Méthodes de prédiction de la durée de vie
La prédiction de la durée de vie est une étape primordiale pour assurer le bon fonctionnement des isolants de câbles électriques dans les centrales nucléaires. En effet, ils sont exposés à des contraintes thermiques et d’irradiation. Dans ces conditions, les polymères vont se dégrader et leur durée de vie va être réduite. La durée de vie d’un matériau (tF) peut être définie comme la durée pour atteindre une valeur critique d’une propriété physico-chimique ou mécanique prédéfinie, telle que le temps d’induction à l’oxydation (TIO), le taux de cristallinité ou l’allongement à la rupture.
Modélisation par une approche empirique
L’approche empirique est la méthode la plus utilisée dans l’industrie pour prédire la fin de vie tF des polymères exposés aux vieillissements thermique ou humide [4]. Basée sur la loi d’Arrhenius, cette méthode ne décrit pas les mécanismes d’oxydation.
L’application de cette méthode nécessite la réalisation d’essais de vieillissement accélérés à des températures supérieures à la température d’utilisation. La durée de vie est souvent déterminée à partir d’un critère de fin de vie plus ou moins arbitraires. Elle est ensuite représentée en fonction de la température absolue sur un diagramme d’Arrhenius . L’extrapolation de la droite d’Arrhenius Ln(tF) = f (1/T) permet donc de déterminer la durée de vie pour la température d’utilisation du matériau [4], [5].
Cette méthode a tout de même des limites car elle suggère que les réactions de dégradation mises en jeu pendant l’oxydation à haute température sont les mêmes que celles à de plus faible température. Des études [6]–[10] ont montré que le changement des propriétés n’obéit pas à une seule loi d’Arrhenius dans le domaine de températures. En effet, chaque réaction élémentaire obéit à une loi d’Arrhenius différente et leur somme n’agit pas selon une loi d’Arrhenius unique. Langlois et al. [10] ont observé une discontinuité dans la droite d’Arrhenius entre 130 et 140 °C (dans le domaine de fusion) pour un XLPE stabilisé vieilli thermiquement.
Modélisation par une approche multi-échelle
Il s’agit d’une méthode de prédiction de la durée de vie non empirique qui repose sur la prise en compte de toutes les modifications qui ont lieu pendant le vieillissement du polymère à toutes les échelles (moléculaire, morphologique, macroscopique etc.). En effet, pour prédire l’effet du vieillissement sur les propriétés macroscopiques, il est primordial de modéliser le vieillissement en prenant en compte tous les actes élémentaires mis en jeu aux échelles inférieures. La méthode multi-échelle est fondé sur l’établissement de relations structure/propriété. Elle comporte les étapes suivantes :
– Identification du mécanisme d’oxydation à partir de réactions chimiques élémentaires.
– Résolution des équations différentielles.
– Détermination des différents paramètres du modèle cinétique.
– Prédiction de la durée de vie à partir d’un critère de vie structural.
Les différentes étapes de l’approche multi-échelle pour la prédiction de la durée de vie d’un polymère soumis à l’oxydation [11]. En effet, l’oxydation intervient tout d’abord à l’échelle moléculaire. La structure chimique subit des transformations sous l’action de facteurs environnementaux tels que la température, les radiations ionisantes, l’oxygène, les UV, etc. Différentes techniques spectroscopiques (IR, UV, RMN) [12]–[14] permettent d’identifier les mécanismes d’oxydation. Les actes de réticulation et/ou de coupures de chaines modifient la structure macromoléculaire [15] (masse moléculaire, densité de réticulation…), ce qui va induire des changements à l’échelle morphologique du polymère [16] (recuit, chimicristallisation, etc.). L’évolution des propriétés finales est directement liée à l’évolution de cette microstructure. Enfin, l’établissement de relations structure/propriété permet de modéliser le comportement des propriétés mécaniques et diélectriques du matériau et, en utilisant un critère de fin de vie, de prédire la durée de vie [17].
Le polyéthylène réticulé (XLPE)
Généralités
Le polyéthylène est un thermoplastique très utilisé comme matériau d’isolation. Ses propriétés thermiques, mécaniques et diélectriques et son faible coût font de lui un excellent candidat pour l’isolation de câbles électriques. Le polyéthylène réticulé (souvent noté XLPE) est un polyéthylène modifié chimiquement. La structure chimique du polyéthylène initialement constituée de chaines linéaires, est transformée en un réseau de chaînes interconnectées. Le polyéthylène réticulé est un matériau élastomère insoluble bien qu’il puisse être gonflé par divers solvants organiques. Il est doté d’une structure moléculaire réticulée qui présente des liaisons transversales qui lui confèrent diverses caractéristiques et améliorent certaines de ses propriétés [18], [19].
Les mécanismes de réticulation
La réticulation du polyéthylène est un procédé utilisé pour créer des liaisons covalentes entre les chaines du polyéthylène (PE), générant ainsi une structure macromoléculaire tridimensionnelle. Le processus de réticulation diffère suivant l’activateur utilisé pour la réticulation et l’état du polymère tout au long du processus de réticulation. Ainsi, il peut être physique ou chimique. Les méthodes les plus utilisées dans l’industrie du câble sont la réticulation par irradiations (i.e. par faisceaux d’électrons/photons), la réticulation aux peroxydes et la réticulation par voie silane.
Réticulation par irradiation
La réticulation par irradiation est la seule méthode physique utilisée dans l’industrie. Le principal avantage de cette technique est qu’aucun produit chimique supplémentaire n’est utilisé pour la réticulation. En effet, le PE est soumis à des sources de haute énergie telles que le rayonnement X et , des faisceaux d’électrons, etc. Ces derniers sont utilisés pour arracher un atome d’hydrogène créant ainsi un radical au sein de la chaine polymère.
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Table des matières
Introduction générale
1. Introduction
2. Applications
3. Méthodes de prédiction de la durée de vie
3.1. Modélisation par une approche empirique
3.2. Modélisation par une approche multi-échelle
4. Le polyéthylène réticulé (XLPE)
4.1. Généralités
4.2. Les mécanismes de réticulation
4.2.1. Réticulation par irradiation
4.2.2. Réticulation aux peroxydes
4.2.3. Réticulation par voie silane
4.3. Conséquences de la réticulation
4.3.1. A l’échelle moléculaire
4.3.2. A l’échelle macromoléculaire
4.3.3. A l’échelle morphologique
4.3.4. Propriétés du polyéthylène réticulé
5. Vieillissement du polyéthylène
5.1. Mécanismes d’oxydation
5.1.1. Amorçage radiochimique
5.1.2. Amorçage thermique
5.1.3. Propagation
5.1.4. Terminaison
5.2. Conséquences du vieillissement oxydant aux échelles supérieures
5.2.1. A l’échelle moléculaire
5.2.2. A l’échelle macromoléculaire
5.2.3. A l’échelle morphologique
5.2.4. A l’échelle macroscopique
6. Polyéthylène chargé d’ATH
6.1. Généralité sur les ATH
6.2. Impacts des ATH sur les propriétés du polymère
6.3. Vieillissement des polyoléfines chargés
6.3.1. A l’échelle moléculaire
6.3.2. A l’échelle macromoléculaire
6.3.3. A l’échelle macroscopique
7. Conclusion
Conclusion générale