L’eau est un réservoir important de bactéries qui peuvent être à l’origine de contamination ou des vecteurs de gènes de résistance aux antibiotiques. La maîtrise de la qualité de l’eau est importante dans les établissements de santé. La législation exige via l’arrêté du 14 mars 2007 l’absence de Pseudomonas aeruginosa dans 250 mL d’eaux conditionnées. Mais aucune limite n’est fixée pour les autres espèces appartenant au genre Pseudomonas .
Dans les eaux destinées à la consommation humaine non conditionnées, il n’existe aucun taux limite pour tous les Pseudomonas sp. (y compris P. aeruginosa). Néanmoins, en milieu hospitalier une limite a été définie [3]. Pour les eaux de soin standard (ESS), le niveau seuil est < 1 Unité Formant Colonie (UFC)/100mL pour P. aeruginosa et ≤ 10² UFC/100mL pour les Pseudomonas sp. Pour les eaux bactériologiquement maîtrisées (EBM), le niveau seuil est < 1 UFC/mL pour Pseudomonas aeruginosa et ≤ 1 UFC/mL pour les Pseudomonas sp. D’autre part, dans le suivi de la qualité microbiologique des endoscopes, le seuil acceptable est < 1 UFC de Pseudomonas sp./canal [3]. Le laboratoire d’hygiène hospitalière est au centre des processus mis en place pour garantir la qualité des eaux hospitalières. Les conditions de culture et d’identification des espèces du genre Pseudomonas sont donc particulièrement importantes à maîtriser pour le laboratoire d’hygiène hospitalière. L’identification de colonies de Pseudomonas sp. par des techniques innovantes comme la spectrométrie de masse ou le séquençage de gènes permet d’étudier et de comprendre l’épidémiologie environnementale du genre Pseudomonas sp. en lien avec le réseau d’eau hospitalier. Le laboratoire est impliqué dans la mise en place de la norme NF EN ISO 15189. Pour ces techniques innovantes de spectrométrie de masse,l’utilisation de protocoles différents de ceux recommandés par le fournisseur impose une validation de méthode en portée B flexible.
De plus, peu de données sont connues quant au profil de résistance des souches de Pseudomonas non aeruginosa. L’étude des mécanismes et du caractère transférable de la résistance aux antibiotiques des Pseudomonas d’origine hydrique est donc un enjeu important pour l’évaluation des risques en milieu hospitalier.
Méthodes d’identification bactérienne
En bactériologie clinique, l’identification bactérienne est primordiale. On peut en déduire le pouvoir pathogène de la bactérie et évaluer son implication potentielle dans le processus infectieux en cours. La connaissance des résistances naturelles de l’espèce identifiée permet d’orienter rapidement la thérapeutique et de tester la sensibilité aux antibiotiques reconnus comme habituellement actifs sur cette bactérie.
Les méthodes d’identification bactérienne peuvent être classées en deux groupes : les méthodes phénotypiques et les méthodes génotypiques.
Méthodes d’identification phénotypique
Tests d’orientation classiques
Les tests d’orientation classiques sont des tests rapides réalisables à partir d’un produit pathologique ou directement à partir de la colonie bactérienne. Ils servent d’orientation diagnostique et aident à choisir la technique d’identification.
Examens microscopiques
L’examen microscopique peut se faire soit à l’état frais, soit après une coloration. L’observation d’un produit pathologique ou d’une culture en milieu liquide entre lame et lamelle permet de réaliser un état frais. Le but est d’apprécier la forme, le mode de groupement et la mobilité bactérienne. Certaines espèces bactériennes sont dites mobiles c’est à dire qu’elles peuvent se déplacer de manière autonome en plus des mouvements Browniens. Il existe différents types de mobilité permettant de les distinguer entre elles. L’examen microscopique après coloration de Gram repose sur une méthode de coloration au violet de gentiane ou cristal violet puis une décoloration à l’alcool et enfin une contre-coloration à la safranine ou fuchsine. Cette méthode permet de distinguer, en utilisant les propriétés de la paroi bactérienne, les bactéries à Gram positif (couche épaisse de peptidoglycane) des bactéries à Gram négatif (fine couche de peptidoglycane surmontée d’une membrane externe). Elle permet aussi d’apprécier la forme de la bactérie (coques ou bacilles) .
Caractères culturaux
Après une étape de culture en étuve, on observe l’aspect des colonies : taille, couleur et/ou pigmentation, forme, contours, odeur, hémolyse, consistance et/ou adhérence. Ces caractéristiques permettent d’orienter vers un diagnostic d’espèce. Par exemple, l’odeur de seringat et la présence de pigments (pyocyanine, pyoverdine) sont caractéristiques des souches de Pseudomonas aeruginosa .
La détermination du type respiratoire oriente l’identification bactérienne. Il peut être aérobie strict, anaérobie strict, aéro-anaérobie préférentiel, anaérobie-aéro tolérant et micro-aérophile .
Identification biochimique
Tests d’orientation
Différentes caractéristiques biochimiques sont explorées telles que la production de catalase, cytochrome oxydase, nitrate réductase, l’étude du métabolisme glucidique, etc [6]. Ces tests d’orientation sont nécessaires avant de réaliser une identification manuelle (galeries API, bioMérieux®) ou automatisée (Vitek2, bioMérieux®, BD Phoenix®, etc.). Ils permettent de distinguer des groupes bactériens entre eux. Par exemple, parmi les bacilles à Gram négatif, la production d’une cytochrome oxydase permet de différencier les entérobactéries de P. aeruginosa.
Identification manuelle ou semi-automatisée
Les industriels ont commercialisé des galeries d’identification telles que les galeries API (bioMérieux®). Ces dernières sont constituées d’alvéoles contenant des substrats déshydratés dans lesquels on distribue une suspension bactérienne de densité standardisée. L’inoculation de la galerie peut-être manuelle ou automatique à l’aide d’un inoculateur. Les réactions produites se traduisent par la détection d’une croissance bactérienne ou bien des virages colorés, spontanés ou révélés par l’ajout de réactifs .
Les données sont traduites en un profil numérique à onze chiffres. L’interprétation se fait ensuite soit manuellement à l’aide d’un catalogue analytique ou d’un logiciel d’identification soit de manière semi-automatisée (instruments ATB expression ou mini API). Les délais d’incubation vont de 4 à 48 heures en moyenne [7]. Le profil est comparé à ceux de la base de données et un pourcentage est accordé à l’identification : plus ce pourcentage est proche de 100%, plus l’identification est fiable, proche du profil type de l’espèce. Par exemple, la galerie API 20NE (bioMérieux®) a été conçue pour permettre l’identification des bacilles à gram négatifs (BGN) hormis les entérobactéries et BGN non fastidieux. Elle comporte 20 microtubes contenant des milieux et substrats déshydratés tels que les nitrates, l’urée, l’esculine, la gélatine, le L-tryptophane, etc. Elle teste par ailleurs l’assimilation de 12 sucres .
Identification automatisée
Des systèmes automatisés (Vitek2 bioMérieux®, BD Phoenix®, etc.) permettent, à partir d’une suspension bactérienne de densité standardisée, d’automatiser l’inoculation, l’incubation, la lecture et l’interprétation des tests. Il existe différentes cartes selon la famille de germes à identifier. Chaque carte de test est une carte en plastique remplie de milieux spécifiques déshydratés contenus dans un maximum de 64 puits individuels. Les résultats obtenus entre 3 et 18 heures sont ensuite comparés à la base de données informatisée et l’identification est rendue avec un score de fiabilité exprimé en pourcentage .
Identification par spectrométrie de masse MALDI-TOF
Les méthodes de spectrométrie de masse reposent sur la détermination du rapport masse sur charge de molécules qui permet de les identifier et de les quantifier. Depuis la seconde moitié du XXème siècle, elles ont un large champ d’applications en pharmacologie, biochimie, toxicologie, etc. [10] Depuis 2009, des développements de cette méthode ont permis son utilisation dans le domaine de la bactériologie. La spectrométrie de masse par technique MALDI-TOF (Matrix-Associated Laser Desorption/Ionization – time of flight ou temps de vol) associant une source MALDI avec un analyseur TOF est devenue un outil majeur d’identification bactérienne dans les laboratoires de microbiologie. Actuellement, trois systèmes utilisant cette technique sont commercialisés en France par les firmes Andromas®, Bruker daltonics® (Figure 4) et bioMérieux®. Cette technique permet l’analyse des protéines bactériennes, en majorité des protéines ribosomiques .
|
Table des matières
INTRODUCTION
RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
I. Méthodes d’identification bactérienne
1. Méthodes d’identification phénotypique
1) Tests d’orientation classiques
1.1. Examens microscopiques
1.2. Caractères culturaux
2) Identification biochimique
2.1. Tests d’orientation
2.2. Identification manuelle ou semi-automatisée
2.3. Identification automatisée
3) Identification par spectrométrie de masse MALDI-TOF
2. Méthodes d’identification génotypique
1) PCR spécifique d’espèce
2) Séquençage nucléotidique d’un amplicon
2.1. ADNr 16S
2.2. Autres gènes
II. Les bactéries du genre Pseudomonas
1. Classification
2. Principales caractéristiques bactériologiques
3. Habitat
4. Pathogénicité
1) Pathogénicité végétale et animale
2) Pathogénicité humaine
2.1. Facteurs de virulence
2.2. Manifestations cliniques
5. Méthodes d’identification
1) Phénotypiques
1.1. Caractères culturaux
1.2. Identification biochimique
1.3. Identification par spectrométrie de masse MALDI-TOF
2) Moléculaires
2.1. ADNr16S
2.2. oprF
2.3. rpoD
2.4. rpoB
2.5. oprI
2.6. gyrB
2.7. oprD
3) Comparaison des méthodes d’identification phénotypiques et moléculaires (séquençage de l’ADNr 16S)
4) Apport du séquençage d’autres gènes à l’identification bactérienne
6. Profil de sensibilité aux antibiotiques
7. Profil de sensibilité aux désinfectants
III. Le dossier de validation de méthode
TRAVAIL PERSONNEL
OBJECTIFS DE L’ETUDE
MATERIEL ET METHODES
I. Validation de méthode de l’identification des Pseudomonas non aeruginosa par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF
1. Principe de la méthode
2. Souches étudiées
3. Maîtrise des risques
4. Validation technique : évaluation des performances de la méthode
1) Répétabilité
2) Fidélité intermédiaire
3) Variabilité inter-opérateurs
4) Sensibilité et spécificité analytique
5) Incertitude de mesures
6) Contamination
7) Robustesse et stabilité des réactifs
8) Comparaison de méthodes
II. Caractérisation d’une collection de souches environnementales et cliniques de Pseudomonas non aeruginosa
1. Souches étudiées
2. Identification par spectrométrie de masse MALDI-TOF
3. Identification moléculaire par séquençage
1) Extraction
2) Amplification ADNr16S
3) Amplification rpoD
4) Séquençage nucléotidique
4. Etude de la sensibilité aux antibiotiques par diffusion en gélose
RESULTATS
I. Validation de méthode de l’identification des Pseudomonas non aeruginosa par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF
1. Maîtrise des risques
2. Validation technique : évaluation des performances de la méthode
1) Répétabilité
2) Fidélité intermédiaire
3) Variabilité inter-opérateurs
4) Incertitude de mesures
5) Contamination
6) Robustesse et stabilité des réactifs
7) Comparaison de méthodes
7.1. Identification moléculaire par séquençage
7.2. Identification par spectrométrie de masse MALDI-TOF
7.3. Etude des concordances
II. Caractérisation d’une collection de souches environnementales et cliniques de Pseudomonas non aeruginosa
1. Souches étudiées
1) Souches environnementales
2) Souches cliniques
2. Etude de la sensibilité aux antibiotiques par diffusion en gélose
DISCUSSION
I. Validation de méthode de l’identification des Pseudomonas non aeruginosa par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF
1. Identification moléculaire
2. Identification par spectrométrie de masse MALDI-TOF
3. Etude des concordances
II. Caractérisation d’une collection de souches environnementales et cliniques de Pseudomonas non aeruginosa
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES