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Paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
Absorption
La témocilline n’étant pas absorbée par voie orale, son administration se fait uniquement par voie intraveineuse (IV) ou intramusculaire (IM), à la dose de 2g, deux à trois fois par jour (ALEXANDRE AND FANTIN, 2018).
Une étude récente a étudié la faisabilité d’une injection sous-cutanée (SC), dans le but de minimiser les soins infirmiers notamment en soins palliatifs et / ou gériatriques. L’administration sous-cutanée de la témocilline est faisable car elle conduit à des concentrations plasmatiques suffisantes. Néanmoins, elle a montré quelques problèmes de tolérance locale, potentiellement évitables en augmentant la concentration de la lidocaïne utilisée pour l’anesthésie locale (MATZNELLER ET AL., 2020).
Distribution
Le pourcentage de liaison aux protéines plasmatiques (LPP) de la témocilline est élevé, mais à forte concentration plasmatique, la capacité de liaison des protéines plasmatiques peut être saturée (OVERBOSCH ET AL., 1985). Le pourcentage de LPP diminue donc quand la dose administrée augmente : de l’ordre de 85% après une administration IV de 500mg, contre 63% après une administration IV de 2g de témocilline (HAMPEL ET AL., 1985).
La diffusion tissulaire de la témocilline rapportée dans diverses études permet d’atteindre des concentrations supérieures à une à deux fois la CMI des germes sensibles, et ce de manière prolongée, dans la plupart des tissus (Tableau 1).
Par contre, la témocilline, comme les autres ß-lactamines, diffuse peu dans le liquide céphalorachidien, même en cas de méningite (BRÜCKNER ET AL., 1985).
Pharmacodynamie
La témocilline exerce un effet bactéricide (en moins de 8h) sur les Entérobactérales pour des inocula standards. Les concentrations minimales bactéricides (CMB) sont en effet très proches des CMI observées (ratio CMB/CMI entre 1 et 2). Comme pour l’ensemble des ß- lactamines, l’effet bactéricide est concentration indépendant au-delà de quatre fois la CMI (MALOTTKE AND POTEL, 1985; SOUBIROU, 2013).
Cependant, il a été observé que la bactéricidie est plus lente vis-à-vis des Entérobactérales de groupe III, productrices de ß-lactamases chromosomique de type AmpC (BAUERNFEIND, 1985).L’effet inoculum est modeste sur les propriétés antibactériennes de la témocilline (BOLIVAR ET AL., 1982). Les CMI n’augmentent que d’une ou deux dilutions tout au plus quand un inoculum d’E. coli ou K. pneumoniae passe de 103 à 107 UFC/mL.
Cependant, l’effet inoculum est plus marqué pour les Entérobactérales du groupe III, avec une augmentation de 8 fois la CMI entre 105 et 107 UFC/mL (JULES AND NEU, 1982).
Un effet inoculum a également été observé avec des souches d’E. coli productrices de ß-lactamase de type CTX-M-15, avec une augmentation de quatre fois la CMI quand l’inoculum passe de de 103 à 107 UFC/ml.
Cependant, les conditions de cet effet inoculum observé in vitro sont rarement atteintes en pratique clinique en dehors des collections suppurées et abcédées. Par aillleurs, la témocilline étant éliminée sous forme active dans les urines, elle reste active in vivo dans le traitement des infections urinaires (SOUBIROU ET AL., 2015).
En présence de sérum ou d’albumine humaine, les CMI sont augmentées d’un facteur 2 à 4 du fait d’une diminution de la fraction libre active de la témocilline. Ces constatations sont comparables à ce qui a pu être observé avec d’autres molécules fortement liées aux protéines plasmatiques comme la ceftriaxone, l’ertapénème ou la moxifloxacine et doivent inciter à interpréter les paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques (PK/PD) à partir des concentrations de forme libre d’antibiotique.
Enfin, les variations de conditions acido-basiques du milieu n’entraînent aucune modification des propriétés antibactériennes de la témocilline.
Deux études effectuées sur des modèles murins suggèrent que le meilleur paramètre PK/PD corrélé à l’efficacité de la témocilline serait le pourcentage de temps cumulé pendant lequel la concentration de médicament libre dépasse la CMI sur une période de 24 h (% fT > CMI). Une fT > CMI de 40 à 50% serait associée à une efficacité in vivo (ALEXANDRE AND FANTIN, 2018; SOUBIROU ET AL., 2015).
D’après les simulations de Monte Carlo, un schéma posologique de 2 g de témocilline toutes les 12 h parait le plus approprié pour traiter une infection causée par des souches d’Entérobactérales ayant une CMI jusqu’à 16 mg/L. Dans les populations particulières présentant des paramètres PK et PD modifiés, tels que les patients hospitalisés en unités de soins intensifs, le schéma de 2 g toutes les 8 h semble être plus adapté pour des souches de même CMI (ALEXANDRE AND FANTIN, 2018).
Spectre d’activité
La témocilline possède une très bonne activité vis-à-vis des bactéries de la famille des Enterobacteriaceae, et vis-à-vis d’autres bactéries à Gram négatif telles que Haemophilus influenzae, et Neisseria gonorrhoeae (Tableau 3) (SLOCOMBE ET AL., 1981; VERBIST, 1982). Elle n’a aucune activité vis-à-vis des bacilles à Gram négatif non fermentants tels que Acinetobacter spp, mais les espèces Comamonas acidovorans et Burkholderia cepacia sont sensibles (RODRIGUEZ-VILLALOBOS ET AL., 2006).
Elle a longtemps été considérée comme inactive vis-à-vis de Pseudomonas aeruginosa (JULES AND NEU, 1982; SLOCOMBE ET AL., 1981) du fait de mécanismes d’efflux (cf. ci-après) ou de faible pénétration intracellulaire, mais Chaloub et al. ont récemment montré que 15 à 30% des souches de P. aeruginosa isolées chez des patients atteints de mucoviscidose avaient une CMI à la témocilline basse, inférieure ou égale à 16mg/L (CHALHOUB ET AL., 2017).
La témocilline est naturellement inactive sur les bactéries à Gram positif, par défaut de fixation sur sa cible (absence totale d’affinité pour les PLP) (Tableau 3 ) (BOLIVAR ET AL., 1982; LIVERMORE AND TULKENS, 2008; SLOCOMBE ET AL., 1981).
La témocilline étant une molécule à spectre étroit inactive sur les bactéries anaérobies, son potentiel à modifier la flore intestinale normale et à sélectionner des bactéries multirésistantes (BMR) ou Clostridium difficile est faible.
Le risque d’infection à C.difficile (ICD) après un traitement par témocilline a été étudié dans deux modèles expérimentaux. Aucune modification de flore ni de colite associée à C. difficile n’a été observée chez les animaux traités par témocilline, contrairement aux animaux ayant reçu de la clindamycine ou de la céfoxitine (BOON AND BEALE, 1985; DE VRIES-HOSPERS ET AL., 1985).
Dans une étude maintenant ancienne (MITTERMAYER, 1985), six volontaires sains (n’ayant pas reçu d’antibiothérapie depuis 3 mois) ont reçu 1g de témocilline 2 fois par jour, pendant 7 33 jours. Des échantillons de selles recueillis avant, pendant, et jusqu’à 14 jours après la fin du traitement ont été ensemencés sur des milieux adaptés pour dénombrer les germes aérobies et anaérobies. La témocilline n’a pas eu d’influence significative sur le nombre total de bactéries anaérobies strictes ni sur le nombre total de bactéries aérobies dans la flore intestinale de ces volontaires. Une augmentation des entérocoques pendant le traitement a été observée mais n’a pas été statistiquement significative, probablement en raison du petit nombre de patients inclus dans l’étude. Une diminution importante de la quantité d’Entérobactérales a été observée au cours du traitement, mais un retour au niveau initial a été observé après 9 à 14 jours après l’arrêt du traitement, et aucune BMR n’ a été sélectionnée par ce traitement .
Habayeb et al. ont conclu également à un risque d’ICD plus faible après un traitement par la témocilline (0%), par rapport à un traitement par l’association pipéracilline-tazobactam (7%) (HABAYEB ET AL., 2015).
Enfin, dans une étude anglaise multicentrique, 2 cas de diarrhée associée à C. difficile parmi les 92 patients traités par témocilline ont été signalés. Ces cas n’étaient pour autant pas attribuables à la témocilline, un patient ayant été traité précédemment par de l’amoxicilline/acide clavulanique (trois doses), et l’autre patient ayant reçu une cure de 8 jours de méropénème immédiatement avant (BALAKRISHNAN ET AL., 2011).
Mécanismes de résistance
La résistante naturelle des bactéries à la témocilline peut être liée à un défaut de pénétration de l’antibiotique, une affinité réduite de la témocilline pour les PLP et/ou un mécanisme d’efflux actif via une expression constitutive de la pompe MexAB-OprM. Ces mécanismes ont été évoqués pour expliquer la résistance intrinsèque de P. aeruginosa à la témocilline (BUYCK ET AL., 2012; LABIA ET AL., 1984; LIVERMORE AND TULKENS, 2008). Deux études récentes apportent des éléments nouveaux. Sacco et al ont en effet montré que le groupement α-méthoxy de la témocilline en position 6 déstabilise le site actif de la PLP3, et conduit à l’ hydrolyse de la témocilline par la PLP (SACCO ET AL., 2019).
Par ailleurs, des mutations dans le gène mexA (codant la protéine de jonction périplasmique MexA) ou dans le gène mexB (codant la protéine d’efflux MexB située dans la membrane cytoplasmique) ont été mises en évidences chez 15 à 30% des souches de P. aeruginosa isolées chez des patients atteints de mucoviscidose. Ces souches présentaient des CMI de l’ordre de 2 à 4 mg/L, laissant supposer qu’une « sensibilité acquise » du P. aeruginosa à la témocilline est possible (CHALHOUB ET AL., 2017).
La proportion de mutants spontanés résistants à la témocilline est faible : elle est estimée entree 10-8 et 10-10. (ADAMS-HADUCH ET AL., 2009; SOUBIROU ET AL., 2015).
Dans les travaux de Slocombe et al., 7 repiquages successifs d’une souche d’Enterobacter aerogenes ont été nécessaires pour passer d’une CMI de 4 à 40mg/L (SLOCOMBE ET AL., 1981). De la même façon, la sélection de mutants résistants survient rarement sous traitement in vivo chez l’animal (SOUBIROU ET AL., 2015) ou chez l’homme (GUPTA ET AL., 2009).
Par ailleurs, la témocilline est un faible inducteur de l’expression de céphalosporinase AmpC par les Entérobactérales du groupe III, contrairement aux céphalosporines ou à l’imipénème (STAPLETON ET AL., 1995).
Comme pour les autres ß-lactamines, la résistance acquise à la témocilline peut être médiée par différents mécanismes : l’inactivation enzymatique, l’imperméabilité ou l’hyperproduction de pompes d’efflux (LIVERMORE AND TULKENS, 2008).
Inactivation par les β-lactamases
Si l’ajout du groupement α-méthoxy la protège de l’hydrolyse par les ß-lactamases de la classe A (pénicillinases, BLSE, KPC) et de la classe C (céphalosporinases AmpC), la témocilline reste sensible à l’hydrolyse par les ß-lactamases de la classe B (métallo-enzymes telles VIM, NDM et IMP) et certaines de la classe D (notamment l’oxacillinase OXA-48).
Hydrolyse par les Carbapénémases
Globalement, la témocilline est hydrolysée par la plupart des carbapénémases, mais elle conserve une activité potentielle contre les Entérobactérales productrices de carbapénémases de classe A KPC (ADAMS-HADUCH ET AL., 2009; LIVERMORE ET AL., 2011).
Dans l’étude de Woodford et al. portant sur 2280 Entérobactérales multirésistantes, la témocilline était active in vitro sur la moitié (50,8%) des souches productrices de carbapénémases de classe A de type KPC quand la CC de 8 mg/L était utilisée, et sur 93,4% de ces souches avec une CC de 32 mg/L. En revanche, elle n’était active sur aucune des souches productrices de carbapénémases de classe B (VIM, IMP, NDM) ou de classe D (OXA-48 et OXA-48 likes).(Tableau 4) (WOODFORD ET AL., 2014).
Mais une étude récente rapporte des chiffres de sensibilité bien inférieurs puisque seules 42,5% des 40 souches productrices de KPC d’une étude polonaise (KUCH ET AL., 2020) étaient sensibles à la témocilline à la CC de 32mg/L, et aucune n’était sensible à la CC de 8 mg/L. De la même façon, Tsakris et al n’ont trouvé que 8,6% de souches grecques productrices de KPC sensibles, à la CC de 8mg/L (TSAKRIS ET AL., 2020).
A côté de l’impact éventuel de méthodologies différentes (ETEST® versus microdilution), et d’une collection de souches clonales, ces variations peuvent être liées aux mécanismes addictionnels de résistance portés par ces souches(TSAKRIS ET AL., 2020). Ces études suggèrent un intérêt limité de la témocilline pour le traitement d’infections systémiques pour lesquelles la CC de 32mg/L s’applique selon la British Society for Antimicrobial Chemotherapy (BSAC) (Andrews et al., 2007). Livermore et al. ont montré chez E. coli que l’acquisition d’un plasmide comportant un gène codant pour une carbapénémase de type KPC n’augmentait la CMI de la témocilline que d’une dilution (passant de 8 à 16mg/L) alors celle d’un plasmide codant une enzyme de type NDM ou OXA-48 conduisait à une augmentation beaucoup plus significative de la CMI (CMI passant de 8 à 64 et >128mg/L, respectivement). Dans cette même étude, 95% (18/19) des souches d’Entérobactérales productrices d’OXA-48 et 97% (32/35) des souches avec une métallocarbapénémase (IMP, NDM ou VIM) étaient résistantes à la témocilline au seuil de 32mg/L (LIVERMORE ET AL., 2011).
Les souches productrices d’OXA-48 (carbapénémase la plus fréquemment isolée en France) montrent toujours un très haut niveau de résistance à la témocilline. Cette résistance à haut 37 niveau est par ailleurs utilisée comme marqueur phénotypique de la présence d’une OXA-48 dans les algorithmes de détection des carbapénémases (WOODFORD ET AL., 2014)
Hydrolyse par les BLSE
La témocilline est décrite comme résistante à l’hydrolyse par les BLSE (JULES AND NEU, 1982; SLOCOMBE ET AL., 1981).
Une étude belge menée sur 162 souches d’E. coli productrices de BLSE isolées chez des patients hospitalisés a étudié l’impact du type de BLSE produit (CTX-M, TEM, SHV) sur la sensibilité à la témocilline. La distribution des CMI de la témocilline, déterminée par dilution en milieu gélosé, n’a pas été influencée par le type BLSE produite, même pour les isolats produisant une combinaison de différentes BLSE. Cependant, 12 souches étaient résistantes à la témocilline (CMI > 32 mg / L), suggérant l’existence d’un autre mécanisme de résistance (RODRIGUEZ-VILLALOBOS ET AL., 2006).
La sensibilité de souches d’E. coli productrices de BLSE varie dans la littérature entre 61% (FOURNIER ET AL., 2013) et 83% à la concentration critique de 8mg/L (TÄRNBERG ET AL., 2011). Cette différence de sensibilité peut potentiellement s’expliquer par le choix de la méthode de détermination de la sensibilité utilisée (ici respectivement BMD et ETEST®)
Au seuil de 32mg/L, plus de 98% des E. coli producteurs de BLSE sont sensibles (FOURNIER ET
AL., 2013) (DUPLOYEZ ET AL., 2019) (TÄRNBERG ET AL., 2011)(ALEXANDRE ET AL., 2018).
Imperméabilité et efflux
En dehors de l’hydrolyse par certaines ß-lactamases, les mécanismes de résistance à la témocilline ne sont pas totalement élucidés. Des mécanismes d’imperméabilité par modification des porines ou par un mécanisme d’efflux actif sont évoqués.
Le rôle des pompes d’efflux dans la résistance à la témocilline a notamment été mis en évidence in vitro chez K. pneumoniae par la construction de variants isogéniques de pompes d’efflux, de leurs gènes régulateurs, et de porines. L’étude de Nicolas-Chanoine et al a ainsi 38 montré que des mutations dans le gène ramR (gène codant le répresseur de l’expression du gène acrAB) a conduit à une résistance à la témocilline (CMI= 16mg/L), liée à une surproduction de la pompe d’efflux AcrAB (NICOLAS-CHANOINE ET AL., 2018).
Gravey et al ont également mis en évidence in vivo ce mécanisme chez une souche d’Enterobacter hormaechei (cloacae complex) devenue multirésistante chez un patient hospitalisé en unité de soins intensifs et traité par de multiples antibiotiques. Les souches collectées après traitement n’avaient pas acquis de plasmide, mais présentaient une délétion dans le gène ramR. Cette délétion conduisait à une augmentation de l’expression de RamA, AcrA, AcrB, TolC42, et une diminution de l’expression de OmpF, induisant entre autres une résistance à la témocilline (CMI passant de 4 à 16mg/L) par augmentation de l’efflux via la pompe AcrAB-TolC (GRAVEY ET AL., 2020).
Tolérance
L’expérience clinique liée à l’utilisation de la témocilline n’a pas mis en évidence de préoccupations majeures de sécurité d’emploi (HAS COMMISSION DE LA TRANSPARENCE). Appartenant à la famille des ß-lactamines, elle est uniquement contre-indiquée en cas d’hypersensibilité aux molécules de cette classe.
Les effets indésirables possibles suite à l’injection de témocilline sont :
– Un risque de réaction allergique (urticaire, purpura, fièvre, parfois oedème de Quincke, beaucoup plus rarement choc anaphylactique)
– des affections vasculaires (phlébite, thrombophlébite) après administration IV
– des troubles neurologiques avec convulsions, notamment après injection IV de doses élevées chez les patients souffrant d’insuffisance rénale
– troubles généraux et anomalies au site d’administration (RCP TEMOCILLINE)
Il existe par ailleurs des incompatibilités de la témocilline avec d’autres médicaments, en cas de co-administration par la même voie veineuse. Les principales incompatibilités concernent notamment les carbapénèmes, la pipéracilline-tazobactam et l’amoxicilline-acide clavulanique, le céfépime (incompatibilités chimiques), ainsi que la vancomycine, la ciprofloxacine, la clindamycine, le propofol et le midalozam (incompatibilités physiques) (DE JONGH ET AL., 2008).
Indications et recommandations actuelles
Utilisation de la témocilline en France
La témocilline est actuellement recommandée en France chez les adultes et les enfants pour le traitement des infections des voies urinaires compliquées, incluant les pyélonéphrites aiguës (PNA), des voies respiratoires basses, des bactériémies et des infections de plaies (COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS DU 1ER AVRIL 2015).
La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande d’utiliser la témocilline en alternative aux carbapénèmes pour le traitement des infections urinaires à Entérobactérales résistantes aux C3G aux posologies suivantes :
– entre 4 g/j et 6 g/j chez le patient sans signes de gravité ;
– 6 g/j et en perfusion continue après une dose de charge de 2 g chez le patient avec signes de gravité.
Cependant, étant donné le manque de données cliniques suffisantes, il n’est actuellement pas recommandé d’utiliser la témocilline dans les infections d’origine non urinaire sans avis spécialisé. (Tableau 5)
Il n’est de même pas recommandé d’utiliser la témocilline en traitement probabiliste.
L’encadré bleu souligne les indications de la témocilline dans le traitement des infections urinaires et des pneumonies
Méthodes d’étude de la sensibilité aux antibiotiques et détermination des concentrations critiques
Deux types de méthodes existent pour déterminer la sensibilité des bactéries aux antibiotiques : les méthodes en milieu solide, ou les méthodes en milieu liquide. Certaines de ces méthodes peuvent désormais être automatisées.
Détermination de la sensibilité en milieu solide
Méthode par diffusion en milieu gélosé : antibiogramme par la méthode des disques
La technique d’antibiogramme par diffusion en milieu gélosé, ou méthode des disques, est l’une des plus anciennes approches de détermination de la sensibilité des bactéries aux antibiotiques et demeure l’une des méthodes les plus utilisées en routine (SOCIETE FRANÇAISE DE MICROBIOLOGIE, 2019).
Cette méthode consiste à ensemencer une gélose Mueller-Hinton (MH) à partir d’un inoculum standardisé d’une souche bactérienne donnée, puis à y déposer des disques imprégnés d’une concentration définie d’antibiotique. La diffusion de l’antibiotique dans le milieu conduit à un gradient de concentration décroissant autour du disque. Après 18h d’incubation à 35°C, on mesure le diamètre de la zone d’inhibition de la culture autour du disque. (Figure 4)
Pour chaque antibiotique testé, le diamètre d’inhibition est comparé aux diamètres critiques (DC) établis par le comité d’expert, le CA-SFM (Comité de l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie). Si le diamètre est supérieur ou égal au diamètre correspondant à la concentration critique basse, la souche est sensible (S) vis-à-vis de l’antibiotique testé, tandis que si le diamètre est inférieur au diamètre correspondant à la concentration critique haute, la souche est catégorisée résistante (R). Entre ces deux valeurs, la souche est dite intermédiaire (I).
b. Droite de concordance entre les diamètres critiques (DC) et les concentrations critiques (CC)
c : CC basse C : CC haute
La méthode des disques est une technique simple et peu coûteuse, qui nécessite peu de matériel et qui permet de tester simultanément plusieurs antibiotiques.
Cette méthode peut être automatisée pour les phases d’inoculation (automate Prelud®, i2A) ou de lecture (Sirscan®, i2A ; Adagio®, Bio-Rad).
Détermination de la CMI en milieu gélosé : bandelette ETEST®
Cette technique permet de déterminer la concentration minimale inhibitrice (CMI) grâce à l’utilisation de bandelettes imprégnées d’un gradient continu de l’antibiotique à tester. Ces bandelettes sont déposées à la surface d’un milieu gélosé (MH) préalablement ensemencé avec un inoculum standardisé de la souche à étudier. Après incubation, l’inhibition de la croissance se traduit par une ellipse d’inhibition dont les points d’intersection avec la bandelette définissent la CMI . (Figure 5)
Détermination de la sensibilité en milieu liquide
Détermination de la CMI par microdilution en milieu liquide
La microdilution en milieu liquide (ou BMD, broth microdilution) est la méthode de référence pour la détermination de la CMI d’un antibiotique donné vis-à-vis d’une souche bactérienne (CLINICAL AND LABORATORY STANDARDS INSTITUTE, 2018).
Cette procédure implique la préparation préalable de dilutions croissantes d’antibiotiques dans un milieu de croissance liquide. Les puits contenant des antibiotiques sont inoculés avec une suspension bactérienne standardisée de 5 × 105 UFC/mL. Après une incubation d’une nuit à 35°C, les puits sont examinés pour déterminer la plus faible concentration d’antibiotiques empêchant la croissance visible de la souche bactérienne.
Les principaux inconvénients de la méthode de microdilution sont la tâche fastidieuse et manuelle de préparation des solutions antibiotiques pour chaque test, comprenant la possibilité d’erreurs dans la préparation des solutions antibiotiques. Ces inconvénients en font une méthode peu réalisable en routine, sauf si elle est automatisée.
Antibiogramme automatisé en milieu liquide
La méthode par microdilution en bouillon peut être automatisée, telles les microplaques standards MicroScan® (Beckman Coulter) et Sensititre® (ThermoFisher Diagnostics), 46 contenant 8 séries de 12 puits d’une gamme de concentration d’antibiotiques déshydratés, avec un dispositif mécanique de réhydratation et/ou d’inoculation. Des microplaques peuvent également être préparées à la demande (Sensititre®) . Ces systèmes utilisent des dispositifs automatiques de lecture photométrique de la croissance bactérienne après incubation dans une étuve standard pendant 16 à 18h à 37°C.
L’étude de la sensibilité aux antibiotiques via l’automate VITEK® repose sur une carte AST (Antibiotic susceptibility testing) unique, autonome et jetable propre à chaque isolat. Ces cartes sont composées de plusieurs puits contenant des antibiotiques sous forme déshydratée. Chaque carte contient plusieurs puits avec une gamme de concentration croissantes d’antibiotiques, et au moins un puits de contrôle de croissance sans antibiotique. (Figure 6)
Après chargement dans l’automate, la carte est automatiquement déplacée au travers des postes de lecture des codes-barres, de dilution de l’inoculum, d’inoculation puis de fermeture. Le système de transport place alors les cartes sur un carrousel pour l’incubation. Le système utilise une mesure en transmittance à 660 nm pour détecter la croissance bactérienne toutes les 15 minutes en 16 points de chaque puit.
La CMI de chaque antibiotique est déterminée par l’automate par comparaison de la croissance de l’isolat du patient à la croissance d’isolats dont les CMI sont connues. Pour chaque antibiotique, un algorithme convertit les valeurs brutes des CMI calculées et le résultat est interprété selon le CA-SFM. Cette méthode ne détermine donc pas des CMI vraies mais seulement une estimation de ces valeurs (HTTPS://WWW.BIOMERIEUX-MICROBIO.COM/FR/EDUCATION- FR/COMMENT-VITEK-2-GENERE-T-IL-DES-VALEURS-DE-CMI/ ).
Le Vitek® est une méthode rapide (résultats en 6 à 8h selon les espèces) et qui nécessite peu de manipulations. En revanche, le coût est plus élevé qu’avec la méthode par diffusion, et il n’y a pas de flexibilité dans le choix des antibiotiques à tester. De plus, il est impossible de visualiser la pureté de l’inoculum et les interactions antibiotiques évocatrices de mécanismes de résistance particuliers (QUENTIN-NOURY, 2016).
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Table des matières
RÉVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ANNEXES
INTRODUCTION
RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
1. Témocilline
1.1. Historique
1.2. Structure chimique et mécanisme d’action
1.3. Paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
1.3.1. Absorption
1.3.2. Distribution
1.3.3. Élimination
1.3.4. Pharmacodynamie
1.4. Spectre d’activité
1.5. Mécanismes de résistance
1.5.1. Inactivation par les β-lactamases
1.5.2. Imperméabilité et efflux
1.6. Tolérance
1.7. Indications et recommandations actuelles
1.7.1. Utilisation de la témocilline en France
1.7.2. Utilisation de la témocilline en Belgique
2. Méthodes d’étude de la sensibilité aux antibiotiques et détermination des concentrations critiques
2.1. Détermination de la sensibilité en milieu solide
2.1.1. Méthode par diffusion en milieu gélosé : antibiogramme par la méthode des disques
2.1.2. Détermination de la CMI en milieu gélosé : bandelette ETEST®
2.2. Détermination de la sensibilité en milieu liquide
2.2.1. Détermination de la CMI par microdilution en milieu liquide
2.2.2. Antibiogramme automatisé en milieu liquide
2.3. Détermination des concentrations critiques
2.3.1. Par qui ?
2.3.2. Comment ?
2.3.3. Catégorisation clinique : S/I/R
2.4. Cas particulier de la témocilline
TRAVAIL PERSONNEL
1. Matériel et méthodes
1.1. Recueil des souches
1.1. Recueil des données patients
1.2. Détermination de la sensibilité à la témocilline
1.2.1. Préparation en amont des plaques de microdilution
1.2.2. Préparation des inocula
1.2.3. Méthode de diffusion en milieu gélosé (méthode des disques)
1.2.4. Détermination de la CMI à la témocilline par méthode E-test®
1.2.5. Estimation de la CMI à la témocilline par la méthode VITEK
1.2.6. Mesure de la CMI par microdilution en milieu liquide (méthode de référence)
1.2.7. Contrôle de qualité (CQ)
1.2.8. Analyse des résultats
1.3. Analyses statistiques
2. Résultats
2.1. Description de la population
2.1.1. Patients et contexte clinique
2.1.2. Espèces bactériennes
2.1.3. Mécanisme de résistance acquise aux ß-lactamines
2.2. Évaluation de la sensibilité à la témocilline vis-à-vis des souches de contrôle qualité
2.3. Présence de colonies à l’intérieur de la zone d’inhibition
2.4. Évaluation de la sensibilité de 103 souches d’Entérobactérales à la témocilline par 4 méthodes
2.4.1. Détermination de la CMI par microdilution en milieu liquide, méthode de référence
2.4.2. Détermination de la CMI par ETEST®
2.4.3. Évaluation de la sensibilité par la méthode automatisée Vitek-2® (bioMérieux)
2.4.4. Évaluation de la sensibilité par la méthode des disques
2.4.5. Comparaison de méthodes
2.5. Sensibilité à la témocilline en fonction du genre bactérien
2.6. Sensibilité à la témocilline en fonction du mécanisme de résistance acquis aux ßlactamines.
DISCUSSION
1. Nouvelles concentrations critiques de l’EUCAST controversées
2. Méthodologie de notre étude
3. Comparaison des méthodes d’études de la sensibilité à la témocilline
4. Sensibilité des Entérobactérales du groupe III à la témocilline
4.1 Sensibilité en fonction du genre bactérien
4.2 Sensibilité en fonction du mécanisme de résistance
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
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