroscopique
3.6.2 Fenêtrage et résolution spectrale
3.6.3 Echantillonnage
3.6.4 Affichage des spectres
3.7 Exemple d’application : analyse par imagerie d’une peinture sur toile
3.7.1 Le tableau
3.7.2 Contraintes expérimentales
3.7.3 Résultats de mesure
3.8 Conclusion
4 Correction spectrale due aux effets d’ouverture plein champ
4.1 Effets d’ouverture : lumière monochromatique
4.1.1 Effets de l’ouverture numérique sur l’interfrange
4.1.2 Mesure expérimentale avec source laser
4.1.3 Conclusion
4.2 Effets d’ouverture : spectroscopie en lumière blanche
4.2.1 Approche théorique des effets d’ouverture en lumière blanche
4.2.2 Simulation de reconstruction spectrale
4.2.3 Effet d’une inclinaison de l’échantillon
4.2.4 Protocole de correction spectrale
4.2.5 Conclusion
4.3 Variation dans le champ du facteur d’ouverture effectif
4.3.1 Etude des variations en lumière quasi-monochromatique incohérente spatialement
4.3.2 Etude sur l’ensemble du champ
4.3.3 Discussion sur les causes du phénomène observé
4.3.4 Correction spectrale plein champ en lumière blanche
4.4 Mesure de réflectivité sur un échantillon d’or plan
4.4.1 Réflectivité de l’or en un point du champ
4.4.2 Statistique de mesure sur tout le champ disponible
4.4.3 Conclusion
4.5 Discrimination spectrale sur un échantillon d’or plan structuré
4.6 Conclusion
Conclusion

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