Méthodes d’observation des caractères discrets dentaires

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Méthodes d’observation des caractères discrets dentaires

Odontoglyphes (technique analogue à la technique des empreintes digitales) (Zubov, 1977, Scott et Turner, 1997)

Comme alternative à l’étude des structures positives de la couronne dentaire, l’anthropologue dentaire russe Zubov et ses collaborateurs ont adopté une approche de la variation morphologique dentaire humaine qui met l’accent sur les reliefs négatifs (rainures, fissures, sulcus, fosses qui séparent les cuspides). Zubov note que « le motif d’un sillon, stable dans le temps mais en même temps variable sur quelques détails, est un objet précieux et intéressant d’étude morphologique et peut former une base pour toute une branche de l’odontologie qui, par analogie avec les dermatoglyphes, peut être appelé de façon analogue, odontoglyphes ».
Les dermatoglyphes (du grec derma, « peau », et gluphê, « gravure ») sont les figures de la face palmaire des mains, de la plante des pieds, des doigts (empreintes digitales) et des orteils humains, dessinées par les plis et les crêtes épidermiques. Par analogie, les odontoglyphes constituent une empreinte dentaire. Zubov a défini un large panel de motifs pour les molaires maxillaire et mandibulaire sur des répliques négatives en cire.
La technique s’est peu développée, car elle présente de nombreuses limites :
– les motifs sont le plus facilement visibles sur des empreintes en cire, or, la cire est un matériau peu utilisé,
-la classification des caractères qui comportent de nombreux types et sous-types est complexe, -la complexité de la classification des traits limite les analyses statistiques possibles,
-pour les chercheurs non entraînés à la technique, il est difficile de discerner l’importance des variables,
-la plupart des recherches ont été publiées en Russie et les occidentaux ont été très peu informés de ces études,
-les investigations sont limitées à l’étude sur des enfants avec une denture peu usée.
Malgré ses limites, cette technique a été utilisée par Zubov et d’autres anthropologues russes pour étudier certains traits morphologiques dentaires dont le shoveling (Minkov, 1983).

Effet Moiré (Scott et Turner, 1997).

Les anthropologues dentaires japonais ont adapté la contourographie de Moiré à l’étude de la variation des traits de la couronne (observation d’un objet 3D en 2D), méthode qui contourne ingénieusement les limites originales de la photographie. La première étape de la contourographie de Moiré consiste à obtenir une image avec un contraste élevé dans des conditions spécifiques pour l’éclairage, la distance et la position de l’objet grâce à une grille de Moiré positionnée horizontalement et perpendiculairement à l’axe de la lentille. Le produit final, un contourogramme de Moiré, ressemble à une carte topographique, avec une alternance de noir et blanc objectivant les micro- reliefs de la surface occlusale d’une couronne dentaire de ses plus hauts points jusqu’aux plus bas points (Korenhof, 1960).
Taverne et ses collaborateurs ont essayé de mesurer diverses parties de la surface de couronnes dentaires par une méthode de mesure tridimensionnelle indirecte (méthode photogrammétrique analogue à la méthode Moiré) (Taverne et al., 1979 ; Mizoguchi, 1985). Cette méthode précise et reproductible est une bonne méthode pour quantifier les subtilités des reliefs coronaires, mais en regard du rapport bénéfice/coût, cette méthode est loin de supplanter la méthode visuelle. Cette méthode a surtout été utilisée pour l’analyse des cuspidées (Sekikawa et al., 1987 a, 1987b ; Kanazawa et al., 1989).

Méthodes visuelles d’observation

La couronne dentaire peut être objectivée de trois façons différentes correspondant aux trois échelles de mesure définies par les statisticiens (Scott et Turner, 1997) : -Intervalle (données métriques),
-Nominal (données par catégorie),
-Ordinal (données classées).

Intervalle (absence = 0, présence=.10, .20, .30,…n mm) (Scott et Turner, 1997).

La majorité des caractères dentaires non métriques ne se prêtent pas à la mesure directe métrique parce que :
1. ils présentent des variations de forme et de taille ,
2. en tant qu’objets tridimensionnels, ils manquent souvent de types de repères nécessaires pour normaliser les mesures,
3. ils peuvent présenter des niveaux d’expression si faibles qu’il est impossible de les mesurer en millimètres.
Le caractère shoveling est une exception aux limites susmentionnées de la mesure de l’expression des caractères.
En 1947, Dahlberg et Mikkelsen ont utilisé une échelle Vernier (pied à coulisses) avec une jauge de Boley modifiée pour mesurer la profondeur du creux lingual incisif en millimètres (Dahlberg et Mikkelsen, 1956).
Dans les années 70, K. Hanihara et al. (1975) et Blanco et Chakaborty (1977) ont mesuré la profondeur des fosses linguales des incisives de familles japonaises et chiliennes afin de pouvoir utiliser des données métriques pour calculer les corrélations intrafamiliales (Hanihara et al., 1975b ; Blanco et Chakaborty, 1977).
Dans toutes ces études, la profondeur est mesurée au centre de la face palatine.

Nominal (absence = 0, présence= 1) (Scott et Turner, 1997).

Comme la plupart des caractères morphologiques de la couronne sont des caractères « tout ou rien », une méthode de base de notation est la présence ou l’absence. Il s’agit de la première approche adoptée dans le cadre d’études morphologiques caractérisant la plupart des données recueillies à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. Aujourd’hui, certains chercheurs continuent de dichotomiser les variables morphologiques, citant souvent leurs difficultés à noter avec cohérence des degrés variables de présence de traits (Sofaer et al., 1972a, 1972b).

Ordinal (absence = 0, présence=1, 2, 3…, n) (Scott et Turner, 1997).

Hrdlička a été l’un des premiers chercheurs à noter les limites de l’observation de la simple dichotomie présence – absence pour les traits morphologiques dentaires. La première classification ordinale est celle de Hrdlička (1920) qui score 4 niveaux d’expression pour les incisives en « forme de pelle » (Hrdlička, 1920) :
-l’absence – actuellement ASU 0 -,
-la trace – actuellement ASU 1-2 -,
-la dent en « semi- pelle » – actuellement ASU 3-4 -, -la dent en « pelle » – actuellement ASU 5-6 -. L’approche de Campbell (1925) a consisté à utiliser des catégories graduées -et pas seulement la présence/absence- pour étudier la plupart des caractères de la couronne et de la racine dentaire (Campbell, 1925).
La norme de classement tient compte de l’expressivité variable que présentent la plupart des traits de couronne et de racine dentaires. Ces normes comprennent l’absence des caractères. La présence des caractères est subdivisée en deux ou plusieurs grades allant de faiblement à fortement prononcée. Pour établir une échelle, les chercheurs étudient la variation de l’expression des caractères dans un réseau de populations, déterminent l’expression minimale et maximale qui sert de grade 1 et de grade « n », et insèrent des expressions intermédiaires de grade 2 à « n-1 ». Idéalement, les étapes entre les différents grades devraient être à peu près égales. À la suite d’une procédure de classement, Dahlberg (1956) établit des plaques de référence pour la classification du shoveling. Les plaques de référence tridimensionnelles ont été distribuées à l’échelle internationale et développées par ZOLLAR® Dental Laboratory (Dahlberg, 1956).
Influencé par la méthode de classification des caractères de Dahlberg, K. Hanihara (1961) a développé des plaques comparables pour les caractères morphologiques exprimés sur les dents de lait (Hanihara, 1961, Scott et Turner, 2008).
En 1970, Turner a mis au point des grades d’expression classés pour les 6e et 7e cuspides inférieures des molaires, qui marquaient le début du système de notation ASUDAS (Arizona State University Dental Anthropology System) (Turner et al., 1991). La classification a été étendue par Scott (1973). Au cours de deux décennies, Turner et ses étudiants ont établi des échelles de classement pour une vaste gamme de caractères de couronnes et de racines dentaires qui, dans la tradition des plaques du Dahlberg, sont distribuées à l’échelle internationale -le laboratoire ASUDAS distribue également les plaques étalons originales du Dahlberg-.
Dans ce contexte, notre travail de thèse consiste à élaborer une approche morphométrique d’un paramètre dentaire considéré jusqu’à aujourd’hui comme non-métrique : le shoveling de l’incisive centrale maxillaire.

Arizona State University Dental Anthropology System: ASUDAS.

Le système ASUDA est le fruit du travail initial du laboratoire d’anthropologie dentaire de l’université d’Arizona (cf. § I.3.1.3.3.).
Il désigne une procédure de « scoring » ordinal par observation visuelle et comparaison avec des plaques de référence en plâtre. L’objectif est de permettre l’observation des caractères au-delà de la simple dichotomie absence/présence du trait et de promouvoir la reproductibilité des résultats entre observateurs afin de standardiser les caractères discrets dentaires.
La théorie sur le développement de ces standards est de concevoir une plaque qui donne une représentation graphique de l’expression minimale et maximale du trait et de l’expression des différents grades intermédiaires entre ces deux points, avec une distinction la plus fine possible et reproductible. Le nombre d’intervalles entre les standards doit être environ égal et on considère qu’un nombre de grades supérieur à 5 mais inférieur à 10 est l’idéal pour décrire la plupart des caractères (Turner et al., 1991).
Il existe plus d’une centaine de traits identifiés sur la denture permanente humaine. Seulement une quarantaine ont été définis, standardisés et soumis à une analyse anthropologique détaillée (Turner et al., 1991 ; Scott et Turner, 1997). En 1991, on comptait 35 caractères dentaires non métriques utilisés dans ASUDAS (Turner et al., 1991). Les traits sélectionnés sont des traits facilement identifiables et observables, ne présentant aucun dimorphisme sexuel, et pouvant résister durant des années dans des modes de vie rigoureux. Le registre fossile montre que, quelles que soient leurs valeurs adaptatives, ces caractères discrets dentaires évoluent très lentement et représentent des populations caractéristiques, permettant la distinction biologique de populations.
Les descriptions sont organisées par classe de dents, les molaires supérieures et inférieures étant traitées séparément en raison de leur plus grande complexité morphologique (Table 1). Pour chaque classe de dent, on note une subdivision racine/couronne sans distinction entre les antimères de droite et de gauche et sans distinction de sexe, au vu de l’absence ou du faible dimorphisme sexuel (Scott et Turner, 1997) (cf. § 1.2.3.3 et § 1.2.3.4).

Variabilité géographique et temporelle d’expression et de fréquence du shoveling selon les populations.

A partir d’informations géographiques, linguistiques et bioarchéologiques, Scott et Turner ont divisé la population mondiale en cinq groupes morpho-dentaires (Eurasie occidentale, Afrique sub-saharienne, complexe sino-américain, Sunda-Pacifique, Sahul-Pacifique) qui partagent des fréquences de caractères discrets semblables. Chaque groupe est caractérisé par une série de traits (dont les fréquences sont élevées ou basses) (Annexe 1) (Scott et Turner, 1997 ; Hardy, 2015).

Variabilité temporelle.

Guatelli-Steinberg et Irish (2005) ont apporté des contributions relatives à la taxonomie et à la variation de la fréquence des caractères tout au long de l’évolution humaine (Guatelli-Steinberg et Irish, 2005).
Le shoveling est souvent considéré comme une caractéristique des hominidés primitifs. Il est observé chez Australopithecus, early Homo, les Néandertaliens et Homo Sapiens (Bayley, 2006). Bailey et ses collaborateurs (Bailey, 2000, 2002 ; Bailey et Hublin, 2005 ; Bayley, 2006 ; Bailey et al., 2008, 2011) ont largement contribué au débat sur le concept « Out-of-Africa » et à l’affinité entre Homo sapiens et Homo neanderthalensis.
Chez les Néandertaliens, le développement des crêtes marginales est omniprésent sur UI1 et assez marqué dans son expression. Utilisant comme seuil de présence (point de rupture grade 2 et au-delà) (Scott et Irish, 2017 ; Scott et al., 2018), le shoveling est présent dans 100% des spécimens. De plus, plus de la moitié (54%) des UI1 exprime un développement des crêtes très marqué (grade 4 et au-delà). Les tubercules linguaux sont omniprésents et prennent la forme de crêtes simples ou multiples bien développées sur UI1. Nous notons également une convexité vestibulaire sur UI1 (grade 2 et au-delà) présente dans 96% des échantillons de Néandertaliens (Bayley, 2006).
Bailey et Hublin (2013) ont défini les principaux traits diagnostiques d’Homo sapiens, une contribution importante à la clarification des questions phylogénétiques et à l’identification des restes fossiles.
Martinón-Torres et ses collaborateurs (2013) ont essayé de comprendre via les caractères non métriques dentaires le degré de variabilité des populations du Pléistocène moyen de Sima de los Huesos et d’autres taxons du Pléistocène moyen (Homo heidelbergensis), d’Homo neanderthalensis et d’Homo sapiens fossile et récent (Bayley et Hublin, 2013 ; Martinon-Torres et al., 2013 ; Marado, 2014 ; Guatelli-Steinberg, 2016).

Variabilité géographique.

Le shoveling des incisives diffère considérablement d’un groupe de populations à l’autre, mais il est relativement stable à l’intérieur de chaque groupe. La présence ou l’absence de shoveling aide à l’identification de populations et à l’exploration de l’ascendance.
Les incisives en « forme de pelle » sont particulièrement fréquentes dans un seul groupe : le complexe sino-américain (populations asiatiques et amérindiennes).
Le shoveling est plus fréquent et plus prononcé dans les populations asiatiques qu’européennes (Carbonell, 1963, Mizoguchi, 1985 ; Turner, 1990 ; Scott et Turner, 1997 ; Kimura et al., 2009). Une étude de Kharat, en 1990, a montré l’incidence du shoveling des incisives en fonction de la nationalité. Les résultats indiquent que l’incidence du shoveling chez les Syriens, les Jordaniens, les Palestiniens et les Philippins est de 5 à 6 %. En Arabie saoudite, au Pakistan et en Inde, l’incidence du shoveling est de 10 à 12 %. Chez les Yéménites, les Soudanais et les Égyptiens, l’incidence du shoveling est de 20 à 25 % (Kharat et al., 1990). Une étude de Murat Canger et al. en 2014, a publié l’incidence des incisives « en forme de pelle » dans la population turque. L’incidence des incisives en « forme de pelle » est de 10,1 % dans leur groupe d’étude et la majorité des spécimens présente un niveau d’expression de type II (« semi-pelle ») (Murat Canger et al., 2014).
Notre travail de thèse s’appuie sur le constat de départ que le shoveling est plus fréquent et plus prononcé dans les populations asiatiques qu’européennes et africaines.

Limites du système ASU.

Selon Hillson, la subjectivité dans l’utilisation d’ASUDAS est inhérente à la méthode, précisément parce que les grades sont des variables quasi-continues (Hillson, 2005).

La problématique des expressions seuils.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, les traits de la couronne ont plusieurs niveaux d’expression allant de l’absence à une expression légère à prononcée.
Les formes prononcées sont visuellement faciles à distinguer par rapport au faible degré d’expression. Il est en revanche beaucoup plus compliqué de distinguer les différences pour des faibles degrés d’expression (exemple entre le grade 0 et 1).
La limite entre l’absence et la présence d’un trait est variable selon les chercheurs. Une pratique courante consiste à calculer les fréquences au-delà d’un certain seuil.
Le terme  » point de rupture  » est utilisé pour désigner le grade référence au-delà duquel un pourcentage certain de personnes dans un échantillon exprime un trait de caractère (Scott et Irish, 2017). La présence du shoveling est décrite des grades 2 à 7 de la plaque ASU-UI1 (Turner et al., 1991 ; Scott and Irish, 2017 ; Scott et al., 2018).
Cependant, le « point de rupture » peut varier en fonction de la population étudiée. Dans une étude sur des échantillons africains, Irish (1993) a utilisé un point de rupture de 2+ pour enregistrer les fréquences des incisives « en forme de pelle », alors que dans des échantillons où le shoveling est plus fréquent et plus prononcé, comme c’est le cas en Asie, un point de rupture de 3+ peut être utilisé (Irish, 1993 ; Scott et Turner 1997).
La difficulté de la notation est une réalité au point de rupture entre l’absence et la présence du trait de caractère ainsi que pour distinguer des degrés d’expression très proches du shoveling.

La problématique de l’erreur intra et inter observateur.

Les premières études de la morphologie dentaire chez l’homme ont été soumises aux erreurs « observateur ». Les points de vue divergeaient quant à la définition de ce qui constituait la présence ou l’absence des traits de caractère.
Pour certains chercheurs, toute manifestation d’un trait sur une dent est notée comme « présent ». D’autres chercheurs n’ont noté un trait de caractère comme étant présent que lorsqu’il avait un caractère prononcé.
Compte tenu des différentes philosophies sur l’expression des traits de caractère, deux chercheurs pouvaient noter des fréquences très différentes pour un même caractère à partir d’un même échantillon.
« La notation des caractères morphologiques est connue pour être une évaluation subjective et donc sujette à des différences d’interprétation non seulement entre observateurs mais aussi pour un même observateur d’une session de notation à l’autre. » (Soafer et al., 1972b : 359)
Bien qu’il y ait toujours des problèmes d’erreur intra- et inter-observateur dans la notation des caractéristiques non-métriques dentaires, le niveau d’erreur a été considérablement réduit par l’adoption généralisée du Système d’Anthropologie Dentaire de l’Université d’Etat d’Arizona (ASUDAS), qui comprend un système d’évaluation de l’expression des caractères. L’évaluation de la morphologie exige de la formation, de l’expérience et de la patience. Le grand nombre de plaques normalisées guide les chercheurs dans la notation des caractères. Nichol et Turner ont montré que l’erreur intra-observateur lors de l’évaluation de l’expression du shoveling des incisives maxillaires par ASUDAS est faible : 4,1 % pour plus d’une différence de grade et seulement 2 % pour les différences de présence/absence (Nichol et Turner, 1986).
Avec une fiche technique en main et face à un plâtre ou un crâne, tous les chercheurs ont pris des centaines de décisions dans l’expression des traits. Si les dents ne sont pas usées, il y a des décisions à prendre sur les expressions seuils. Pour les dents usées ou présentant une pathologie, un chercheur doit décider de la quantité de modifications qu’il peut tolérer pour arriver à un résultat raisonnable et reproductible. Comme le souligne Scott et ses collaborateurs, « tout chercheur qui entreprend un projet de recherche sur la couronne dentaire et la morphologie des racines devrait faire une étude pilote dès le départ. Faire des observations sur un nombre donné de personnes (par exemple, 30) et répéter ces observations après un ou plusieurs mois. Les questions de notation doivent être prises en compte avant le début d’un projet, et non après son lancement. L’entraînement est indispensable » (Scott et al., 2016 : 260).
Ceci étant, comme le mentionnent Scott et Turner (1997), « il ne sera probablement jamais possible d’atteindre une concordance de 100 % dans les observations répétées de la couronne dentaire et des traits de racine, que ce soit par un seul observateur ou entre observateurs. Les plaques de référence mises au point par Dahlberg, Hanihara, Turner et d’autres ont amélioré la précision de l’observation, mais elles ne sont pas une panacée pour des raisons telles que la problématique des expressions seuils, les modifications post-éruptives, le bruit de surface, les différents niveaux d’expérience, etc… » (Scott et Turner, 1997 :72).
Même si les observateurs sont formés et suivent la définition ASU du caractère du shoveling des UI1, la question des possibles tendances à créer une image mentale inconsciente des catégories ASUDAS et à porter un jugement subjectif dans leur analyse, peut se poser, surtout en présence de nombreux spécimens.

La problématique de l’impact de l’usure et de la pathologie.

L’usure dentaire par attrition, abrasion, érosion ou corrosion a une incidence importante sur les caractères de la couronne (Fiorenza et Kullmer, 2013 ; Fornai et al, 2014). Burnett, Irish et Fong ont démontré que l’usure peut obscurcir les détails morphologiques et le degré d’expression des traits (Burnett et al., 2013). Par exemple, lorsque les dents antérieures supérieures sont usées, le shoveling peut ne pas être évident.
La lecture de l’expression du trait sur une dent usée ou cariée est difficile, voire impossible. Le degré d’usure toléré varie selon les observateurs. Cela est particulièrement vrai lorsque la taille de l’échantillon est petite et qu’un observateur veut noter autant d’individus pour un trait spécifique que possible. Cette approche peut avoir une incidence défavorable sur la fréquence des traits caractéristiques de l’échantillon et doit être évitée. Il est plus important d’obtenir une bonne estimation de la fréquence de six individus avec très peu d’usure dentaire, comparativement à dix (Scott et Turner, 1997).
Un trop grand nombre de variation d’expression associé à la problématique de l’usure dentaire ou des pathologies carieuses peuvent erroner la notation ordinale en ajoutant une part de subjectivité dans l’analyse.

La problématique des supports d’observations : plâtres et squelettes.

Un avantage majeur des dents est leur accessibilité dans les populations disparues et en voie de disparition (Scott et Turner, 1997). Chez l’être humain, les dents peuvent être observées soit directement par voie intra-orale, soit grâce à une réplique en négatif en alginate permettant d’obtenir des modèles d’étude en plâtre (approche la plus courante), soit sur une dent extraite.

Etude des spécimens sur moulages en plâtre.

Si l’analyse des arcades complètes est facilitée, les moulages en plâtre ne permettent pas l’observation des caractères radiculaires. Si les moulages peuvent enregistrer les détails complexes de la couronne, ils n’occultent pas le problème de déformation due à l’erreur de coulée, qui rend les observations de caractères difficiles ou impossibles. Parmi les inconvénients des moulages en plâtre, on notera essentiellement l’usure du plâtre dans le temps et le fait que l’empreinte conventionnelle génère un « contact » avec le spécimen.

Etude des spécimens sur « crânes » réels.

De nombreux musées dans le monde entier ont des milliers de crânes et de mandibules, qui rendent possible l’observation des dents des temps récents jusqu’aux profondeurs de l’histoire des fossiles. L’observation des dents en position sur les « crânes » réels présente des avantages et des inconvénients. Ces supports fournissent une perspective temporelle (diachronique) à la morphologie dentaire. Ils permettent aux chercheurs de noter les composants de la couronne et des racines. Ils évitent les complications liées à la reproduction (erreur de l’empreinte). Ceci étant, les dents antérieures à racine simple sont souvent perdues sur le terrain et en laboratoire. Les dents réelles, si elles ne sont pas correctement conservées, peuvent se déshydrater. Bien que les racines puissent être analysées, les conservateurs peuvent coller les dents dans les alvéoles à tel point qu’elles ne peuvent plus être observées.
Les supports d’observation conventionnels peuvent entraîner des pertes d’informations ou des problèmes de non-ergonomie sur les sites de fouille.

Nouvelle méthode morphométrique d’étude du shoveling.

Cette méthode est, dans un premier temps, appliquée sur les 87 UI1 et les 7 UI1 par un opérateur (DC).

Acquisition des données 3D par micro-CT.

La micro-tomodensitométrie à rayons X (micro-TDM) ou micro-scanographie, encore appelée microcomputerized tomography (CT) par les Anglo-saxons, est une technique d’imagerie, initialement conçue pour l’ingénierie et les matériaux, qui permet de reconstituer le volume et l’image 3D d’un objet à partir d’une série de radiographies 2D réalisées selon de nombreux axes de vue (Annexes 5 et 6). Le micro-CT est un outil d’investigation très précis et reconnu scientifiquement. L’ensemble des images microtomographiques de chaque dent est aligné de sorte que le plan cervical soit parallèle à l’axe x-y d’un système de coordonnées cartésiennes. La forme 3D est créée numériquement de façon semi-automatique, par segmentation, extraction de contour et reconstruction de surface (Kalender, 2006 ; Goldman, 2007 ; Jankowski et Ferreti, 2010 ; Macchiarelli et al., 2013 ; Braga, 2016). Le micro-CT est largement utilisé dans les études sur les tissus dentaires en anthropobiologie.
Nous avons choisi cette technique d’imagerie de référence pour valider notre méthodologie.
Les 30 dents sud-africaines ont été scannées par microtomographie aux rayons X (micro-CT) à l’installation MIXRAD de la South Africa Nuclear Energy Corporation SOC Limited (Necsa), avec un instrument Nikon XT H225-L en utilisant les paramètres suivants : 100 kV, 100 µA, pas angulaire de 0,36°. Les images virtuelles ont été reconstruites à une taille de voxel allant de 42 à 50 µm (Hoffman et de Beer, 2012) (Figure 17).

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Table des matières

Introduction
I. Le shoveling : état de la question
I.1. Généralités sur l’organe dentaire
I.1.1. Intérêts qualitatif et quantitatif des dents
I.1.2. La dent et son haut degré d’individualité morphologique
I.1.3. Les caractères discrets non-métriques dentaires
I.2. Le shoveling de l’incisive permanente centrale maxillaire (UI1)
I.2.1. Anatomie dentaire de l’UI1
I.2.1.1. La denture permanente
I.2.1.2. L’incisive centrale maxillaire (UI1)
I.2.2. Définition du shoveling= « dents en pelle » = shovel shaped incisors
I.2.3. Etiologie du shoveling
I.2.3.1. Origine génétique du shoveling
I.2.3.2. Ontogénèse dentaire
I.2.3.3. Asymétrie fluctuante et shoveling
I.2.3.5. Corrélation entre la taille des dents et le shoveling
I.2.4. Chronologie historique de l’étude du shoveling
I.3. Diagnostic du shoveling et analyse
I.3.1. Méthodes d’observation des caractères discrets dentaires
I.3.1.1.Odontoglyphes (technique analogue à la technique des empreintes digitales)
I.3.1.2. Effet Moiré
I.3.1.3. Méthodes visuelles d’observation
I.3.1.3.1. Intervalle (absence = 0, présence=.10, .20, .30, (Scott et Turner, 1997)
I.3.1.3.2. Nominal (absence = 0, présence= 1) (Scott et Turner, 1997)
I.3.1.3.3. Ordinal (absence = 0, présence=1, 2, 3…, n) (Scott et Turner, 1997)
I.3.2. Arizona State University Dental Anthropology System: ASUDAS
I.3.3. Technique gold- standard du scoring du shoveling en 2018
I.3.4. Variabilité géographique et temporelle d’expression et de fréquence du shoveling selon les populations
I.3.4.1. Variabilité temporelle
I.3.4.2. Variabilité géographique
I.4. Limites du système ASU
I.4.1. La problématique des expressions seuils
I.4.2. La problématique de l’erreur intra et inter observateur
I.4.3. La problématique de l’impact de l’usure et de la pathologie
I.4.4. La problématique des supports d’observation : plâtres et squelettes
I.4.4.1. Etude des spécimens sur moulages en plâtre
I.4.4.2. Etude des spécimens sur « crânes » réels
I.4.5. Hypothèses de départ de nos travaux
II. Apport de la morphométrie géométrique dans l’étude du shoveling : élaboration d’une nouvelle méthodologie
II.1. Définition et intérêts de la Morphométrie Géométrique (MG)
II.2. Matériels et méthode
II.2.1. Echantillon
II.2.1.1 Les incisives centrales permanentes humaines
II.2.1.2. La plaque ASU-UI1.
II.2.2. Nouvelle méthode morphométrique d’étude du shoveling
II.2.2.1. Acquisition des données 3D par micro-CT
II.2.2.2. Transformation des données
II.2.2.3. Traitement des données
II.2.2.3.1. Importation et visualisation des données
II.2.2.3.2. Segmentation des données
II.2.2.3.3. Génération de la surface
II.2.2.3.4. Application du maximum de courbure
II.2.2.3.5. Détermination des plans de section
II.2.2.3.5.1. Délimitation de la ligne de plus contour bordant la fosse palatine
II.2.2.3.5.2. Définition des points de repères cervicaux
II.2.2.3.5.3. Détermination du plan cervical
II.2.2.3.5.4. Détermination du plan médian
II.2.2.3.6. Objectivation morphométrique du shoveling : positionnement des semi-landmarks
II.2.2.3.7. Illustration de la synthèse de notre nouvelle méthodologie morphométrique
II.2.2.3.8. Application de la méthode sur l’ensemble de l’échantillon
II.2.2.3.9. Gestion de l’asymétrie droite / gauche
II.2.3. Méthode conventionnelle ASUDAS
II.3. Outils statistiques
II.3.1. Tests de reproductibilité
II.3.2. Analyse Procruste
II.3.3 L’Analyse en Composantes Principales (ACP)
II.3.4. Analyse non-Procruste.
II.3.5. Interpolation spline
II.4. Résultats.
II.4.1. Test de reproductibilité de la méthodologie morphométrique
II.4.2. Test de reproductibilité de la méthode ASUDAS
II.4.3. Analyse de la distribution des échantillons étudiés par rapport aux grades ASUDAS
II.4.3.1. Analyse par superposition Procruste
II.4.3.1.1 Analyse en Composantes Principales (ACP)
a. PC1 et PC2
b. PC3 et PC4
II.4.3.1.2. Histogramme de la répartition des PC1 selon la distribution des grades ASUDAS
II.4.3.1.3. Reproductibilité de la méthode Procruste
II.4.3.2. Analyse non-Procruste
II.4.3.2.1. Analyse en Composantes Principales (ACP)
II.4.3.2.2. Histogramme de la répartition des paramètres métriques selon la distribution des grades ASUDAS
II.4.3.2.3. Reproductibilité de la méthode non-Procruste : comparaison PC Procruste et non-Procruste
II.4.3.3. Synthèse des résultats de la méthode Procruste et non-Procruste
II.4.4. Comparaison scoring morphométrique / scoring visuel
II.4.4.1 Détermination du paramètre métrique le plus représentatif du shoveling
II.4.4.2.Corrélation scoring morphométrique prédictif/scoring visuel P100
II.4.4.3. Corrélation scoring morphométrique prédictif / scoring visuel par une fonction d’interpolation spline
II.4.4.4. Synthèse des résultats de la comparaison scoring morphométrique /scoring visuel
II.4.5. La profondeur maximale : biais inconscient de la méthode ASUDAS?P
II.4.5.1. Comparaison du scoring visuel et des mesures morphométriques
II.4.5.2. Fiabilité de cette hypothèse
II.4.5.2.1. Variation du protocole ASUDAS
II.4.5.2.2. Variation de l’échantillon
II.4.5.3. Synthèse des résultats sur le rôle « inconscient »de la profondeur maximale dans la notation visuelle du shoveling
II.4.6. Synthèse des résultats
II.5. Discussion, Synthèse et Perspectives
III. Apport du scanner intra-oral Condor® (laboratoire Aabam®) dans l’analyse morphométrique du shoveling
III.1. Rappels généraux d’imagerie 3D non invasive sans rayonnements ionisants
III.2. Matériels et méthode
III.2.1. Echantillon
III.2.2. Acquisition des données
III.2.2.1. Micro-tomographie à rayons X (micro-CT)
III.2.2.2. Scanner extra-oral (EOS): 7series® Dental Wings
III.2.2.3. Scanner intra-oral (IOS) : Condor ® Laboratoire Aabam
III.2.3. Transformation des données
III.2.4. Traitement des données : application de la nouvelle méthodologie morphométrique
III.2.4.1. Application du protocole d’analyse morphométrique (cf. description § II.2.2.3) (Table 13)
III.2.4.2. Application de la méthode sur l’ensemble de l’échantillon
III.2.4.3. Gestion de l’asymétrie droite / gauche
III.3. Outils statistiques
III.3.1. Tests de reproductibilité
III.3.2. Analyse Procruste
III.3.3. Analyse de la variance
III.4. Résultats
III.4.1. Test de reproductibilité de la méthodologie morphométrique
III.4.2.Analyse Procrustéenne
III.4.2.1.Illustration d’une superposition Procruste en 3D pour un spécimen (FM22 : 5193-21)
III.4.2.2. Illustration de la superposition Procruste moyenne du shoveling des 31UI1 projeté dans un espace 2D
III.4.2.3. Analyse en Composantes Principales
III.4.2.4. Différences de distances procrustéennes entre les 3 techniques d’imagerie
III.5. Discussion, Synthèse et Perspectives
Conclusion générale
Références bibliographiques

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