Méthodes d’obtention du macromodèle
Analyse basée sur les rais
La théorie des rais repose sur l’approximation asymptotique haute fréquence de l’équation des ondes. Dans cette approximation, le champ d’onde dépend de la signature de la source, d’un terme d’amplitude et d’un terme de temps de trajet (Courant and Hilbert, 1962; Červeny et al., 1977). Les données sont alors réduites à leur temps d’arrivée correspondant à certains événements pointés. Les temps d’arrivée de différents types d’ondes peuvent en effet être utilisés, telles que les ondes transmises, les ondes réfléchies et même les ondes de surface (que l’on ne décrit pas ici, ces ondes étant plutôt utilisée en sismologie ou en imagerie très peu profonde). Différents événements doivent être pointés dans les sismogrammes. Les différentes natures des ondes permettent d’obtenir la meilleure illumination.
La tomographie des temps de trajet est un problème inverse, qui cherche à déterminer le modèle de vitesse qui minimise la différence entre les événements interprétés et ceux calculés numériquement par tracé de rais.
Le problème étant sous-déterminé, la solution n’est donc pas unique (Tarantola, 1987; Aki and Richards, 2002), et de l’information a priori doit être introduite, afin de mieux contraindre l’inversion, comme par exemple des régularisations sur le modèle de vitesse (Delprat-Jannaud and Lailly, 1993).
Tomographie des premières arrivées
Le terme « premières arrivées » regroupe les ondes directes, diffractées, réfractées ou plongeantes. Très utilisées en sismologie (Nolet, 1987; Zelt and Barton, 1998), le pointé de ces événements est a priori plus facile que ceux des données réfléchies, de par leur définition. En imagerie sismique, ces ondes sont principalement utilisées dans le cas de structures peu profondes, en raison de la profondeur de pénétration limitée de ces ondes (Toomey et al., 1994), comme pour des études de contamination de sols (Zelt et al., 2006). Ces ondes apportent également la meilleure illumination entre puits verticaux (Dines and Lytle, 1979; Peterson et al., 1985). De même une tomographie en transmission peut être utilisée dans la détection de failles en considérant des sources en surface et des récepteurs enterrés (Vi Nhu Ba, 2014).
Cette méthode est très sensible à l’illumination et le pointé peut être rendu difficile par la géologie complexe. En sismologie, des grands offsets peuvent être utilisés, ce qui n’est pas toujours le cas lors de campagnes d’exploration, d’où la difficulté à illuminer la partie plus profonde à l’aide de ces ondes. La résolution spatiale est de plus limitée par le rayon de la première zone de Fresnel (Spetzler and Snieder, 2004). Enfin, la tomographie des premières arrivées n’est pas sensible aux zones de vitesse lente. Les inversions des premières arrivées peuvent être combinées avec d’autres méthodes, afin d’améliorer la contrainte du modèle de vitesse. Par exemple, dans le cas d’un milieu complexe à l’intersection de plaques tectoniques, Jardin et al. (2013) présentent une tomographie des premières arrivées et une tomographie basée sur les ondes réfléchies, seules ou combinées. Les ondes réfléchies, qui ont une plus grande profondeur de pénétration, sont le sujet de la prochaine partie.
Tomographie en réflexion
La tomographie en réflexion a été historiquement développée dans le domaine des données, à savoir le domaine temps (Bishop et al., 1985; Farra and Madariaga, 1988). Cette méthode consiste à ajuster la vitesse ainsi que le modèle des réflecteurs en profondeur afin de minimiser la différence entre les arrivées pointées et celles calculées. Suivant l’équation 2.1, m est alors la combinaison d’un modèle de vitesse et d’un modèle de réflecteurs. L’utilisation des ondes réfléchies à la place des premières arrivées permet d’améliorer la résolution en réduisant la zone de Fresnel. En l’absence de longs offsets, une ambiguité entre la vitesse et la profondeur existe (Farra and Madariaga, 1988; Stork, 1992). Une manière de trouver le modèle des réflecteurs est de pointer une série d’événements continus dans l’image migrée, suivi d’une interpolation par B-splines, puis une démigration pour revenir en temps et retrouver les invariants cinématiques (Jacobs et al., 1992; Lailly and Sinoquet, 1996; Nguyen et al., 2008). Le pointé et l’interpolation sont alors source d’incertitudes. Dans les milieux complexes 3-D, où le rapport signal/bruit peut être faible, ce pointé est rendu difficile et très coûteux, ce qui explique le nombre restreint d’applications sur données réelles (Billette et al., 2003). Afin de limiter ces incertitudes et coûts de pointés d’horizons, l’analyse des réflexions a été introduite dans le domaine migré. Si la migration en temps peut être utilisée comme étape intermédiaire (Raynaud and Robein, 1998), la migration en profondeur est le plus souvent introduite, où la cohérence des réflexions migrées est analysée (Stork, 1992). Des tomographies linéaires et non-linéaires ont été introduites à partir de la migration en profondeur avant sommation, celle non-linéaire possédant un plus grand potentiel à extraire l’information cinématique (Adler et al., 2008; Lambaré et al., 2014). Les implémentations de cette méthode à l’échelle industrielle datent de la fin des années 1990 et cette méthode reste largement utilisée dans l’industrie pour la construction du modèle de vitesse (Woodward et al., 1998; Ehinger et al., 2001; Woodward et al., 2008). Dans les cinq dernières années, la tomographie basée sur les rais a vu son intérêt augmenter, en raison de la haute résolution qui peut être apportée par exemple par la stéréotomographie, présentée dans la prochaine partie (Lambaré et al., 2014).
Ajout de contraintes et d’information physique
La tomographie basée sur rais est un problème sous-déterminé requérant de l’information a priori. Des contraintes sur le modèle de vitesse ou des réflecteurs permettent d’augmenter la résolution de cette méthode. Des informations géologiques peuvent être introduites, comme la profondeur du Gas Oil Contact du réservoir (Le Stunff and Grenier, 1998). De même, Sexton and Williamson (1998) introduisent des informations d’interprétation des interfaces détectées par migration après sommation. D’autres données géophysiques peuvent être également utilisées a priori. Lines et al. (1988), par exemple, inversent simultanément des données sismiques, des logs de puits, ainsi que des données de gravimétrie. De l’information physique peut également être introduite. L’exemple le plus concluant et appliqué au niveau industriel est la stéréotomographie (Billette and Lambaré, 1998; Lambaré, 2008; Guillaume et al., 2008; Tieman et al., 2009). Il s’agit d’une tomographie de pente basée sur l’inversion d’événements localement cohérents et des temps d’arrivée de ces événements. La pente des événements localement cohérents est pointée une seule fois simultanément en source et récepteur communs. Cette méthode apporte des améliorations par rapport à la tomographie basée sur les temps des données réfléchies, au sens où le pointé semi automatique des événements locaux est plus simple que celui des événements continus et ainsi offre un pointé plus dense, et une meilleure résolution. En effet, il n’y a pas ici d’identification à un réflecteur donné. Cette méthode permet de prendre en compte les arrivées réfléchies, réfractées, de polarisations P-P ou P-S (Alerini et al., 2007; Lambaré, 2008), et plus récemment les arrivées directes (Prieux et al., 2013). Le développement récent d’approches non-linéaires basées sur cette tomographie de pente, combinées aux nouveaux systèmes d’acquisition de données, (Lambaré et al., 2014). Dans l’approche de « stéréotomographie en profondeur », introduite par Chauris et al. (2002), les invariants cinématiques dans le domaine des données et dans le domaine image sont de même dimension, ce qui permet de garder l’information lors du passage d’un domaine à l’autre. En effet, en 2-D, dans le domaine des données, il s’agit de (s, r, t, ps, pr), et dans le domaine image de (x, z, h, @z/@x, @z/@h), où ps et pr sont les pentes, respectivement à la source et au récepteur. @z/@x correspond au pendage dans l’image migrée, tandis que @z/@h correspond à la pente résiduelle dans les CIGs, ici en offset commun, noté h.
De la théorie des rais à l’équation des ondes
Dans la tomographie en réflexion, des pointés sur les réflecteurs dans le domaine des données ou migré sont nécessaires; en analyse de vitesse par migration basée sur les rais, le champ de réflexion complet est utilisé. En ne réduisant pas les données à leur temps de trajet, l’analyse basée sur l’équation des ondes est plus adaptée aux milieux complexes, en étant plus cohérent avec la limitation de fréquence des données sismiques (Sava and Biondi, 2004; Woodward et al., 2008). Avec les moyens informatiques de plus en plus performants, des analyses basées sur des schémas d’inversion du champ d’onde complet se sont alors développées. Les deux principales méthodes d’obtention de modèle de vitesse sont l’inversion des formes d’ondes (FWI) et l’analyse de vitesse par migration basée sur l’équation des ondes (WEMVA). Ces deux méthodes diffèrent dans la résolution qu’elles peuvent apporter au modèle de vitesse. L’inversion des formes d’ondes utilise le champ d’ondes complet, alors que, dans les développements classiques, l’analyse de vitesse par migration utilise uniquement le champ réfléchi. Ces deux méthodes n’utilisent pas d’approximation haute fréquence.
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Table des matières
1 Introduction générale
1.1 Cadre général de l’étude
1.2 Principe de l’imagerie sismique
1.2.1 Domaines d’étude
1.2.2 Séparation d’échelle – grandes/courtes longueurs d’ondes
1.3 Obtention de la réflectivité du milieu
1.3.1 Historique de la migration
1.3.2 Migration comme solution d’un problème inverse
1.3.2.1 Migration dite « classique »
1.3.2.2 Migration dans le domaine « étendu »
1.3.2.3 Migration itérative
1.3.2.4 Migration dite « quantitative »
1.3.3 Les CIGs (Common Image Gathers)
1.4 Motivations – L’analyse de vitesse par migration
1.4.1 Artefacts sur les CIGs
1.4.2 Artefacts sur le gradient
1.4.3 Sensibilité au bruit
1.4.4 Les aspects opérationnels
1.4.5 Les données réfléchies
1.5 Plan de thèse
1.6 Déroulement de la thèse et contributions
2 Méthodes d’obtention du macromodèle
2.1 Analyse basée sur les rais
2.1.1 Tomographie des premières arrivées
2.1.2 Tomographie en réflexion
2.1.3 Ajout de contraintes et d’information physique
2.1.4 De la théorie des rais à l’équation des ondes
2.2 Analyse basée sur le champ d’ondes dans le domaine temporel
2.2.1 L’inversion des formes d’ondes
2.2.2 Résolution de la méthode
2.2.3 Construction du macromodèle
2.2.4 Alternatives
2.3 L’analyse de vitesse par migration, méthode dans le domaine migré
2.3.1 Méthodes d’analyse du résidu dans l’image migrée
2.3.1.1 Méthodes avec pointés
2.3.1.2 Méthodes automatiques sans pointés
2.3.2 Le modèle étendu, lien entre l’analyse de vitesse par migration et l’inversion des formes d’ondes
2.3.2.1 Différentes formulations de la fonction coût
2.3.2.2 La semblance différentielle orientée surface
2.3.2.3 La semblance différentielle orientée profondeur
2.3.2.4 Gradient de la fonction coût
2.3.2.5 Une inversion combinée
2.4 Bilan
2.5 Conclusion
3 Migration quantitative
3.1 Résumé
3.2 Article – Migration quantitative
3.3 Abstract
3.4 Introduction
3.5 Migration Velocity Analysis
3.5.1 Principle
3.5.2 Migration in the extended domain
3.5.3 Gradient of the objective function
3.5.4 Apodization
3.6 Quantitative Migration
3.6.1 Weighted migration
3.6.2 Modified gradient
3.7 Application to a multi-layer model
3.7.1 Limiting oscillations around the reflector in the gradient calculation
3.7.2 Numerical example
3.7.3 Discussion
3.8 Conclusion
3.9 Acknowledgements
3.10 Appendix A : Calculation of the gradient of the objectie function
3.11 Appendix B : Hessian in quantitative migration
3.12 Compléments de l’article
3.12.1 Migrations quantitative et itérative
3.12.1.1 Contributions des différents termes dans la pondération de la migration quantitative
3.12.1.2 Analyse de résolution de la migration quantitative
3.12.1.3 La migration itérative
3.12.2 Implémentation de l’inversion
3.12.2.1 Remise à jour du modèle de vitesse
3.12.2.2 Recherche du pas optimal
3.12.2.3 Préconditionneur sur le gradient
3.12.3 Résultats d’inversion
3.12.3.1 Modèle exact
3.12.3.2 Modèle initial à 2000 m/s
3.12.3.3 Modèle initial à gradient
3.13 Conclusion du chapitre
4 Conclusion générale