Madagascar possède 5.603 km de côtes, 117.000 km2 de plateau continental et une zone économique exclusive de 1.140.000 km2 (MPRH, 2009). Cette vaste aire marine renferme une méga-biodiversité qui constitue une richesse inestimable pour le pays, et plus particulièrement pour les régions littorales. L’exploitation et la valorisation de ces ressources marines touchent en effet divers secteurs économiques tels que la pêche, l’aquaculture, le tourisme ou encore la recherche scientifique. De plus, le milieu marin joue aussi un rôle primordial dans la protection de l’environnement, notamment dans la régulation des cycles de la matière tel que le carbone. Selon Rambinintsaotra (2008), le littoral concerne plus de 51% du territoire malgache et près de 61% de la population qui dépendent étroitement de la présence de la mer. Cette dernière leur fournit une source de revenu considérable et leur procure les besoins quotidiens en protéine. De ce fait, le milieu marin représente une importance capitale pour le devenir de ces populations du littoral. Cette dépendance est fortement accentuée dans les petites communautés. D’après une étude réalisée dans le cadre du programme Ilo sur la place de la pêche dans l’économie rurale, cette dépendance aux activités de la pêche est surtout importante dans l’ex-province de Toliara (INSTAT et Ilo, 2001).
Problématique et hypothèses
Problématique
De nombreux projets relatifs à la gestion durable des ressources marines ont déjà été menés au niveau des pêcheurs traditionnels Vezo dans la Région du Sud-Ouest : MAG/85/014, 1988 ; MAG/92/004, 1994 et 1996 ; MAG/97/008, 1999 (Randriambololona, 2008). Cependant, les gestionnaires de ces projets se retrouvent souvent face à des difficultés de mise en œuvre sur terrain à cause de la non appropriation des mesures de gestion par la communauté. Les gestionnaires ont tendance à axer uniquement leurs activités sur l’aspect bioécologique. La communauté est peu ou pas du tout impliquée dans le processus. De plus, les mesures prises par les décisionnaires ne sont pas toujours compatibles avec les valeurs traditionnelles de la population. Deux arguments qui, selon les études réalisées par Ranaivomanana (2006) dans cette partie de l’île, conditionnent l’appropriation des mesures de gestions par la communauté de pêcheurs, garant de la pérennité du projet. De ce fait, ces projets sont souvent voués à l’échec. Face à ce problème, le PACP a adopté une approche écosystémique, basée sur les CET. Cette approche participative intègre la population à tous les niveaux de son processus. Par ailleurs, toutes les décisions relatives à la gestion résultent d’une concertation avec la population et validées par un « fivoriam-pokonolona ».
Méthodes d’études des petites communautés de pêcheurs
Dans le cadre des recherches sur les petites communautés de pêcheurs, les chercheurs ont le plus souvent recours aux méthodes suivantes pour la collecte des données : la collecte et l’analyse des données auxiliaires ; les entretiens (non structurés, semi-structurés ou structurés) ; la collaboration avec des déclarants privilégiés (informateurs clés et groupes focaux) ; les questionnaires ou enquêtes ; et les observations directes ou discrètes (Huntington, 2000 ; Bunce et al., 2000 ; McGoodwin, 2003 ; Pomeroy et al., 2006 ; Malleret-King et al., 2006).
Collecte des données auxiliaires
Les données auxiliaires sont constituées par toutes les données déjà disponibles et déjà analysées sur le thème. Cette étape consiste donc à compiler toutes ces données et à les valoriser suivant les objectifs spécifiques de l’étude. Ces données peuvent se présenter sous plusieurs formes, comme les documents officiels, les rapports de recherche, les documents historiques, les différentes cartographies, … (Bunce et al., 2000 ; Malleret-King et al., 2006). Cette méthode est très recommandée notamment pour réunir le plus d’informations possibles sur le sujet et sur le lieu d’étude, notamment avant les descentes sur terrain. Un autre avantage aussi c’est qu’elle permet de vérifier et de compléter les données collectées sur terrain en comparant les résultats ainsi obtenus avec ceux des autres chercheurs. Néanmoins, l’un des grands inconvénients de cette méthode réside dans la difficulté du choix des sources secondaires à exploiter. Ceci étant parce que les données déjà disponibles ne sont pas toutes fiables. De plus, comme l’étude a été réalisée par un tiers, il est souvent difficile de bien comprendre le contenu et d’optimiser sa valorisation, à moins de posséder déjà une certaine connaissance sur le sujet. Enfin, la rareté des publications scientifiques, ou la difficulté d’accès à ces documents limite souvent le recours à cette méthode.
Collecte de données par les personnes privilégiées (informateur clé et groupe focal)
Un informateur clé (KI) est une personne susceptible de fournir des informations détaillées sur un sujet en raison de son expérience ou de son adresse dans la pratique d’une activité. Les informateurs clés sont le plus souvent choisis parmi les notables du village : le chef du village, les anciens, les présidents d’associations, ou encore les personnes reconnues comme étant les meilleures dans leur domaine. Pour le groupe focal (FGI), il est constitué par 4 à 10 informateurs qui possèdent des connaissances ou une situation commune afin de discuter d’un sujet spécifique. Leur identification, comme pour les informateurs clés, est basée sur leurs expériences, leurs connaissances et leur activité. Selon Johannes et Hviding (2000), les renseignements fournis par une poignée d’experts peuvent s’avérer plus utiles que des données recueillies auprès de pêcheurs choisis au hasard. De plus, les entretiens avec les informateurs privilégiés permettent aussi d’obtenir un grand nombre d’informations en peu de temps (Bunce et al., 2000). Cependant, le choix de l’informateur doit être minutieux pour ne pas obtenir des informations fausses ou inexactes. McGoodwin (2003) évoque aussi le risque d’approcher des personnes proscrites par la communauté, ce qui pourrait compromettre la collaboration avec les autres membres de la communauté.
Collecte de données par les entretiens
La conduite de l’entretien peut être structurée, semi-structurée ou non structurée. Cependant, l’entretien semi-structuré est le plus indiqué pour les études sur les petites communautés et plus particulièrement pour le recueil des CET. Cette méthode offre l’avantage de faciliter l’échange entre l’enquêté et l’enquêteur et d’instaurer un climat de confiance entre eux (Huntington, 2000). Elle tire aussi profit des connaissances empiriques accumulées au cours des années de pratique du milieu marin par les usagers, notamment les changements majeurs et les phénomènes exceptionnels (Johannes et Hviding, 2000 ; Berkes et al., 2007). Enfin, les entretiens semi-structurés offrent aussi l’avantage d’accéder aux récits sur les changements qui se sont produits dans la communauté, notamment dans la pratique de l’activité de pêche ainsi que l’historique des ressources. Ces données sont difficilement accessibles aux chercheurs, or indispensables pour cerner les situations actuelles (Jackson et al., 2001).
Cependant, cette méthode présente aussi des contraintes. Tout d’abord, la qualité des informations obtenues dépend beaucoup de la capacité de l’enquêteur. Celui-ci doit avoir un savoir-faire considérable sur les approches en sciences sociales s’il veut obtenir de bons résultats. Il doit être capable d’instaurer une atmosphère de confiance et d’assurance pour encourager son interlocuteur à parler (McGoodwin, 2003). En plus, l’enquêteur doit aussi avoir un certain niveau de connaissance sur la biologie marine afin de consigner correctement les informations sur les CET (Bunce et al., 2000 ; Malleret-King et al., 2006). Enfin, un des principaux inconvénients réside aussi dans le fait que cette méthode ne permet d’obtenir que des données qualitatives.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE
I-1- Problématique et hypothèses
I-1.1- Problématique
I-1.2- Objectifs spécifiques et des hypothèses de recherche
I-2- Collecte des données
I-2.1- Méthodes d’études des petites communautés de pêcheurs
I-2.1.1- Collecte des données auxiliaires
I-2.1.2- Collecte de données par les personnes privilégiées (informateur clé et groupe focal)
I-2.1.3- Collecte de données par les entretiens
I-2.1.4- Collecte de données par les enquêtes
I-2.1.5- Collecte des données par observation
I-2.2- Méthode adoptée
I-2.2.1- Collecte des données par les sources secondaires
I-2.2.2- Enquête par questionnaires
I-2.2.3- Observation participative
I-3- Traitement des données
I-3.1- Apurement des données
I-3.2- Traitement statistique
I-3.1.1- Estimation des moyennes
I-3.1.2. Tests statistiques
I-3.3- Traitement cartographique
I-4- Analyse des CET
I-4.1- Critère d’évaluation
I-4.2- Validation par la revue de la littérature scientifique
I-4.3- Validation des sites par l’étude biophysique
I-4.3.1- Etude du récif corallien
I-4.3.2- Etude de la mangrove
I-5- Cadre opératoire de la recherche
I-6- Résumé schématique de l’approche méthodologique
CHAPITRE II : CONNAISSANCES ECOLOGIQUES TRADITIONNELLES VEZO
II-1- Organisation de la pêcherie traditionnelle Vezo
II-1.1- Acteurs
II-1.2- Rôles des genres dans l’activité de pêche
II-1.3- Méthodes et engins de pêche
II-1.3.1- Embarcation
II-1.3.2- Méthodes de pêche
II-1.3.3- Engins de pêche caractéristiques de la zone
II-1.4- Zone de pêche
II-1.5- Ressources dans la zone
II-1.5.1- Espèces exploitées
II-1.5.2- Espèces non exploitées
II-1.5.3- Capture
II-1.6- Période de pêche
II-1.6.1- Calendrier de pêche appliqué pour les principales espèces exploitées
II-1.6.2- Paramètre influençant la période de pêche
II-1.7- Autres activités liées aux écosystèmes marins et côtiers
II-1.7.1- Prélèvement des bois de mangrove
II-1.7.2- Culture d’algues
II-1.7.3- Elevage d’holothuries
II-2- Gouvernance locale
II-2.1- Forme du pouvoir
II-2.2- Cadre formel et informel
II-2.2.1- Accès aux ressources
II-2.2.2- Limites d’accès aux ressources
II-2.2.3- Application des différentes règlementations
II-2.3- Corps de gestion
II-2.4- Règlement des conflits liés aux ressources
II-3- Etude de perception
II-3.1- Perceptions sur l’état des récifs
II-3.2- Perception sur l’état des mangroves
II-3.3- Perception sur le stock de poissons
II-3.4- Perception sur le stock de poulpes
II-3.5- Perceptions sur le stock de concombres de mer
II-3.6- Perception sur le stock de tortues marines
II-3.7- Perceptions sur les problèmes liés à l’exploitation
II-4- Conclusion partielle
CHAPITRE III : ANALYSE DES CONNAISSANCES ECOLOGIQUES TRADITIONNELLES
III-1- Analyse de la fiabilité des données
III-1.1. Tendance des CET par rapport à la revue de la littérature scientifique
III-1.2. Validation scientifique des sites pour les futures RM
III-1.2.1. Ankilalaotse
III-1.2.2. Andimandimatse
III-1.2.3. Ankaraivo
III-1.2.4. Ankorohoke
III-1.2.5. Andriambe
III-1.2.6. Antsaha Lovokampy
III-2- Analyse des pressions et menaces sur les ressources
III-2.1- Surexploitation
III-2.2- Méthodes et engins de pêche destructifs
III-2.3- Prolifération des compétiteurs et des prédateurs
III-2.4- Aléas naturels
III-3- Conclusion partielle
CHAPITRE IV : DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
IV-1- Pertinence des CET
IV-2- Proposition d’orientation de la stratégie de conservation
IV-3- Proposition de planification
IV-4- Limites des CET
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES