Depuis la nuit des temps, les hommes ont tenté de mieux comprendre le monde qui les entourait. Les réactions chimiques les ont accompagnés depuis la découverte du feu, mais ce n’est qu’au siècle des Lumières que la chimie entre dans son ère moderne, avec notamment les découvertes de Lavoisier. Les progrès accomplis depuis lors ont été faramineux, et la chimie est de nos jours omniprésente au quotidien. Au-delà des avancées des synthèses et des analyses, les théories les plus récentes permettent désormais de calculer et d’étudier les propriétés des composés chimiques avec une précision remarquable. L’équation de Schrödinger proposée en 1926 [1], la méthode de calcul d’Hartree-Fock en 1930 [2,3] et la théorie de la fonctionnelle de la densité en 1964 [4,5] ont été autant de bonds en avant dans la compréhension des systèmes chimiques. L’avènement de la théorie conceptuelle de la fonctionnelle de la densité dans les années 1980 [6,7] a également permis d’établir des ponts entre la chimie quantique et des notions empiriques chères aux chimistes telles que l’électronégativité et la dureté.
Méthodes de calcul en chimie quantique
L’équation de Schrödinger
L’équation de Schrödinger dépendante du temps
En 1923, De Broglie énonce l’hypothèse de la dualité onde-corpuscule [1] : toutes les particules se comportent également comme des ondes.
Méthode Hartree-Fock
Les équations de Hartree-Fock et opérateurs associés
La méthode de Hartree-Fock (HF) [5,6] est une méthode de résolution approchée de l’équation de Schrödinger. Elle se place dans le cadre de l’approximation de Born-Oppenheimer. Plutôt que de considérer explicitement l’influence de tous les électrons les uns sur les autres, les électrons sont vus comme s’ils étaient en train de se déplacer dans un potentiel moyen engendré par les autres électrons. C’est l’approximation dite du champ moyen.
À cette fin, on cherche à exprimer la fonction d’onde polyélectronique du système à partir de fonctions d’onde monoélectroniques dites spinorbitales, qui sont chacune le produit d’une fonction spatiale (orbitale) et d’une fonction de spin. Les électrons peuvent en effet avoir uniquement deux valeurs de spin, +½ et –½. Par convention, les électrons de spin +½ sont notés α et les électrons de spin –½ sont notés β.
La méthode du champ auto-cohérent
La résolution des équations de Hartree-Fock repose sur la méthode dite du « champ auto-cohérent » [8] (ou SCF pour « self-consistent field ») : les opérateurs de Fock et les orbitales (qui sont les solutions des équations de Hartree-Fock) sont optimisés simultanément et se corrigent d’eux-mêmes, d’où le nom d’auto-cohérent. Il faut donc proposer des spinorbitales et des opérateurs d’essai au début de chaque calcul, puis optimiser itérativement les orbitales et les opérateurs jusqu’à ce que les orbitales correspondent au critère de convergence fixé au début du calcul.
Méthodes post-Hartree-Fock
La méthode Hartree-Fock permet d’obtenir une valeur approximative de l’énergie exacte. Elle fournit une base sur laquelle s’appuient diverses méthodes, dites post-Hartree-Fock. Celles-ci visent à améliorer la précision des résultats obtenus, notamment en prenant en compte la corrélation électronique, l’effet quantique absent de la méthode Hartree-Fock.
En effet, la méthode Hartree-Fock ne permet pas de trouver l’énergie exacte ??????? mais seulement une valeur plus élevée ???. La différence a été définie par Löwdin [11] comme étant l’énergie de corrélation électronique ?? :
?? = ??????? − ???
Il existe plusieurs types de corrélation, comme les corrélations statique, dynamique, à longue portée, à courte portée, etc. Les méthodes post-HF peuvent se focaliser sur un type de corrélation plutôt qu’un autre. On peut notamment citer la théorie perturbationnelle de Møller-Plesset [12] (notée MP) et la théorie du cluster couplé [13] (CC).
La première approche repose sur une perturbation de l’Hamiltonien du système ?̂0 du type ?̂ = ?̂0 + ??̂, avec ? un paramètre contrôlant la force de la perturbation. L’injection de cet Hamiltonien perturbé ?̂ dans l’équation de Schrödinger aboutit à une expression de l’énergie sous forme d’un polynôme infini en ? :
? = ?(0) + ??(1) + ?2?(2) + ⋯
Il est possible d’utiliser une base dite « minimale » où une fonction de base (STO, GTO ou CGTO) est utilisée pour décrire chaque orbitale, ou bien une base dite « étendue » où plusieurs fonctions de base sont utilisées pour décrire chaque orbitale. Ainsi, on parle de base « double zêta » si deux fonctions sont utilisées pour chaque orbitale, « triple zêta » avec trois fonctions, etc. On peut également séparer les électrons de cœur et de valence et utiliser des bases dites « à valence séparée » où chaque orbitale de cœur est décrite par une base minimale et chaque orbitale de valence est décrite par une base étendue.
Pour améliorer la précision des résultats, des fonctions supplémentaires peuvent être ajoutées ; on distingue notamment :
• Les fonctions diffuses, qui sont des fonctions à grande portée avec un faible ? permettant d’ajuster le comportement des orbitales à grande distance du noyau ; cela est important pour décrire les anions et les interactions intermoléculaires.
• Les fonctions de polarisation, qui sont des fonctions de nombre quantique azimutal supérieur : par exemple, pour des atomes d’hydrogène que l’on décrit avec des fonctions de base approximant l’orbitale atomique 1s, on pourrait ajouter des fonctions de base correspondant à des orbitales p ; pour des atomes de carbone, on pourrait ajouter des fonctions de base correspondant à des orbitales d, etc. Cela permet de décrire des effets de polarisation, notamment dans les liaisons chimiques.
Bien évidemment, plus on utilise de fonctions de base, plus les résultats seront (en principe) précis, mais plus les calculs prendront de temps. Il faudrait une infinité de fonctions de base pour décrire parfaitement les systèmes : c’est ce que l’on appelle la limite de l’ensemble complet de fonctions de base (« Complete Basis Set » ou CBS).
Les bases les plus couramment utilisées incluent les bases à valence séparée de Pople [16], qui sont notées X-YZ+G(T) :
• X est le nombre de primitives utilisées pour la CGTO décrivant chaque orbitale de cœur ;
• Y et Z correspondent au nombre de primitives utilisées pour les différentes CGTO décrivant chaque orbitale de valence. Le tiret indique la séparation de valence. Il peut y avoir plus de deux chiffres si la base est triple-zêta ou plus (exemple : 6-311G) ;
• Le + est optionnel et indique si la base est suppléée de fonctions diffuses : il peut y avoir un ou deux + correspondant respectivement à l’ajout de jeux de fonctions diffuses soit uniquement sur les atomes « lourds » (seconde période et suivants) ou sur tous les atomes ;
• La lettre G indique que les fonctions de base sont des gaussiennes (GTO ou CGTO) ;
• T est optionnel et indique si la base comporte des fonctions de polarisation, en ajoutant le nombre et le type de fonctions. Par exemple, 6-31G(2d,p) indique que deux fonctions de polarisation d sont ajoutées sur les atomes ayant des orbitales de valence p et qu’une fonction de polarisation p est ajoutée sur les atomes ayant des orbitales de valence s.
Les bases de Pople que nous avons le plus souvent utilisées sont 6-31+G(d) et 6 311++G(2d,2p).
Les bases de Dunning [17] sont également un choix très populaire : elles comportent des jeux de fonctions polarisées calibrées pour obtenir des résultats proches de la limite CBS pour des calculs postHartree-Fock. Elles ont la syntaxe générale d-aug-cc-pVXZ :
• La lettre d (optionnelle) indique si l’on utilise un ou deux jeux de fonctions de polarisation ;
• Le préfixe aug (optionnel) indique si la base est suppléée de fonctions diffuses ou non ;
• Les lettres cc-p indiquent qu’il s’agit d’une base polarisée à corrélation cohérente (« correlation-consistent polarised ») ;
• La lettre V indique la séparation de valence ;
• XZ indique combien de fonctions sont utilisées pour chaque orbitale de valence : DZ pour double zêta, TZ pour triple, etc.
De façon similaire, les bases d’Ahlrichs [18] ont pour syntaxe defn-XZVPD où n est un nombre optionnel qui correspond à la première ou à la seconde définition de ces bases et X indique si la base est double zêta, triple zêta, etc. Les lettres P et D indiquent si la base inclut des fonctions de polarisation et/ou diffuses.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 – Méthodes de calcul en chimie quantique
1.1 L’équation de Schrödinger
1.1.1 L’équation de Schrödinger dépendante du temps
1.1.2 L’équation de Schrödinger indépendante du temps
1.1.3 Du cas monoélectronique au cas polyélectronique
1.2 Méthode Hartree-Fock
1.2.1 Les équations de Hartree-Fock et opérateurs associés
1.2.2 La méthode du champ auto-cohérent
1.3 Méthodes post-Hartree-Fock
1.4 Fonctions de base
1.5 La théorie de la fonctionnelle de la densité
1.5.1 Le premier théorème de Hohenberg et Kohn
1.5.2 Le second théorème de Hohenberg et Kohn
1.5.3 L’approche de Kohn-Sham
1.5.4 Les fonctionnelles d’échange-corrélation
1.5.5 Les équations de Kohn-Sham
Chapitre 2 – Méthodes d’analyse en chimie quantique
2.1 Modélisation des surfaces d’énergie potentielle
2.2 Modélisation du solvant (implicite et explicite)
2.3 DFT conceptuelle
2.3.1 Fondements de la DFT conceptuelle
2.3.2 Descripteurs globaux
2.3.3 Descripteurs locaux
2.3.4 Principes de réactivité
2.4 Analyses de population
2.4.1 Analyses de population basées sur les orbitales moléculaires
2.4.2 Analyses de population basées sur le potentiel électrostatique
2.4.3 Analyses de population basées sur la densité électronique
2.5 Méthode REG
2.5.1 Objectif
2.5.2 Principe
2.5.3 Applications
Chapitre 3 – Étude de la torquosélectivité de l’ouverture thermique de cyclobutènes substitués
3.1 État de l’art
3.2 Ajouts de nouvelles procédures pour l’analyse REG-IQA et REGdiff
3.3 Implémentations pour l’analyse REG-NBO et REG-NBOdiff
3.4 Résultats
3.4.1 Systèmes et détails de calcul
3.4.2 Étude des profils d’énergie
3.4.3 Étude REG-NBOdiff de la différence des profils
3.4.4 Étude REG-IQAdiff de la différence des profils
Chapitre 4 – Étude théorique des additions d’aza-Michael
4.1 Introduction
4.2 Article
4.3 Conclusion
Chapitre 5 – Étude théorique des additions d’aza-Michael en solvant explicite
5.1 Introduction
5.2 Article
5.3 Conclusion
Conclusion générale