METHODES ISSUES DE L’ETUDE DE LA MEMOIRE DE RECONNAISSANCE

LE SENTIMENT DE FAMILIARITÉ

Définitions

Nous avons déjà tous croisé une personne en étant convaincu de la connaitre, sans pour autant être capable de retrouver son nom ni le contexte dans lequel nous aurions pu la rencontrer précédemment. Cette expérience commune illustrée par Mandler par l’exemple du « butcher on the bus » (voir encadré), décrit parfaitement ce que peut produire un sentiment de familiarité en l’absence de souvenir (Mandler, 1980), et survient notamment lorsqu’une personne jugée familière est rencontrée dans un contexte atypique (Yovel and Paller, 2004). Elle permet ainsi de définir la familiarité comme le sentiment d’avoir déjà perçu un stimulus, indépendamment de la capacité à restituer le contexte dans lequel ce stimulus a été initialement rencontré (Montaldi and Mayes, 2010; Yonelinas, 2001; Yovel and Paller, 2004). Le sentiment de familiarité est ainsi suffisant pour juger si un stimulus a déjà été rencontré, et grâce à un traitement automatique des informations, nécessiterait peu de ressources cognitives (Martin et al., 2011). Ce sentiment survient précocement dans le traitement d’un stimulus, variant d’une faible intuition à une forte conviction (Eichenbaum et al., 2007).

Mandler’s « Butcher-on-the-bus »:
« Consider seeing a man on a bus whom you are sure that you have seen before; you know him in that sense. Such a recognition is usually followed by a search processing asking, in effect, Where could I know him from? Who is he? The search process generates likely contexts (Do I know him from work, is he a movie star, a TV commentator, the milkman?). Eventually the search may end with the insight, That’s the butcher from the supermarket! »

The judgment of previous occurrence. (1980). Psych Rev. 87, 252–271.

La familiarité a principalement été décrite dans des contextes de perception visuelle, et notamment dans le contexte de la familiarité pour les personnes. Cette prépondérance s’explique notamment du fait de l’importance écologique du sentiment de familiarité dans le contexte des interactions interpersonnelles. En effet, la dimension sociale qui régit les rapports humains rend indispensable pour chacun de savoir immédiatement si une personne que l’on rencontre est connue ou non (Verstichel , 2001). Le sentiment de familiarité peut être perçu même si la personne dont il s’agit n’est pas clairement identifiée. Il s’agit d’une métaconnaissance : « je sais que je sais ». (Verstichel, 2001). A partir de la définition précédemment donnée, la familiarité peut être envisagée dans chacune des modalités sensorielles. Ainsi, il est par exemple possible d’identifier la familiarité dans le cadre de la mémoire musicale, lorsque le sujet connait un extrait musical indépendamment de sa capacité à y associer l’auteur, le titre ou les paroles (Platel et al., 2003).

Les théories de la reconnaissance

Modélisation de la familiarité

Les études sur la mémoire de reconnaissance ont permis de proposer une modélisation de la familiarité, en se référant à certains concepts de la théorie de détection du signal (Besson et al., 2012). Dans le cadre de cette modélisation, chaque item perçu par un participant est associé à un indice de familiarité. Si cet indice de familiarité dépasse une valeur seuil fixée par le participant, l’item est considéré comme ayant déjà été perçu. A l’inverse, si l’indice de familiarité de l’item reste inférieur au seuil fixé par le participant, l’item perçu est considéré comme nouveau . Le niveau de confiance du participant dans les réponses données est d’autant plus fort que l’indice de familiarité est éloigné de la valeur seuil (Besson et al., 2012).

Basées sur la théorie de détection du signal, les distributions des indices de familiarité pour les items nouveaux et les items anciens (considérés comme familiers) sont modélisées par deux courbes de loi normale, de moyennes différentes mais de même variabilité . Cette modélisation, permet de calculer un indice de discriminabilité à partir de la différence entre les deux moyennes, et un indice de biais de réponse à partir de la différence entre la valeur seuil du participant et la valeur seuil neutre (situé exactement entre les deux distributions). Cette proposition a notamment permis de rendre compte de certains types de réponses observés lors des tâches de reconnaissance, tels que les réponses incertaines (se produisant lorsque l’indice de familiarité d’un item se trouve proche du seuil) ou les fausses alarmes (lorsque la valeur seuil du participant est inférieur à la valeur seuil neutre).

La théorie des doubles processus 

La reconnaissance basée sur l’indice de familiarité telle que décrite précédemment constitue une référence pour la modélisation de la reconnaissance. Elle s’est néanmoins montrée insuffisante pour expliquer l’ensemble des phénomènes se produisant au cours de la reconnaissance. Plusieurs auteurs ont ainsi proposé l’implication de plusieurs processus. De manière complémentaire au sentiment de familiarité, un processus de souvenir permettrait de vérifier le jugement de reconnaissance (Aggleton and Brown, 1999; Mandler, 1980; Tulving, 1985), Ainsi basée sur une reconnaissance à double processus, cette théorie a été modélisée de différentes manières (Aggleton and Brown, 1999; Mandler, 1980; Tulving, 1985; Yonelinas, 1994). Si ces propositions diffèrent en certains points, elles restent toutes basées sur l’hypothèse d’une reconnaissance reposant sur (1) le sentiment de familiarité d’avoir déjà perçu un item et (2) le souvenir à l’origine du rappel des informations contextuelles (spatiales, temporelles,…) associées à un stimulus donné. Le modèle le plus couramment utilisé est le Dual-Process Signal Detection (Yonelinas, 1994). Selon ce modèle, les processus de familiarité et de souvenir constituent deux processus indépendants. Ainsi, la reconnaissance peut être basée sur le souvenir, et dans ce cas, seul ce processus est impliqué. Cependant, lorsque  le souvenir des informations liées à l’encodage n’est pas possible, la reconnaissance est alors liée au sentiment de familiarité, modélisé à partir de la théorie de détection du signal .

Plusieurs données récentes tendent à confirmer l’hypothèse de deux processus différents dans la reconnaissance. Par exemple, des études en potentiels évoqués ont  mis en évidence deux composantes distinctes dans la reconnaissance, suggérant deux types d’activités cérébrales liées à la reconnaissance à des temps différents et dans des régions différentes (Diana et al., 2011; Eichenbaum et al., 2007). La familiarité et le souvenir constitueraient donc deux processus de nature différente. La familiarité, permettrait une évaluation quantitative, rapide et automatique. A l’inverse, le souvenir serait à l’origine d’un rappel qualitatif d’informations, contrôlé et plus lent (Yonelinas et al., 2010).

La théorie du processus unique

L’hypothèse d’une reconnaissance impliquant deux processus distincts n’est pas admise par tous. Plusieurs auteurs considèrent en effet que la reconnaissance peut être totalement modélisée à partir de la théorie de la détection du signal. Pour ces auteurs, la familiarité et le souvenir ne représentent pas deux processus distincts, mais deux intensités différentes de la force de la mémoire (Besson et al., 2012; Donaldson, 1996). La reconnaissance est alors basée sur la familiarité. Elle peut être associée à une intensité faible de la force de mémoire et donc sans rappel des informations contextuelles, ou sur une intensité plus élevée de la force de la mémoire lorsqu’elle est associée à la récupération d’informations en mémoire (Besson et al., 2012).

L’une des principales limites de ce modèle est l’incapacité à expliquer les expériences de reconnaissance sans souvenir des informations contextuelles, comme illustré précédemment par le phénomène du « boucher dans le bus » (Mandler, 1980). Il existe dans ce genre d’expérience un sentiment important de familiarité, sans souvenir associé. Afin de pallier à ce type de limite, les auteurs défendant la théorie d’un simple processus ont alors proposé un modèle à la jonction des deux précédents. Selon ce dernier modèle, la familiarité et le souvenir interviendraient comme processus distincts, mais opérant chacun de manière continue, tous deux modélisables selon la théorie de détection du signal.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE THEORIQUE
1. LE SENTIMENT DE FAMILIARITE
1.1. DEFINITIONS
1.2. LES THEORIES DE LA RECONNAISSANCE
1.2.1. MODELISATION DE LA FAMILIARITE
1.2.2 LA THEORIE DES DOUBLES PROCESSUS
1.2.3.LA THEORIE DU PROCESSUS UNIQUE
1.3. LES METHODES D’ETUDE
1.3.1. METHODES ISSUES DE L’ETUDE DE LA MEMOIRE DE RECONNAISSANCE
1.3.2. METHODES D’ETUDE QUANTITATIVE
1.3.3. METHODES D’ETUDES BASEES SUR LA FAMILIARITE SPECIFIQUE
2. BASES CEREBRALES DU SENTIMENT DE FAMILIARITE
2.1. BASES CEREBRALES DE LA FAMILIARITE ET DU SOUVENIR
2.2. BASES CEREBRALES DE LA FAMILIARITE SPECIFIQUE
2.3. SYNTHESE DES DONNEES D’IMAGERIE
3. TROUBLES DU SENTIMENT DE FAMILIARITE
3.1. LES TROUBLES DU SENTIMENT DE FAMILIARITE
3.2. TROUBLES DU SENTIMENT DE FAMILIARITE ET LESIONS NEUROLOGIQUES
3.3. SYNDROMES DELIRANTS D’IDENTIFICATION
3.4. BASES CEREBRALES DES SYNDROMES DELIRANTS D’IDENTIFICATION
4. ETUDE DU SENTIMENT DE FAMILIARITE DANS LA SCHIZOPHRENIE
4.1. FAMILIARITE ET SCHIZOPHRENIE
4.2. ETUDE DE LA FAMILIARITE ET DU SOUVENIR DANS LA SCHIZOPHRENIE
4.3. ETUDE DE LA FAMILIARITE SPECIFIQUE DANS LA SCHIZOPHRENIE
4.4. APPROCHE DIMENSIONNELLE DE LA FAMILIARITE DANS LA SCHIZOPHRENIE
4.5. ETUDE EN IMAGERIE DE LA FAMILIARITE DANS LA SCHIZOPHRENIE
5. TROUBLE DE LA FAMILIARITE ET COMPORTEMENTS VIOLENTS DANS LA SCHIZOPHRENIE
5.1. SCHIZOPHRENIE ET VIOLENCE
5.2. L’HETEROGENEITE DE L’ASSOCIATION SCHIZOPHRENIE/VIOLENCE
5.3. ROLE DES TROUBLES DE LA FAMILIARITE DANS LA SURVENUE DE GESTES VIOLENTS
6. SYNTHESE ET OBJECTIFS
PARTIE EXPERIMENTALE
7. LES RESEAUX NEURONAUX DE LA FAMILIARITE: UNE META-ANALYSE DES ETUDES EN IMAGERIE FONCTIONNELLE
8. PERCEPTION CATEGORIELLE DE LA FAMILIARITE: EN FAVEUR D’UNE HYPERFAMILIARITE DANS LA SCHIZOPHRENIE
9. PREVENTION DE LA VIOLENCE DANS LA SCHIZOPHRENIE: POURQUOI LES TROUBLES DE LA FAMILIARITE RESTENT-ILS SI PEU FAMILIERS ?
10. LES SYNDROMES DELIRANTS D’IDENTIFICATION : UN FACTEUR DE RISQUE DE VIOLENCE ?
REVUE DE LITTERATURE A PARTIR D’ETUDES DE CAS
11. ASSOCIATION ENTRE LES GESTES DE VIOLENCE SEVERES ET LES TROUBLES DE LA FAMILIARITE CHEZ LES PATIENTS DETENUS SOUFFRANT DE SCHIZOPHRENIE
12. DISCUSSION
12.1. RESUME DES PRINCIPAUX RESULTATS
12.2. L’EVALUATION DE LA FAMILIARITE
12.3. LES TROUBLES DE LA FAMILIARITE DANS LA SCHIZOPHRENIE
12.4. LA CONSIDERATION DE SOUS-TYPES DE PATIENTS
12.5. PERSPECTIVES
13. CONCLUSION
14. ANNEXE
15. REFERENCES

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